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00:00Ce matin on a fait un gros gros boulot de programmation puisqu'on a invité un gars qui bosse, j'ai mesuré à 2,50 mètres de mon bureau.
00:09Bonjour Nicolas Caron !
00:11Bonjour Thomas !
00:12Enchanté, ravi de vous rencontrer !
00:14On est heureux de vous recevoir !
00:16C'est vrai que ça fait un peu bizarre de vous voir de ce côté-là.
00:19Vous n'êtes pas facile à voir.
00:20J'ai fait du basket moi.
00:21Ah vous avez fait du basket ?
00:22J'ai grandi à côté de Cholet Basket.
00:26Ah bah bien sûr, Cholet Grand Club.
00:28Bien sûr, c'est le coin du basket, Cholet.
00:30Et alors c'est pas...
00:31Non mais c'est pas...
00:32Si, si, vas-y, c'est pas un enjeu, je connais très bien.
00:34Ça ne vous dit rien, Cholet, évidemment.
00:36Mais c'est pas le chroniqueur, attention, qu'on reçoit ce matin, Nicolas Caron.
00:41C'est bien le romancier, puisque trois ans après Un Homme Sans Histoire, vous publiez votre deuxième roman.
00:47Ça s'appelle L'Affaire Alfred Langevin.
00:50C'est aux éditions La Tess.
00:52Alors déjà ce nom, Langevin, ce n'est pas choisi au hasard, puisque le roman se déroule dans notre patrie commune.
00:58L'Anjou.
00:59Il y a d'ailleurs plein de petits clins d'oeil dans les noms, dans les lieux que vous avez choisis pour ce roman, Nicolas.
01:04Exactement.
01:05Moi, j'ai une passion pour les patronymes.
01:07Quand j'écris, je passe mon temps à faire des jeunes mots invisibles.
01:10Sinon, ils seraient vraiment très très lourds.
01:12Il n'y a que moi qui sais l'origine du jeu de mots en général, en mixant des noms de copains, de lieux, etc.
01:18Et pour Alfred Langevin, mon héros, la dernière fois, c'était Henri Rey.
01:23Ça se passait au même endroit.
01:25Et Henri Rey, je voulais un nom qui rappelle rien de particulier, puis qui accroche même.
01:30Henri Rey, vous voyez.
01:32Et Alfred Langevin, je voulais un nom un tout petit peu plus romanesque, justement,
01:37mais sans que ce soit quelqu'un de connu, ou qu'on puisse le reconnaître, ou qu'il ait existé.
01:42Henri Rey, je l'avais googlisé avant.
01:44Alfred Langevin, non.
01:45Et donc, c'est l'histoire d'un journaliste qui s'ennuie et qui crédite des faits divers pour pouvoir les raconter.
01:50Et j'ai dû créer des faits divers un peu extraordinaires.
01:53J'ai mis du temps à essayer de les imaginer.
01:55Et à la fin, quand j'avais fini d'écrire mon livre, et qu'il était déjà à l'imprimerie,
02:00ma sœur m'envoie un message en me disant « Est-ce que tu as googlisé le nom d'Alfred Langevin ? »
02:04Je lui dis « Non, donc je regarde. »
02:06Et Alfred Langevin a existé.
02:08Dans les années 60, il était connu pour fumer des cigarettes par ses yeux.
02:13Donc, même dit comme ça, il avait un porte-cigarette, il le mettait par l'œil.
02:18Je ne sais pas comment, il y a des vidéos.
02:20Et il fumait par l'œil, c'était une sorte de freaks.
02:24Incroyable.
02:25Et c'est tout aussi bizarre que les choses qui se passent dans le livre.
02:28Mais non, c'est beaucoup plus bizarre.
02:30Si je l'avais mis dans le roman, mon éditrice m'aurait dit « Non, c'est too much, ça n'existe pas. »
02:33Attention, Samy va peut-être vous demander des droits sur votre bouquin avec cette histoire.
02:37Alors, on explique un peu Alfred Langevin.
02:39Il est journaliste pour le quotidien du matin de Belle-Pras.
02:42Un nom qui ressemble aussi pas mal à la commune où vous avez grandi, Nicolas Caron.
02:47Bopro.
02:48On dit Bopro quand on est de Bopro, on dit Bopréo quand on n'est pas de Bopro.
02:52Depuis quelques temps, il se passe plein de phénomènes incroyables autour de Belle-Pras.
02:56Il y a par exemple des poissons-ballons ou des chiens-moutons.
03:00Mais ce n'est pas un roman fantastique, je le dis tout de suite.
03:03Ce sont des événements qui sont presque plausibles.
03:06Vous avez fait des recherches.
03:07Exactement.
03:08Moi, j'aime bien l'idée du réalisme magique à la Garcia Marquez ou alors de la poésie de Boris Vian.
03:14Vous savez, il y a un tout petit décalage de la réalité.
03:16Un rêve qui grossit, qui grossit.
03:18Puis ensuite, on revient à la réalité.
03:20Moi, je suis en dessous de ça.
03:21Je veux être à la limite.
