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Le 6 mars, la délégation aux droits des femmes auditionnait des femmes scientifiques, dans le cadre de son rapport sur les femmes et les sciences. Kumiko Kotera, astrophysicienne, directrice de recherche au CNRS, directrice de l'Institut d'astrophysique de Paris, Marina Kvaskoff, épidémiologiste et chercheuse à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Carole Mathelin, PU-PH de gynécologie-obstétrique, présidente de l'Académie nationale de chirurgie, Heïdi Sevestre, glaciologue, membre du programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique et Aleksandra Walczak, biophysicienne, directrice de recherche au CNRS et au Laboratoire de physique théorique de l'École normale supérieure, membre de l'Académie des sciences ont ainsi partagé leur expérience. Elles ont mis l'accent sur l'importance de la formation aux sciences dès le plus jeune âge chez les filles et sur le rôle prépondérant des politiques publiques volontaristes en la matière.
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00:00:00Bonjour à tous, Raphael vous retrouvez sur Public Sénat pour un nouveau numéro de 100%
00:00:14Sénat, l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:17A l'occasion du 8 mars, la journée internationale des droits des femmes, le Sénat a organisé
00:00:22une table ronde sur les femmes scientifiques des parcours modèles qui peuvent inspirer
00:00:27les jeunes générations. Je vous laisse écouter cette table ronde.
00:00:29Mesdames et messieurs, nous allons nous installer. Alors c'est bien de travailler sur les sciences
00:00:37parce qu'on voit les hommes venir nous rejoindre. Et franchement, je vous en remercie. Alors
00:00:43cela dit, je vous en remercie parce qu'aucun combat féministe ne saura gagner si les hommes
00:00:46ne sont pas à nos côtés. Donc nous avons effectivement besoin de vous.
00:00:52Chers collègues, mesdames et messieurs, à l'occasion de la journée internationale des
00:00:57droits des femmes du 8 mars, notre délégation a décidé, dans le cadre de son rapport annuel
00:01:02sur la thématique femmes et sciences, d'organiser une matinée dédiée à des femmes scientifiques
00:01:08exceptionnelles dont le parcours tout autant personnel que professionnel force l'admiration
00:01:13et le respect. Nous espérons, en leur donnant ainsi la parole et en les écoutant nous parler
00:01:19de leur expérience et de leur vécu, qu'elles pourront susciter la vocation de toute une
00:01:25génération de jeunes filles qui hésitent encore à s'orienter vers les sciences ou
00:01:30qui en sont parfois dissuadées en raison de stéréotypes de genre qui ont malheureusement
00:01:34la vie dure. Je précise que cette table ronde fait l'objet d'une captation audiovisuelle
00:01:42en vue de sa retransmission en direct sur le site et les réseaux sociaux du Sénat,
00:01:46ce qui permettra de lui donner la publicité et l'audience la plus large possible.
00:01:53Le 13 février dernier, à l'occasion de la journée internationale des femmes et des filles de
00:01:59sciences, nous avons inauguré nos travaux en invitant des membres de l'Académie des sciences
00:02:04à nous présenter leur rapport de juin 2024 intitulé « Science, où sont les femmes ? ». Les
00:02:11femmes représentent encore moins d'un tiers des chercheurs scientifiques en France et ce chiffre
00:02:16stagne ces dernières années. Elles sont encore moins nombreuses à occuper des postes à
00:02:21responsabilité au sein des laboratoires de recherche ou des départements R&D des entreprises.
00:02:26Cette sous-représentation est la conséquence d'une insuffisante orientation des filles vers
00:02:31les filières scientifiques au lycée, puis dans les études supérieures, mais aussi de différences
00:02:39de représentation et de résultats entre filles et garçons dès l'école primaire, en particulier en
00:02:46mathématiques. En 2023, la France ne comptait que 13% d'étudiantes universitaires diplômées dans
00:02:54les domaines des sciences, technologie, ingénierie et mathématiques, contre 40% d'étudiants diplômés.
00:03:01Par ailleurs, 45% des filles élèves de terminale n'avaient choisi aucun enseignement de spécialité
00:03:08en sciences contre 28% des garçons. Au cours de nos travaux, nous cherchons à répondre aux
00:03:15questions suivantes. Comment amener davantage de filles vers les mathématiques et les sciences
00:03:20dès le plus jeune âge et tout au long de leur scolarité ? Je rappelle que le décrochage des
00:03:27filles en mathématiques se passe entre le début et la fin du cours préparatoire. Et c'est simplement
00:03:33dans la tête bien sûr, parce qu'il n'y a aucune raison qu'elles soient plus mauvaises que les
00:03:36garçons sur le sujet. Comment encourager les jeunes filles et femmes à poursuivre une carrière
00:03:42scientifique et à prendre des postes à responsabilité ? Je répète, et à prendre des postes à responsabilité.
00:03:48Comment mieux valoriser des rôles modèles de femmes scientifiques et lutter contre les stéréotypes à
00:03:54tout niveau ? Avec les quatre rapporteurs désignés par la délégation sur cette thématique, mes
00:03:59collègues Marido Achliman, Jocelyne Antoine, Laure Darkos et Marie-Pierre Monnier, présentes à mes côtés,
00:04:09il nous a donc semblé important de mettre en avant des parcours inspirants de femmes
00:04:13scientifiques qui peuvent servir de rôles modèles aux jeunes filles qui nous regardent. Les cinq
00:04:19femmes que nous accueillons ce matin ont certes toutes connu un parcours d'excellence, mais elles
00:04:25démontrent aussi que les sciences sont accessibles à toutes les jeunes filles motivées. C'est une
00:04:30question de passion, de persévérance, de motivation et d'encouragement à poursuivre dans cette voie.
00:04:38Chacune d'entre elles évoquera devant nous son parcours personnel et professionnel et partagera
00:04:44avec nous sa passion pour son métier. Elles pourront aussi nous préciser en quoi le fait
00:04:49d'être une femme a pu constituer un obstacle ou une chance dans la poursuite d'une carrière couronnée
00:04:55de succès. J'ai donc l'immense honneur d'accueillir ce matin, par ordre alphabétique, la docteure
00:05:03Kumiko Kotera, astrophysicienne, directrice de recherche au CNRS, directrice de l'Institut
00:05:11d'astrophysique de Paris et auteure du livre L'univers violent, paru en janvier 2025.
00:05:19Kate Dunclay, notre administratrice, est en train de le finir et doit nous faire une fiche ensuite,
00:05:27détaillée, je suis sûre que ça va lui faire plaisir. La docteure Marina Kvaskov, épidémiologiste,
00:05:35chercheuse à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, autrement dit l'INSERM,
00:05:41directrice du groupe de recherche sur l'épidémiologie de la santé gynécologique,
00:05:45spécialiste de l'endométriose. La professeure Carole Matelin, professeure universitaire et
00:05:53hospitalière de gynécologie obstétrique et, tout récemment, élue présidente de l'Académie nationale
00:05:59de chirurgie. Et que nous aurons en visio, la docteure Heidi Sevestre, glaciologue, membre du
00:06:07programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique, auteure de plusieurs ouvrages. Elle
00:06:12interviendra en direct depuis Svalbard, à l'extrême nord de la Norvège. Enfin, la docteure Alexandra
00:06:19Valzac, biophysicienne, directrice de recherche au CNRS, au sein du laboratoire de physique de
00:06:26l'École normale supérieure et, récemment, élue membre de l'Académie des sciences, dont je rappelle
00:06:32qu'il aura fallu attendre 1979 pour qu'une femme intègre l'Académie des sciences. Donc voilà,
00:06:39puisque Marie Curie, ce que je disais avec deux prix Nobel, c'était un peu juste. Donc elle n'avait
00:06:45pas été acceptée. Je vous souhaite à toutes la bienvenue et vous remercie infiniment pour votre
00:06:50présence parmi nous ce matin. Et je vais, dans un premier temps, laisser la parole à la professeure
00:06:55Carole Matelin. Je laisserai ensuite le soin à chacune de mes collègues rapporteurs de présenter
00:07:01successivement nos autres invités. Donc, chère Carole Matelin, vous êtes professeure de gynécologie
00:07:08obstétrique à la Faculté de médecine et au CHU de Strasbourg, chef du service de chirurgie de
00:07:15l'Institut de cancérologie de Strasbourg. Vous avez été élue, en janvier dernier, présidente de
00:07:20l'Académie nationale de chirurgie et êtes ainsi devenue la première femme à occuper ce poste
00:07:26prestigieux dans toute l'histoire de cette académie. Comme vous l'avez dit, il fallait
00:07:31attendre 300 ans pour que ce soit possible. Ça y est, il sont mûrs. Vous êtes considérée comme
00:07:37une référence en matière de chirurgie mammaire et avez consacré votre carrière à améliorer la prise
00:07:42en charge des cancers du sein en alliant expertise technique et défense des droits des patients.
00:07:48Vous êtes particulièrement engagée dans la défense de la parité au sein des professions
00:07:53chirurgicales. Vous prévoyez ainsi de mettre en place des programmes visant à encourager la
00:07:59présence de jeunes femmes dans des spécialités encore peu féminisées, comme la chirurgie
00:08:03cardiovasculaire ou neurochirurgicale. Je préciserai d'ailleurs, comme vous êtes à Strasbourg, que nous
00:08:09sommes ici la chambre des territoires, de montrer, puisque nous avons des meusiennes parmi nous, que
00:08:14je salue également, que nous pouvons également vivre en province, que tout ne se passe pas à Paris
00:08:19et qu'on peut même réussir et devenir ainsi présidente de l'Académie de chirurgie.
