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00:00« Les banlieues, un terme fourre-tout, médiatique, sociologique, un brin abstrait des territoires
00:10avec leurs qualités, leurs défauts, peuplés d'artistes et de sportifs de haut niveau.
00:13Comme disait l'autre, on y trouve des travailleurs, des familles, des délinquants, de la violence,
00:17des services publics en perte de vitesse ou qui au contraire créent encore du lien fragile
00:21mais aussi de l'amour, des personnages emblématiques et de l'espoir.
00:24On va parler de tout ça avec nos invités et leurs livres, une enquête journalistique
00:28et une fiction jusqu'à 14h dans tout public.
00:31Bonjour Luc Brenner.
00:32Bonjour.
00:33Bienvenue sur France Info, grand reporteur au quotidien Le Monde.
00:35Vous publiez un nouvel ouvrage qui s'appelle Le Miroir, sous-titré Retour dans les banlieues
00:39françaises.
00:40Vous y racontez ce que vous avez constaté, découvert, retenu de vos reportages en 2023
00:45et ensuite 18 ans après les violences urbaines de 2005.
00:48Plusieurs quartiers à travers la France se sont à nouveau embrasés consécutivement
00:51à la mort du jeune Naël Merzouca Nanterre, tué par un policier.
00:55Tu as utilisé en introduction une phrase simple mais très explicite, vous dites que
00:59vous avez voulu comprendre.
01:01Oui, parce que j'ai eu la chance de travailler en banlieue il y a une quinzaine d'années,
01:07en y passant six années consécutives pour Le Monde et l'actualité m'a ramené en banlieue
01:12et dans une des nuits d'émeute à Nanterre, sous un abribus, quand les violences explosaient
01:18de partout, je me suis dit qu'il fallait que je me replonge et d'emblée j'ai été
01:23assez sidéré par le niveau de violences et à Nanterre puis ailleurs, puisque dans
01:29les jours qui ont suivi, ces émeutes se sont propagées dans un grand nombre de villes
01:34et assez vite par ce constat assez désarmant et inquiet sur le fait que la politique sécuritaire
01:40qui est aussi souvent mise en avant avait visiblement échoué.
01:42J'en reviens à votre titre, Le Miroir, je n'ai pas le livre en main mais il a une très
01:47belle couverture, je voulais vous le dire et on la conseille évidemment à nos auditeurs.
01:50Les banlieues pour vous sont un concentré de la société française, ce qui la traverse,
01:54ce qui la fracture et parfois la réunit pour justement faire société, comme on dit ?
01:59C'est un résumé, c'est aussi l'avenir de la société française, les banlieues
02:03rassemblent, quand on parle des quartiers dits de la politique de la ville par exemple,
02:07qu'on appelle parfois quartiers sensibles aussi en écho avec une dénomination ancienne,
02:11c'est plus de 5 millions d'habitants donc c'est un bout de la France qui est effectivement
02:15très important, démographiquement c'est un bout de l'avenir de la société française
02:19puisque c'est une sociologie beaucoup plus jeune que dans le reste du territoire.
02:22Et moi j'ai assez vite trouvé qu'en regardant les banlieues, en les regardant avec deux
02:28arrêts sur images, le premier quand j'avais écrit ce livre il y a plus d'une quinzaine
02:32d'années et aujourd'hui, en fait je finissais par me rendre compte que c'est la France
02:38qui a beaucoup plus changé que les quartiers dans cette période.
02:40Donc à chaque fois au départ il y a un point commun, la mort de Zined et de Bouna en 2005,
02:44la mort de Nahel en 2023, vous le dites, des émeutiers plus jeunes, plus déterminés,
02:49plus violents, ça vous revient à la fois via l'ampleur des dégâts, leurs coûts
02:53et aussi ce que vous transmettent vos interlocuteurs et vous expliquez aussi que parfois la mort
02:56de Nahel qui a pu être une vraie source de motivation au départ, n'a plus parfois
03:00dans les jours suivants n'être qu'un prétexte.
03:02C'est souvent le cas sur des phases de violences, que ce soit d'ailleurs en banlieue
03:07ou dans d'autres secteurs, les gilets jaunes par exemple, on a connu des choses similaires,
03:12les mouvements agricoles sont parfois des mouvements qui peuvent être très durs.
