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00:00Depuis six mois et jusqu'à aujourd'hui, il a été longuement, gravement question des violences sexuelles dans le milieu du cinéma à l'Assemblée Nationale.
00:10Il en est à nouveau question aujourd'hui dans tout public, Matteo Maestrachi.
00:13Et on va en parler, mais aussi parler surtout de ce livre avec notre invité, Anouk Grimbert. Bonjour.
00:18Merci d'être avec nous. Vous êtes comédienne, vous êtes peintre, vous êtes écrivaine, vous êtes là pour Respect, publié aux éditions Juillard.
00:25On en parle dans quelques secondes. Il y a cette actualité autour des recommandations de la commission parlementaire sur les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma, mais aussi au-delà.
00:33Parmi ce qui est proposé, interdire la sexualisation des enfants à l'écran, protéger les mineurs par un responsable qui l'accompagne dans les productions artistiques, inscrire aussi, c'est peut-être le plus important, dans le code de procédure pénale,
00:44une obligation faite aux employeurs dans le cinéma, mais aussi les autres secteurs d'activité de signaler tout fait de violence ou harcèlement sexiste ou sexuel.
00:52Judith Gaudrech, votre consoeur, était sur France Info ce matin. On l'écoute.
00:57C'est vrai que ce rapport, je l'attendais et qu'il est impressionnant et assez terrifiant, mais je n'en suis pas étonnée parce que je ne m'attendais pas à mieux.
01:08Le constat est terrible et il est important maintenant, grâce à ce rapport, qu'en effet le monde politique s'en empare et que plus personne ne puisse dire « on ne savait pas ».
01:20Anne O'Grinbert, est-ce que vous partagez cette réaction de Judith Gaudrech ?
01:25Bien sûr, c'est plus qu'urgent, important, essentiel que la société prenne la mesure des violences qui sont faites aux femmes, aux enfants, aux jeunes hommes.
01:41Non seulement qu'ils prennent conscience de ça, qu'ils prennent conscience de la violence que ces hommes nous font.
01:49C'est insupportable que les femmes et les personnes vulnérables aient encore à subir, encore, encore, encore et toujours sur les lieux de travail,
02:00mais aussi dans les familles, mais aussi dans le privé, qu'on est encore à subir ces instincts de prédateurs.
02:09Putain, rangez vos queues les mecs, quoi !
02:13Vous croyez que ça nous intéresse ? Vous croyez que ça vous intéresse ?
02:17Arrêtez de nous embrasser de force, arrêtez de nous toucher de force.
02:20On n'est pas des objets, c'est insupportable.
02:23Rangez ça, quoi !
02:25C'est pas ça, la sexualité. La sexualité, c'est pas la guerre.
02:29C'est pas la guerre.
02:31Faut arrêter. Faut arrêter de...
02:34Mais qu'est-ce qu'ils croient, les hommes ?
02:37Qu'est-ce qu'ils croient ?
02:38Et qu'est-ce qu'ils croient, les producteurs, les réalisateurs, les metteurs en scène, les directeurs de théâtre,
02:45à nous violenter comme ça, alors qu'on est dans des postures de don de soi ?
02:48Quand on joue, on est dans un don de soi.
02:50Et ils profitent de ça pour nous violenter.
02:56Et en plus, il y a quelque chose qui est systématique avec les violences sexuelles.
03:01C'est que toujours, toujours, la honte est du côté de la victime.
03:06Qu'est-ce qu'il y a, quoi, avec ça ?
03:08Dans le résumé de ce qu'a dit ce rapport, il y a le terme « machine à broyer ».
03:14Ça m'a frappé parce que c'est un terme que vous utilisez au début de votre livre, le verbe de broyer.
03:19Vous écrivez « je fais face au système qui a tenté de me broyer et continue d'en broyer des millions ».
03:23Oui, les attouchements de force, que ce soit par la main, par la langue, par le sexe, ça nous tue.
03:37Ça nous tue, les hommes, il faut qu'ils comprennent.
03:40Il faut qu'ils comprennent que quand on ne bouge pas, quand on ne peut plus parler, quand on est sidéré,
03:45c'est que quelque chose en nous meurt.
