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Dans « le grand témoin » Télématin reçoit Laurence Cottet au sujet de l'alcoolisme féminin.
Dans « le grand témoin » Télématin reçoit Laurence Cottet au sujet de l'alcoolisme féminin.
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00:00C'est un sujet très sérieux dont on parle assez peu.
00:02En France, entre 500 000 et 1,5 million de femmes auraient une consommation excessive,
00:07problématique avec l'alcool et ça a été le cas de notre grand témoin du jour.
00:11Bonjour Laurence Côté.
00:12Bonjour.
00:13Merci d'être avec nous ce matin.
00:14Le 23 janvier 2009, ça c'est un jour que vous n'oublierez jamais.
00:18Alors que vous êtes à la cérémonie de vœux pour l'entreprise dans laquelle vous êtes cadre dirigeante,
00:23vous vous effondrez.
00:25Je suis par terre et je vais rester longtemps par terre.
00:27Je n'arrive pas à me relever.
00:30Alors ce n'est pas agréable sur le moment, ceci dit c'est le plus beau jour de ma vie.
00:34Alors en quoi ? Qu'est-ce qui s'était passé ce jour-là ?
00:36Alors j'avais trop bu.
00:38J'avais trop bu et après ne me demandais pas, après c'est le blackout.
00:42Oui, vous ne vous souvenez de rien.
00:44Mais c'est le plus beau jour et je vois votre étonnement tout simplement parce que enfin,
00:49ma maladie est mise en lumière.
00:52On ne peut plus passer à côté.
00:54On est obligé de faire quelque chose.
00:56Vous ne pouvez plus passer à côté.
00:59Plus personne ne peut passer à côté de cette maladie que vous avez pourtant beaucoup,
01:03beaucoup caché.
01:04Vous avez tout fait en fait pour le cacher.
01:07C'était un sujet tabou.
01:08Oui, et c'est ça qui est dramatique.
01:10En fait, ça faisait des années que j'étais consciente de mon problème d'alcool.
01:14Mais je pensais être seule avec ce problème.
01:17Je ne savais pas à qui en parler.
01:19Toutes les portes se fermaient quand je tentais d'en parler.
01:21Mais vous tentiez quand même d'en parler ou vous le cachiez aussi ?
01:24Non, très sincèrement.
01:25J'avais essayé d'en parler à mon médecin généraliste avec quelques collègues de travail
01:30parce que ça ne m'a pas empêché de faire une belle carrière professionnelle.
01:34Qu'est-ce que vous disiez les gens ? Votre médecin, vos collègues ?
01:37Ah ben, le médecin, c'était non, non, ça ne se voit pas.
01:39Voilà.
01:40Et c'est vrai que ce n'est pas gratifiant, finalement, de soigner une alcoolique, il faut dire le mot.
01:46C'est vrai qu'on revienne aux prémices de votre alcoolisme.
01:48Comment est-ce que vous avez commencé à boire de l'alcool, en fait ?
01:50Ça s'est fait de façon... C'était festif au départ ?
01:52Non, moi, ça a d'abord été dans mon enfance à 6-7 ans.
01:56Je me souviens que je...
01:56Mais oui, je terminais les fins de verre des adultes.
02:01Parce que j'étais en manque, en manque d'affection, j'étais très timide, etc.
02:04Après, c'est vraiment devenu festif.
02:07Vers 15-16 ans, donc avec les jeunes, plus âgés que moi,
02:11mais toujours la trouille de ne pas être intégrée,
02:13donc je bois parce que ça vous met à l'aise.
02:16Et puis après, c'est vraiment devenu festif, mondain,
02:19lorsque j'ai commencé à avoir une vie de femme mariée.
02:23Toujours le verre à la main.
02:24C'est ça, l'alcoolisme mondain, qui concerne beaucoup, beaucoup de femmes,
02:28puisque c'est d'elles dont on parle ce matin.
02:29Oui, on est toujours comme ça.
02:30Le verre, à n'importe quelle occasion, et il y en avait beaucoup,
02:33sauf qu'il y a un moment, le verre, vous l'avez constamment aux lèvres.
02:39Et on ne se rend plus compte de sa consommation ?
02:41Et voilà.
02:42Après, c'est un verre, deux verres, une bouteille,
02:45et après, insidieusement, l'alcoolisme vous atteint.
02:51À quel moment est-ce que vous vous êtes rendu compte
02:52que c'était problématique, Laurence Côté ?
02:55À partir du moment où ça commençait à jaser,
02:58notamment dans le cadre professionnel,
03:01ça me revenait aux oreilles, donc je me suis dit, là, t'as un problème.
03:03À partir du moment où l'alcool était une obsession,
03:06à partir du moment où j'avais peur d'être en manque,
03:09et que tout s'organisait pour éviter d'avoir ce corps qui tremble,
03:14là, j'ai un problème et j'en suis consciente.
03:16Quelles étaient les stratégies que vous aviez mises en place,
03:18par exemple, quand vous arriviez au bureau
03:20et que vous meniez vos journées de front ?
