"Tout le monde savait."
Ils ont subi des violences physiques et parfois sexuelles dans leurs écoles. Ce jeudi, huit représentants de collectifs de victimes ont été auditionnés à l'Assemblée nationale par la commission d'enquête parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires, créée dans le sillage de l'affaire Bétharram.
Ils ont subi des violences physiques et parfois sexuelles dans leurs écoles. Ce jeudi, huit représentants de collectifs de victimes ont été auditionnés à l'Assemblée nationale par la commission d'enquête parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires, créée dans le sillage de l'affaire Bétharram.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00A Bétharame, c'était la terreur.
00:01Tout le monde savait dans le Béhan pour Bétharame
00:04et tout le monde savait pour Istaris dans le Pays basque.
00:06Et tout le monde allait se faire.
00:07Ce qui nous unit tous quand même,
00:08c'est le manque de courage de ceux qui ont vu et qui n'ont rien fait.
00:11Nous étions dans des mains à la fois de prêtres agresseurs.
00:15Je vous parle de choses qui vont d'un abus physique très violent,
00:19d'une maîtresse de CM1 extrêmement violente.
00:21Les gens parlent de sadisme.
00:23Un maître de CM2 qui caressait des petites filles
00:25sous leur jupe derrière son bureau a des viols.
00:28Les témoignages remontent, j'irais même reflux,
00:30comme dans des égouts longtemps bouchés.
00:33Il y a des milliers et des milliers de filles
00:36qui n'ont jamais rien dit et qui sont dans la nature
00:39et qu'on ne verra jamais.
00:42Parce qu'elles sont comme nous au départ,
00:45trop hontes, trop culpabilisées, trop humiliées.
00:49Ça vous démolit pour la vie entière.
00:51Les premiers violences physiques graves avec blessures que j'ai subies,
00:55c'était à l'âge de 9 ans
00:56et c'était dans une école primaire publique,
00:58Jean Jaurès à Anglette.
01:00Elles ont continué ensuite de la 6e à la 3e
01:02et au collège privé catholique d'Eustaritz,
01:05comme pour des dizaines d'autres victimes.
01:07À cette époque, tout le monde savait.
01:09Tout le monde savait dans le Béant pour Bétaram
01:11et tout le monde savait pour Eustaritz dans le Pays basque.
01:14Tout le monde savait au minimum qu'il y avait de la violence physique
01:17dans ces établissements et tout le monde allait se faire.
01:19Si on avait ordonné des enquêtes, on aurait certainement découvert
01:22qu'en plus des violences physiques, il y avait aussi des violences sexuelles.
01:25Le père Revé assumait le fait d'embrasser les enfants sur la bouche.
01:28Le père Revé assumait d'enfermer les enfants
01:31au pain sec à l'eau pendant 5 jours, nus,
01:33dans des douches, frappés à coups de ceinturon côté boucle.
01:37J'ai des anciens qui ont gardé des traces physiques de ça.
01:41Les enfants, quand ils essayaient de fuguer,
01:43on les rasait et on leur mettait une croix au mercurochrome rouge
01:46sur la tête pour que toute la ville sache qu'ils avaient essayé de fuguer.
01:52Donc, c'était comme une sorte de système carcéral et tout le monde le savait.
01:57Elles fugaient facilement, les filles.
01:58Moi, je n'ai pas voulu parce que je ne savais pas ce qui m'attendrait dehors.
02:01Les filles fugaient.
02:03Mais pendant toute la nuit, avec les chiens bergers allemands,
02:08on était conviés à passer dans tous les bosquets, dans tous les jardins
02:13pour savoir s'ils n'étaient pas montés en haut d'un arbre pour se cacher.
02:16En 97, le petit Pierre qui va fuir le viol d'un surveillant,
02:24il va s'enfuir pendant la nuit avec un copain.
02:29Ils vont faire 25 km à pied et ils vont se retrouver à la rue Carnot à Pau
02:34où la maman va ouvrir et le surveillant qu'il a agressé la veille
02:39vient le rechercher et la maman le laisse repartir.
02:42Il va revenir le vendredi soir à la maison
02:45et le samedi, elle va faire un courrier que j'ai en ma possession
02:50en indiquant au médecin que son fils est plein de douleurs anales aiguës.
02:56Le médecin ne fera pas d'examen clinique, il prescrira une simple pommade.
03:01Parfois, vous avez tous les éléments qui vous indiquent qu'il y a un gros souci
03:07et en fait, quand vous ne voulez pas voir, vous ne voyez pas.
03:09Ce n'est pas qu'elle n'aime pas son fils, elle l'adore son fils.