03:47Il faut qu'ils comprennent que leur petit plaisir qui dure quelques minutes, pour nous, on le supporte la vie entière.
03:55On est démentibulés par cette violence.
04:00Et on est après des gens remplis de mépris de soi.
04:08Parce que ce qui est quand même incroyable, c'est que ces hommes agressent, mais eux, ils sont tranquilles.
04:12Et c'est nous qui devons payer à vie et la honte et le mépris.
04:16Et en général, en plus, quand on a vécu des violences, ou jeunes, on va en revivre encore.
04:21Parce qu'il y a une espèce de sillon, la violence crée un sillon qui attire les prédateurs.
04:28Mais je pense, par rapport à cette commission d'enquête,
04:31évidemment c'est très très important que la justice s'empare de ça, que des lois soient proposées.
04:38Mais il y a quelque chose qui est encore plus important, c'est que les hommes se tiennent.
04:43Nom de Dieu, quoi !
04:45Qui se tiennent !
04:46Aucune loi, jamais, ne pourra endiguer ces violences.
04:49Il faut que les hommes se tiennent.
04:51Ça ne nous intéresse pas, alors que...
04:54Vous racontez dans votre livre les viols que vous avez subis dans votre enfance,
04:59par le beau-père d'une amie, par votre propre frère.
05:02Ce qui vous a envahi à l'époque, ce qui ne vous a finalement jamais quitté,
05:04ce sont des notions qui reviennent de très nombreuses reprises sous votre plume,
05:08les notions de silence, d'omerta et de honte.
05:11Oui, mais c'est le silence que la société, que l'agresseur impose,
05:19mais c'est aussi le silence qu'on s'impose à soi,
05:22parce que c'est comme ce que je vous disais tout à l'heure,
05:24c'est qu'il y a quelque chose qui est propre à ces violences,
05:27c'est qu'on est tellement mortifié.
05:29D'abord, au moment de la violence, on est comme morte.
05:34On ne peut plus bouger, on ne peut plus parler.
05:36Et après, évidemment, les prédateurs, ils imposent le silence.
05:43Et ce silence est une façon de continuer le crime.
05:47C'est comme si on s'enterrait vivante.
05:51Vous avez travaillé avec des spécialistes du cerveau.
05:54Vous avez écrit un livre sur cette expérience, d'ailleurs.
05:57Est-ce que ça vous a aidé ?
05:58Est-ce que ça a permis de mettre des mots sur cette dissociation,
06:02vous appelez ça la pierre dans votre livre,
06:03de ce que fait votre corps pendant que votre cerveau débranche ?
06:07Ce n'est pas le travail que j'avais fait sur le cerveau.
06:11J'essayais plutôt d'explorer comment le cerveau vit la fiction, vit l'incarnation.
06:18C'est autre chose.
06:19La sidération, c'est plus des psychologues qui m'ont expliqué.
06:23Et il faut être pédagogue avec les hommes.
06:27Il faut leur faire entendre, leur faire comprendre que quand on est violenté,
06:31c'est tellement violent, tellement violent,
06:34que quelque chose dans notre cerveau déconnecte pour survivre à ça.
06:40Et moi, je le raconte à ma façon.
06:42Je dis que, en tout cas pour ce premier viol,
06:45mais je l'ai revécu tant et tant et tant de fois,
06:50parce que j'ai été tant et tant de fois agressée dans ma vie,
06:53c'est comme si on désertait son corps,
06:57on déserte son âme pour survivre.
06:59Et cette espèce de paralysie comme ça attire les prédateurs.
07:06C'est comme s'ils voulaient dévorer cette âme blessée.
07:09Vous parlez même de négation de votre personnalité,
07:11de votre être, de votre existence.
07:12La violence est une négation.
07:15L'omerta est une négation.
07:16L'omerta, c'est une horreur.
07:19La société le fait.
07:21On le voit sur l'histoire de Cantat,
07:23mais on le voit sur tous les hommes politiques
07:25qui ont été accusés de violence
07:26et puis ils continuent de nous gouverner.