03:22Le matin, à cette heure-ci, j'avais encore ma dose de la veille.
03:28Par contre, mon manque, il va se traduire vers 11 heures.
03:33Là, j'ai mes mains qui tremblent.
03:34Donc, qu'est-ce que je fais ?
03:35Je m'en vais aux toilettes, je sors ma petite bouteille vodka orange
03:40et je vais boire quelques gorgées de telle manière
03:43que ce tremblement va se calmer.
03:46Et je vais tenir jusqu'à 14 heures.
03:4814 heures, je recommence.
03:50Et finalement, je boucle ma journée de travail.
03:52Vers 19 heures, et là, je suis seule chez moi.
03:56Il n'y a personne pour m'arrêter.
03:58Et je continue à boire seule.
04:00Et vous savez, ça n'est pas exceptionnel, mon histoire.
04:02Beaucoup de femmes et d'hommes se reconnaîtront dans mes propos.
04:07Qu'est-ce que vous avez envie de leur dire à ceux qui vous écoutent ce matin
04:10et qui se disent, oui, effectivement, ça a une résonance avec ma propre existence
04:14et mon combat que je mène seule ?
04:17Ne restez pas seule.
04:18N'ayez pas honte de ce qui vous arrive.
04:20Ça m'est arrivé.
04:23Regardez.
04:23Je m'en suis complètement sortie.
04:26Le regret que j'ai, c'est d'être restée si longtemps seule avec mon problème
04:30parce que j'aurais pu mourir.
04:33Et pour revenir à cette chute que l'on évoquait,
04:36c'est le plus beau jour de ma vie.
04:39Et après cette chute, qu'est-ce qui s'est passé, justement ?
04:40Là, les gens vous ont aidé.
04:42Vous avez été amené aux urgences.
04:43Vous avez consulté un addictologue.
04:45Alors, j'ai cette chance d'avoir rencontré un médecin
04:47qui, trois jours plus tard, me dit les paroles suivantes
04:50parce que je lui raconte mon histoire.
04:51Alors, elle est effrayée.
04:53Il me dit, mais madame, ça n'est pas de votre faute.
04:56Vous êtes tout simplement malade.
04:58Je peux vous aider.
04:59Et là, pour la première fois, j'entends ce mot, malade.
05:02Et ça me déculpabilise.
05:04Je me dis, mais si je suis malade.
05:06D'abord, un, je ne reste pas anonyme.
05:07J'en parle.
05:08Deux, je me soigne.
05:10Et regardez, ça a marché.
05:11Et ça veut dire qu'on peut guérir.
05:13Et ça, c'est le message que vous voulez faire passer.
05:14Ça fait 16 ans maintenant que vous êtes ce que l'on appelle sobre.
05:17Et vous avez décidé, justement, de vous tourner vers les autres
05:20en parlant comme vous le faites ce matin
05:21et en fondant notamment l'association France Janvier Sobre.
05:26Quel conseil est-ce que vous pourriez nous donner à tous,
05:28peut-être aux plus jeunes, là, qui sont en train de nous regarder aussi
05:31pour ne justement jamais glisser ?
05:33Arrêtez cette consommation festive.
05:35Parce que c'est comme ça que j'ai commencé.
05:39Pour faire comme les autres.
05:41Arrêtez ça.
05:42Tout le monde est concerné ?
05:42Bien sûr.
05:43Ce n'est pas une question d'intelligence.
05:45Tout le monde est concerné.
05:47On croit toujours que c'est dans les milieux un peu plus défavorisés.
05:49Pas du tout.
05:50Moi, je suis d'un milieu bourgeois.
05:51J'ai quand même fait des études, etc.
05:53Donc, arrêtez et comprenez une chose.
05:56Plus vous commencez jeune à boire de l'alcool,
05:59plus vous habituez votre cerveau à la molécule éthanol
06:03et plus vous prenez le risque de tomber dans la maladie.
06:05C'est exactement ce qui m'est arrivé.
06:07Laurence Coté, merci infiniment de nous avoir parlé de la sorte ce matin.
06:12Je rappelle qu'on peut vous retrouver ce soir dans un documentaire essentiel.
06:15L'alcool au féminin, elle brise le tabou.
06:17C'est à voir ce soir à 21h05 sur France 5 et sur la plateforme France.tv.
06:22Merci infiniment.
06:23Et côté médecin, on est de plus en plus sensibilisés.
06:25C'est vrai que ce n'est pas admissible que le médecin généraliste
06:26balaye ça d'un revers de main.
06:28Il y a des opérations de dépistage, de repérage avec des questionnaires.
06:32Donc, vraiment, parlez-en à votre médecin.
06:34C'était il y a 15 ans et c'est en train de changer, notamment grâce à vous.
06:37Et grâce aussi à votre témoignage et à celui de toutes les femmes
06:40qui témoignent ce soir sur France 5.
06:41Merci beaucoup.