03:14C'est vrai que là pour moi il y a un point de bascule au moment où, trois jours après
03:18la mort de ce jeune homme dans ces conditions tragiques, on bascule sur des pillages en
03:24nombre important sur un grand nombre de communes en France et c'est vrai que le pillage évidemment
03:31c'est plus compliqué d'y voir une dimension politique, là où l'émeute peut être une
03:35façon d'exprimer une forme de colère, d'inquiétude.
03:39C'est à ce moment là pour moi un point de bascule important.
03:42Avec des réseaux sociaux qui peuvent agir à la fois comme étincelle et catalyseur,
03:46c'est-à-dire que ça en 2005 c'était beaucoup moins le cas par définition ?
03:49Oui, ça ne nous rajeunit pas, en 2005 existaient déjà des réseaux sociaux mais c'était
03:53très parcellaire, à l'époque on s'inquiétait des skyblogs, je ne sais pas si vous avez
03:57en mémoire ces blogs qui étaient portés et donc l'inquiétude elle était grande
04:03mais en comparaison de ce que peuvent être les réseaux sociaux aujourd'hui, de leur
04:07viralité, de leur puissance, dans toutes les directions, en ce qui concerne les émeutes
04:12mais en ce qui concerne la circulation de théories racistes et complotistes comme le
04:16grand emplacement par exemple, donc cet effet-là des réseaux sociaux, il raconte que la France
04:20a changé.
04:21Luc Brunet, vous mélangez des récits propres, beaucoup de témoignages, aussi pas mal de
04:25chiffres sur les moyens mis en œuvre par l'État notamment, c'est important de bien
04:29documenter tout cela pour savoir de quoi on parle, que ce ne soit pas qu'un récit,
04:32que ce soit étayé ?
04:34J'aime bien mélanger les formats, c'est vrai que ça ne rentre pas vraiment dans les
04:38cases journalistiques habituelles où on aime bien avoir ce qu'on appelle des angles dans
04:42notre jargon ou des formats, moi je considère que c'est parfois des façons de faire qui
04:47ne correspondent pas aux besoins de l'enquête et donc j'aime bien avoir à la fois du reportage,
04:54du témoignage, de l'analyse, de la data, quand c'est possible.
04:57Vous donnez la parole à des élus, des associatifs, des émeutiers parfois, même si la plupart
05:03du temps vous n'êtes pas forcément le bienvenu et vous le racontez, des policiers, des jeunes
05:07victimes de violences policières, là aussi c'était indispensable de procéder de cette
05:11façon-là, de partager cette parole, de partager ce ressenti, pardon de l'expression un peu
05:15galvaudée, mais ne pas donner l'impression de choisir un camp ?
05:18Je pense que c'est notre travail de journaliste de ne pas choisir et de donner la parole au
05:23maximum.
05:24J'aime bien l'image d'un objet qu'on éclaire avec différents projecteurs, différentes
05:28lumières et un fait d'actualité, on pourrait ne l'éclairer qu'avec une seule lumière
05:33et du coup ne voir qu'une seule partie, mais la zone d'ombre est importante quand on essaye
05:38d'avoir des points de vue différents.
05:40Je ne dis pas qu'on arrive à une forme de vérité, elle n'existe pas, mais en tout
05:43cas on peut essayer d'apporter un peu de complexité.
05:4618 ans après 2005, est-ce que ce que vous avez pu constater pour écrire ce livre, est-ce
05:50que ce que vous avez constaté vous a surpris ? Est-ce que ce constat vous a inquiété ?
05:54Oui, parce que d'une part je vois une forme d'accoutumance à la violence collective des
05:59gilets jaunes jusqu'à cet épisode de violence urbaine et d'autre part je suis inquiet en
06:05voyant combien la France a changé.
06:06En 2005, lorsque les émeutes interviennent, la théorie du grand remplacement n'a pas eu,
06:11encore une fois qui est une théorie raciste et complotiste, n'a pas cet impact dans la
06:14société française.
06:15Les réseaux sociaux n'ont pas cette capacité à pourrir les débats, pour dire les choses
06:20avec des mots simples mais qui me paraissent les plus justes aujourd'hui.
06:24Et on n'est pas dans cette forme de radicalisation politique, notamment autour de la sécurité
06:29et de l'immigration.
06:30Donc le débat entre 2005 et 2023-2025, les banlieues continuent de connaître des moments
06:36très compliqués.
06:37Ce que je trouve plus inquiétant c'est que la France a changé, la France s'est radicalisée,
06:41pour prendre un mot qui peut faire polémique, au sens où une vision de droite et d'extrême-droite
06:46aujourd'hui l'emporte sur toutes ces questions.
