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00:00Europe 1 Soir, 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:04Ça vous fait rire ça, Gabriel Cluzel, ça vous fait rire ça.
00:08Gabriel Cluzel est là, bonsoir, notre amie Philippe Guibert aussi, en forme de bon matin,
00:17de bon matin, de bon soir, de bon lundi.
00:20Alors voici ce jeune homme qui est là avec nous, il a beaucoup de mérite parce qu'il
00:25a vidé son sac, et quand on vide son sac aujourd'hui à l'heure des réseaux sociaux
00:28c'est pas facile parce que généralement il y a des représailles qui arrivent en
00:32flèche.
00:33Bonsoir Pablo Ladin.
00:34Bonsoir.
00:35Merci d'être avec nous.
00:36Vous signez la Terreur Violette aux éditions de l'Observatoire et vous racontez vos trois
00:41premières, en tout cas beaucoup la première année de Sciences Po que vous avez vécue,
00:46vous êtes en troisième année maintenant, vous allez passer ensuite en master après
00:50les trois années de bachelors, puisque c'est comme ça que ça passe, je regarde Gabriel
00:54parce que ça a beaucoup changé Sciences Po depuis le temps, et vous avez vécu la
01:00Terreur Violette, alors la Terreur Violette c'est quoi ? C'est le pôle violet, et le
01:05pôle violet c'est j'allais dire une instance non officielle à l'intérieur de Sciences
01:11Po qui est composée d'étudiants, d'étudiants militants, qui tout simplement en parallèle
01:17des instances officielles de Sciences Po décident de votre sort, c'est bien ça ?
01:20Exactement, c'est un groupe militant néo-féministe qui est auto-constitué évidemment, qui au
01:26départ a été créé en 2022 en dehors de tout cadre légal et de tout cadre juridique,
01:33et qui a imposé à Sciences Po, ou du moins sur le campus de Poitiers, mais d'autres
01:38groupes militants le font sur d'autres campus, ont instauré une véritable justice parallèle
01:44qui est véritablement kafkaïenne, ou orwellienne, chacun peut attaquer, autrui, le diffamer,
01:55le calomnier de manière totalement anonyme sur des plateformes de délations en ligne,
02:02sans évidemment apporter aucune preuve, et sans apporter aucune précision.
02:05Et ça c'est en fonction de ce que vous publiez sur les réseaux sociaux, mais aussi en fonction
02:10des conversations privées que vous pouviez avoir avec les étudiants ? Bon là en l'occurrence,
02:15si j'ai bien compris, il y avait aussi un discours à la clé que vous aviez rédigé,
02:19et ça ne s'est pas passé comme prévu, comme dirait l'autre ?
02:23Exactement, alors mon cas personnel est assez éloquent, c'est en fait un cas d'école,
02:28pour ainsi dire, puisque j'ai été victime de cette doxa idéologique qui ne supporte
02:33pas la nuance, qui ne supporte pas la contradiction, et qui au fond souhaite établir, oui, un
02:39climat de terreur idéologique.
02:41J'ai donné ce discours qui initialement était féministe, en tout cas c'est comme ça que
02:46je l'ai écrit, c'est comme ça que je l'ai pensé, et il a été détourné de ses intentions
02:51originales par des militants qui...
02:53Juste le discours, il a pris place où et quand ? C'était lors d'un gala de fin d'année ?
02:58Alors c'était lors d'un concours d'éloquence, où une vingtaine d'élèves se succédaient
03:02au pupitre avec un sujet précis.
03:07Le sujet étant ?
03:09Mon sujet, personnellement, c'était « À l'heure où blanchit la campagne », donc une référence
03:14littéraire à Victor Hugo, et je les ai pris au mot, et j'ai tâché de faire un discours
03:19littéraire où je prenais le parti pris d'incarner un anti-héros répugnant qui cherche à tout
03:26prix à souvir ses pulsions, à atteindre ses objectifs personnels, et le tout en exploitant
03:33la femme et la nature, donc j'ai fait cette...
03:3622 septembre 2023, donc ça commence par « Je la voyais pour la première fois, mais j'ai
03:40cru l'avoir toujours connue, elle était là, endormie devant moi, frêle et belle, insolentée,
03:44désolante ».
