Chroniqueur : Jean-Baptiste Marteau
Jean-Baptiste Marteau reçoit Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, dans Les 4 vérités.
Jean-Baptiste Marteau reçoit Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, dans Les 4 vérités.
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00:00 Bonjour Sophie Binet, merci d'être avec nous dans les 4V ce matin.
00:06 Huit principales organisations de salariés réunies sous une même bannière aujourd'hui pour un défilé du 1er mai.
00:11 Ce n'était pas arrivé depuis 2009.
00:13 Au-delà de l'unité syndicale, il sert à quoi ce 1er mai ?
00:16 C'est une énième manifestation contre la réforme des retraites ou pas ?
00:19 Ce 1er mai il est très important, il fera date donc il faut y être.
00:24 Il sert à dire que nous ne passerons pas autre chose tant que cette réforme ne sera pas retirée.
00:28 Il sert aussi à dire que nous voulons enfin que nos aspirations soient mises à l'ordre du jour,
00:33 c'est-à-dire des augmentations de salaires, l'égalité entre les femmes et les hommes,
00:37 une amélioration des conditions de travail ou la prise en compte des enjeux environnementaux.
00:41 Mais justement vous soyez aujourd'hui 400 000, 600 000, plus d'un million,
00:44 ça changerait quoi au final cette journée ?
00:46 Ça changera beaucoup, sachant que nous avons noté avec beaucoup d'intérêt que le 8 juin prochain,
00:51 l'Assemblée nationale va être amenée à débattre d'un projet de loi d'abrogation de la réforme des retraites,
00:56 ce qui va permettre aux députés enfin de voter sur la question de la réforme des retraites.
01:01 Nous pensons que ce projet de loi peut être voté et le 1er mai c'est aussi l'occasion d'appeler tous les députés
01:07 à voter ce projet de loi pour que nous puissions enfin tourner la page et passer à autre chose
01:11 avec une réforme des retraites qui serait abrogée et ce qui nous permettrait de passer aux vraies priorités des salariés.
01:16 Donc vous voulez continuer à mettre la pression notamment sur les parlementaires,
01:19 vous pensez sincèrement encore aujourd'hui que cette réforme des retraites peut être abrogée,
01:22 que le président de la République peut revenir sur cette réforme ?
01:25 Lui malheureusement on dirait qu'il est très entêté et dogmatique,
01:28 c'est malheureux parce que tout lui donne tort aujourd'hui, même les marchés financiers.
01:32 On a vu que la note de la France avait été dégradée à cause de cette réforme des retraites,
01:36 ce qui est très grave parce que la seule justification qui restait pour cette réforme,
01:39 c'était de rassurer les marchés financiers.
01:41 On voit que c'est l'inverse, ça conduit à une dégradation de la note de la France.
01:45 L'agent Sfidj dit aussi que c'est en partie à cause des mouvements sociaux
01:48 qui ont pénalisé effectivement l'économie française.
01:50 Tout à fait, parce qu'il voit bien que, comme nous le disons depuis le début,
01:54 il n'y aura pas de retour à la confiance tant qu'il n'aura pas de retraite de cette réforme.
01:57 Donc il faut que le président de la République revienne à la raison.
02:00 S'il ne le fait pas lui, nous comptons sur les parlementaires
02:03 pour l'aider à trouver la voie de la sortie de crise.
02:06 Dans ce 1er mai, Sophie Binet, des drones seront utilisés pour la première fois
02:10 pour surveiller notamment certaines manifestations.
02:12 Il y a plusieurs recours qui ont été examinés et qui le sont d'ailleurs encore aujourd'hui en référé.
02:15 Le tribunal administratif de Rouen a en partie d'ailleurs donné raison
02:18 aux organisations qui avaient déposé des recours.
02:20 Pourquoi vous vous opposez à l'utilisation de ces drones dans certaines manifestations ?
02:24 Parce que c'est une utilisation qui n'est absolument pas contrôlée.
02:27 Il y a des périmètres très larges, des durées d'utilisation des drones très larges,
02:32 très peu de garantie sur l'utilisation de ces images.