07:28C'est le chef de l'État
07:30qui nous dit que Depardieu
07:32est la fierté de la France.
07:35C'est-à-dire que personne,
07:37personne, sauf les femmes
07:38et les victimes,
07:39et personne ne prend la mesure de ces violences.
07:42C'est ça qui doit vraiment, vraiment
07:44être réformé.
07:45Écoutez-nous les hommes.
07:47Écoutez-nous.
07:48Parce que c'est vous le problème.
07:49Et vous ne parlez pas.
07:51Qu'est-ce qu'il y a dans vos têtes
07:52quand vous agressez ?
07:53Mais qu'est-ce qu'il y a ?
07:54Moi je voudrais le savoir.
07:55On est des millions à vouloir le savoir.
07:58Vous parlez du milieu du cinéma.
07:59Vous écrivez que quand vous avez quitté
08:01le réalisateur Bertrand Blier,
08:03vous avez dû affronter, je vous cite,
08:04le mépris du milieu du cinéma
08:06qui protégeait le créateur.
08:08Est-ce que ça, ça change ?
08:09Non, on protège toujours l'homme.
08:12La société protège toujours l'homme.
08:15Bien sûr que Blier,
08:17quand je l'ai quitté,
08:18il avait beaucoup, beaucoup plus de pouvoir
08:20que moi.
08:21Un pouvoir de nuisance immense.
08:23Et il m'a fait payer
08:24mon indépendance
08:26et mon instinct de survie
08:28quand je suis partie.
08:29Mais je parle d'autres hommes
08:31dans ce métier.
08:32par exemple,
08:33il y a un metteur en scène
08:35à Dipeux,
08:37directeur de théâtre,
08:39qui m'a agressée
08:40pendant des mois et des mois.
08:42Et quand j'ai enfin quitté
08:44cette production
08:45à la fin de mon contrat,
08:46il a tout fait
08:48pour me ruiner ma carrière
08:51après.
08:51Juste parce que je n'ai pas voulu
08:53coucher avec lui.
08:55Et ce mec-là
08:56circule librement.
08:58et il a très certainement
08:59dû abîmer
09:00des centaines de femmes.
09:03Quand vous parlez
09:04de Bertrand Blier,
09:05parce qu'on parlait
09:05de ce qui change,
09:06ce qui ne change pas,
09:07le regard,
09:08les situations
09:08et les références
09:10et les symboles.
09:10Vous parlez de ces films,
09:12ils ont toujours été marqués
09:13par une certaine vulgarité,
09:14que ce soit dans les situations,
09:15dans les dialogues.
09:16Vous dites,
09:17aujourd'hui,
09:17on ne rit plus.
09:18Les valseuses,
09:19mais pas que.
09:20Les viols,
09:21pris à la rigolade,
09:22les femmes objets,
09:23sexualisées,
09:24dénigrées,
09:25ça ne fait plus rire
09:26en 2025.
09:27Ça n'est plus possible.
09:28C'est-à-dire que,
09:29quand même,
09:30la société
09:31commence à bouger.
09:33Commence
09:34juste
09:34à peine à bouger,
09:36mais on se rend compte,
09:37en effet,
09:38que ce n'est pas
09:38un divertissement
09:39d'humilier.
09:40Ça ne devrait jamais l'être,
09:42quoi.
09:42Et quand on gifle
09:45des femmes,
09:45quand on les étrangle,
09:47quand on les met nues
09:48de force,
09:48quand on leur fait violence,
09:53on ne rit plus.
09:55On ne rit plus.
09:56mais là,
09:58la société
09:59est aussi coupable.
10:01Oublié n'était pas
10:01le seul
10:02à avoir
10:03un esprit tordu
10:04et immature.
10:07C'est que
10:08la société
10:09a ri
10:09à tout ça.
10:11Et sans
10:12prendre
10:12jamais
10:13la mesure
10:14des violences
10:16qui nous étaient faites
10:17et auxquelles,
10:18et auxquelles,
10:19enfin,
10:20moi,
10:20je parle pour moi,
10:21j'ai collaboré
10:24à mon corps défendant,
10:26mais j'ai collaboré
10:27à cette culture
10:28du viol.