06:48On sent quand même de l'empathie de votre part auprès des gens à qui vous donnez la
06:52parole.
06:53Est-ce qu'il y aurait pas mal de fantasmes ou fake news sur les banlieues ? Vous questionnez
06:56les effets pas vraiment concluants du tout répressifs, l'échec permanent de la lutte
07:00contre les trafics.
07:01Ou encore sur une présence supposément majoritaire de jeunes d'origine étrangère parmi ces
07:05émeutiers de l'été 2023.
07:06Tout ça encore une fois, vous essayez de le contester.
07:08Parce que j'ai le sentiment que dans le débat public, on a tendance à s'arrêter sur les
07:16facteurs qui ne sont pas les bons, qui sont ceux que les politiques veulent mettre en
07:19avant.
07:20Les prénoms ou les origines des émeutiers présumés, qui est une tentation que l'extrême-droite
07:26porte aujourd'hui.
07:27Ce qui moi me frappe et me touche, d'un point de vue personnel aussi, sur le portrait robot
07:33de cette jeunesse-là, c'est que d'abord, elle est très peu diplômée.
07:36Le premier facteur clé, c'est le manque de diplômes et des scolarités qui sont souvent
07:43arrêtés trop tôt.
07:44Ça n'a rien à voir avec la répression.
07:45Et le deuxième aspect qui est encore plus important et qui est moins visible dans la
07:49société française aujourd'hui, c'est que 96% des condamnés pendant les émeutes sont
07:54des garçons.
07:5596%.
07:56C'est-à-dire que le fait dominant des violences en banlieue, en ce qui concerne les violences
07:59sexuelles, en ce qui concerne les violences dans toute la France, ce sont les hommes,
08:04tout simplement.
08:05Et s'il y a bien un sujet sur lequel il n'y a aucune politique publique pour essayer de
08:08faire baisser la délinquance et la violence, c'est la masculinité.
08:11Tant que les hommes politiques, les hommes et les femmes politiques, pour rester neutres
08:15là-dessus, ne s'en emparent pas, on ne réglera rien.
08:17Luc Bruner, votre livre a été écrit et sort à une période qui n'est pas anodine politiquement
08:21parlant.
08:22La progression des scores du Rassemblement National, des législatives anticipées l'été
08:26dernier, un pouvoir politique chahuté, déconsidérée, une présidentielle de 2027 qui se rapproche
08:31et puis une actualité politique pas toujours rassurante de l'autre côté de l'Atlantique
08:35et des thématiques qu'on peut parfois importer, hélas, dans le débat français.
08:40Vous mettez en garde aussi sur comment les banlieues peuvent être, ou sont déjà récupérées
08:44à des fins politiques justement.
08:46C'est une crainte pour l'avenir.
08:49On voit que les banlieues, dans leur dysfonctionnement, les banlieues quand elles fonctionnent bien
08:54ne sont pas récupérées.
08:55L'intégration est une machine qui fonctionne silencieusement, mais quand elle dysfonctionne,
08:59c'est récupéré notamment par une partie d'une droite devenue extrême et d'une extrême
09:04droite ancienne avec cette tentation qu'on peut voir dans d'autres pays qui s'attaquaient
09:11d'abord aux droits des minorités, d'abord aux droits des étrangers, aux droits de tous
09:15ceux qui ont moins de pouvoir.
09:16Et donc, en arrière-plan de tout ça, j'y vois les prémices de ce qu'on peut voir
09:21aujourd'hui en Israël, aux États-Unis, au Brésil, certains pays d'Europe de l'Est
09:26qui est une attaque contre l'État de droit.
09:27Vous faites aussi intervenir des élus, je vous le disais, vous constatez globalement
09:31que ces banlieues françaises restent, quelle que soit l'entrée qu'on puisse prendre,
09:35un échec du pouvoir politique, ou plus précisément des politiques de la ville depuis les années
09:3970, alors que pourtant sur le papier, et vous le rappelez, beaucoup d'argent a pu être
09:43alloué à ces territoires.
09:44Il y a un débat d'ailleurs autour de la phrase « l'État ne fait rien ». Il ne
09:47fait pas rien, mais il le fait sans doute mal.
09:49L'État fait, en banlieue, et heureusement, simplement, les services publics sont fragiles,
09:56plus fragiles en banlieue que dans le reste du territoire.
09:58Il y a une sorte de fiction politique qui a été mise en place ces dernières années
10:02consistant à dire qu'on mettrait trop d'argent en banlieue par rapport au reste du territoire
10:06quand on regarde la réalité des chiffres, c'est pas vrai.