03:45C'est ça, et ça termine par « L'homme sans foi ni loi, sans pitié ni vergogne, broie
03:50de sa patte grossière ce qu'il croit qu'on lui donne ». Alors c'était évidemment un
03:54message qui se voulait féministe, mais ces militantes ont volontairement mal compris et
04:00mal interprété mon discours, ils ont cherché ensuite à me détruire, à m'exclure socialement
04:06et véritablement, oui, à m'anéantir et à m'exclure du débat public, elles ont saboté
04:13mon discours, elles ont ensuite cherché à le censurer, des dizaines de mails...
04:17Saboté de quelle manière ?
04:18Saboté en organisant une sortie théâtrale, point levé, dénonçant le sexisme, des dizaines
04:25de mails ont été envoyés à l'administration pour que des sanctions soient prononcées.
04:30Ils estimaient, en tout cas ils prétendaient que mon discours était sexiste, qu'ils prenaient
04:35le viol, la pédophilie.
04:36Quelques minutes après mon discours, une militante a affirmé devant 300 personnes,
04:42devant 300 étudiants que je faisais l'apologie du viol, que j'étais un violeur en puissance,
04:47un macho...
04:48Et tout ça était du temps de l'affaire Vichra, qui avait été condamnée pour violences
04:55conjugales...
04:56Alors à ce moment-là, il n'avait pas encore été condamné, il avait été condamné
05:01par la justice parallèle de Sciences Po, puisque les militants de Sciences Po avaient
05:05réussi à obtenir sa peau...
05:06Tout en l'ayant adulé juste avant, en voulant faire des selfies avec Mathias, ce que vous
05:11écrivez dans le livre...
05:12Oui, bien sûr, ça, ça illustre la rapidité avec laquelle...
05:16Du tournage de veste...
05:17C'est ça, avec laquelle...
05:18Vous avez connu ça, Philippe Guibert aussi, les tournages de veste dans la politique quand
05:21vous étiez au CIG...
05:22Toujours du bon côté, comme chantait Jacques Dutronc...
05:25Pardon Pablo...
05:26Non mais c'est vrai qu'il y a une forme d'opportunisme social dans ce militantisme, c'est-à-dire
05:30qu'à Sciences Po, c'est très clairement socialement valorisé que d'être radical,
05:35que d'être intransigeant, que d'être intolérant, et donc voilà, c'est ce que je dis dans le
05:39livre de manière un peu ironique, les étudiantes, tous les matins, revêtent leur costume de
05:46militante enragée pour se faire une place dans un microcosme où il faut être radical
05:50pour bénéficier du prestige social.
05:54Philippe Guibert, ce que vous racontez me fait penser à la révolution culturelle en
05:59Chine et aux petits gardes rouges, c'est-à-dire vraiment des personnes qui sont là pour essayer
06:04de détruire socialement ou universitairement un étudiant qui n'est pas dans la ligne,
06:11qui a peut-être fait un peu de second degré dans son discours, et le second degré de
06:15nos jours...
06:16C'est-à-dire qu'à une époque, il y avait de l'intelligence à Sciences Po, ça a un
06:20peu changé...
06:21Oui, il y en a encore, regardez, il est tout à fait brillant...
06:24Mais est-ce que c'est encore le bon réceptacle pour une telle intelligence ?
06:27Je ne sais pas, quelles conséquences ça a eu dans votre vie privée ? Vous l'avez
06:32raconté.
06:33Quelles conséquences ça a eu sur vos études ? Comment ça s'est passé ? Les suites de
06:38cette affaire...
06:39Sa petite amie aussi a été malheureusement attirée...
06:41Vous avez raison de le dire, c'est que c'est là qu'il y a peut-être une atmosphère presque
06:44totalitaire, c'est-à-dire que quand on cherche à vous détruire, on vous détruit pas uniquement
06:47publiquement et socialement, on vous détruit dans votre vie privée.