02:35 Et effectivement, il faudrait qu'il y ait un débat collectif, démocratique,
02:38 sur l'utilisation des nouvelles technologies en matière de maintien de l'ordre et de sécurité.
02:44 Sachant que ce qui nous inquiète depuis plusieurs semaines,
02:47 c'est qu'on assiste à une grave dérive sécuritaire du pouvoir
02:50 avec une instrumentalisation des lois terroristes pour réprimer le mouvement social.
02:55 Heureusement, la justice joue son rôle et le gouvernement a été sanctionné
02:59 à plusieurs reprises ces derniers jours sur les casseroles,
03:02 sur la distribution de cartons rouges, puisque la justice a dit que,
03:05 évidemment, nous avions le droit de distribuer des tracts,
03:08 sur les périmètres de sécurité, parce que maintenant,
03:11 pour que le président de la République ou un ministre se déplacent,
03:13 il faut des périmètres de sécurité de plusieurs kilomètres autour d'eux,
03:16 ce qui est très grave d'un point de vue démocratique.
03:19 Et heureusement, la justice nous a donné raison,
03:20 mais c'est quand même des dérives très inquiétantes.
03:22 Mais pourtant, qu'une manifestation se fasse bien, qu'elle soit sécurisée,
03:25 qu'il n'y ait pas de débordements avec des black blocs,
03:27 c'est tout l'intérêt des organisations syndicales, notamment de la CGT.
03:30 Oui, tout à fait.
03:31 Donc, pourquoi pas utiliser des drones ou d'autres outils qui pourraient assurer la sécurité ?
03:36 Encore faut-il que nous sachions précisément à quoi servent ces drones
03:39 et que nous soyons rassurés sur ce point,
03:41 sachant que nous avons été confrontés ces dernières semaines à des arrestations de masse,
03:45 à des garde à vue de masse qui n'étaient absolument pas justifiées.
03:49 La France, c'est le pays de référence normalement des droits humains au niveau international.
03:53 On abîme l'image de la France quand on fait cela.
03:55 Vous évoquez effectivement le Stade de France,
03:56 des milliers de cartons rouges qui ont été distribués samedi
03:59 pour cette finale de la Coupe de France, des sifflets, des appels à lui et le président.
04:02 Et pourtant, samedi soir au Stade de France, il ne s'est pas passé grand-chose finalement.
04:05 Le président de la République, il avait qu'une soirée plutôt tranquille.
04:08 Vous voyez ça comme un échec ?
04:09 Non, pas du tout.
04:10 Le président de la République, samedi soir au Stade de France,
04:12 il a été obligé de se cacher pour échapper aux sifflets.
04:14 Et quand on regarde les images du Stade de France,
04:16 on constate qu'il y a eu beaucoup de sifflets malgré tout, malgré cette répression inédite.
04:21 Et donc, ça confirme ce que nous disons depuis le début,
04:23 c'est qu'il ne peut pas y avoir de retour à la normale si cette réforme n'est pas retirée.
04:27 Au sujet du 1er mai, je voulais également dire que Paris va être la capitale mondiale
04:32 du mouvement social cet après-midi puisque nous allons…
04:34 L'Européenne Organisation Internationale.
04:35 Oui, exactement.
04:36 Nous allons accueillir une centaine de syndicalistes des cinq continents
04:40 qui vont venir confirmer le fait que non seulement Emmanuel Macron
04:44 est totalement isolé en France, mais il l'est aussi au niveau international
04:47 puisque nous recevons des soutiens du monde entier de syndicalistes qui nous disent
04:51 "Tenez bon, c'est très important ce qui se passe en France.
04:53 Si la réforme des retraites passe en France,
04:55 ça tirera les droits des salariés dans le monde entier vers le bas."
04:59 Et après, Sophie Binet, et après, il y a le gouvernement qui veut essayer
05:02 en tout cas de renouer le dialogue avec les partenaires sociaux.
05:04 La Première ministre Elisabeth Borne qui va vous envoyer une invitation,
05:07 dit-elle, pour le milieu de la semaine prochaine,
05:08 pour le milieu de cette semaine, pardon.