10:08Et d'autre part, quand on regarde certains groupes sociaux, quand on regarde l'Enfance
10:13en danger par exemple, qui est une préoccupation qui est en train de remonter en ce moment,
10:17ce qui me frappe aussi, c'est quand des services publics ne vont pas bien, quand l'aide sociale
10:22à l'enfance ne va pas bien, quand la pédopsychiatrie ne va pas bien, quand la protection judiciaire
10:26de la jeunesse ne va pas bien, quand l'école ne va pas bien, on voit que des services publics
10:29qui jusqu'à présent se tenaient les uns les autres, aujourd'hui on est plus dans
10:33un effet domino, et en fait ces services publics qui vont mal s'entraînent les uns les autres.
10:38Et c'est encore plus prégnant, encore plus désastreux dans des quartiers plus populaires,
10:43où il y a plus de misère tout simplement.
10:44Alors ça fait plusieurs minutes qu'on dresse un constat pas forcément réjouissant, assez
10:49sombre pour ne pas dire amène, amer.
10:51Pour terminer sur une note plus agréable, vous commencez, et vous terminez d'ailleurs
10:55ce livre, ce ne sont pas les mêmes exemples, mais vous racontez le quotidien d'éducateurs
10:59associatifs, notamment l'exemple d'un foyer de jeunes travailleurs à Châlons-sur-Saône,
11:04donc vous mettez en avant des gens, souvent bénévoles, qui ne comptent pas leurs heures,
11:08qui sont là pour les autres, des institutions grâce à qui tout tient encore, et d'ailleurs
11:13ça nous ramène aussi au deuxième ouvrage qu'on va évoquer, mais des gens grâce à
11:16qui tout tient encore, tout n'a pas encore basculé, mais bon, jusqu'à quand ?
11:20J'ai rencontré évidemment plein de gens formidables, c'est une banalité de dire
11:23ça, parce que c'est vrai dans beaucoup de territoires, mais il faut peut-être le dire
11:27avec un peu plus de force en ce qui concerne les quartiers, dans ce foyer de jeunes travailleurs
11:31à Châlons, c'est vrai que c'est l'expression que j'utilisais tout à l'heure, d'une machine
11:35à intégrer qui fonctionne bien, et quand l'intégration fonctionne bien, elle est discrète
11:39et silencieuse, et j'ai vu, j'ai entendu des gens extrêmement mobilisés, et ça m'a
11:45renvoyé à cette bataille culturelle dans laquelle on est aujourd'hui impliqué, où
11:51la simple expression d'éducation populaire ou de vivre ensemble sont moqués aujourd'hui,
11:58alors même que ce sont des principes, des modes d'action qui ont une très grande efficacité
12:03depuis très longtemps, simplement, la politique telle qu'elle est aujourd'hui, on va vous
12:07renvoyer une forme d'angélisme, parce que vous défendrez une valeur comme le vivre
12:12ensemble, alors que le vivre ensemble, c'est pour moi un synonyme de la démocratie.
12:15En face de vous, il y a Rachid Laïrech, qui est coordinateur, comment est-ce qu'on peut
12:21dire ? Que vous voulez.
12:22De l'ouvrage, on va dire les deux, je vais dire les deux pendant l'interview, comme ça
12:25on sera bien.
12:26L'ouvrage dont nous allons parler ensuite, le retour du roi de Gibril, les contes de
12:29la cité, je vous voyais écouter attentivement ce que disait Luc Bronner, une réaction peut-être
12:33avant qu'on aille dans le détail évidemment de cet ouvrage.
12:36Bonjour.
12:37Bonjour.
12:38Moi aussi j'ai un peu suivi les dernières révoltes à Nanterre après la mort de Nahel,
12:44et ce qui est vrai c'est que tout devient plus violent et plus dur en banlieue, mais
12:48comme partout en fait.
12:49Il y a une sorte de montée de la violence dans tous les domaines, qui fait que la banlieue
12:53n'est pas, comment dire, n'est pas à part du pays, elle est dans le pays, et quand ça
12:58monte partout, elle monte aussi, et elle part déjà d'une violence, déjà en 2005, c'était
13:03déjà assez violent, il n'y avait pas beaucoup de pillages comme cette fois-ci, mais c'était
13:08déjà très dur.