00:08:25Professeur Carole Matelin, nous vous écoutons. Alors c'est évidemment un grand honneur d'être là
00:08:31parmi vous aujourd'hui, mesdames et aussi merci messieurs d'accompagner notre combat. On a
00:08:37absolument besoin de vous. Alors je me permettrai de me présenter, peut-être pendant cinq minutes,
00:08:43et puis vous montrer mes préoccupations pour l'avenir. Alors pour me présenter à vous, je suis
00:08:48d'origine lorraine et alsacienne, un mélange, donc merci aux représentants du Grand Est qui sont là
00:08:55pour soutenir les femmes de la région. J'ai fait ma scolarité à Thionville et ensuite je suis partie
00:09:02en 1979 à la faculté de médecine de Strasbourg, où j'ai tout de suite été intéressée par la cause
00:09:09des femmes. J'avais absolument envie de faire de la gynécologie obstétrique, ce qui me semblait que
00:09:14notre présence était capitale. On donne la vie et on accompagne malheureusement la mort, parce que
00:09:20l'une des premières causes de mortalité de la femme, c'est le cancer du sein. Donc j'ai trouvé
00:09:24que c'était important d'accompagner ces femmes du début à la fin et j'ai été très accompagnée, je
00:09:31dirais, par mon patron de l'époque qui s'appelait le professeur Renault, Robert Renault, qui est plus
00:09:36de ce monde, et j'aimais bien sa notion de la chiangie. Il disait que la chiangie est un métier
00:09:41formidable qui nous permet de nous mesurer à la maladie pour la vaincre aujourd'hui et la comprendre
00:09:46demain. Donc il nous disait à l'époque, quand on était jeune, ok vous aurez la technique, vous
00:09:51réussirez à traiter des maladies, mais surtout faites de la prévention, essayez de comprendre
00:09:56les choses, c'est ça l'avenir de demain, c'est que la maladie disparaisse. Donc j'étais très inspirée
00:10:02par lui et c'est lui qui a fondé, je ne sais pas si vous le savez, mais le dépistage organisé des
00:10:06cancers du sein. On en avait eu l'idée dans les années 85, on avait tenté de convaincre les
00:10:13collègues que c'était non, on a retenté en 86, il m'a dit on lâche pas, on y va, on continue, 87, 88 et
00:10:1889 on a réussi, 15 mai 89 on a lancé en Alsace premier dépistage des cancers du sein et ça
00:10:26marchait formidablement bien. Maintenant on a des problèmes, les taux de participation ne sont plus
00:10:30au rendez-vous, mais voilà c'était cette action de prévention qui m'avait plu et puis on faisait
00:10:37beaucoup de recherches à l'époque et je disais à mes collègues du CNRS, c'est grâce à vous aussi
00:10:43qu'on a transformé la chirurgie. L'idée c'était de faire une médecine transdisciplinaire, sortir
00:10:48notre discipline, aller vers les autres disciplines et leur poser des questions et on a contacté notre
00:10:55équipe du CNRS à l'époque en disant on pense qu'on surtraite les femmes, d'ailleurs on surtraite les
00:11:00hommes aussi, il faut minimiser notre chirurgie, il faut que l'acte soit plus pointu et on a lancé
00:11:06une technique, on a été les premiers à lancer les brevets en France, maintenant c'est mondial, la
00:11:11technique du ganglion sentinelle et c'est nos amis du CNRS qui nous ont fabriqué les sondes et les
00:11:17caméras, sans eux on n'aurait jamais fait ça et donc ça nous permet de faire maintenant une chirurgie
00:11:22pour les hommes et les femmes qui soient dans la désescalade. Ça c'est sur le plan un petit peu
00:11:27recherche, on a fait d'autres choses dont on pourra parler et puis on a lancé de l'enseignement des
00:11:32maladies du sein en France bien sûr et puis à l'étranger on a fait un premier diplôme des
00:11:38maladies du sein en Algérie, ensuite au Sénégal, ensuite en Syrie, maintenant on va accueillir des
00:11:44médecins ukrainiens pour une formation en France donc ce côté enseignement était très valorisant
00:11:49pour les jeunes je trouvais. Donc du soin, forcément on assure les services hospitaliers, je suis
00:11:56chef de service d'un service de chirurgie qui est à l'ICANS, c'est l'institut de cancérologie
00:12:02Strasbourg-Europe mais ces métiers nous permettent de continuer notre recherche et j'en dis juste un
00:12:08mot, notre recherche actuelle c'est s'intéresser à la cause des cancers. Pourquoi on a tellement de
00:12:14cancers du sein en France ? Vous savez qu'on est le premier pays dans le monde en termes d'incidence
00:12:19des cancers du sein. C'est chez nous en France que si vous prenez 100 000 femmes le taux de
00:12:25cancers du sein va être le plus élevé et c'est un cancer qui touche à peu près une femme sur
00:12:29huit. Donc notre combat c'est d'essayer de comprendre la maladie, d'où ça vient, pourquoi ça
00:12:36progresse, pourquoi ça touche des jeunes femmes et on a une piste très sérieuse qui est liée à
00:12:41l'environnement. Et pourquoi les chirurgiens s'intéressent à l'environnement ? C'est parce que les
00:12:46chirurgiens peuvent faire des dosages au moment où ils opèrent dans les tumeurs et aller regarder les
00:12:51taux de pesticides, les taux de pifasse, les taux de certains métaux. Il y a le même phénomène dans
00:12:56le cancer de la prostate ou dans le cancer du pancréas. Donc c'est important que les chirurgiens
00:13:01soient là aussi pour comprendre les maladies. Toujours l'idée de M. Renaud, comprendre la
00:13:06maladie et je crois que nos actions en santé publique permettront de réduire les cancers.
00:13:11On a cet objectif-là en tous les cas. Et donc voilà pour mon parcours un peu soins-recherche,
00:13:17enseignement. Et ce qui m'a paru important, c'est de rejoindre l'Académie nationale de
00:13:23chirurgie parce que je suis chirurgien et il y a très très peu de femmes représentées à
00:13:29l'Académie de chirurgie. Et je trouve que ce n'est pas bien parce que quand vous regardez le
00:13:33fonctionnement d'un hôpital, qui fait fonctionner les hôpitaux ? C'est les femmes. Elles sont
00:13:38infirmières, elles sont aides-soignantes, elles sont anesthésistes, elles sont dans les blocs
00:13:42opératoires, elles sont là et finalement elles n'ont pas voix au chapitre. Et si on regarde dans
00:13:47les carrières hospitalo-universitaires, il y a un vrai barrage pour les femmes. Elles peuvent
00:13:52assurer le service hospitalier quotidien mais quand il y a une responsabilité à prendre, non,
00:13:57elles ne sont pas dans la salle, elles ne sont pas là. Donc il faut faire bouger les choses au
00:14:01niveau des carrières hospitalo-universitaires pour qu'elles deviennent chef de service,
00:14:05pour qu'elles deviennent présidentes CME, pour qu'elles deviennent doyennes ou académiciennes.
00:14:09Donc on a ce combat-là avec les CNU et on essaye de faire changer les choses. Et l'Académie,
00:14:17comme vous le disiez, une vieille structure, 1731, fondée par le premier chirurgien du roi
00:14:23Louis XV et beaucoup de décisions étaient prises jusqu'à présent sans les femmes. Donc on a pris
00:14:30une décision, aucune grande décision en chirurgie en France, il n'y a pas au moins une femme présente
00:14:34et qui accepte la décision. Et le combat de l'Académie cette année va être un combat en
00:14:40faveur des femmes et les académiciens suivent complètement ce combat. Il y a une anomalie
00:14:46en France en termes de formation des chirurgiens qui s'occupent des femmes. Je vais m'expliquer,
00:14:53il y a 13 spécialités chirurgicales. Il y a l'urologie, l'orthopédie, la gynéco, etc. Mais
00:15:00vous n'avez pas de spécialité pour opérer une femme qui a un cancer du sein. La cynologie n'est
00:15:05pas une discipline. C'est-à-dire qu'on peut par exemple avoir fait de l'obstétrique pendant cinq
00:15:10ans, avoir fait que des césariennes et avoir le droit d'opérer une femme qui a un cancer du sein.
00:15:14Or on n'a pas été formé, on ne sait pas enlever la tumeur, on ne sait pas faire de la chirurgie
00:15:18esthétique, réparatrice, mais on a le droit de le faire. Est-ce qu'un homme accepterait de se faire
00:15:23opérer d'un cancer de la prostate par quelqu'un qui n'a jamais fait de cancer de la prostate ?
00:15:27Donc c'est vraiment une injustice et c'est le combat de l'Académie cette année d'essayer de
00:15:33créer ce qu'on appelle une FST, une formation spécialisée transversale pour que les chirurgiens
00:15:39qui opèrent des femmes aient une formation pendant deux ans spécialisée, qui sache faire
00:15:44une reconstruction, qui donne toute satisfaction en termes carcinologiques et qu'on diminue cette
00:15:50mortalité par cancer du sein en France qui est de 12 000 décès chaque année pour les femmes qui
00:15:56ont un cancer du sein. Et je vous rappelle, ça touche une femme sur huit. Donc ce sera le gros
00:16:00combat. Il y a trois autres combats qu'on va mener, mais c'est celui-ci que je voulais mettre un peu
00:16:05en valeur aujourd'hui parmi vous. Voilà, j'ai essayé de vous montrer assez rapidement les axes
00:16:11des carrières médicales et de donner envie aux plus jeunes parce qu'on y arrive et puis on va
00:16:18les aider. Je vous remercie pour votre attention. Merci beaucoup professeur. Alors je crois que nous
00:16:25sommes plusieurs ici à pouvoir témoigner qu'effectivement le cancer du sein touche beaucoup
00:16:28de femmes. Si on faisait un petit sondage. Que les ganglions sentinelles évitent effectivement des
00:16:35traitements lourds. Et donc c'est une très bonne chose. Et vous rappelez que c'est du Sénat
00:16:42qu'est venue la loi de la parité dans la haute fonction publique qui s'applique aussi à la
00:16:47fonction publique hospitalière et qui impose sur un certain nombre de postes d'avoir 50% de
00:16:55primo-nominations et 40% de personnes en place. Parce que je vous rappelle qu'on comptait
00:17:02celle qui rentrait, ça faisait toujours plus d'un. Mais quand elle partait et qu'elle était
00:17:05remplacée par un homme, ça faisait pas moins d'un. Et donc on s'est dit que comme ils avaient bien
00:17:11compris le principe du flux, nous leur avons dorénavant appris le principe du stock. Donc
00:17:16voilà. Et je laisse maintenant la parole à ma collègue Marie-Pierre Monnier qui nous
00:17:23présentera notre prochaine intervenante. Intervenante Marina Fascoff.
00:17:26Merci madame la présidente. Cher Marina Fascoff, vous êtes épidémiologiste et chercheuse à l'INSERM.
00:17:37Vous dirigez actuellement un groupe de recherche sur l'épidémiologie de la santé gynécologique
00:17:42et vous vous êtes imposée comme une spécialiste incontournable de l'endométriose. Après une
00:17:49thèse obtenue en France, vous partez étudier aux Etats-Unis à l'université d'Harvard où vous
00:17:54spécialisez dans l'épidémiologie de l'endométriose. Lorsque vous obtenez un poste de chargée de
00:18:00recherche à l'INSERM en 2016, vous décidez de vous investir dans l'association Femmes et Sciences au
00:18:06sein de laquelle vous montez un programme de mentorat pour les doctorantes à l'université
00:18:11Paris-Saclay. Vous êtes également lauréate en 2008 du prix Jeunes Talents L'Oréal UNESCO pour
00:18:19les femmes et la science et plus récemment en 2023 du prix INSERM OPEX Sciences et Sociétés.
00:18:26Votre parcours est fascinant et nous intéresse à plus d'un titre. Je vous laisse donc la parole
00:18:31sans plus tarder. Merci beaucoup madame Monnier pour cette introduction et merci beaucoup pour
00:18:36l'invitation. Je suis vraiment ravie et honorée d'être parmi vous aujourd'hui pour discuter de
00:18:41la place des femmes dans les sciences qui est un sujet qui me tient à coeur et je vous remercie
00:18:46pour tout le travail que vous faites, toutes pour le faire avancer. La première fois que j'ai pris
00:18:51conscience de cette problématique de la place des femmes dans les sciences c'est quand j'ai reçu le
00:18:55prix Jeunes Talents L'Oréal UNESCO pour les femmes et la science. En fait je me suis dit que comme
00:19:00il existait un prix pour cela c'est que certainement il devait y avoir un problème et donc je n'en
00:19:05avais pas du tout conscience avant et donc je me suis immédiatement engagée dans l'association
00:19:09Femmes et Sciences et je me souviens que quand j'ai su que j'étais lauréate du prix j'étais très
00:19:16contente mais j'avais du mal à y croire et je me disais enfin je me suis dit qu'il devait y avoir
00:19:22tellement d'autres enfin pourquoi moi il devait y avoir tellement d'autres personnes très beaucoup
00:19:28bien plus méritantes que moi et je me suis dit que ça devait être une erreur et que c'était
00:19:34qu'une question de temps avant qu'on s'en rende compte. Donc c'était c'est ce qu'on appelle le
00:19:38syndrome de l'imposteur il est bien plus fréquent chez les femmes comme on le sait et c'est du fait
00:19:44de l'éducation qu'on donne aux femmes et du fait des stéréotypes qui ont beaucoup de poids et en
00:19:48effet la confiance en moi pour faire des sciences a pris du temps. Donc quand quand j'étais petite
00:19:54j'étais fascinée par la santé et les maladies mais je me sentais pas légitime pour faire des
00:19:59études de sciences. Mes parents n'avaient pas fait d'études et n'étaient pas du tout au fait des
00:20:04formations existantes mais je n'avais pas de modèle scientifique. Mais mon père était convaincue que
00:20:11la science était l'avenir et qu'il fallait que je m'engage dans cette voie pour avoir un travail.
