Pour son interview d’actualité, Télématin reçoit Dominique Chargé, éleveur de volailles et de vaches laitières.
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00:00Faut-il s'attendre à de nouvelles manifestations d'agriculteurs dans les semaines à venir ?
00:04La FNSEA, principale syndicale agricole, bat le rappel pour mettre la pression à partir du 26 mai,
00:10jour d'examen à l'Assemblée d'un projet de loi visant à alléger les contraintes des agriculteurs.
00:14On en parle, Maya, avec notre invité de 8h15.
00:16Bonjour Dominique Chargé.
00:18Bonjour.
00:18Merci d'être avec nous. Vous êtes éleveur de volailles, de vaches laitières en Loire-Atlantique,
00:22président de la coopération agricole.
00:24Serez-vous dans la rue, vous aussi, à partir du 26 mai ?
00:27Je pense que mon rôle ne se limite pas aujourd'hui à mettre les agriculteurs dans la rue.
00:32Bien sûr que je comprends et que je soutiens ce qu'est aujourd'hui l'incompréhension,
00:37une certaine forme de désespoir des agriculteurs face finalement à la façon dont sont traités
00:43les problèmes qui ont été mis en évidence il y a maintenant plus d'un an
00:46et pour lesquels nous attendons des solutions, des solutions qui ne viennent pas
00:51et qui font face à une tergiversation qui est aujourd'hui évidemment incompréhensible
00:57pour les agriculteurs qui sont, pour beaucoup d'entre eux, dans l'attente de solutions.
01:02Alors justement, il y a un an et demi, la mobilisation des agriculteurs,
01:05notamment au moment du salon de l'agriculture, avait mis au centre des discussions
01:09les difficultés de vos métiers.
01:10Cette mobilisation, donc il y a un an et demi, n'avait pas porté ses fruits, selon la FNSEA.
01:14Est-ce que aussi votre sentiment, ça n'a servi à pas grand-chose, si ce n'est rien ?
01:18Les mobilisations d'il y a un an et demi ont servi quand même à faire émerger
01:22ce qu'étaient les sujets majeurs que nous devions traiter.
01:26Souvenez-vous, pendant la crise du Covid, nous avions mis en évidence
01:29ce qu'étaient les fragilités et les vulnérabilités de notre système,
01:32de notre chaîne alimentaire.
01:33Nous étions finalement au bord de pénuries que nous avions réussi à endiguer,
01:37mais nous avions pris l'engagement ensemble de travailler sur l'amélioration
01:41et la résilience de nos chaînes d'approvisionnement.
01:44La guerre en Ukraine, avec l'inflation qui en a suivi,
01:47a confirmé ce que nous devions faire aujourd'hui
01:49pour assurer l'alimentation des Français.
01:52Mais il y a une loi d'orientation agricole qui a été votée ?
01:53La loi d'orientation agricole a défini ce que devaient être les trajectoires.
01:58Nous avions d'ailleurs, je faisais partie de ceux
01:59qui avaient souhaité que cette loi d'orientation agricole
02:03puisse être enrichie de volets de compétitivité
02:06et de volets d'accompagnement des transitions agro-écologiques
02:10pour les agriculteurs.
02:11On nous a dit à ce moment-là, et je l'ai partagé,
02:13qu'il fallait s'en tenir à un cadre d'orientation
02:16et que nous aurions des lois complémentaires
02:17qui amèneraient ces leviers de compétitivité
02:19et ces leviers d'accompagnement de transition.
02:21La loi d'orientation agricole, c'est juste des grandes lignes
02:23et il n'y a absolument rien, aucune aide concrète qui a été adoptée.
02:26Tout à fait.
02:27Cette loi doit être complétée d'actions concrètes
02:30qui amèneront les leviers de compétitivité.
02:32Alors lesquelles ?
02:33Racontez-nous déjà quel est votre quotidien, vous,
02:36en tant qu'héber de volets.