13:09Et là la différence, c'est qu'il y a aussi beaucoup d'enfants qui grandissent seulement
13:14avec leur mère, monoparentale, qui est de plus en plus, qu'à l'époque il y avait beaucoup
13:16moins en 2005, c'était plus des familles composées avec un père et une mère.
13:20Et là on voit plus qu'il y a la pauvreté, il y a la violence, il y a aussi des mères
13:23abandonnées dans les quartiers, qui font qu'elles élèvent seuls leurs gamins, et souvent quand
13:28ça chauffe dehors, on les retrouve dehors, et c'est compliqué à les récupérer.
13:31Rachid Laïrech et Maïrem Guisset sont avec nous pour évoquer cet ouvrage, merci beaucoup
13:34Luc Bronner, et puisque vous disiez que les banlieues ne sont pas vraiment différentes
13:38du reste du territoire, ça renvoie au « Miroir », le titre de votre ouvrage, Luc Bronner,
13:42« Le miroir, retour dans les banlieues françaises », publié aux éditions du Seuil.
13:45Merci beaucoup.
13:46Merci à tous et à tout de suite.
13:47Et on découvre ses contes de la cité après le Fil-Info de 13h46, l'essentiel armant
13:51perologa.
13:52Les bourses dévissent un peu partout dans le monde à cause de l'inflexibilité de
13:57Donald Trump sur les droits de douane qu'il compte appliquer à partir de mercredi.
14:00A Paris, le CAC 40 a perdu jusqu'à 6% ce matin, pour l'instant, il est autour de
14:05moins 5%.
14:06A Hong Kong, la chute dépasse les 13% à la clôture, moins 8% aussi à Tokyo.
14:11La Russie ne semble pas prête à une trêve avec l'Ukraine, le Kremlin affirme que toute
14:16une série de questions reste à résoudre pour conclure un accord de cesser le feu.
14:19Moscou poursuit ses attaques quotidiennes sur le sol ukrainien.
14:23Israël a de nouveau frappé le sud du Liban ce matin, faisant un mort.
14:27Emmanuel Macron, lui, est en Égypte pour parler de la situation à Gaza et apporter
14:30son soutien au plan arabe pour l'enclave palestinienne.
14:32Le président français dit s'opposer fermement aux déplacements de population à Gaza, mais
14:37il rejette aussi tout rôle futur du Hamas dans le territoire palestinien.
14:41Eux étaient fascinés par l'attentat du Bataclan.
14:44Trois jeunes de 19 à 24 ans ont été mis en examen et incarcérés pour deux d'entre
14:48eux.
14:49Ils prévoyaient des attaques kamikazes avec une ceinture explosive.
14:52Ils ont été interpellés dans la région de Dunkerque la semaine dernière.
14:56A un an des municipales, l'Assemblée nationale se penche cet après-midi sur la réforme
15:00du scrutin.
15:01A Paris, Lyon et Marseille, le texte prévoit d'instaurer dès 2026 deux scrutins distincts.
15:06L'un pour élire les conseillers d'arrondissement, l'autre pour élire ceux du conseil municipal.
15:10Et puis des centres de santé dans le viseur de la sécu.
15:13Sept établissements ont été déconventionnés par l'assurance maladie pour des pratiques
15:17frauduleuses.
15:18Il s'agit de centres d'ophtalmologie.
15:20L'enquête a révélé des facturations d'actes non réalisés, préjudice global, plus de
15:246 millions et demi d'euros selon la sécu.
15:35On parlait d'espoir, de lumière, d'entraide dans tout public.
15:38Mais on peut aussi parler d'amour en banlieue et à propos des banlieues.
15:41De belles histoires d'amitié aussi.
15:43C'est en partie l'idée derrière ce beau projet.
15:45Un ouvrage collectif, le retour du roi Djibril, les contes de la cité, publié aux
15:49éditions de l'Iconoclast.
15:50On en parle avec nos deux invités, dont l'un qu'on a déjà entendu, Rachid Laïrech et
15:54Maïram Guisset.
15:55Bonjour à tous les deux.
15:56Bonjour.
15:57C'est l'histoire d'un personnage noble et légendaire, voire un peu mystique.
16:01A-t-il d'ailleurs seulement existé ? Ce Djibril qu'on appelle le roi, qui nous projette
16:05forcément dans une ambiance de conte, un CPE d'un établissement public, la trentaine
16:10de la cité des mésanges, dans une ville non identifiée à ma connaissance, qui décide
16:14sur un coup de tête de revenir à la cité de la tortue, où il a passé plusieurs étés
16:17plus jeunes.