00:20:15Et quand j'étais au collège j'étais une étudiante brillante mais en seconde mes parents se sont
00:20:22séparés et donc là j'ai arrêté de travailler et j'ai redoublé ma seconde. J'ai quand même réussi à
00:20:29passer en première S mais j'ai eu mon bac au rattrapage. Et ensuite j'ai passé deux fois le
00:20:34concours d'entrée de la fac de pharmacie et en fait j'ai passé ces deux années à me dire que
00:20:39j'allais pas y arriver et donc voilà forcément je ne suis pas arrivée et donc au bout des deux années
00:20:44je n'ai même pas eu d'équivalence. Et donc je suis repartie en première année de biologie à
00:20:48l'université à l'âge de 21 ans. Et au bout du premier semestre de cette première année de
00:20:53biologie j'avais 10 de moyenne. Et là je me suis dit non je peux pas faire ça je veux faire des
00:20:59études je peux pas m'arrêter là. Je me sentais vraiment en échec et donc je me suis mis à ne
00:21:04plus écouter cette petite voix intérieure et à enfin me focaliser sur mon travail sans rien
00:21:11écouter au dehors. Et donc là j'ai travaillé, travaillé, travaillé et j'ai eu 15 au deuxième
00:21:16semestre de mon année. Et donc au final j'ai eu une mention assez bien au DEUG donc qui est
00:21:23l'équivalent de L2 et donc j'avais, je me suis prouvé à moi-même que je pouvais y arriver et que
00:21:29voilà j'avais trouvé une méthode de travail. Ensuite j'ai eu une mention bien à la maîtrise,
00:21:35une mention très bien au master et ensuite je me suis engagée dans un doctorat, un double
00:21:42doctorat entre la France et l'Australie, une quotidienne internationale. Et puis je suis
00:21:46allée faire mon post-doc à Harvard pendant trois ans et demi. Et à mon retour j'ai eu le concours
00:21:52INSERM du premier coup et donc j'ai obtenu un poste de chercheuse en 2016 comme vous l'avez dit.
00:21:56Aujourd'hui j'ai bientôt 45 ans et donc forte d'une expérience de 20 ans en épidémiologie de
00:22:03l'endométriose. Je suis en train de créer une équipe de recherche centrée sur l'épidémiologie
00:22:08de la santé gynécologique. Donc pour travailler sur l'endométriose que je connais maintenant mais
00:22:15également sur d'autres problématiques de la santé gynécologique. Notamment les fibromutérins,
00:22:21le syndrome des ovaires polycystiques qui sont des maladies non malignes dont on a peu,
00:22:27enfin pour lesquelles on a peu de connaissances finalement. Et également d'autres sujets tels
00:22:32que la santé menstruelle ou les mutilations génitales féminines. Et donc tous ces sujets
00:22:37sur la santé des femmes qui sont des pathologies associées à une mortalité faible mais une
00:22:44mortalité, pardon excusez-moi, une mortalité faible mais une morbidité élevée avec des gros
00:22:50impacts sur la qualité de vie. Ce sont des thématiques qui sont complètement sous-investiguées
00:22:55donc voilà maintenant aujourd'hui j'ai vraiment envie d'utiliser mon expérience sur l'endométriose
00:23:00pour enfin augmenter les connaissances sur ces autres thématiques. Aujourd'hui mon équipe compte
00:23:0715 personnes et elle continue de s'agrandir. Depuis ma thèse j'ai levé près de 12 millions
00:23:12d'euros pour ma recherche, j'ai formé 40 étudiants. Il y a quelques années j'ai une distinction un
00:23:17petit peu insolite puisque en fait j'ai été élue marraine du tunnelier Marina qui porte mon prénom
00:23:24en hommage aux causes que je défends, à savoir la lutte contre l'endométriose et la place des
00:23:29femmes en sciences. Et voilà et donc récemment j'ai également obtenu un prix Insam comme vous
00:23:35l'avez dit. Si on m'avait dit il y a 20 ans quand j'étais en thèse et que j'avais vraiment très
00:23:40peu confiance en moi que j'en serais là aujourd'hui, que j'avais ce potentiel, je n'aurais pas cru. Mais
00:23:45je pense que ça m'aurait vraiment aidé de le savoir et je pense que j'aurais beaucoup moins
00:23:50peur de faire mon chemin en sachant tout ça, en ayant confiance en l'avenir. Alors s'il y a des
00:23:56jeunes filles ou des jeunes femmes qui nous écoutent et qui doutent d'elles-mêmes pour
00:23:59faire des sciences ou pour faire progresser leur carrière scientifique, je voudrais leur demander
00:24:03qu'est-ce que vous feriez si vous n'aviez pas peur ? Si vous n'aviez pas peur si vous n'étiez pas
00:24:10parasité par votre voix intérieure ou par des voix extérieures, par la peur du jugement ou par
00:24:15la peur de ne pas être à la hauteur ? C'est une question très puissante car les stéréotypes sont
00:24:19profondément ancrés en nous et ils sont comme une barrière mentale invisible. Mais à côté de ça je
00:24:25ne pense pas que le sentiment d'illégitimité des femmes à poursuivre une carrière scientifique ne
00:24:29vienne que d'elles-mêmes et que c'est plutôt quelque chose de systémique. Les stéréotypes
00:24:34commencent très tôt, les enfants sont exposés aux stéréotypes dès leur naissance et même avant
00:24:38leur naissance puisque les jeunes parents se comportent différemment en fonction du sexe du
00:24:42fœtus. Et donc une première recommandation serait la sensibilisation des enseignants et des conseillers
00:24:48d'orientation aux stéréotypes et au biais de genre dans les métiers et les aptitudes scientifiques.
00:24:53Quand j'étais en seconde avant de la redoubler, un conseiller d'orientation m'avait dit que
00:24:59puisque sans travailler j'avais 10 de moyenne en lettres et 4 en maths, c'est que j'avais un profil
00:25:05littéraire et certainement pas un profil scientifique. Et donc heureusement que je n'ai
00:25:08pas suivi son conseil parce qu'il m'avait conseillé de ne pas redoubler et de passer
00:25:13en première littéraire. Donc il vaudrait vraiment une grande campagne d'information pour sensibiliser
00:25:18les métiers qui sont au contact d'élèves et d'étudiants mais aussi le grand public pour
00:25:22toucher plus largement la population. Une deuxième recommandation serait le
00:25:27déploiement de systèmes de garde d'enfants tels que crèches dans les instituts et les universités,
00:25:33des instituts de recherche et l'université et plus globalement l'augmentation de la durée du
00:25:39congé maternité mais aussi du congé paternité. C'est une mesure qui faciliterait grandement le
00:25:44maintien des femmes dans une carrière scientifique parce que quand on a des enfants en bas âge,
00:25:47on change drastiquement de rythme de travail et les difficultés de garde peuvent vraiment
00:25:52impacter les jeunes mamans. Beaucoup de femmes sont découragées à ce moment-là et beaucoup de
00:25:56femmes scientifiques arrêtent leur carrière à ce moment-là parce qu'elles sont très impactées,
00:26:02découragées devant les difficultés et la charge mentale. Impliquer les pères aussi c'est très
00:26:08important pour pouvoir partager cette charge et faciliter la transition familiale. On a beaucoup
00:26:15parlé de la baisse de la fertilité en France mais si on donnait aux jeunes parents les moyens
00:26:19d'avoir des systèmes de garde qui leur permettent d'avoir des enfants plus tôt, finalement on
00:26:23faciliterait grandement les choses de ce point de vue-là. Ensuite tous les systèmes de soutien
00:26:28qui permettraient aux femmes scientifiques de poursuivre leur carrière devraient être mis en
00:26:33oeuvre également tels que plans d'égalité professionnelle comme à l'INSERM ou au CNRS,
00:26:38telles que également formation des membres de jurés et commissions, quotas de femmes, réseaux
00:26:43d'entraide, peer mentoring. Tout ça c'est très important de soutenir toutes ces initiatives.
00:26:48Une troisième recommandation serait de réaliser une enquête sociologique qualitative afin de mieux
00:26:54comprendre les freins et les leviers de l'engagement des filles en science et du maintien des femmes
00:26:59dans la carrière scientifique. Parce que là donc on donne une idée à peu près globale des problèmes
00:27:05qu'on pense trouver mais ce serait vraiment très important de documenter ça de manière scientifique
00:27:10pour vraiment comprendre quels sont les leviers sur lesquels on peut agir au niveau sociétal et
00:27:15au niveau politique. En ce qui concerne les rôles modèles, l'association Femmes et Sciences fait un
00:27:20travail remarquable pour mettre en lumière des femmes scientifiques d'hier et d'aujourd'hui.
00:27:23Et parmi les actions phares de l'association, l'organisation de colloques et d'événements,
00:27:29les interventions dans les collèges et les lycées auprès des jeunes filles mais également auprès des
00:27:33jeunes garçons, l'édition d'un livret de 40 femmes scientifiques remarquables du 18e siècle à
00:27:38nos jours, l'exposition La science taille XXL qui expose des portraits de jeunes femmes scientifiques
00:27:44d'aujourd'hui dans des lieux publics, dans plusieurs villes de France et des programmes de
00:27:49mentorat pour mettre en relation des doctorantes avec des mentors pour leur permettre de démarrer
00:27:55et de faciliter cette transition dans leur carrière. On peut aussi citer le Prix Laurel UNESCO qui met
00:28:01chaque année en lumière plusieurs femmes scientifiques dont les portraits sont également
00:28:04exposés dans des lieux publics et on pourrait aller encore plus loin en exposant ces portraits
00:28:10dans des écoles ou en incluant l'étude de l'impact des femmes scientifiques en histoire et
00:28:14en science parce qu'il faut savoir que dans l'histoire beaucoup d'impacts de femmes scientifiques ont
00:28:20été gommées et donc on est très peu exposé à ces messages-là quand on est enfant,
00:28:26quand on est étudiant. Nous progressons même s'il reste encore beaucoup à faire et je salue
00:28:31encore une fois l'initiative de cette délégation et donc merci beaucoup encore pour votre invitation.
00:28:35Merci beaucoup. Nous étions d'ailleurs plusieurs d'entre nous à la dernière manifestation du Prix
00:28:46Lauréal UNESCO et figurez-vous que l'une des lauréates est originaire de Lyon et j'ai moi-même
00:28:55dans Lyon et alors je salue mon collègue aussi Jean-Baptiste Lemoyne qui est à mes côtés et donc
00:29:01j'ai créé un prix qui s'appelle les Engagés de Lyon où on salue les femmes qui ont fait rayonner
00:29:06le département au-delà de ses frontières et elle est donc l'une des nominées. Alors je ne sais pas
00:29:12si elle gagnera mais voilà donc effectivement c'est important et c'est important d'avoir cette
00:29:18reconnaissance je pense y compris de l'entourage etc pour pouvoir poursuivre et se sentir légitime.