02:38Mon quotidien, il est celui d'un éleveur classique en France,
02:43c'est celui d'être soumis à une complexité réglementaire
02:46qui m'amène à avoir plusieurs contrôles,
02:50parfois dans le même mois,
02:51plusieurs fois dans l'année bien évidemment,
02:52mais parfois plusieurs fois dans le même mois.
02:54Je suis un éleveur, je voudrais pouvoir, par exemple,
02:56moderniser mon élevage.
02:58Je dois faire face à un délai, à une complexité administrative
03:01pour pouvoir avoir les autorisations
03:03qui me permettraient de moderniser mon élevage,
03:05de l'agrandir à condition que les lois françaises
03:09soient conformes aux règlements européens
03:11et me permettent de pouvoir agrandir mes élevages.
03:13C'est une des demandes que nous avons.
03:16Je suis aussi quelqu'un qui est, bien sûr,
03:18un cultivateur pour les fourrages
03:20et puis en complément pour les céréales pour mes animaux.
03:24Je suis aujourd'hui dans des impasses techniques
03:26qui ne me permettent plus d'assurer
03:27la production des fourrages
03:29et la production des céréales pour mes animaux
03:31et je dois faire face à des impasses techniques
03:33que nous souhaitons pouvoir corriger.
03:34Mais concrètement, c'est quoi les impasses techniques ?
03:36C'est de pouvoir protéger, par exemple, mes cultures
03:39à des moments où elles font face à des attaques de ravageurs
03:41parce que nous n'avons plus les solutions.
03:43Attendez, vous n'avez pas utilisé certains pesticides ?
03:44C'est ce que vous nous dites, en gros.
03:45Ce que nous souhaitons, c'est la réintroduction temporaire
03:48sous forme de dérogation
03:49d'un certain nombre de molécules, comme vous dites,
03:52qui ont été interdites en France
03:54et qui ne le sont pas en Europe
03:55et qui nous ont mises dans des impasses techniques.
03:57Nous souhaitons, c'est évidemment réautorisation
03:59dans des cadres bien définis, encadrés
04:02et nous souhaitons surtout qu'il soit mis en complément
04:04le développement et une recherche appuyée
04:07pour avoir des solutions alternatives.
04:08Ce n'est pas le cas aujourd'hui ?
04:09Pas suffisamment.
04:10Et en tout cas, quand nous sommes en impasse technique,
04:13nous devons pouvoir avoir ces dérogations
04:15pour utiliser et pouvoir contrôler.
04:16Ce n'est pas déjà le cas ?
04:17Puisque là, il y a une réintroduction
04:19d'un dérivé des néonicotinoïdes
04:22qui a été autorisé.
04:23Est-ce que c'est une avancée pour les agriculteurs
04:25ou un recul pour l'environnement ?
04:27Nous souhaitons que ces demandes de dérogation
04:29qui sont faites pour un certain nombre de néonicotinoïdes
04:32puissent être justement acceptées dans le cadre de cette loi.
04:35Ce que nous voyons aujourd'hui,
04:36et c'est sans doute ça aussi
04:37qui amène une incompréhension
04:39et une colère chez les agriculteurs,
04:41c'est que finalement,
04:43ces demandes font aujourd'hui l'objet
04:45d'une certaine forme de manœuvre politique.
04:48De la part de qui ?
04:50À l'intérieur de l'Assemblée nationale,
04:51évidemment, pour participer
04:52ou en tout cas perpétuer
04:54cette instabilité politique
04:55dont nous sommes victimes aujourd'hui en France.
04:57Nous ne voulons pas
04:58que les sujets qui sont des sujets importants pour nous
05:01soient l'objet de ces manœuvres,
05:03de ces règlements de comptes
05:04à l'intérieur de l'Assemblée nationale.
05:05Vous trouvez que ces agriculteurs
05:05sont instrumentalisés par les politiques ?
05:07Instrumentalisés
05:07et surtout, ils sont l'otage aujourd'hui.