16:18Et les chapitres du livre sont autant d'histoires différentes qu'ils racontent et qui nous
16:22emportent avec des auteurs, eux également, eux-mêmes différents.
16:26Rachid Laïrech, je disais, vous êtes l'un des deux coordi-coordonnateurs de ce livre
16:30écrit à plusieurs mains.
16:32Comment vous est venue cette idée ?
16:33C'est avec mon collègue et ami Ramsès Keffi, qui est en régie.
16:41Il n'est jamais loin.
16:42Et souvent on se parle beaucoup et quand on parle des quartiers, souvent il y a des histoires
16:46qui ressortent.
16:47C'est qu'il y a des histoires de quartiers qui tournent entre quartiers et qui passent
16:50de quartier en quartier, mais qui ne rentrent jamais dans les gros récits.
16:53Dans la presse, on en parle rarement parce que le format n'est pas bon.
16:57Et donc souvent, quand on se voit, on se dit « t'es au courant de là-bas, les mecs
17:01du 93, t'es au courant de ça, t'es au courant de ça », et des histoires un peu
17:03folles.
17:04On s'est dit « tiens, on va faire un livre ».
17:06Mais des histoires vraies ou pas ?
17:07Bah les histoires sont toujours vraies, légendaires, réécrites, réinventées, il y a un peu de
17:12tout.
17:13C'est des contes, quoi.
17:14Et c'est des contes qui se transmettent.
17:15On s'est dit « tiens, on va faire un livre », et pour de vrai, on l'a pensé un peu
17:18comme un album de musique.
17:19On s'est dit « on va faire un album avec des featurings ».
17:21Voilà.
17:22Alors, on peut même prendre une métaphore dans le basket, c'est une sorte de All-Star
17:26Game, ce livre.
17:27Parce qu'il y a des auteurs, des autrices, des journalistes, écrivains, déjà identifiés.
17:31Il y a vous deux, il y a Faïz Hagen, il y a Adrien Bels, Mathieu Palin, Faïza Zerouala,
17:36votre compère Ramzes Kefi, qui fait le lien entre toutes ces histoires, sur une seule
17:40nuit d'ailleurs.
17:41Saïd Delarbe, Salomé Kiner, comment vous avez composé ce casting ?
17:45Et tiens, vous, Maïram, comment vous vous êtes retrouvée dans cette belle aventure ?
17:48Racontez-nous tout, honnêtement.
17:49Moi, c'est simple, j'envoie un message sur Instagram à Rachid concernant son dernier
17:57livre, je lui dis ce que j'en pense, et en fait, il me dit « il faut qu'on prenne
18:01un café ».
18:02Et on prend ce café, et il me dit « on va écrire un livre à plusieurs ».
18:05Ah bon ?
18:06Et en fait, c'était parti, vraiment, c'était il y a un peu plus d'un an, et on s'est
18:12lancé.
18:13On s'est lancé assez fluide et rapide avec cette idée de s'amuser, et de raconter justement
18:18la banlieue comme un autre territoire, à savoir avec des histoires, des personnages
18:24ordinaires, qu'est-ce qui nous touche, qu'est-ce qui se transmet, quel type de légende aussi
18:28on peut avoir, et comment rendre ça vivant, en fait.
18:33L'ouvrage dont vous parlez, c'est sans doute « Y'a que moi que ça choque », un livre
18:35où Rachid Laïrech racontait ses années comme journaliste politique à Libération,
18:39et la distance prise avec ce milieu et cette ambiance.
18:43Rachid Laïrech, justement, sur la composition de ce casting, ça s'est fait comment ? Ça
18:47s'est fait avec des envies, avec des gens que vous appréciez, que vous connaissiez,
18:51c'était un mélange de tout ? C'était au feeling, ou pas forcément ?
18:53Un peu des deux.
18:54Salomé Kinner avait écrit un roman qui se passe en banlieue, qui s'appelle « Grande
18:59Couronne », que j'ai beaucoup aimé.
19:00Adrien Bels aussi, « Cinq noms dans tes yeux », qui se passe à Marseille, que j'ai
19:03beaucoup aimé, que je ne connaissais pas.
19:05Maïram, je lui souhaite de près son travail au Parisien, à l'époque.
19:09Et le reste, c'est des gens que je connais, mais tout le monde a un lien avec les quartiers,
19:13de près ou de loin.
19:14Soit ils travaillent dessus, soit ils ont écrit dessus.