00:29:27Mais je laisse maintenant le soin à notre collègue rapporteur Marie-Do Achliman de
00:29:32présenter notre prochaine invitée qui intervient en direct depuis le Pôle Nord
00:29:36au Svalbard norvégien Heidi Sevestre. Merci Madame la Présidente, Monsieur le Président de la
00:29:43Commission des affaires sociales du Sénat, Mesdames et Messieurs les Sénateurs et Sénatrices, Mesdames
00:29:48les docteurs et professeurs, Mesdames et Messieurs, Chère Heidi Sevestre, tout d'abord un grand merci
00:29:57d'être parmi nous ce matin néanmoins à plus de 3000 km du Sénat depuis le Svalbard qui est
00:30:04un archipel arctique situé entre le Pôle Nord et le continent norvégien. Vous êtes glaciologue,
00:30:11membre du club international des explorateurs et du programme de surveillance et d'évaluation de
00:30:17l'Arctique, conférencière internationale et auteur de plusieurs ouvrages passionnants dont le
00:30:24dernier paru fin 2023 s'intitule Sentinelle du climat. Vous vous revendiquez fervente
00:30:31communicatrice scientifique et menez chaque année plusieurs expéditions dans les régions les plus
00:30:37froides et glacées de la planète. En 2022 vous avez remporté la première médaille Shackleton
00:30:45pour la protection des régions polaires. Votre but premier est de rendre la science du climat plus
00:30:52accessible au grand public et d'inciter la prise de mesures positives en faveur du climat. Chère
00:30:59Heidi Sevestre, nous vous écoutons. Bonjour à toutes et à tous, merci, merci beaucoup Madame
00:31:06Achimann pour cette présentation. Je suis très honorée et très heureuse de vous retrouver ce
00:31:11matin et merci d'avoir pu faciliter cette intervention à distance. Donc depuis l'Arctique,
00:31:16je vais vous montrer rapidement à quoi ça ressemble la ville la plus au nord de la planète. Avec ma
00:31:20petite webcam, ça ne va pas être très beau. On a fait un petit moins dix aujourd'hui. On a battu
00:31:24des records de température malheureusement tout le mois dernier. Et ici, quand il fait plus 4
00:31:28degrés au mois de février à 1200 kilomètres du pôle nord, c'est clair que ce n'est jamais un très
00:31:33bon signe. Je tiens aussi vraiment à saluer tout le travail qui a été fait par cette commission
00:31:38depuis de nombreuses années, aussi de nombreuses mois. Et je tiens à saluer Madame la Présidente
00:31:43Dominique Vérien. Je suis ravie de vous retrouver cette fois-ci à distance. Alors je tiens à vous
00:31:49remercier de nous offrir l'opportunité de partager ces parcours. On voit à quel point c'est important
00:31:54auprès des jeunes filles et des jeunes garçons de pouvoir se retrouver, s'identifier à ces
00:32:00différents parcours scientifiques. Et donc je vais commencer par vous raconter d'où vient
00:32:04cette étrange histoire pour moi de devenir glaciologue. Cette histoire a commencé dans
00:32:09un petit village de Haute-Savoie, un village qui s'appelle Gruffy, entre forêts et
00:32:15montagnes. Une maman bibliothécaire qui m'a biberonné par les histoires d'Heidi, la petite
00:32:21Suissesse fille des montagnes, et un papa informaticien qui était vraiment passionné de
00:32:27sciences et qui lisait chaque semaine religieusement Science et Vie. Alors avant de me lancer dans la
00:32:32glaciologie, j'ai commencé mes études dans un lycée agricole, le lycée agricole de Poisy qui
00:32:38s'appelle aujourd'hui l'ISETA. J'ai découvert vraiment le monde de l'agriculture, le monde de
00:32:43l'agronomie. J'étais entourée de fils et de filles et d'agriculteurs qui pensaient vraiment au temps
00:32:49long et qui réfléchissaient à préserver ces paysages et à préserver leur savoir-faire. J'ai
00:32:54aussi eu la chance à ce moment-là d'avoir des professeurs, notamment des femmes absolument
00:32:59extraordinaires, des profs de maths, de physique, de SBT, de géographie, qui ont vraiment cru en moi
00:33:05et qui m'ont donné la permission d'oser viser haut et plutôt de faire un bac technique, de me lancer
00:33:13dans un bac général scientifique et ça a été déterminant. Pendant cette période-là, quand j'ai
00:33:18atteint l'âge de 17 ans, je commençais à faire pas mal de montagnes et d'alpinisme et c'est pendant
00:33:23une de ces courses d'alpinisme classique entre Chamonix et Zermatt, les deux capitales de
00:33:27l'alpinisme, que je croise la route d'un guide de haute montagne à l'illustre carrière, Hubert Créton,
00:33:33un guide bien connu de Verbier et qui m'a dit « Écoute Heidi, je sais pas si tu le sais, mais il y a des
00:33:39gens, on les paye pour étudier les glaciers, on appelle ça des glaciologues, pourquoi est-ce que
00:33:43tu ferais pas ça ? » Et c'est vraiment lui qui m'ouvre une porte dont j'ignorais clairement
00:33:48l'existence à l'époque. Bac scientifique en poche, je pars à l'université Lyon III pour faire une
00:33:53licence de géographie. À ce moment-là, je croise la route d'une autre personne déterminante dans ma
00:33:58vie, le professeur Henri Rougier qui me prend sous son aile et qui m'aide à concrétiser ce rêve de
00:34:03devenir glaciologue. À l'époque, je peux faire mon premier stage en glaciologie sur les glaciers du
00:34:08massif du Mont-Blanc avec le glaciologue Luc Moreau qui, dès le début de sa carrière, a su conjuguer
00:34:14science et communication scientifique. Il a été une immense inspiration pour moi. Alors c'est clair
00:34:19qu'à l'époque, je ne connais aucune femme glaciologue mais je suis entourée par tellement de bienveillance
00:34:24et d'encouragement, je ne me pose aucune question et vraiment je fonce. Et arrive assez vite l'opportunité
00:34:29de faire un semestre à l'étranger avec ce formidable programme européen Erasmus. Je veux
00:34:34aller le plus loin possible, là où les glaciers polaires façonnent le paysage et c'est là où je
00:34:39me retrouve donc ici en fait sur l'archipel du Svalbard en 2008. C'est vraiment là où tout bascule
00:34:44pour moi. Je découvre un monde où mes professeurs principales sont deux femmes scientifiques
00:34:50extraordinaires, Anna et Maria, une paléontologue et une géologue d'une trentaine d'années chacune.
00:34:55J'ai toujours cette image de les voir toutes les deux marcher sur les glaciers avec leur
00:35:01chien malamute en laisse, un fusil sur l'épaule pour se protéger des ours polaires et je découvre
00:35:07des femmes qui respirent la liberté et la passion et qui ont réussi une carrière absolument
00:35:12extraordinaire depuis. C'est vraiment la première fois où je vois des modèles féminins en sciences
00:35:17de terrain. J'ai décidé ensuite de poursuivre dans cette voie avec un master de glaciologie au Pays
00:35:22de Galles et une année de césure pour gagner de l'expérience justement sur le terrain. Et c'est là,
00:35:28lors de cette première expédition au Groenland, que je prends conscience d'une autre réalité,
00:35:33le sexisme latent dans certaines équipes. C'est lors de cette mission que notre chef
00:35:38d'expédition, plutôt misogyne sur les bords, menace l'autre femme de notre projet de la jeter
00:35:46dans une crevasse. Elle profitera d'un avion de ravitaillement pour fuir l'expédition,
00:35:51elle a eu bien raison. Me voilà la seule femme avec cette équipe, vraiment livrée à moi-même,
00:35:56et ça a été un moment fondateur. C'est à ce moment-là que je décide que je ne travaillerai
00:36:00plus qu'avec des collègues qui sont fiables et respectueux. C'est quand même la base sur
00:36:05le terrain. Ensuite, je retourne au Svalbard pour y faire mon doctorat. J'ai deux superviseurs,
00:36:09hommes, qui m'embarquent dans quatre ans de travaux absolument magiques sur les glaciers
00:36:14de l'Arctique. C'est aussi quatre ans que je vais commencer à enseigner dans des classes où la
00:36:18présence des femmes est de plus en plus forte, et elle va même devenir majoritaire. Une des dernières
00:36:24classes où j'ai enseigné la glaciologie, il n'y avait là que des femmes. C'est aussi une formidable
00:36:29opportunité pour moi, pendant ce doctorat, de travailler dans une université scandinave où
00:36:34la parité, les congés paternité-maternité, les aides envers les femmes sont mises en place depuis
00:36:40bien longtemps, et on voit à quel point ça marche parfaitement. J'enchaîne ensuite avec un post-doc
00:36:45en Écosse, et c'est là où je fais mes premières armes en communication scientifique. Je me retrouve
00:36:49télétransportée sur France 5 pour une émission qui s'appelle « Terres extrêmes ». Je parle des
00:36:54glaciers, je rencontre des experts scientifiques dans le monde entier, et je me prends vraiment de
00:36:59passion pour la transmission des connaissances scientifiques auprès du grand public. C'est là
00:37:03aussi où, rapidement, les attaques commencent. D'abord de mes collègues anglo-saxons, j'étais
00:37:08en plein post-doc, donc c'était assez compliqué de jongler tout ça. Ils voient plutôt d'un mauvais
00:37:13œil ce pas de côté vers la sensibilisation, et ensuite de scientifiques français avec qui je
00:37:18n'avais jamais étudié ni travaillé, et qui cherchent à discréditer mon travail. Encore
00:37:23aujourd'hui, les attaques de ces mêmes personnes persistent, mais ils n'ont jamais entamé ma
00:37:29détermination. En 2021, je mène une expédition scientifique 100% féminine au Svalbard. Très
00:37:36clairement, l'idée nous est venue de faire une équipe 100% féminine parce qu'on pensait que
00:37:41ce serait plus facile de trouver des partenaires et des sponsors. Au contraire, ça a été quand
00:37:45même particulièrement difficile. Une fois le budget bouclé, on part pour un mois d'expédition
00:37:51en traversant l'archipel à ski sur 430 kilomètres pour réduire notre empreinte carbone le plus
00:37:57possible. On a eu clairement les pires conditions que j'ai jamais vues en expédition scientifique,
00:38:03des cyclones, des tempêtes à répétition, mais c'est là où j'ai vraiment une révélation. Je me
00:38:08rends compte que je suis vraiment entourée, je le savais déjà, mais de le voir sur le terrain,
00:38:12c'est encore autre chose, de femmes absolument extraordinaires qui avaient non seulement une très
00:38:16forte expérience de terrain, mais aussi une empathie gigantesque, une vraie solidarité et
00:38:21intelligence émotionnelle qui va vraiment nous permettre d'aller au bout de cette mission. Pas
00:38:26de place pour les égos surdimensionnés dans ces conditions-là, alors que d'autres expéditions au
00:38:31même moment sont évacuées sur l'archipel, on est la seule expédition à terminer nos travaux.
00:38:36Et c'est là où je comprends qu'on a toutes les ressources nécessaires pour mener ces projets
00:38:40à terme, mais à notre façon. Alors aujourd'hui, comme vous l'avez très bien dit, je partage mon
00:38:46temps entre la recherche scientifique et la sensibilisation, avec encore beaucoup de temps
00:38:51passé sur le terrain, que ce soit sur les glaciers, dans les entreprises, dans les territoires, les
00:38:56écoles. À travers ces engagements, j'ai le privilège de croiser des femmes et des hommes qui, chacun à
00:39:02leur manière, façonnent un monde plus juste et plus égalitaire. Sur les glaciers, je croise des
00:39:07personnalités extrêmement inspirantes, comme par exemple Madeleine Grislin, une des premières femmes
00:39:13glaciologues françaises qui a fait la trace pour bon nombre d'entre nous en glaciologie. Dans les
00:39:19entreprises, je rencontre des Murielle ou des Hélène, qui, à la tête de la RSE de grandes
00:39:24entreprises, embarquent des milliers de collaboratrices et de collaborateurs dans leurs actions. Je croise
00:39:29aussi la route de Camille, Anne-Sophie, Emma, qui arrivent, grâce à la science, à faire bouger les
00:39:35réglementations pour la santé humaine et la santé environnementale. Et puis évidemment, il y a le
00:39:39monde de l'éducation, un pilier essentiel dans ce combat. Avant-hier encore, j'échangeais avec
00:39:45deux enseignantes passionnées et leurs élèves, Julie et Émilie, du collège Henri-Thomassy de
00:39:51Corse. Depuis quatre ans, elles animent un atelier baptisé « Les Culottés », en hommage à la bande
00:39:57dessinée de Pénélope Bagneux, pour mettre en lumière des parcours de femmes. Elles transmettent
00:40:01à leurs élèves l'histoire de celles qui ont osé, qui ont innové et qui ont bousculé les codes,
00:40:06parce que l'inspiration est la clé, on le sait, on ne peut aspirer à devenir ce que l'on n'a
00:40:12jamais vu. Ces initiatives, ces rencontres, ces engagements, tout cela me conforte dans
00:40:17une conviction profonde. Il est temps de créer des vocations, il est temps de briser ces barrières
00:40:23invisibles et de montrer que les jeunes filles ont toute leur place dans ces disciplines,
00:40:26non seulement comme chercheuses, comme scientifiques, mais aussi comme leaders,
00:40:30comme chefs d'entreprise, comme exploratrices et innovatrices. Je voudrais terminer sur ces mots
00:40:35de Vandana Shiva, qui résonnent profondément en moi. « Nous aurons soit un avenir où les femmes
00:40:41montreront la voie pour rétablir la paix avec la terre, ou nous n'aurons pas d'avenir du tout. »
00:40:46Je vous remercie pour votre attention. Merci beaucoup, chère Heidi Sevestre. Merci
00:40:53infiniment d'être intervenue depuis le Pôle Nord. Remontrez-nous une petite image du Pôle Nord.