05:10 Certains syndicats, comme la CFDT, ont déjà dit "Ok,
05:12 on est prêt à aller discuter des autres sujets avec le gouvernement."
05:15 Et vous, est-ce que vous vous opposez toujours,
05:17 pour l'instant, à rencontrer le gouvernement et à discuter avec eux ?
05:20 Nous avons une intersyndicale demain et nous déciderons ensemble de ce que nous ferons.
05:24 Pour l'instant, on n'a pas reçu d'invitation ni d'ordre du jour.
05:27 C'est quand même important de savoir quel est le cadre, le périmètre,
05:30 le contenu de la discussion, sachant que je redis deux choses.
05:34 La première chose, c'est que l'actualité de ces 15 derniers jours
05:38 montre que toutes les stratégies du gouvernement ont été mises en échec.
05:42 Le pari du gouvernement, c'était de dire "On promulgue en catimini à la vie vite
05:45 et on va passer à autre chose, la contestation va s'arrêter."
05:48 Ça n'est pas le cas.
05:49 Donc, il n'y aura pas de retour à la confiance,
05:51 il n'y a pas de retraite, cette réforme des retraites.
05:53 Et puis, la deuxième chose, c'est que nous voulons enfin négocier
05:57 sur les vrais sujets de préoccupation des Françaises et des Français.
06:00 Les salaires ?
06:00 À savoir les salaires, l'égalité professionnelle, les conditions de travail.
06:05 Il y a quelques jours, c'était la journée mondiale contre les morts et les accidents au travail.
06:09 Chaque jour, c'est deux ouvriers qui meurent au travail en France,
06:13 2500 accidents du travail, on ne peut pas en rester au statu quo.
06:17 Et donc, il faut que ces sujets de préoccupation soient enfin à l'ordre du jour
06:20 avec de vraies négociations.
06:22 Alors justement, Sophie Binet, on voit que le SMIC augmente aujourd'hui
06:24 effectivement de 2,2%, 6,2% sur l'année.
06:28 Donc, il suit l'inflation, pas les autres salaires,
06:30 notamment les salaires qui sont juste au-dessus.
06:32 Ce ne serait pas justement une vraie question à mettre sur la table de discussion
06:35 avec le gouvernement, donc d'aller à matinée en disant "Nous, on veut discuter des salaires."
06:38 On va pouvoir peut-être passer à autre chose sur des sujets concernants.
06:41 Tout à fait, c'est bien notre objectif.
06:42 Le problème, c'est qu'aujourd'hui, le gouvernement nous dit
06:44 qu'on ne peut pas discuter salaire avec eux et que c'est uniquement dans les entreprises
06:48 et dans les branches que ça doit se passer.
06:50 Sauf que nous disons qu'il y a un problème, il y a un tassement sans précédent
06:53 des salaires en France avec un déclassement massif.
06:56 Pour la première fois, les salaires baissent en euro constant.
06:59 Il faut mettre en place des mécanismes automatiques pour que tous les salaires
07:02 augmentent en même temps que le SMIC et que les salaires soient indexés sur l'inflation.
07:07 Il faut aussi conditionner les aides publiques.
07:09 Je rappelle que chaque année, c'est 200 milliards d'exonération fiscale et sociale
07:13 qui sont consentis aux entreprises sans contrepartie.
07:16 Il faut les conditionner à la politique sociale et environnementale des entreprises.
07:19 Si l'intersyndicale décide que maintenant, ça y est, on est prêt à passer à autre chose,
07:22 en tout cas à discuter d'autres sujets avec le gouvernement,
07:24 la CGT suivra ou vous resterez quand même sur votre ligne ?
07:27 Nous prendrons la décision ensemble en intersyndicale.
07:29 Ce qui est sûr, c'est que l'intersyndicale ne dira pas qu'elle passe à autre chose
07:33 parce que l'intersyndicale est unie et soudée sur la nécessité
07:36 de retirer cette réforme des retraites.
07:38 Peut-être qu'elle est prête à discuter d'autres sujets avec le gouvernement ?