19:15Avec Ramesses, on voulait un peu une équipe qui a un lien et un regard un peu tendre.
19:23Et quand je dis tendre, c'est-à-dire que les histoires qu'on raconte, il y a tout
19:26dans les histoires.
19:27Il y a des morts, il y a des rixes, on parle de religion, ce n'est pas que des belles
19:32histoires.
19:33Mais il y a toujours un peu d'amour dedans.
19:34C'est l'amour pour son amoureuse, c'est l'amour pour le quartier, c'est l'amour
19:39pour ses parents, c'est l'amour pour les amis.
19:41Donc on a essayé de faire une sorte de regard un peu doux, même quand c'est dur.
19:46Maïram, vous êtes journaliste, vous avez passé, on le disait, plusieurs années au
19:50Parisien.
19:51Vous avez réalisé plusieurs documentaires dont « L'amour en cité » en 2014, qui
19:54s'attachait déjà à renverser pas mal de clichés.
19:57Vous signez deux chapitres du retour du roi de Gébril, « Polaroïd » et « Le Nutella ».
20:01Ça se passe en Normandie, du côté de Canteleux, dans des familles d'origine sénégalaise.
20:05Donc on sent que c'est assez autobiographique, pour ne pas dire très autobiographique.
20:08Ce qui rend le tout très émouvant, et le point commun de vos histoires, c'est la nourriture.
20:13Dans l'une, il y a un menu « Flunch », et dans l'autre, il y a des pots de Nutella
20:16dans une valise.
20:17La nourriture, c'est une partie considérable de la vie dans les quartiers ? Quelque chose
20:21autour duquel on échange ?
20:22En fait, c'est une partie considérable dans la vie tout court des Français.
20:26C'est-à-dire que la nourriture, et pas que des Français, au Sénégal c'est pareil.
20:30On se réunit autour de la nourriture, on prend des décisions autour de la nourriture,
20:34on fête des naissances, des mariages, des deuils.
20:36La nourriture est omniprésente en fait, et en écrivant, moi je ne me suis pas posé
20:42la question, c'est vraiment venu naturellement.
20:45Par exemple, sur la pâte à tartiner, je voulais vraiment raconter la Normandie, parce
20:51que j'avais cette envie de raconter aussi les quartiers de province, dont on ne parle
20:56pas assez, ou comme des territoires inexistants, alors que finalement les problématiques qu'on
21:02y retrouve, on les retrouve aussi en Ile-de-France ou dans d'autres grosses villes.
21:05Et on est traversé en fait par cette question gustative, et je me disais que par rapport
21:11à la littérature, on a aussi envie de raconter ce menu Flunch qui paraît pas bon, mais qui
21:20raconte aussi autre chose, donc c'est beaucoup de souvenirs, et c'est des accès aux premiers
21:26restaurants par exemple.
21:27Y'a une marque de soda aussi qu'on ne citera pas, d'ailleurs j'ai oublié le nom, mais
21:30avec un enfant qui a une paille à la bouche et qui crée des problèmes médicaux quand
21:35on la boit, elle revient à plusieurs reprises.
21:37Rachid, justement, on n'est pas forcément que à Paris, on est à Lyon, on est en Normandie,
21:43on est à Marseille avec la plume vacharde d'Adrien Belz qui déplore à nouveau la gentrification
21:47du panier.
21:48On est dans l'Est aussi, à un moment donné, si je ne dis pas de bêtises, c'était important
21:51de décloisonner ces récits sur le plan géographique ?
21:54Ouais, dès le départ avec Ramis, on s'est fixé un peu sur une limite géographique,
21:59dans le sens où on se dit si on reste à Paris, autant le faire à deux, ce bouquin.
22:02On a voulu ouvrir très vite, donc y'a Aubagne, on est à Marseille, on est à Lyon, et même
22:09pour le langage, c'est important.
22:10Quand on lit les textes, celui qui écrit à Lyon a une écriture, l'argot est différent
22:14que celui de Paris, celui de Canclo c'est pareil, donc même pour le style et le langage,
22:18c'était important pour nous de vous dire qu'en fait la banlieue c'est un truc hyper grand
22:22et large, et qui se raconte différemment.
22:24Et en fait vous avez fait une super transition, parce que c'était ma question d'après,
22:27y'a une langue universelle, y'a des références culturelles, vestimentaires, un style très
22:32imagé, qui reste extrêmement bien écrit et élégant, et souvent poétique.
22:36Je vais citer deux phrases que j'ai notées, au mésange, le gris avait gagné par K.O.