00:40:57Avec grand plaisir, je vous montre ça tout de suite. Pas d'ours polaires dans les environs
00:41:02aujourd'hui, donc c'est plutôt calme. Voilà quoi ce qu'en semble la ville la plus au nord de la
00:41:07planète. C'est extraordinaire. Merci beaucoup. Vos propos sont toujours aussi passionnants et
00:41:13limpides. Je suis aussi ravie de vous revoir de cette façon. Mais je me tourne maintenant vers
00:41:20notre collègue-rapporteur Laura D'Arcos, qui nous disait qu'elle avait loupé sa vocation et qu'elle
00:41:25aurait adoré devenir glaciologue. Mais heureusement pour nous, nous avons une formidable sénatrice et
00:41:32donc elle va nous présenter notre prochaine invitée d'exception, Alexandra Valsac.
00:41:36Merci beaucoup, madame la présidente. Oui, madame Sevestre, votre vue de votre fenêtre me fait
00:41:44revivre là où j'étais il y a encore trois jours, c'est-à-dire l'Antarctique. Et en effet, ça a été
00:41:50le voyage de ma vie. Et en effet, j'ai vraiment eu l'impression d'avoir manqué ma vocation ce jour-là.
00:41:57Je suis quand même très heureuse d'être parmi vous, bien évidemment, et d'être dans nos petits
00:42:03rôles humbles, mais qui font peut-être avancer en effet les choses. J'ai été également très touchée
00:42:08par les deux précédentes témoignages. On en reviendra là-dessus. Mais ce que vous avez pu
00:42:14évoquer et vos parcours nous font forcément raisonner des choses, notamment sur vos vies
00:42:20personnelles et familiales, parce que c'est compliqué de tout mener. Et vraiment, bravo
00:42:25pour vos parcours. Alors, madame Alexandra Balchac, vous êtes physicienne de formation,
00:42:32directrice de recherche au CNRS au sein du laboratoire physique de l'École normale supérieure.
00:42:36Vous explorez les lois de la nature en confrontant vos compréhensions des processus biologiques à des
00:42:43données quantitatives et proposer des algorithmes avancés d'analyse de données et des modèles
00:42:48quantitatifs. Vous venez d'être élue membre de l'Académie des sciences et faites partie des
00:42:53dix académiciennes élues au sein de la nouvelle promotion des membres de l'Académie. En 2016,
00:42:59vous déclariez que le déroulement de votre carrière aurait sans doute été plus facile si
00:43:04vous aviez été un homme, mais affirmiez également que les difficultés s'amenuisaient au fur et à
00:43:09mesure que vous avanciez. Vous ajoutiez, personnellement, j'ai eu la chance de bénéficier
00:43:14de l'encouragement de mes collègues, mais la situation reste difficile pour les femmes.
00:43:19Chère Alexandra Walczak, vous avez la parole. Merci beaucoup, madame. Merci de m'avoir donné
00:43:26l'occasion aujourd'hui de partager mes expériences. Est-ce qu'on peut mettre des diapos, s'il vous
00:43:32plaît? Oui, c'est bon. En préparant cette intervention, je me suis demandé comment une
00:43:46fille d'une ville de Provence en Pologne a pu arriver là où je suis aujourd'hui. Il y a clairement
00:43:52un problème d'éducation des filles, comme l'a documenté le rapport de l'Académie des sciences,
00:43:56qui doit être abordé dans le système scolaire à tous les niveaux. Mais si nous ne faisons que
00:44:02cela, nous attendrons au moins 20 ans pour voir les résultats. Il y a des problèmes à tous les
00:44:07niveaux, mais je vais commencer par les écoles. Je vous montre ça. Voilà. Ces rapports de ces
00:44:15pays disent que les compétences en mathématiques de cette fille sont très bonnes, mais n'ont rien
00:44:21à voir avec son excellent niveau en français. Cette fille a clairement compris au CP qu'elle
00:44:26était bonne en français, mais que les garçons de sa classe étaient bons en mathématiques. Je
00:44:32repensais à ce moment à mon expérience à cet âge. J'avais déménagé avec ma famille au Royaume-Uni.
00:44:38On m'avait donné l'étiquette de bonne en maths et je me suis demandé est-ce que l'effet de
00:44:45devenir d'une famille non anglophone m'empêchait d'être excellente en anglais et me permettait
00:44:50d'être bonne en maths. Cette fausse dualité néfaste entre le français et mathématiques se
00:44:56poursuit plus tard avec le choix inutile selon moi entre les sciences et les lettres. En tant
00:45:05que scientifique, nous passons beaucoup de temps à écrire et à communiquer. Moi-même, je postulais
00:45:10pour me spécialiser dans les lettres au lycée, mais un ami de mon père m'a convaincu de
00:45:17candidater en sciences. Il m'a dit qu'on peut faire n'importe quoi après un cours scientifique,
00:45:23continuer à étudier la littérature, mais l'inverse n'est pas vrai. Si vous n'avez pas assez d'oeuvres
00:45:29de mathématiques au lycée, il est extrêmement difficile de rattraper cela, même avec beaucoup
00:45:36de travail. On le voit aujourd'hui avec les réformes de Bac et la chute de nombre de filles
00:45:44qui choisissent le maths, ce qui les ferme les portes. Au lycée, on ne m'a pas encouragée à faire
00:45:51les maths et les sciences, mais mes professeurs ont fait une chose merveilleuse. Ils ne m'ont pas
00:45:57découragée et ils ne se sont pas servis de maths comme un outil de sélection. Je n'avais pas
00:46:04détesté les maths et les sciences. Cela m'a donné l'idée naïve d'étudier la physique parce que
00:46:10j'étais curieuse. Je savais qu'il y avait des choses que je pouvais apprendre et il n'y avait
00:46:16pas d'examens d'entrée. À 17 ans, je n'étais certainement pas parmi les élèves le mieux
00:46:24préparés en Pologne pour étudier la physique, non parce que je n'étais pas assez bonne,
00:46:29mais parce que je ne venais pas d'un lycée spécialisé pour s'orienter vers la physique.
00:46:35S'il y avait eu une sélection à l'entrée, je me serais sans doute dirigée vers d'autres
00:46:41matières. Faire des mathématiques en facteur de sélection décourage probablement de nombreuses
00:46:46filles d'explorer la science. Les compétences sélectionnées aux examens d'entrée ne sont
00:46:51pas les mêmes que celles qui sont utiles dans la recherche. Cela dit, tout le monde a besoin
00:46:57de mathématiques au niveau lycée. Et même si je défends l'existence de plusieurs voies,
00:47:02abandonner l'enseignement des mathématiques ne peut pas être une solution. Un deuxième
00:47:08facteur important qui était aussi déjà mentionné pendant ma formation universitaire était qu'il
00:47:14y avait un nombre visible de femmes professeurs. La directrice et directrice adjointe du département
00:47:20étaient des femmes. Le pourcentage d'étudiants était faible, mais chaque année nous avions des
00:47:26femmes professeurs, des femmes enseignantes. Tout n'était pas rose, les hommes faisaient souvent
00:47:30des remarques sexistes, mais pour une jeune étudiante, rétrospectivement, cette présence
00:47:36de femmes faisait une différence. Personnellement, je note là aussi que je reçus un soutien incroyable
00:47:42de la part des menteurs masculins tout au long de ma carrière. Je pense que mes collègues ont
00:47:48dit la même chose. Un menteur n'a pas besoin d'être une femme, il doit simplement soutenir
00:47:53les femmes. Permettez-moi de passer rapidement à mon expérience dans le comité de recrutement,
00:48:05y compris dix ans cumulés dans le comité du Sénat. Là, j'ai appris que les femmes doivent
00:48:12être excellentes et exceptionnelles, tandis que les hommes peuvent être juste bons.
00:48:17Une femme doit se démarquer, elle sera également jugée plus sévèrement pour ses échecs. Il n'y a
00:48:28pas d'endroit au monde où tout le monde est exceptionnel. Pour que quelqu'un soit exceptionnel,
00:48:37les autres, par définition, ne doivent pas l'être. Comme l'a fait remarquer un de mes collègues,
00:48:43nous avons besoin de plus de femmes moyennes. Nous avons beaucoup d'hommes moyens et de femmes
00:48:49extraordinaires, mais nous devons permettre aux chercheuses et enseignants de cherchesse d'être
00:48:54plus moyennes. C'est une déclaration provocante, mais je pense qu'elle est juste. Je soutiens
00:49:04également le fait que des compétences différentes sont nécessaires et que le travail d'équipe est
00:49:09la façon dont la science fonctionne dans la pratique. Je ne serai pas ici sans mes collaborateurs,
00:49:15y compris mon partenaire. Les étudiants, en particulier les étudiants français, sont formés
00:49:20par le biais des concours sélectifs pour être compétitifs. Ils ne sont pas habitués au travail
00:49:26en équipe et lorsqu'on leur demande de travailler ensemble, ils ne savent pas comment faire. En
00:49:33pratique, personne n'est pas contre que les femmes fassent de la science. A moins que les processus
00:49:40ne deviennent compétitifs et qu'une femme prenne la place d'un homme. Voici les données montrant
00:49:49le nombre de femmes admises à étudier différentes disciplines aux États-Unis. L'informatique a
00:49:55soudainement chuté dans les années 80, lorsqu'elle a commencé à devenir une discipline d'élite et
00:50:01rechercher. On voit la même chose en astrophysique. Les pays dans lesquels être astrophysicien est
00:50:07considéré comme peu prestigieux ont plus de femmes que les pays où ce métier est considéré
00:50:12comme attrayant. La question devient alors comment préserver le prestige de la science en tant que
00:50:21métier et y augmenter le nombre de femmes. Voilà, le nombre de femmes. Pour être clair, la baisse de
00:50:29salaire n'est pas une solution. Les salaires des scientifiques en France sont bas par rapport à
00:50:34de nombreux autres pays et les mêmes problèmes persistent. De plus, nous voulons être très bons
00:50:40scientifiques. Nous devons donc trouver comment rendre ces carrières attrayantes pour les femmes et
00:50:45les convaincre de se battre pour ces carrières. La science est une entreprise internationale et la
00:50:51France a de nombreux atouts pour attirer des femmes incroyables. La France doit créer des
00:50:57conditions pour que les femmes établies et reconnues restent. Je veux dissocier strictement
00:51:03l'effet d'être une femme du fait d'avoir des enfants, même si je suis moi-même mère. Beaucoup
00:51:09de femmes choisissent de ne pas avoir d'enfants et les hommes aussi en ont. Elles peuvent et doivent
00:51:14contribuer de plus en plus en temps que les femmes. Cependant, il est vrai qu'avoir un emploi stable
00:51:21à 30 ans, ça aide les femmes, notamment quand elles doivent décider ou non d'avoir des enfants.
00:51:27La formation à la recherche demande du temps et les femmes, pour être compétitives plus tard,
00:51:33doivent avoir droit à cette formation. Nous avons besoin de plus de mesures pour que les
00:51:39enfants soient une joie pour les deux parents. Les enfants ne sont pas la seule charge qui peut
00:51:45freiner la carrière, mais aussi le vieillissement des parents ou les maladies, qui pèsent probablement
00:51:52de manière disproportionnée sur les femmes. La recherche est une activité à plein temps et il
00:51:57est important de pouvoir gérer son temps de la manière la plus productive possible et non pas
00:52:03selon des règles. Nous avons besoin de flexibilité et d'un changement dans la représentation sociale.
00:52:09Ce que j'aime dans ce travail, c'est la même chose qui m'a lancé dans l'inconnu à l'adolescence,
00:52:15la curiosité et l'envie d'en savoir plus. J'aime aussi travailler avec des personnes de tous âges et
00:52:21de travailler dans un environnement international. L'idée d'un scientifique solitaire est dépassée,
00:52:27tout comme l'idée selon laquelle il n'existe qu'un seul critère pour sélectionner un scientifique.