07:41 Quelle que soit la décision de l'intersyndicale,
07:44 nous irons dans tous les rendez-vous pour rappeler notre refus de cette réforme des retraites,
07:48 rappeler le fait que si elle n'est pas retirée, il y aura un contexte de défiance important,
07:53 et puis dire que nous ne voulons pas nous inscrire dans l'agenda gouvernemental,
07:57 que nous avons notre propre agenda social syndical
08:00 avec notamment cette question des salaires, des conditions de travail, du temps de travail aussi.
08:04 Il faut réduire le temps de travail en France,
08:06 parler des 32 heures ou de la semaine des 4 jours par exemple.
08:08 Alors Sophie Binet, deux autres thèmes rapidement pour finir.
08:11 Lors du congrès de la CGT, vous avez donc été désignée effectivement secrétaire générale.
08:14 Le bilan de votre prédécesseur Philippe Martinez a été assez critiqué.
08:17 Le rapport d'activité de la précédente direction n'a pas été voté par les membres du congrès,
08:20 il a été rejeté. Qu'est-ce qu'il faut changer à la CGT aujourd'hui ?
08:24 Je crois que le message du congrès est clair.
08:26 C'est d'abord un message de rassemblement, c'est ce à quoi je m'attelle,
08:30 et puis un message de démocratie.
08:32 C'est aussi d'ailleurs ce qui ressort de la mobilisation partout en France,
08:37 une aspiration des jeunes générations.
08:39 Et donc il faut qu'on progresse sur ce point pour que…
08:41 Que les choix de la centrale soient discutés et votés plus de manière démocratique ?
08:44 Voilà, en associant l'ensemble des fédérations,
08:47 l'ensemble des unions départementales, l'ensemble des militantes et militants
08:50 pour avoir une direction plus collective.
08:52 Mais vous êtes issue effectivement d'un compromis entre la ligne de Philippe Martinez
08:55 et celle d'une frange plus radicale de la CGT.
08:58 Est-ce que vous pouvez rassembler ces deux lignes ? Elles sont compatibles ?
09:02 Oui, je pense que la preuve c'est les votes très larges qui ont eu lieu au congrès,
09:05 à la fois sur les orientations de la CGT qui ont été adoptées à plus de 70%,
09:10 et puis à la fois sur la nouvelle direction où nous avons été élus à 70-75%.
09:15 Donc on voit que la CGT, il y a évidemment des convergences très fortes,
09:20 et la preuve c'est que nous sommes unis dans cette mobilisation.
09:24 Dernier mot, Marine Le Pen organise son traditionnel rassemblement du 1er mai au Havre
09:27 et non plus à Paris sous les couleurs de Jeanne d'Arc, une ville ouvrière, le Havre,
09:31 et pourtant effectivement, elle aussi, ça a été l'une des opposantes principales à la réforme des retraites,
09:35 elle n'aurait pas sa place désormais dans les cortèges syndicaux avec les autres partis politiques ?
09:40 Non, elle n'a jamais eu sa place, elle ne l'aura jamais.
09:43 D'ailleurs, en matière d'opposition sur la réforme des retraites, on ne l'a pas beaucoup vue.
09:47 Et pourquoi ? Parce que quand on regarde le projet du Front National,
09:50 il s'agit d'une imposture sociale, puisqu'il nous prétend vouloir défendre la retraite à 60 ans,
09:55 sauf que dans le même temps, à chaque fois qu'il a fallu voter à l'Assemblée nationale
09:59 pour augmenter les salaires, ils ont voté contre, ils ont voté pour la baisse des cotisations sociales,
10:05 c'est ce qui finance aujourd'hui notre modèle social et notre protection sociale.
10:09 Il n'y a pas pire ennemi pour les travailleuses et travailleurs que le Rassemblement National.
10:12 La preuve, Emmanuel Macron s'appuie très fortement sur le Rassemblement National
10:16 dans sa stratégie de pourrissement et au Havre, je suis sûre qu'il y aura
10:20 au moins dix fois plus de manifestants et de manifestantes dans les cortèges syndicaux avec la CGT
10:25 que du côté du meeting du Rassemblement National où il n'y aura pas grand monde.
10:28 Sophie Binet, secrétaire générale de l'ASGT, merci beaucoup d'avoir été l'invité des quatre et bonne journée.