22:40J'aime beaucoup.
22:41Et puis y'en a une qui témoigne de quelque chose d'un peu plus dur dans la réalité
22:44et dans les histoires, comme toute histoire avec des personnages maghrébins, elle commence
22:48par un refus.
22:49J'adore cette phrase.
22:50Et je crois que c'est Adrien Bels.
22:51Non, c'est Saïd Delarbre.
22:53Y'a beaucoup de poésie là-dedans, dans de la dureté, dans des choses peut-être plus
22:58triviales du quotidien ?
22:59Oui, parce qu'en fait c'est pas un livre des contes où on se dit… En fait les contes,
23:05dans les quartiers comme dans les villages, vraiment, dans les médias souvent en banlieue
23:10on parle des comiques, on parle des sportifs, mais dans les quartiers y'a beaucoup de
23:14conteurs.
23:15Comme dans les villages.
23:16Le soir quand on se pose au quartier, y'a un mec qui vient, ou une fille qui vient,
23:17et qui raconte des histoires.
23:18C'est toujours lui ou elle qui raconte des histoires.
23:20Y'a un don, y'a un talent, c'est comme ça.
23:21Et il raconte des histoires hyper drôles, hyper tristes, hyper glauques, et tout le
23:27temps on l'appelle en renfort pour les raconter.
23:30Donc ce livre-là, on prend Gibril qui est un conteur, mais l'histoire qu'il raconte,
23:33tendre, c'est des fois très très dur.
23:34On parle de… On s'est même pas rendu compte à la fin, on s'est rendu compte,
23:38y'a beaucoup de morts dans le livre.
23:39Et donc c'est un truc des fois très dur, mais c'est la vie.
23:42On sourit quand même pas mal.
23:43Mais c'est vrai, vous avez raison.
23:45Mayram, est-ce que ce livre correspond à un manque ? Moi c'est l'impression que j'ai
23:49eu en le lisant.
23:50Est-ce que dans la culture française, vous l'avez déjà un peu dit tout à l'heure,
23:54dans ces romans, dans la représentation culturelle ou médiatique qu'on peut faire des banlieues,
23:59moi ce genre d'ouvrage, j'avais l'impression de ne pas l'avoir lu avant, donc est-ce
24:02que ça manquait ?
24:03Oui, moi je pense que ça manque et qu'il y a une nécessité justement de reprendre
24:11ce droit à raconter des histoires, qu'ils ne soient pas que des histoires tristes ou
24:16de faits divers.
24:18Je pense que même les faits divers peuvent se répercuter d'une façon, avec de la
24:22poésie ou en tout cas sur l'impact de l'impact sur les gens.
24:26Et là, l'idée c'était vraiment de reprendre un peu le pouvoir et de dire en banlieue,
24:31on peut aussi faire de la littérature comme partout ailleurs en fait.
24:34Ce n'est pas un territoire interdit pour raconter des histoires, pour être dans la
24:38fiction, pour être aussi dans de la subtilité, dans de la contradiction.
24:42Et donc oui, en tout cas à mon sens, ce type d'ouvrage manque beaucoup et j'espère
24:48qu'il y en aura encore plein d'autres.
24:50Parce qu'en fait, ce qu'on remarque un peu dans les éditions, quand on parle souvent
24:54de clichés et de regards sur les gens qui viennent des quartiers, on aime beaucoup quand
24:57on parle des gens de banlieue, quand ils parlent de religion ou quand une fille arabe ou noire
25:03parle de sexe.
25:04Ça, ça intéresse vraiment les éditeurs et la place parisienne.
25:07Il y a un truc un peu, elle est un peu comme nous, elle est contre la religion, elle est
25:11pour le sexe.
25:12On en parle quand il y a un fil à tirer, quand on est d'accord, quand ils sont d'accord
25:15avec nous.
25:16Mais quand on raconte la vie au quotidien, du coup, c'est plus dur à faire passer.
25:21Merci en tout cas à tous les deux d'être passés à France Info, longue vie au roi
25:25Djibril et ses contes de la cité.
25:26Félicitations.
25:27Merci aussi à Luc Bornère, notre invité en première partie de l'émission pour son
25:31ouvrage Le Miroir.
25:32Deux ouvrages qui finalement se complètent et se répondent très bien, donc c'est parfait.
25:35Merci d'être venu.
25:36Merci.
25:37Vous trouverez tous mes spreadsheets au public à réécouter, comme d'habitude, sur franceinfo.fr