10:29Et c'est ça
10:29qui est...
10:32Tout simplement,
10:33c'est que j'ai incarné
10:33ces situations
10:35en faisant croire
10:37à tout le monde
10:38que,
10:38mon Dieu,
10:39ça me faisait assez plaisir,
10:40quoi,
10:40que j'y trouvais mon compte
10:41et que je faisais mon métier
10:44au lait cœur.
10:45Anne Ougrinbert,
10:46vous dites quelque chose
10:47de très fort aussi.
10:48Plutôt vers la fin
10:49de ce livre,
10:49vous dites que vous refusez
10:50qu'on parle de vous
10:51comme une victime.
10:52Vous refusez ça.
10:53Ça ne vous plaît pas ?
10:54Oui, je suis une guerrière,
10:55je suis une survivante.
10:56Je n'ai pas envie
10:57qu'on me regarde
10:58avec pitié.
10:59Je détesterais
11:01qu'on ait
11:01la violée de service.
11:03Je suis comme des millions,
11:04si ce n'est des milliards
11:05de femmes
11:06à devoir supporter
11:09cette violence-là.
11:11Et c'est aux hommes
11:14de réfléchir.
11:15C'est aux hommes
11:16de réfléchir.
11:18Que ce soit les curés,
11:19les metteurs en scène,
11:20les directeurs de théâtre,
11:21les hommes qui ont du pouvoir,
11:23les hommes qui usent du pouvoir
11:24pour, encore une fois,
11:26mettre la sexualité
11:28au milieu des relations
11:29de travail
11:30ou familiales
11:31ou quoi.
11:32Il y en a marre !
11:33Il y en a marre
11:34de ces sexualités
11:35omniprésentes,
11:36envahissantes.
11:37Il y en a marre.
11:38Il y a d'autres choses
11:38à vivre.
11:39Non, de Dieu, quoi.
11:40Il y en a marre.
11:42C'est leur problème
11:43qu'ils aillent
11:44chez le psy.
11:45Votre livre arrive
11:46après ceux
11:46de Camille Kouchner,
11:48Vanessa Springora,
11:50Nech Sino,
11:51les interventions
11:51de Judith Godrej.
11:52J'en passe parmi
11:53des dizaines,
11:54hélas,
11:54de témoignages.
11:55Et vous écrivez,
11:56c'est très beau,
11:57vous écrivez,
11:57on s'allume les unes
11:58les autres
11:58comme des bougies.
11:59Il y a un trait d'union
12:01entre toutes ces paroles-là ?
12:02Ah oui,
12:03ah oui,
12:04c'est...
12:05Enfin,
12:05jamais,
12:06jamais,
12:07toutes ces femmes
12:08m'ont...
12:09m'ont amenée,
12:13d'abord,
12:14m'ont éclairée
12:14sur ma propre vie.
12:16Moi,
12:16je vivais
12:16dans une espèce
12:17de sarcophage,
12:18de tombeau.
12:19Tout ça
12:20était si douloureux
12:21que je l'avais
12:22écrasée,
12:22écrasée,
12:23écrasée au fond de moi
12:24dans un silence
12:25mortifère.
12:26Et leurs mots
12:27à elles,
12:28leur courage
12:29à elles,
12:30m'en ont donné à moi.
12:31Et c'est vrai,
12:32oui,
12:32il y a une sororité
12:34qui est sacrée.
12:37Mais qui n'est pas,
12:38encore une fois,
12:39même si là,
12:40je suis en colère,
12:41mais...
12:42On n'est pas contre
12:45les hommes.
12:46On voudrait juste
12:47créer des alliances
12:48avec eux
12:49et qu'ils soient...
12:50Et qu'ils prennent la parole,
12:51qu'ils prennent leur place
12:52dans ce mouvement
12:53qui est si vertueux,
12:54si humain.
12:56Si vous me permettez
12:56à nous grimper,
12:57il y a de la lumière
12:58dans votre livre.