03:11Elle l'aime, elle me l'a dit en pleurant, mais quand on ne veut pas voir, on ne voit pas.
03:19On n'a pas l'impression d'attaquer une institution.
03:22On attaque des prédateurs.
03:23Il se trouve que dans ces prédateurs, il y a des prêtres.
03:27Ce n'est pas notre faute.
03:29Nous, on n'y est pour rien.
03:31Nous, on est les victimes.
03:33Ce sont les prêtres qui font du mal à l'Église.
03:36Ce n'est pas nous.
03:37Le prêtre qui m'a agressé, il a été exfiltré de Cendrillon à l'époque.
03:43Il s'est retrouvé curé à Biscarosse et après curé de Biscarosse,
03:47il s'est retrouvé directeur à Tartas.
03:49Chez nous, il y a eu des condamnations pour viol.
03:52Un surveillant qui a été condamné à 14 ans de prison.
03:54On a un témoignage d'un ancien qui, un jour, est allé chercher un petit
04:00qui apparemment avait été agressé sexuellement, qui était en pleurs, qui vomissait.
04:04Et donc, le camarade a ramené cet enfant et apparemment, l'autre surveillant,
04:11qui n'était pas le violeur, a trouvé ça logique et il fallait étouffer l'affaire.
04:17C'était normal, ça faisait partie du jeu.
04:19Nous, on s'est fait massacrer pendant 30 ans.
04:2230 ans.
04:23Et beaucoup ne sont pas là pour témoigner parce que...
04:27dépendance à l'alcool, à la drogue, du fait aussi de cette ultra-violence.
04:31Après, c'est des parcours particuliers,
04:32c'est des milieux sociaux parfois compliqués.
04:35Moi, j'avais la chance d'avoir une mère qui m'aimait
04:37et qui m'a donné le peu de confiance que j'ai en moi.
04:39J'avais au moins ça en rentrant à la maison.
04:41Mais d'autres n'avaient pas ça.
04:43Donc, dépendance à l'alcool, mort prématurée de maladie et suicide aussi.
04:48On a eu des suicides.
04:49Voilà, on nous a cassés.
04:51Et c'était un système qui reposait effectivement sur un homme
04:54mais qui a été couvert par le diocèse.
04:56Je n'arrive pas à concevoir que ça puisse être autrement,
04:59ça n'aurait pas duré 30 ans.
05:01Ce qui nous unit tous quand même,
05:02c'est le manque de courage de ceux qui ont vu et qui n'ont rien fait.
05:05Il y a eu un manque de courage des adultes.
05:08Alors, il y avait les bourreaux, mais j'en veux presque plus
05:10à ceux qui étaient là, qui avaient des responsabilités et qui ont vu.
05:13Il y a eu des gens qui n'avaient absolument aucun courage.
05:15Quand une maîtresse de CM1, on nous dit qu'elle était élue du comité d'entreprise,
05:19tout le monde avait peur d'elle, même les adultes.
05:22Donc, deux directeurs successifs l'ont couverte alors que ça disait ses élèves.
05:27Comment est-ce qu'aujourd'hui, moi j'ai 42 ans aujourd'hui,
05:28si j'entendais parler de quelqu'un qui fait comme ça,
05:30je n'aurais pas peur d'aller voir la police.
05:32Alors, je ne sais pas pourquoi, c'était une génération,
05:34tout le monde avait peur de tout le monde.
05:35Mais il faut que ça cesse.
05:36Ça n'était pas normal, même à cette époque-là.
05:38Là, on parle d'il y a 30, 40 ans.
05:41Mais aujourd'hui, on a encore des choses à faire
05:44parce qu'il y a un trou dans la raquette.
05:46Les dispositifs d'alerte, ils ne marchent pas.
05:49La preuve, on en est à créer des pauvres pages Facebook.
05:53Terminé l'OMERTA, quoi.
05:54Enfin, on est en 2025.
05:57Vraiment, c'est un cri du cœur.
05:58Nous, c'était un peu culturel, dans les beaux quartiers,
06:01on met un mouchoir sur tout, ne faisons pas de bruit,
06:02pas de vagues, pour la réputation des familles, des écoles, etc.
06:06Mais voilà, mais nous, on va faire du bruit maintenant.
06:09Moi, j'ai 78 ans.
06:11J'aurais certainement autre chose à faire avec mes petits-enfants.
06:14Mais ça, j'irai jusqu'au bout.
06:15Et elles, elles le savent, on leur a dit.
06:18Tant qu'on aura un souffle de vie, on sera là.
06:21On sera là et on vous poursuivra
06:23jusqu'à tant que vous nous donniez des excuses sincères.