00:52:34Mon parcours professionnel n'était pas non plus planifié, il a pris de nombreux tournois qui
00:52:40n'étaient pas prévus, tant sur le plan scientifique que personnel. Je pense qu'il est
00:52:46important de laisser de la place pour cela. Merci beaucoup. Merci beaucoup, professeure Alexandra
00:52:54Waksack, pour votre intervention qui a aussi fait résonner un certain nombre de choses. J'avoue
00:53:00que moi-même, en troisième, je voulais m'orienter vers une filiale littéraire et que c'est un
00:53:06professeur qui m'a dit « non, non, mais fais des sciences, tu verras, ça ne t'empêchera pas de
00:53:11faire, ça ne t'empêchera pas de faire des études après ton bac littéraire ». Et puis finalement,
00:53:16je suis devenue ingénieure, donc il a bien fait. Enfin, je ne sais rien, parce que je ne suis
00:53:19toujours plus ingénieure, mais effectivement, c'est clairement, on doit pouvoir être orienté,
00:53:26y compris, et ça résonne aussi avec ce que disait Marina Kiascov, quand les parents ne sont pas là,
00:53:34l'école devrait avoir aussi ce rôle de pouvoir orienter et susciter des vocations scientifiques.
00:53:40Enfin, pour présenter notre dernière intervenante, la docteure Kumiko Kotara,
00:53:45je laisse la parole à notre collègue rapporteur Jocelyne Antoine, qui va ensuite aussi lire le
00:53:53livre. Voilà, merci madame la présidente. Donc, il me revient en effet l'honneur de présenter
00:53:57notre dernière intervenante, Kumiko Kotara, une femme scientifique exceptionnelle à beaucoup
00:54:05d'égards. Chère Kumiko, vous êtes astrophysicienne, directrice de recherche au CNRS, directrice de
00:54:13l'Institut d'astrophysique de Paris et à la tête d'un ambitieux projet international, Le Grand,
00:54:19qui cherche à détecter les neutrinos de haute énergie grâce à des dizaines de milliers
00:54:24d'antennes réparties sur plusieurs continents. Vous êtes également écrivaine et avez publié en
00:54:30janvier 2025, c'est tout récent, un ouvrage passionnant intitulé L'univers violent, dans
00:54:36lequel vous décrivez votre quête et celle de toute la communauté d'astronomes pour détecter
00:54:41et décrypter les messages que nous envoie l'univers à travers de multiples sources d'énergie dont la
00:54:49lumière, les rayons cosmiques, les neutrinos et les ondes gravitionnelles. Mais vous évoquez
00:54:55également dans ce livre les difficultés que peuvent rencontrer les femmes dans le milieu de
00:55:00la recherche scientifique, celles qui choisissent de faire avancer collectivement les connexions
00:55:05scientifiques, parfois au détriment de leur vie personnelle. Et j'ai un message particulier à vous
00:55:12adresser à ce moment, puisqu'en préparant cette audition, j'ai invité les membres d'une
00:55:18association de mon département et de femmes. Et parmi elles, j'ai une jeune fille qui est à Toulouse
00:55:24et qui est en études d'astrophysicienne. Et quand elle a vu que je vous auditionnais, elle m'a mis
00:55:29un petit message en disant, il faut absolument que vous puissiez me transmettre les coordonnées de
00:55:35Kumiko parce que je souhaiterais pouvoir correspondre avec elle. Une jeune fille brillante
00:55:39d'un département ultra rural. Voilà, c'était un petit message perso et je vous laisse la parole
00:55:44et je vous remercie. Ce sera avec grand plaisir. Merci beaucoup. Madame la présidente, mesdames les
00:55:52rapporteurs, mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, mesdames et messieurs, chers collègues,
00:55:58bonjour. Je suis très honorée d'être là aujourd'hui pour pouvoir apporter mon témoignage en tant que
00:56:03femme scientifique. Et je me présente à vous aujourd'hui avec quatre casquettes. Premièrement,
00:56:10en tant qu'astrophysicienne et chercheuse qui a donc un goût profond pour la science et qui la
00:56:16pratique au jour le jour. Ensuite, comme femme directrice, je dirige, comme vous l'avez dit,
00:56:22un projet scientifique d'envergure internationale de 120 personnes, grande, qui vise à détecter des
00:56:29particules qui viennent du cosmos avec un réseau d'antennes géants déployées dans des déserts
00:56:34pour sonder les astres de l'univers qu'on dit violents. Je suis aussi donc directrice, première
00:56:42femme directrice depuis 1937, de mon laboratoire, l'Institut d'astrophysique de Paris. Troisièmement,
00:56:51je suis autrice, effectivement, et ça signifie que j'ai un désir de partage de la science mais
00:56:57aussi que j'ai toujours eu une veine littéraire et une envie d'écrire. Et enfin, quatrièmement,
00:57:03je suis épouse et mère de deux enfants jeunes de 7 et 9 ans. Donc avec ces différents statuts,
00:57:10je ne voudrais surtout pas que ça fasse peur et que les gens voient ça comme une anomalie. Quand
00:57:16vous dites femme exceptionnelle, enfin tout ça, je pense qu'il faut arrêter. Je pense que voilà,
00:57:25il ne faut pas que ça inhibe toute possibilité d'identification. Et au contraire, en fait,
00:57:32mon message ici, c'est qu'il est possible de combiner ces différentes vies et envies. Je
00:57:39voudrais dire qu'il est possible d'être mère et scientifique à la fois. Je voudrais dire qu'il
00:57:44est possible d'être scientifique et de préserver sa fibre artistique. Je voudrais dire aussi qu'il
00:57:51est possible de diriger un projet scientifique et un laboratoire sans entrer dans le stéréotype du
00:57:57mal dominant, mais de le faire en restant soi-même, en préservant sa nature. Et donc je
00:58:05vais maintenant décliner les quatre casquettes que je viens d'introduire pour témoigner sur
00:58:09différents points sur les femmes et les sciences qui me sont chères. Donc d'abord, je vous ai dit,
00:58:15je me présente en tant qu'astrophysicienne et chercheuse et je vais décrire brièvement mon
00:58:19parcours. Parcours assez classique dans notre domaine. J'ai fait un baccalauréat scientifique,
00:58:24une classe préparatoire à Grenoble. J'ai intégré une école d'ingénieurs, pas l'école polytechnique,
00:58:30pas l'ENS. J'ai intégré l'ENSTA, l'école nationale supérieure de technique avancée,
00:58:35qui est une très belle école. J'ai ensuite fait un master 2 d'astronomie et d'astrophysique à
00:58:40Sorbonne Université. Ensuite une thèse à l'Institut d'astrophysique de Paris, qui s'est
00:58:46très bien passée. Et ensuite je pars sur une première expérience de contrats CDD à l'étranger,
00:58:51ce qu'on appelle un post-doctorat à l'Université de Chicago. Donc là, je rencontre ma mentor Angela
00:58:57Olinto, femme pour le coup exceptionnelle. Donc première femme physicienne, première femme
00:59:05professeur au département de physique de l'Université de Chicago. Aujourd'hui numéro 2 de l'Université
00:59:12de Columbia. Quelqu'un d'extrêmement, enfin brillant, une chercheuse formidable et en même
00:59:18temps très humaine. Donc elle m'apprend tout globalement. Elle m'apprend tout et en plus ma
00:59:23carrière décolle à ce moment-là. Et donc voilà, c'est vraiment des années formidables de
00:59:29ma vie. Je pars ensuite en deuxième post-doctorat au California Institute of Technology à Caltech.
00:59:36Et en fait, entre temps, je suis recrutée au CNRS sur un poste chargé de recherche. Donc ça,
00:59:46très tôt, un an et demi après ma thèse. Quand j'étais à Caltech, je savais déjà que j'avais un
00:59:51poste qui m'attendait. Et ça, c'était une chance infinie. Parce que ça m'a permis de ne pas me
00:59:56poser cette question de si j'arrêtais ou non la recherche. Parce que ça résonne avec mes
01:00:01collègues. En fait, dans ces moments précaires du début de la recherche, c'est très difficile
01:00:07de savoir si on va pouvoir continuer. Parce qu'on a envie de fonder une famille, on a envie de se
01:00:12projeter. Et c'est très compliqué lorsqu'on doit faire des CDD à répétition dans différents
01:00:18continents, de savoir si c'est ça qu'on va vouloir faire. Donc moi, je n'ai pas posé cette
01:00:26question. Et je rentre à Paris, à l'Institut d'astrophysique de Paris, avec mon poste au CNRS.
01:00:33Et aussi très tôt dans ma carrière, je rencontre mon collègue Olivier Martineau. Donc là, on a un
01:00:38véritable coup de foudre scientifique, d'où naît notre projet GRANDE, qu'on dirige ensemble,
01:00:44main dans la main, depuis dix ans. Et puis cette année, j'ai pris les rênes de l'Institut
01:00:48d'astrophysique de Paris. J'ai accepté parce que j'espère rendre un peu de tout ce que cet
01:00:53institut m'a apporté dans ma carrière. Et c'est un grand honneur. Donc j'ai dit que je me présentais
01:00:59en tant qu'astrophysicienne et chercheuse. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que je fais
01:01:02dans mon métier ? Alors je pense qu'il faut absolument dépoussiérer cette notion du chercheur,
01:01:08du physicien solitaire, qui est dans son bureau et sort des équations de son cerveau. Ce n'est
01:01:14pas comme ça qu'on fait. En tout cas, la science telle que je la pratique, c'est vraiment de la
01:01:20joie collective. Et c'est aussi ce que j'ai essayé d'exprimer dans ce livre. Donc on est une
01:01:26bande de personnes qui se retrouvent de par le monde et qui font résonner nos cerveaux et nos
01:01:32vies entre elles. Nos cerveaux et nos vies. Donc typiquement, on a des puzzles, donc des questions
01:01:39qu'on se pose, scientifiques. On va les mettre sur une table, on se met tous ensemble autour. Et là,
01:01:44on se met à brasser des idées. C'est formidable et ça nous emplit. Et c'est ça qu'on fait au jour
01:01:49le jour. Pas que, mais c'est pour ça qu'on fait le métier. Et donc voilà, notre carburant au jour
01:01:55le jour, c'est la résolution des puzzles. Et d'ailleurs, être scientifique, je pense que c'est
01:02:02un message, ça se décline de plusieurs façons. Il n'y a pas que les chercheurs, il y a aussi les
01:02:07ingénieurs, les techniciens, techniciennes, dans le public, dans le privé, à différents niveaux
01:02:11d'artisanat. Parce qu'il faut aussi se rendre compte que la science, elle se fait aussi avec
01:02:17les mains, comme on fait son pain. C'est extrêmement satisfaisant. Ce n'est pas que de la théorie,
01:02:23c'est vraiment quelque chose qu'on fait, qu'on manipule concrètement. Et c'est super. Il y a
01:02:29aussi bien sûr beaucoup de créativité, ou pas d'ailleurs. Je pense qu'il y en a vraiment pour
01:02:33tous les goûts, pour tous les caractères. Et c'est ça qui fait toute la richesse de la science.
01:02:37Alors parmi toutes ces facettes possibles, il y a celle de la direction. Donc là,
01:02:42j'en arrive à ma deuxième casquette, diriger en tant que femme. Je pense que ça va même au-delà
01:02:46de la science d'une certaine façon. Donc encore aujourd'hui, dès qu'une femme dirige, on a ce
01:02:52stéréotype, cette image de la femme forte, quasi-masculine. Et c'est une réelle difficulté,
01:02:56je trouve. Parce que pour être respectée dans ses positions, elle aime tout simplement être
01:03:01respectée en tant que scientifique. Nombre de femmes de ma génération, et celles d'avant,
01:03:06je n'en parle même pas, ont dû se transformer pour se rapprocher des critères masculins attendus.
01:03:12Et j'ai compris avec l'expérience, le temps, et ma mentor Angela Minto, que j'ai compris qu'ils
01:03:21n'étaient pas nécessaires de se dénaturer, et qu'il y avait mille et une façons de diriger,
01:03:27comme de faire de la science, et que justement, en apportant ce qu'on est, c'était une véritable
01:03:31richesse. Et c'est ça que je souhaiterais pour les générations suivantes, et je vois que cette
01:03:36tendance un peu se dessiner, donc c'est porteur d'espoir, c'est que les jeunes filles et femmes,
01:03:40qui arrivent et qui font de la science aujourd'hui, aient encore moins à forcer le trait et à se
01:03:46travestir, comme nous, on a dû le faire dans notre génération. Et qu'elles puissent arriver à
01:03:52être appréciées dans leur carrière scientifique, pour leurs véritables qualités diverses, qui ne
01:03:58se mesurent pas avec les critères obsolètes du boys club qu'a été la science pendant si longtemps.