12:59Vous vous réconciliez,
13:00vous le dites avec votre mère
13:01sur le tard,
13:02alors qu'au début,
13:03vous expliquez que
13:04quand elle était alcoolique,
13:06quand vous étiez plus petite,
13:07ce n'était pas vraiment une mère.
13:08Vous rendez hommage à Michel,
13:09votre compagnon,
13:10vous dites que c'était
13:10une sorte de me too avant l'heure,
13:13qu'il avait tout compris
13:13avant tout le monde.
13:14Vous expliquez aussi
13:15comment l'art vous a sauvé,
13:17l'art que vous avez pu regarder,
13:19lire, écouter,
13:20et votre métier aussi,
13:22que ça vous a fait du bien.
13:23C'est-à-dire,
13:25je suis incroyablement privilégiée,
13:27moi,
13:28de pouvoir jouer la comédie,
13:30de pouvoir dessiner,
13:32de pouvoir écrire.
13:34J'ai des lieux comme ça
13:38et des temps
13:39où on me demande,
13:40où je me demande à moi
13:42d'être dans le dépassement
13:43de ma propre histoire,
13:45dans l'oubli de moi.
13:46et j'ai la possibilité parfois
13:52de transformer les douleurs
13:56en force de vie,
13:58en force vitale.
14:02Oui, c'est une grande chance
14:04d'avoir la possibilité
14:07de casser ce silence.
14:11J'ai une dernière question,
14:12même si on serait resté
14:13encore plus longtemps
14:13avec vous avec plaisir.
14:14Vous avez été remarqué récemment
14:16dans deux films remarquables,
14:17à moins que ce soit l'inverse,
14:19La nuit du 12 de Dominique Molle
14:20et L'innocent de Louis Garel.
14:21Est-ce qu'on vous retrouve bientôt
14:22au cinéma, au théâtre ?
14:24Là, je prends le train
14:26pour aller tourner un film,
14:29puis je vais en faire un autre
14:30avec Jean-Pierre Jeunet.
14:31Et puis,
14:32je profite de ça pour dire
14:36qu'il ne faut pas
14:37que les comédiennes aient peur
14:38de parler parce qu'elles
14:41ne trouveraient pas du travail.
14:42Ce n'est pas vrai.
14:43Moi, par exemple,
14:46je ne cesse pas
14:47de recevoir des invitations
14:51à prendre ma place
14:52dans telle ou telle oeuvre
14:54de fiction.
14:54Il ne faut plus avoir peur.
14:56On a besoin de vous, mesdames.
14:58On a besoin de vos paroles.
14:59Vous, mesdames et vous, messieurs.
15:01C'est comme ça
15:02que le monde va se transformer.
15:04Merci beaucoup.
15:05Merci à France Info.
15:06Un look grimbert respect publié chez Julliard.
15:08Je salue Rosalie Varda
15:09qui s'est assise à côté de vous
15:10et qu'on retrouve dans un instant
15:12pour parler d'une expo
15:13au Musée Carnavalet.
15:18La suite de tout public,
15:20Mathéo Maestraci,
15:21nous parlons à présent
15:21d'une exposition
15:22qui débute aujourd'hui
15:23et jusqu'au 24 août
15:24au Musée Carnavalet à Paris.
15:26Le Paris d'Agnès Varda
15:27dans tout public avec nous.
15:28Rosalie Varda, bonjour.
15:30Bonjour.
15:30Merci beaucoup d'être là.
15:31Vous êtes costumière,
15:32vous êtes directrice artistique.
15:33Et puis pour ceux
15:34à qui ça aurait échappé,
15:35vous êtes la fille d'Agnès Varda.
15:36Si vous permettez,
15:37vous avez entendu
15:38les mots très forts
15:39d'Anou Grimbert à l'instant.
15:41Vous êtes la fille
15:41d'une icône féministe
15:42qui va le rester
15:43de femme dans un milieu d'hommes,
15:45le cinéma,
15:46avec les travers qu'on connaît.
15:48Comment vous réagissez
15:49à la fois
15:49à ce qu'a pu dire
15:50Anou Grimbert
15:50et aux travaux
15:52et aux conclusions
15:53de cette commission
15:54sur les violences
15:54dans le cinéma
15:55et au-delà ?