06:51Moi, on a contacté mes proches, on a cherché à les détourner de moi, on a contacté aussi
06:58ma petite amie en cherchant à la persuader de rompre notre relation, ce qu'elle n'a pas
07:03fait parce qu'elle me connaissait intimement, elle savait évidemment que je n'avais rien
07:08du tordu qu'il décrivait.
07:10Et sur le point de vue académique, il faut savoir que l'institution est profondément
07:15soumise à ces militants qui, au fond, les terrorisent puisqu'ils ont des moyens d'action
07:21qui sont très efficaces, ils bloquent les campus, ils occupent les amphithéâtres,
07:26ils font annuler des cours et puis, sur la place publique, ils déclarent à tort et
07:30à travers que Sciences Po serait le paradis des violeurs, que l'administration serait
07:36finalement complice de cette culture du viol, enfin, voilà ce genre de déclaration.
07:41Et donc, l'administration marche sur des œufs, prend beaucoup de pincettes avec eux
07:46et même lors de l'affaire Vichra, quand l'administration était vraiment fragilisée,
07:52a pris le parti de se ranger du côté des militants en prenant des mesures qui sont
07:58tout à fait intolérables et que je décris dans le livre.
08:02Gabrielle Cluzel.
08:03Ce genre de pratiques, on les retrouve à l'ENS, il n'y a pas exactement le même genre
08:08de totalitarisme, j'allais dire soft, mais pas vraiment soft en réalité parce qu'il
08:14est très pesant, il y a des boucs émissaires, ils se prennent pour des gens transgressifs
08:20et c'est vraiment les mutins de panurges de Philippe Meuret, c'est qu'en réalité
08:24il n'y a rien de plus moutonnier.
08:26Je ne sais pas si vous avez lu aussi le livre de Kyrini, Bernard Kyrini qui s'appelle
08:29« Les oies soiffées sur une dictature féministe », je vois un petit peu ce que vous décrivez,
08:33mais je vous admire parce que c'est vrai que c'est très compliqué de tenir dans
08:36une école, une fois que vous êtes ainsi visé.
08:38C'est une forme de harcèlement, comme on peut le trouver au lycée, sauf que là c'est
08:42un petit peu plus élaboré, on trouve des raisons idéologiques, mais c'est extrêmement
08:46violent et je suis d'accord avec vous parce que pour diverses raisons, je l'ai constaté,
08:50le corps enseignant et la direction, soit partagent idéologiquement les idées de la
08:58masse, ou c'est parfois les deux d'ailleurs, soit considèrent lâchement que c'est plus
09:04facile de suivre cette masse.
09:07C'est vrai qu'aujourd'hui, je citais le NS, ils reçoivent Judith Butler, mais recevoir
09:13même quelqu'un, je pense que même François Hollande, ça serait qualifié d'extrême
09:16droite si vous voulez.
09:17Donc c'est quelque chose qui est extrêmement fort et je ne vois pas du tout de ministre
09:21de l'enseignement supérieur, aujourd'hui, réellement s'élever contre cela.
09:25Et peut-être sans doute pas Madame Borne, quoique, on pourra peut-être lui poser la
09:29question puisqu'elle sera l'invité de la matinale cette semaine, dans les jours prochains
09:34en tout cas sur Europe 1.
09:35Pablo Ladan, juste une question bête peut-être, en tout cas candide, pourquoi est-ce que vous
09:39restez à Sciences Po ?
09:40Pourquoi je reste à Sciences Po ? D'abord parce que je considère que quand il y a des
09:45situations de harcèlement, ce n'est jamais à l'étudiant harcelé de fuir et finalement
09:51d'avoir à se résigner à cette violence.
09:54Moi, j'ai pris le parti de sortir de toute cette histoire par le haut, peut-être que
09:59c'est une forme de sacrifice parce que je m'expose médiatiquement et vous savez mieux
10:04que moi que je n'ai rien à gagner en vérité en m'exposant sur un sujet qui est tellement
10:08délicat, qui est tellement douloureux pour beaucoup de gens, mais je le fais parce que
10:13j'ai constaté de mes propres yeux la souffrance de dizaines d'étudiants, peut-être de centaines
10:18d'étudiants qui se sont pris pour si pour leurs opinions politiques.