05:09Ils sont les otages
05:10de ces manœuvres politiques
05:11et nous ne souhaitons pas.
05:13Comment voulez-vous expliquer
05:14à un agriculteur aujourd'hui
05:15qui voit ces récoltes
05:17périr par manque d'eau
05:19avoir un projet de loi
05:21qui souhaitait pouvoir entrer
05:23dans une logique,
05:24une réflexion
05:25pour partager les usages de l'eau
05:26mais en tout cas faire en sorte
05:27que nous puissions améliorer
05:28nos capacités de stockage
05:30et d'utilisation de l'eau ?
05:31Donc ça veut dire...
05:31Voir cet article...
05:32Permettez-moi de terminer.
05:33Pardon, mais...
05:33Non, non, non, juste pour que les gens
05:35comprennent bien.
05:35On parle des méga-bassines,
05:36des bassins de rétention ?
05:37On parle de réserves
05:39qui vont pouvoir nous permettre
05:40de stocker l'eau
05:41lorsqu'il pleut en abondance.
05:43Savez-vous que chez moi,
05:44j'ai eu sur la période
05:45d'octobre 2023 à octobre 2024
05:48trois fois plus d'eau
05:49qu'une année normale.
05:51Je ne peux pas la stocker
05:52et il est possible
05:53qu'à un moment ou à un autre
05:55dans les années qui viennent,
05:56nous ayons besoin
05:56d'irriguer
05:58parce que nous aurons une sécheresse.
06:00Pourquoi est-ce que
06:01dans notre pays,
06:02on ne peut pas stocker l'eau ?
06:03En Espagne,
06:04on stocke 50%
06:06de l'eau de pluie
06:07qui tombe
06:08et on irrigue 20%
06:09des surfaces.
06:10En France,
06:11on stocke aujourd'hui
06:125% de l'eau qui tombe
06:13et on irrigue 6%
06:14des surfaces.
06:15Bon, après,
06:15on va rentrer dans le débat
06:16parce que c'est vrai que les...
06:17On va toujours opposer
06:18l'agriculture aux problèmes
06:19de santé publique.
06:20Alors, ni aux problèmes
06:21de santé publique
06:21ni aux problèmes
06:22d'environnement.
06:23Ce que demandent
06:23les agriculteurs,
06:24c'est avoir les solutions
06:25qui leur permettront
06:26de pouvoir utiliser
06:27des solutions alternatives
06:28à l'utilisation
06:29d'un tranche chimique
06:29de synthèse.
06:31Moi, je suis sur mon exploitation
06:32depuis 15 ans
06:33un utilisateur
06:34de solutions alternatives.
06:35Je mets des trichogrammes
06:36qui sont des mouches
06:37qui viennent contrôler
06:38un parasite que j'ai
06:39sur la production de maïs.
06:41Peu importe.
06:42C'est beaucoup plus compliqué
06:43pour moi.
06:44C'est beaucoup plus,
06:45j'allais dire,
06:46difficile en termes de travail
06:47de faire cette opération
06:49plutôt que de passer
06:50avec un produit de synthèse.
06:51Mais je le fais.
06:52Sachez que les agriculteurs
06:53sont les premiers concernés
06:54par les problèmes
06:55de santé publique,
06:55par les problèmes
06:56d'environnement,
06:57par les problèmes,
06:57finalement,
06:58du respect de la production
07:00d'alimentation de qualité
07:01pour les Français.
07:02Nous souhaitons pouvoir produire
07:04l'alimentation
07:04que les Français consomment
07:05et aujourd'hui,
07:06nous n'en avons pas les moyens.
07:07Et on vous a entendu
07:08ce matin, Dominique Chargé.
07:08Merci beaucoup
07:09d'avoir été avec nous.
07:10On entend en tout cas
07:11que la colère
07:12est toujours présente
07:13et on entendra vos voix
07:15dans les prochaines semaines.
07:16et on entendra vos voix
07:18et on entendra vos voix