15:56Alors, les conclusions
15:57sont effrayantes.
16:00Ce matin,
16:01j'ai écouté France Inter.
16:03Je ne vous cache pas
16:04que j'avais presque
16:05les larmes aux yeux
16:06à me dire
16:06dans quel monde
16:09on est.
16:10Et cette prise
16:12de conscience
16:13collective
16:14et personnelle
16:15de remise en question
16:17de toute cette violence
16:19faite aux femmes
16:21et aux hommes
16:21dans le milieu
16:22de la culture
16:22et pas que,
16:23c'est nécessaire.
16:27Écouter les victimes,
16:28les accompagner,
16:29les respecter,
16:31c'est bouleversant
16:31et je pense
16:32qu'Anou
16:33qui est bouleversante
16:34aussi de...
16:37Oui, parce que
16:37la prise de conscience
16:38est compliquée.
16:39Parce que tout est long,
16:40parce qu'on découvre
16:42maintenant
16:42des hommes
16:44et des femmes
16:45qui n'ont pas pu parler,
16:47qui ont mis
16:47longtemps à parler
16:48et enfin,
16:50on va pouvoir
16:51les écouter
16:52et moi,
16:54je fais partie
16:54d'une génération,
16:55puisque j'ai 67 ans,
16:57je fais partie
16:57d'une génération
16:58qui a commencé
16:59à travailler
16:59dans le cinéma
17:00et qui a quand même
17:01été confrontée,
17:03pas de violence
17:04envers moi,
17:04mais qui a quand même
17:05vu un milieu
17:06compliqué
17:07et moi,
17:08j'ai été aussi
17:09protégée par des hommes
17:10qui m'ont dit
17:11non,
17:11on ne te laissera pas
17:12manger toute seule
17:13avec ce metteur en scène.
17:14Donc vous voyez,
17:15c'est une prise
17:16de conscience collective.
17:19J'ai été élevée
17:20par une mère
17:20qui m'a surtout donné
17:22beaucoup d'armes
17:23et elle disait toujours
17:24c'est très compliqué
17:25de dire non.
17:27Donc je crois
17:27que ça,
17:27c'est aussi important.
17:29On va parler
17:30de cette exposition.
17:31Anne Chepot,
17:31emmenez-nous
17:32s'il vous plaît
17:33dans les salles
17:34du Musée Carnavalet.
17:35Ah oui,
17:35alors cette exposition
17:36pour beaucoup,
17:37eh bien,
17:38ce sera une vraie découverte
17:39car si on connaît
17:40la cinéaste Agnès Varda,
17:42on connaît encore mal
17:43la photographe
17:44qu'elle était.
17:45Ce fut son premier métier,
17:46être photographe.
17:47L'exposition réunit
17:48130 tirages originaux,
17:5085% d'entre eux
17:51n'ont jamais été vus.
17:53Paris a donc été
17:54un décor formidable
17:55pour Agnès Varda,
17:56photographe,
17:57et plus particulièrement
17:58la cour atelier
17:59du 86 rue Daguerre.
18:01Dans le 14e arrondissement,
18:03c'est là qu'Agnès Varda
18:03a vécu et travaillé
18:05jusqu'à son décès en 2019.
18:07Cette cour,
18:07elle y a photographié
18:08artistes et proches,
18:10installé son studio,
18:11tourné une scène
18:12de son premier film,
18:13La Pointe Courte,
18:14exposé ses photos
18:15en 1954.
18:17Certaines sont
18:17dans l'exposition.
18:18En dehors du 86 rue Daguerre,
18:20Agnès Varda réalise
18:21dans Paris des reportages
18:22de commandes,
18:23photographier des artistes
18:24dans des lieux
18:25ou des situations insolites.
18:27Elle installe ainsi
18:27Federico Fellini
18:29au milieu des éboulis
18:30des anciennes fortifications
18:31Portes de Vembes.
18:33L'exposition laisse aussi
18:34la place au film
18:35qu'Agnès Varda a tourné
18:36à Paris,
18:37à commencer par Cléo
18:38de 5 à 7
18:38avec des extraits
18:39et des photos du tournage.