10:21Donc vous avez décidé de prendre la parole pour eux aussi et aussi pour Louis Vassi qui
10:25est le directeur depuis octobre de l'année dernière.
10:28Alors qu'est-ce qu'il fait Louis Vassi ? Parce qu'on dit qu'il essaie d'arranger les choses.
10:33Est-ce que c'est vrai ? Vous qu'il vivait de l'intérieur et comment ça se passe ? Est-ce
10:36qu'il y arrive ?
10:37Alors moi je fonde beaucoup d'espoir dans la nouvelle direction et dans Louis Vassi en
10:41particulier.
10:43Moi je tâche de lui faire parvenir mes écrits, mes mesures, on peut dire ça comme ça.
10:49En tout cas, je lui ai transmis un courrier il y a quelques jours qui propose huit mesures
10:59très concrètes qui permettraient d'améliorer la situation à Sciences Po.
11:02C'est une lettre que je ferai aussi parvenir à la ministre de l'enseignement supérieur.
11:06Vous pourrez lui en parler.
11:08Et c'est des mesures qui sont très concrètes, qui peuvent être faites dès demain.
11:11Par exemple la création d'une cellule indépendante qui vise à enquêter sur les faits de harcèlement
11:18et d'ostracisme.
11:19Ça, ça s'appelle un comité Théodule, cher Pablo.
11:21Vous pensez que ça va marcher ? Vous connaissez bien, nous, les comités Théodule.
11:25Ma volonté, et c'est peut-être la première raison pour laquelle je fais ce livre, c'est
11:28que personne à Sciences Po, et plus personne à Sciences Po dans les années qui viennent,
11:32est né d'idées noires, comme ça a été le cas de la plupart de mes témoins.
11:36Et quand ils mettent les pieds à Sciences Po, ils aient la boule au ventre, ils rasent
11:40les murs à cause de leurs opinions politiques, parce qu'ils sont un peu trop à droite,
11:45parce qu'ils sont un peu trop nuancés sur la question palestinienne, ou ce genre de choses.
11:50Une dernière petite question, Philippe Guibert.
11:52Vous êtes à Poitiers, ou sur le campus de Poitiers, combien sont ces charmantes dames
11:57du pôle violet ? Ça représente combien de personnes ?
11:59Alors, je ne sais pas exactement combien elles sont.
12:02Elles sont peu nombreuses, c'est une minorité qui est agissante, mais qui est extrêmement
12:06présente sur les réseaux sociaux de la promotion, sur les groupes de promotion.
12:10Leur cause initiale est parfaitement noble, et moi je la soutiens, c'est le féminisme,
12:14la lutte contre les violences sexuelles.
12:16Mais cette cause noble, ils la défendent avec des moyens qui sont ignobles, par le
12:21harcèlement ciblé, par la persécution.
12:23Vous parlez tout à l'heure de harcèlement, moi je dirais même que c'est de la persécution
12:26ciblée sur la base d'opinion politique.
12:28C'est vrai qu'on parle souvent du harcèlement au collège, en primaire, au lycée, mais il
12:32n'y a aucune raison qu'à l'université, le harcèlement soudainement disparaisse.
12:36Et j'ai même envie de dire que le harcèlement à Sciences Po est exacerbé par une idéologie
12:42sectaire qui refuse toute nuance, qui refuse toute contradiction, et ça on le voit très
12:47bien par exemple dans les témoignages que j'ai mis en troisième partie d'étudiants
12:52qui soudainement ont vu leur vie basculer.
12:55« Je fus enfin banni du gala de fin d'année, nous comprimes à nos dépens que le logiciel
12:59néo-féministe n'accorde de la valeur à la parole des femmes que lorsqu'elle incrimine
13:04les hommes. »
13:05Voilà, ça c'est ce que vous citez, page 61, et ça décrit bien le Paul Violet.
13:10Merci beaucoup Pablo Ladan d'avoir été avec nous, la Terreur Violette, comment ils
13:15ont détruit Sciences Po.
13:17Je vais donc donner votre livre à Sonia Mabrouk qui va inviter Elisabeth Borne cette semaine
13:22pour lui faire part de cela.