03:23Je veux que ce soit presque possible.
03:25Et les poissons-ballons, c'est que la rivière a été empoisonnée.
03:28Et il y a eu une réaction chimique dans l'eau qui fait que les poissons se sont remplis d'hydrogène.
03:34Et ont commencé à grossir comme ça et à devenir des ballons.
03:37Et ils volent au-dessus de la rivière.
03:38Ça fait une image assez jolie.
03:40J'ai une amie qui est chimiste.
03:42Et je lui ai dit, est-ce que c'est possible ?
03:44Techniquement, est-ce qu'il y aurait un moyen de peut-être éventuellement se dire que c'est faisable ?
03:49Elle m'a dit absolument pas.
03:51Mais elle m'a dit, tu as mis de l'hélium.
03:55En tout cas, ça ne peut pas être de l'hélium.
03:57Éventuellement, de l'hydrogène.
03:59Vraiment, pour aller chercher un truc, un composé chimique qui réagirait.
04:03Éventuellement, peut-être, c'est quasiment sûr que non.
04:06Mais en tout cas, pas de l'hélium, de l'hydrogène.
04:08Et donc, j'ai mis de l'hydrogène.
04:09Et on voit bien que ce n'est pas possible.
04:11Mais que c'est presque possible.
04:12C'est le cran juste au-dessus de la réalité.
04:14Et puis, c'est un prétexte.
04:16Parce que derrière, tous ces événements,
04:18ils font décoller les ventes du journal local,
04:20le matin de Belle-Pras.
04:22Donc, le patron, évidemment, il est ravi.
04:24Mais il y a quand même une chose qui l'étonne beaucoup.
04:26C'est qu'à chaque fois, le premier sur place,
04:28c'est son jeune journaliste, Alfred Langevin.
04:31Il est toujours là avant les autres.
04:32Et ça, il trouve ça bizarre.
04:33Il trouve ça bizarre.
04:35Au point qu'Alfred Langevin a disparu.
04:37C'est Adhemar, le directeur de la rédaction,
04:39qui raconte ce qui s'est passé dans un livre.
04:41Et pour un peu laver l'honneur du matin de Belle-Pras,
04:44qui est son bijou.
04:46Qui est son enfant, presque.
04:48C'est un directeur de rédaction un peu paternaliste.
04:50Un peu pathétique, aussi.
04:52Et qui, en fait, essaye de se prendre un peu plus...
04:55Il se prend un peu pour un autre, si vous voulez.
04:58Parce qu'il est au matin de Belle-Pras.
04:59Et il ne se passe jamais rien dans sa ville, habituellement.
05:01C'est pour ça que j'ai choisi cette ville.
05:03C'est Belle-Pras, où il ne se passe rien.
05:05Et c'est super comme ça, d'ailleurs.
05:07C'est aussi un livre sur l'ennui.
05:08Ça aurait pu s'appeler Un village tranquille, absolument.
05:10Et comme le précédent, et je m'en suis aperçu en écrivant celui-là,
05:13je tourne toujours autour du même sujet.
05:15C'est l'ennui et à quoi mène l'ennui.
05:18L'ennui porte conseil, dit Gilbert Cédron,
05:21qui était un écrivain.
05:23Et j'aime beaucoup cette idée de
05:25qu'est-ce qu'on peut faire de l'ennui.
05:27Il y a l'ennui, évidemment, créateur.
05:29Vous savez, le gamin qui s'ennuie,
05:30puis qui finit par s'inventer des histoires.
05:32Et qui, résultat, peut devenir romancier, éventuellement.
05:35Et puis, il y a l'ennui aussi qui mène à la bêtise.
05:38C'est-à-dire, vous savez,
05:40c'est l'oisiveté émère de tous les vices.
05:42C'est une vieille formule.
05:44Et moi, je me rappelle en CM2,
05:45mon professeur, M. Reveaux,
05:47que j'ai mis dans le roman,
05:48a marqué ça au tableau.
05:50Parce qu'il y a deux gamins de ma classe
05:52qui avaient fumé des cigarettes
05:54ou des trucs comme ça dans la cour de récré.
05:57Et donc, il avait marqué au tableau
05:59l'oisiveté émère de tous les vices.
06:01Il était un peu à l'ancienne.
06:02Très gentil, mais un peu à l'ancienne.
06:04Avec une sentence comme ça, un peu lourde.
06:07Mais assez vrai, en fait.
06:09Et peu importe, c'est pas grave.
06:11Mais l'ennui est créateur de quelque chose.
06:13Et ce qui est fort, c'est qu'on ne s'ennuie pas
06:15une seconde en lisant ce livre
06:17qui parle aussi de l'ennui.
06:19L'Affaire Alfred Langevin.
06:21C'est le nouveau livre de Nicolas Caro,
06:23aux éditions La Thèse.
06:25On va se retrouver dans un instant
06:27pour la suite de Culture Média,
06:28avec Nicolas Caro, bien sûr,
06:30mais aussi avec Sacha Nocovitch.
06:32Une star du tennis, mais pas n'importe laquelle.