18:41Le Paris d'Agnès Varda,
18:42c'est un Paris
18:43plein de tendresse
18:44et de fantaisie.
18:44Je me souviens
18:45il y a quelques mois,
18:46Rosalie Varda,
18:47d'une exposition
18:47à la Cinémathèque française
18:49où il y avait des photos
18:51déjà et je me disais
18:52c'est bien
18:53de les mettre en valeur.
18:54Là, avec cette expo,
18:55elles sont en valeur,
18:56elles sont en majesté.
18:57Alors, c'est la première
18:58exposition
18:59qui est vraiment consacrée
19:00aux photographies
19:01d'Agnès
19:01parce qu'il y a eu
19:02une exposition
19:03à la Cinémathèque française
19:04en 2023
19:05qui était vraiment
19:05son parcours de cinéma
19:08et tous les films
19:09qu'elle avait réalisés.
19:10Là, on met en valeur
19:11son fond de photo
19:14et en fait,
19:15vous savez,
19:16c'est étonnant,
19:17alors là,
19:17ça recoupe plein de choses
19:18dont on parle en ce moment,
19:21c'est qu'Agnès a commencé
19:22à faire de la photo
19:23en 48-49,
19:24s'est installée
19:25rue Daguerre en 51
19:26et a été photographe
19:28tout au long de sa vie
19:30avec des périodes
19:31où elle a arrêté
19:32mais en gros,
19:34elle gagnait sa vie
19:34comme photographe
19:35de 50 à 64.
19:38Donc, elle a réalisé
19:39trois films,
19:40La Pointe Courte,
19:41Cléo et Le Bonheur
19:42et elle continuait
19:43à gagner sa vie
19:44comme photographe
19:44parce qu'elle n'a gagné
19:45pas comme cinéaste.
19:46Donc, aujourd'hui,
19:47c'est vraiment
19:48mettre en valeur
19:49ce fond.
19:50On a fait un inventaire
19:5127 000 négatifs,
19:53toute une partie de sa vie
19:55qu'on ne connaît
19:56pratiquement pas,
19:57qu'elle n'a pas mis
19:57vraiment en valeur
19:58pour plein de raisons
19:59aussi,
20:00qui sont dues aussi
20:02au fait qu'elle était
20:03une femme.
20:04Vous avez le souvenir
20:05vous-même
20:06de certaines de ces photos
20:07qui à l'époque
20:08trempaient dans des bacs.
20:09Là, on dit
20:10qu'elles sont inédites
20:11pour le grand public.
20:12Vous-même,
20:12vous en avez découvert
20:13ou redécouvert certaines
20:14que vous aviez oubliées
20:15ou jamais vues ?
20:16Alors, oui,
20:17parce que je connaissais
20:19un peu les photographies
20:20faites par Agnès,
20:21plutôt celles
20:22qu'on avait déjà exposées
20:24et un peu de la Chine,
20:26de Cuba,
20:27du Théâtre National Populaire
20:28mais il y a évidemment
20:29énormément de photographies
20:31que Anne de Montdenard,
20:33la commissaire de l'exposition,
20:34a trouvées dans nos archives
20:36que je ne connaissais pas
20:37et c'est ça aussi,
20:38si vous voulez,
20:39la découverte
20:39qui est assez extraordinaire
20:42et qui nous procure
20:44beaucoup de plaisir,
20:45c'est de voir
20:46un vrai travail.
20:48Une photographe
20:49non reconnue
20:50de son vivant
20:50et qui, j'espère,
20:52grâce à des expositions
20:52comme ça à Carnavalet,
20:54va être mise en lumière.
20:56Et ce fameux regard
20:57de votre mère sur Paris,
20:58comment est-il ?
20:59Il est amoureux ?
21:00Elle était amoureuse de Paris ?
21:01Alors, c'est des mots
21:02qui reviennent souvent
21:03avec Agnès Varda,
21:03ironique, décalée,
21:04mais est-ce que c'est le cas ?
21:06Alors, je ne sais pas.
21:07Moi, je trouve que c'est
21:08surtout un regard
21:09toujours percutant,
21:11toujours bien placé.