01:04:04Alors je voudrais aussi dire deux mots sur ce concept de rôle modèle, donc Angela Olinto a
01:04:09été une révélation pour moi, et encore aujourd'hui, il m'arrive régulièrement, quand je suis devant
01:04:15une situation difficile, de me demander qu'est-ce qu'Angela aurait fait à ma place, et ça m'aide
01:04:20énormément. Et je me dis que peut-être que c'est parce qu'on est plus facilement, vous parliez du
01:04:26syndrome de l'imposteur, on est plus facilement dans le doute, on est plus facilement, voilà,
01:04:34à se poser énormément de questions, qu'on est peut-être plus sensible à cette notion de rôle
01:04:38modèle. Et donc ce qu'on fait aujourd'hui, cette table ronde, c'est à mon sens extrêmement
01:04:42important, donc je vous remercie d'avoir organisé ça. Alors enfin, donc troisièmement, je voudrais
01:04:49parler de cette composante d'autrice et de scientifique à la fois, donc qui rejoint en fait
01:04:59mon parcours, parce que, et ça résonne beaucoup avec tout ce que vous dites, alors moi à la base,
01:05:05je voulais devenir écrivain, et pendant très longtemps, jusqu'à la fin du collège, moi je
01:05:11voulais écrire. Et à la fin du collège, je me suis dit, ah mais vouloir devenir écrivain, ça fait pas
01:05:17sérieux. Donc je me suis dit, je vais vouloir devenir astrophysicienne, ce qui fait beaucoup
01:05:21plus sérieux, c'est assez drôle. Mais en fait, j'ai choisi astrophysicienne parce que je trouvais
01:05:29que c'était quelque chose qui était à la croisée de cette méthode scientifique que j'appréciais
01:05:32beaucoup, et d'une certaine forme de poésie. Mais j'ai toujours voulu écrire quand même. Et d'ailleurs
01:05:39c'était une époque où la science était encore vue comme quelque chose de sérieux, et on espère que
01:05:46ça va continuer à l'être, vu les temps qui courent. Et d'ailleurs, pour la petite histoire, j'ai eu
01:05:54beaucoup de mal à concilier ces deux pans de ma personnalité, et j'ai compris en fait assez
01:05:59récemment que la science et l'écriture, enfin j'ai compris, j'ai accepté que la science et l'écriture
01:06:06allumaient deux parties différentes de mon cerveau, et que ça se répondait. Et que la science, je la voyais
01:06:11un peu comme une jubilation, alors que l'écriture, je la voyais comme une respiration. Et ce livre que
01:06:17j'ai pu écrire, je pense, pour moi c'est un objet littéraire, sans prétention,
01:06:24mais qui j'espère se lit un peu comme un roman. Et pour moi, ça incarne cette possibilité-là d'être
01:06:30multiple en exerçant un métier de science. Je dis multiple dans le sens où je pense qu'on peut
01:06:36être scientifique et littéraire, scientifique et écrivain, scientifique et sportive, scientifique et
01:06:44je sais pas moi, voilà, politique, tout à fait, non voilà, on peut être multiple. Ça veut pas dire,
01:06:50faire de la science, ça ne ferme pas des portes. Je pense que c'est un message. Et ça rejoint ce
01:06:58que disait Alexandra, je crois pas avoir été très encouragée à faire de la science dans ma
01:07:04scolarité. Alors ma famille m'a toujours soutenue, et ça a toujours été très précieux, m'a soutenue
01:07:10dans tout ce que je voulais faire. Mais je pense que dans le milieu scolaire, je n'ai pas forcément
01:07:16été encouragée, mais je n'ai pas été découragée non plus. C'est vrai, et c'est vrai. Par contre,
01:07:22je pense que personne n'aurait vraiment parié sur le fait que je deviendrais astrophysicienne
01:07:26au lieu de mes capacités, qui étaient bonnes en maths et en physique, mais je n'étais pas
01:07:30exceptionnelle. Je n'étais pas une virtuose technique des maths et de la physique, clairement.
01:07:36Et je pense que par contre, les gens auraient plus parié sur ma carrière littéraire, parce que j'étais
01:07:42une femme qui écrivait, qui aimait écrire et qui était bonne en lettres. Voilà, et je ne peux pas
01:07:50m'empêcher de m'interroger là aujourd'hui sur la part de biais de genre, en fait, même plutôt,
01:07:57surtout sur moi vis-à-vis de moi-même à l'époque où j'ai fait ces choix-là, et puis ensuite bien
01:08:02sûr sur les autres vis-à-vis de moi-même. Et là, j'ai un témoignage et un message assez fort que
01:08:08j'aimerais passer, qui est que si j'avais dû faire le choix au lycée, en seconde, d'arrêter ou pas
01:08:18les sciences, honnêtement, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Ça rejoint ce que disent un peu mes collègues.
01:08:27Et clairement, je pense que j'étais trop jeune avant le lycée pour faire ces choix-là, je ne savais
01:08:33pas ce que c'était que la science. De toute façon, pour moi, la vie s'est ouverte au lycée. C'était
01:08:38trois années extrêmement riches où je pense que j'ai acquis la maturité pour appréhender le monde.
01:08:44En tout cas, j'estime que tout ce que j'ai commencé à apprendre, et aujourd'hui tout ce que
01:08:50je construis sur ma compréhension du monde, et pas que des sciences, date de ce moment-là au lycée.
01:08:57Et donc, mon message, qui est d'ailleurs partagé par l'ensemble des collègues de mon domaine, c'est
01:09:04le suivant. Au lycée, la science ne doit pas être une option. Elle doit faire partie du tronc commun
01:09:12pour permettre aux filles de ne pas être confrontées à un choix biaisé déjà en amont par la société.
01:09:18Et tant que ce sera une option, elles se censureront. Je conçois que travailler en amont sur ce biais
01:09:25de genre, sur la formation des professeurs des écoles, le décrochage en CP, je conçois que
01:09:30ce soit complexe. Mais là, il s'agit de remettre en place un fonctionnement qui a été démantelé,
01:09:36il s'agit de remettre dans un tronc commun généraliste au lycée, la science, de remettre la
01:09:42science à sa place. Et je pense quand même qu'on devrait le faire, et qu'on devrait
01:09:49vraiment se vocaliser là-dessus. Surtout, lorsqu'on voit ce qui se passe aujourd'hui par rapport à la
01:09:56science, je pense que ça va au-delà des femmes et des sciences. C'est fondamental pour notre
01:10:02société. Et donc, j'en arrive à ma quatrième casquette, être mère et scientifique. Alors, dans mon
01:10:12livre, tout commence par moi, enceinte de huit mois, en train de coller du papier peint. Alors,
01:10:18qu'a lieu une des détections les plus historiques de la science dans les dernières
01:10:23décennies ? Et je raconte surtout, pas moi, mais l'histoire de mon ami et collègue Samaya Nysenke,
01:10:30qui est une superstar de la physique et qui passe ses vacances enfermée dans les toilettes de son
01:10:35chalet alpin, pendant que son fils de un an gambatte dans les ruisseaux avec son père, parce que elle,
01:10:41elle est en train d'écrire, donc dans les toilettes, l'article sur le résultat de sa carrière, donc sur
01:10:47le grand résultat historique de notre domaine. Et à la fin, elle n'arrive pas à être aux honneurs
01:10:54puisqu'elle n'a pas pris le temps de donner les coutumes nécessaires pour ne pas être oubliée.
01:10:57Et je trouve qu'il y a quelque chose de très beau et de triste et de très émouvant et surtout de
01:11:06très beau dans cette histoire. Et c'est un peu ça mon message, c'est que la science faite par les
01:11:12femmes est fondamentalement différente de celle faite par les hommes. Elle a une vibration différente
01:11:18parce que nous vivons et interagissons de façon différente, avec des temporalités différentes.
01:11:23Et j'estime qu'il y a une réelle richesse à avoir de la diversité dans la recherche, dans les sciences,
01:11:30diversité de genre, diversité culturelle, de caractère, de profil et d'expertise. Et pour
01:11:36moi, tout se répond, tout se complète. Et au centre de tout ça, il y a bien sûr l'importance
01:11:42cruciale d'être bien accompagnée, que ce soit dans la sphère professionnelle que dans la sphère
01:11:47personnelle. Et là, comme mes collègues, je souhaiterais insister sur l'importance du rôle des
01:11:54pères. Parce que tant qu'on ne donnera pas cette reconnaissance massive du rôle des pères avec
01:12:00des congés paternités obligatoires, de longue durée, et renforcer ça dans les entreprises, dans la
01:12:06recherche, dans toutes les sphères de la société, je pense que les femmes continueront à travailler
01:12:12avec un handicap. Donc pour terminer, je voudrais donner ce message aux jeunes filles qui pourraient
01:12:23m'entendre, qui hésitent à faire de la science ou qui ont peur de faire de la science ou qui veulent
01:12:29faire de la science. Donc venez faire de la science et de la recherche telle que vous êtes, en tant que
01:12:40femmes, avec vos doutes, avec votre force et vos délicatesses, avec vos élambules d'osaires et vos
01:12:47réserves, votre rigueur, votre organisation, vos défauts, votre bazar, vos colères et votre sérénité,
01:12:56votre humanité, votre capacité à lire le monde d'un regard différent, votre artisanat, votre
01:13:03ingénierie, votre créativité et votre originalité. Et c'est tout ça qui fera que votre science sera
01:13:09belle. Merci. Alors moi je voudrais revenir sur la question des quotas. Moi je suis très en faveur des
01:13:15quotas. Effectivement, je pense qu'on ne peut pas y arriver à un moment donné si on ne met pas des
01:13:20quotas. Mais au niveau doctorat, postdoctorat, je ne pense pas que ce soit là où on a le plus de
01:13:26problèmes. Parce qu'en fait, là, à cette période de carrière, c'est là qu'il y a encore beaucoup de
01:13:34femmes. Il faut trouver des moyens d'encourager les femmes à déposer des projets pour être
01:13:41doctorante, avoir une thèse et faire des postdocs, bien sûr. Mais c'est surtout finalement important
01:13:48au niveau des postes à responsabilité. Donc c'est plus haut placé. Parce que ça, on le voit très bien
01:13:53dans les données, que ce soit dans les données de l'INSERM ou les données du CNRS ou même les
01:13:57données plus globalement au niveau des entreprises. On a beaucoup de femmes en bas dans la hiérarchie
01:14:03et plus on augmente en séniorité et plus les femmes seront réunies en fait. Et donc c'est là,
01:14:10à un moment donné où on identifie un goulot d'étranglement, c'est là où les quotas vont
01:14:15être extrêmement importants parce qu'ils vont permettre de rétablir les pourcentages.