21:13Je trouve qu'elle avait
21:14cette qualité
21:14d'être au bon moment,
21:15là où il fallait.
21:16et les photographies
21:19qu'elle fait de Paris,
21:20il y en a qui sont faites
21:21autour des repérages
21:23du quartier Mouffetard,
21:25dans une époque
21:25où l'Opéra Mouffet,
21:27son court-métrage,
21:28elle montre déjà
21:29des gens sur le bord
21:30de la société,
21:32des ivrognes,
21:32des clochards,
21:33des abandonnés.
21:34Il y a quand même
21:35quelque chose
21:35qui me touche toujours
21:37de son rapport aux gens,
21:40de son rapport
21:41à l'humanité.
21:42C'est une femme humaine.
21:45Et je trouve que
21:45dans son fond photo,
21:47on retrouve ça.
21:49Anne le disait,
21:50c'est aussi une façon
21:51de remettre en avant
21:52différemment un chef-d'oeuvre
21:53comme l'est Cléo de 5 à 7,
21:55sorti en 1962,
21:56parce qu'il y a l'histoire,
21:57il y a ce personnage,
21:59il y a cette déambulation
22:00dans plusieurs endroits
22:01emblématiques de la capitale.
22:02C'est presque un film
22:03qu'il faudrait regarder
22:04deux fois de suite,
22:04c'est-à-dire d'abord l'histoire
22:06et ensuite regarder
22:07le Paris qu'elle présente.
22:08Parce que c'est remarquable.
22:09Surtout, c'est un Paris
22:10qui a disparu.
22:11Les autobus à plateforme,
22:15les cracheurs de feu
22:16et les cracheurs de grenouilles.
22:20Enfin, même
22:21le parc Mont-Souris
22:22qui a changé.
22:24Oui, bien sûr.
22:24Mais moi, je n'aime pas
22:25ce côté nostalgique.
22:27Par contre,
22:27ce que j'aime bien,
22:28c'est l'idée
22:30que ce film
22:31qui raconte l'histoire
22:32d'une femme
22:33pendant une heure et demie
22:34a inspiré
22:35des nouvelles générations
22:36et a même inspiré
22:37des séries américaines
22:38parce que la série
22:3924 heures
22:40a été inspirée
22:41par Cléo de 5 à 7.
22:42Jack Bauer,
22:43Agnès Varda.
22:44Est-ce que vous êtes émue
22:46évidemment par ces photos ?
22:47Est-ce que vous êtes émue
22:47aussi par le fait
22:48qu'on a pu reconstruire
22:49ce qu'a été son labo,
22:51son atelier
22:52de retrouver ces choses-là ?
22:53Bien sûr,
22:54parce que moi,
22:55j'ai passé toute mon enfance
22:56dans un atelier de photos
22:57avec le laboratoire,
23:00avec la lumière rouge.
23:01Comme dans un studio de radio,
23:03il y a une lumière rouge allumée,
23:04il ne faut pas rentrer.
23:05Et les odeurs de solvants,
23:06c'est ma Madeleine de Proust.
23:07Donc, si vous me mettez
23:08des odeurs de solvants,
23:09je suis prête à pleurer.
23:11Oui, c'est mon enfance
23:12et puis c'est une enfance
23:14entourée d'artistes
23:16et entourée avec un poète,
23:19Jacques Demi.
23:20Donc, beaucoup de chance, oui.
23:21Et il y a un point commun,
23:22le rouge de la radio,
23:23les photos et Agnès Varda,
23:24tout ça est magique.
23:25C'est la magie.
23:26Merci beaucoup,
23:26Rosalie Varda.
23:27On rappelle cette exposition
23:28jusqu'à fin août,
23:30le Paris d'Agnès Varda.
23:31Merci beaucoup,
23:31Anne Chepot,
23:32au musée Carnavalet à Paris.
23:33Merci d'être passé à France Info.
23:34Merci d'être entré,
23:35malgré la lumière rouge du studio.
23:37Et merci à Matteo Maestraci,
23:38tout public à retrouver
23:39sur franceinfo.fr.