01:14:20Sinon, pourquoi certains secteurs sont plus représentés par des femmes ? Alors c'est vrai
01:14:29que moi je suis d'un secteur, la santé publique, où il y a plus de femmes, effectivement. Je suis
01:14:36aussi membre de la commission scientifique spécialisée à l'INSERM, donc la commission
01:14:40qui évalue les chercheurs et recrute les nouveaux postes. Et on est la commission où il y a le plus
01:14:47de femmes en fait. Il y a des commissions où il y a vraiment énormément d'hommes avec une
01:14:52proportion de femmes beaucoup plus petite. Et donc voilà, c'est là où les quotas deviennent
01:14:57importants. Pourquoi ? Eh bien je pense que c'est aussi, là la question d'une enquête qualitative
01:15:05pour comprendre pourquoi en profondeur. Je pense qu'on n'arrivera pas sans avoir des données qui
01:15:11nous montrent vraiment les causes et les freins et les leviers. Mais aussi je pense que ça vient
01:15:17de la manière dont la société est construite et en fait tous les biais, les stéréotypes qu'on voit
01:15:24fait que ça se retrouve ensuite dans les choix que font les femmes dans les disciplines qu'elles
01:15:29ont. Donc finalement, agir au niveau de l'école, ça va améliorer aussi certainement
01:15:38cette représentation. Et il y a certainement un effort à faire dans les disciplines justement de
01:15:43la tech, de la physique, des maths, où les femmes sont sous-représentées pour améliorer un petit peu
01:15:50l'image de la discipline auprès des femmes et puis améliorer aussi l'image des femmes auprès
01:15:57de la discipline. Et ensuite, est-ce qu'il y a une solidarité entre pères ? Alors oui, moi je
01:16:04constate vraiment une solidarité entre pères, entre femmes. Je constate aussi l'inverse, en fait ça
01:16:12dépend, je pense que tous mes collègues seront d'accord avec moi. Il y a vraiment des femmes qui
01:16:17considèrent qu'elles ont vraiment galéré pour en arriver là où elles en sont et donc il n'y a pas
01:16:22de raison, elles ne vont pas aider les autres. Et celles qui voient vraiment la nécessité de changement
01:16:28et les difficultés par lesquelles elles sont passées et qui ne souhaitent pas voir ces difficultés-là se
01:16:33reproduire. Et donc aussi stimuler la solidarité, c'est très important. Et ça, je pense
01:16:39qu'on peut vraiment y arriver en créant des réseaux de femmes, en fait, des réseaux de femmes
01:16:45scientifiques. Et donc ça, l'association Femmes et Sciences, par exemple, le fait. Mais quand j'étais
01:16:50aussi aux Etats-Unis, donc j'ai fait tout le réseau de femmes scientifiques, j'ai ressenti
01:16:55énormément de solidarité. Donc il y avait des événements qui étaient destinés aux femmes
01:17:00scientifiques sur comment percer le plafond de verre, comment se comporter dans telle ou
01:17:08telle situation. C'était des événements assez pratiques où là, toutes les femmes qui étaient
01:17:17là, en fait, on ne voyait pas de différence. Il y avait des doctorants, des postdocs, il y avait des
01:17:22directrices de recherche extrêmement haut placées. Tout le monde était au même niveau parce que
01:17:26c'était toutes des femmes et ça rendait les femmes extrêmement accessibles. Et ces événements-là étaient
01:17:32vraiment cruciaux. Enfin, moi, ça m'a énormément apporté de confiance à ce moment-là. Donc ça, je
01:17:37pense, c'est vraiment très, très important. Et puis donc, bien sûr, aussi le soutien des
01:17:41associations qui font beaucoup de travail dans ce sens. Et voilà, je vais laisser la place à mes
01:17:46collègues. Aïdi Sevestre, qui est en ligne, puisque je vous reprends dans l'ordre. Merci
01:17:52beaucoup. Je voulais évoquer, en fait, ce qui marche ici dans les pays scandinaves. Donc je
01:17:58voulais parler justement de l'université qui, à quelques pas de moi, unisse le centre universitaire
01:18:03du Svalbard. On a des quotas. On a des quotas pour les classes d'étudiants. On a des quotas pour
01:18:08les doctorants, pour les postdocs, pour tous les postes à l'université. Il y a des quotas. C'est
01:18:13pour ça qu'on a vraiment une parfaite égalité. Alors, c'est vrai que certains cours luttent un
01:18:17petit peu plus que d'autres, mais en général, on arrive à cette parité à tous les niveaux
01:18:23à l'université. Pourquoi est-ce que cette université attire pour les postes, notamment les postes à
01:18:28responsabilité ? Ce qui est déterminant, c'est qu'ici, le congé maternité-paternité, il est de
01:18:3649 semaines où le salaire est payé à 100 %. Pour que ça couvre toute l'année, le salaire est payé à
01:18:4380 %, avec 15 semaines de congé maternité et paternité obligatoires. Ça, c'est vraiment très
01:18:50important. On voit que les mamans et les papas ont au moins ce minimum obligatoire de 15 semaines
01:18:56à prendre. Et c'est très clair qu'ici, les conditions de travail, le salaire, les conditions
01:19:02de vie, tout est fait pour qu'il y ait vraiment un bien-être au travail et une vraie solidarité au
01:19:07sein des équipes. Ça, ça marche et ça montre à quel point, même en mettant ces conditions, ces quotas
01:19:13en place, on arrive à faire une science vraiment extraordinaire, parmi la meilleure science polaire
01:19:17au monde. Comme quoi, ça peut très bien marcher. Je voulais aussi insister sur deux choses. J'ai la
01:19:25chance, encore aujourd'hui, d'enseigner les techniques de terrain en glaciologie. Je l'ai
01:19:29beaucoup évoqué dans ma petite intervention. Cette notion de terrain peut faire peur dans
01:19:34des écosystèmes qui sont parfois extrêmes et qui deviennent de plus en plus incontrôlables avec le
01:19:39changement climatique. Le terrain, avoir des femmes sur le terrain, c'est relativement nouveau. On voit
01:19:44que dans les bases antarctiques, de l'autre côté de la planète, les femmes ont seulement été
01:19:50autorisées à venir à partir des années 80, notamment pour les bases anglaises avec lesquelles
01:19:54j'ai beaucoup travaillé. Ça a été très tardif. Aujourd'hui, on voit que ces dernières années,
01:19:59il y a beaucoup de choses qui se sont débloquées. On ose parler parfois du harcèlement sexuel qu'il
01:20:04y a dans ces bases au bout de la planète. On ose parler notamment des règles sur le terrain.
01:20:09Voilà, ce n'est plus du tout un tabou. Moi, quand j'ai commencé la glaciologie, on n'en parlait pas
01:20:13du tout. C'était vraiment un terme qu'on n'employait jamais. Alors qu'aujourd'hui, on en parle. J'en
01:20:19parle avec mes étudiantes. Comment est-ce qu'on peut gérer les règles sur le terrain ? Comment
01:20:23est-ce qu'on peut aller faire pipi sur le terrain ? Voilà, c'est des choses qui peuvent être vraiment
01:20:27bloquantes pour des jeunes filles qui veulent se lancer dans ces sciences de terrain. Et c'est
01:20:32vraiment important de voir que les choses sont en train de bouger aujourd'hui. Et donc, ça, je
01:20:37m'en réjouis énormément. Donc, voilà ce que je voulais évoquer. Merci. Alexandra Valkzak ? Oui,
01:20:44moi aussi, j'ai plusieurs réflexions. Donc, je fais ma thèse aux États-Unis. Je fais cinq ans de
01:20:50thèse. Après, j'ai fait trois ans de postdoctorat aux États-Unis aussi. Donc, je passais huit ans
01:20:57cumulatif. On continue aux États-Unis avant de venir en France. Et je suis venue en France parce
01:21:03que c'est la France qui nous donnait, moi et mon partenaire, du poste équivalent. Et ça, c'était
01:21:08très, très important. Et donc, ça, c'est un peu pour répondre aux questions. Est-ce que c'est mieux
01:21:16ailleurs ? Finalement, on a trouvé que c'est mieux ici. Pour répondre à la question sur pourquoi
01:21:25c'est différent dans les différentes disciplines, je suis un physicien théoréticien. On a 10 %. On
01:21:30est le plus bas de toute la discipline. Et je travaille dans la biophysique. Donc, on a la
01:21:37bio devant et ça n'aide pas. Et on a aussi le fait que c'est physique théorique. Ça fait
01:21:46difficile. Et là, mon réponse, c'est ce que j'ai essayé de montrer dans mon intervention. C'est
01:21:56vraiment la question du prestige. Le moment où une discipline devient prestigieuse, et ça dépend
01:22:02des pays. La prestigie, c'est l'argent ou c'est un argent de la notoriété. C'est là où c'est
01:22:12vraiment la question. Est-ce qu'une femme prend une place d'un homme qui pourrait avoir
01:22:21de la notoriété ? On peut dire comme ça. Et je pense que ça s'envoie. Et c'est la réponse pour
01:22:27la tech. Pourquoi la tech ? Parce qu'il y a de l'argent et de la notoriété qui viennent avec
01:22:33la tech aujourd'hui. Ce qui n'était pas nécessairement le cas ailleurs. Et pour l'historique,
01:22:38je pense que les choses vont dans la bonne direction. Il y a des statistiques qui sont
01:22:45un peu tristes. Encore si on pense à l'astrophysique, par exemple, mais aussi aux
01:22:50femmes au scénariste dans les années 50, il y avait plus pour le côté pourcentage des femmes au
01:22:56scénariste. Mais là, on rentre dans le problème des petits chiffres. Donc c'est juste que ce n'était
01:23:03pas encore peut-être un métier si bien vu. C'était mieux d'être un exécutif. Et là,
01:23:10ça a changé avec les années. Mais je pense que globalement, ça va mieux aujourd'hui. On va dans
01:23:19le bon sens. Et pour les quotas, j'ai deux choses à dire. La première chose, quand j'organise des
01:23:26colloques, et c'est aussi quand on a essayé de recruter au scénariste, on a fait beaucoup
01:23:30des actions physiques théoriques, de viser les femmes, de contacter les femmes sur les marchés
01:23:36internationaux et dire, il y a des postes au scénariste, venez candidater. Et ça a aidé beaucoup.
01:23:42Et pour les colloques, c'est la même chose. Si on demande aux gens qui organisent des colloques
01:23:47de faire une liste de trois noms, dont au moins une femme, ça change le jeu. Là, on arrive à avoir
01:23:55des colloques avec des femmes. Et c'est juste que si on demande aux gens pour ces trois noms,
01:24:00si on dit au moins une femme, on n'a que deux hommes. Si on dit au moins une femme, tout d'un
01:24:06coup, ils trouvent plein, plein, plein d'enfants. Et ça, c'est une solution simple. Et une deuxième
01:24:14chose pour les quotas. Donc, on a une question de vivier aussi en physique théorique. On dit,
01:24:20il n'y a pas de filles qui font des bacs de physique. Au lycée, il n'y a pas de filles qui font
01:24:26des études de bac. À la fin, il n'y a pas de femmes. Donc, il n'y a pas de femmes. Donc,
01:24:30c'est là, on a 10 % de femmes. On a quatre postes. Donc, 10 % des quatre, ce soit zéro,
01:24:37cinq, un. Donc, si on recrute zéro, on est dans le stade, non? Tu vas bien. Donc, je pense que les
01:24:48quotas, c'est une bonne idée, mais il faut faire attention à cette faute d'utilisation de
01:24:53statistiques. Et si les quotas viennent sans sensibilisation, elles ne vont pas marcher,
01:24:58parce qu'il y a toujours une manière de tourner les quotas. Et pour les coopérations entre les
01:25:05femmes, moi, je suis très, très contente que les choses vont vraiment. C'est tellement mieux que
01:25:13quand j'ai commencé ma thèse. Je veux aussi dire que juste être une femme, ça ne veut pas dire
01:25:20qu'on soutient des femmes. Il y a des femmes qui sont pires que les hommes. Il y a des hommes
01:25:26merveilleux, qui sont encore là, j'espère, qui soutiennent des femmes beaucoup plus que des femmes.
01:25:35Mais je pense que cette notion de sororité, ça a vraiment changé. Et de notre génération,
01:25:42de notre génération en général, on est là l'une pour l'autre et on est bien conscient que sans ça,
01:25:49on ne va rien changer. Mais la mentalité des femmes qui ne sont pas avec nous, c'est qu'elles
01:25:56pensent à elles-mêmes. Elles pensent, si je pousse pour cette femme, si je soutiens cette
01:26:01autre femme, est-ce que ça va réfléchir d'une manière mauvaise sur moi-même? Est-ce que les gens vont
01:26:06penser, voilà, si cette femme va échouer d'une manière ou d'une autre, est-ce que ça va réfléchir
01:26:13d'une manière mauvaise sur moi-même? Et ça, il ne faut vraiment pas penser comme ça. Tout le monde a
01:26:19le droit aux échecs et on doit se soutenir parce que sinon, on ne s'en sortira jamais.
01:26:25Voilà pour cette table ronde organisée par le Sénat sur les femmes scientifiques,
01:26:30des parcours inspirants pour les jeunes générations. C'est la fin de cette émission,
01:26:34merci de l'avoir suivie. Continuez à suivre l'actualité politique et parlementaire sur
01:26:38notre site internet publicsenat.fr. Je vous souhaite une très bonne journée sur Public Sénat.

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