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L'historien Jean-Benoit Poulle, analyste de l’actualité religieuse pour la revue le Grand Continent, était l'invité de France Inter mardi 22 avril, au lendemain de la mort du pape François.

L'invité de 6h20 (6h20 - 22 Avril 2025 - Jean-François Poulle)
Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter

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Transcription
00:00Il est 6h22, François, réformateur, moderne, pape qui a fait bouger l'institution deux fois millénaire qu'est l'Église catholique.
00:08Mais qu'est-ce qui l'a mené à tout ça ? Qui est Georges et Mario Bergoglio, l'homme, le prêtre, avant le pape ?
00:15Bonjour Jean-Benoît Poul.
00:17Bonjour.
00:17Vous êtes historien, vaticaniste, analyste de l'actualité religieuse pour la revue Le Grand Continent.
00:23Cette question, vous la posez dans un long papier que vous avez publié hier.
00:28Depuis l'annonce de la mort du pape François, on parle évidemment d'un homme très proche des gens,
00:33qui avait une attention particulière pour les plus démunis.
00:36Certains disent pape de gauche, anticapitaliste eux-mêmes.
00:40Une image qui puise ses origines, chez lui, en Argentine, il est né, il faut le rappeler, dans un quartier populaire de Buenos Aires, le pape François.
00:48Oui, tout à fait. Ses parents étaient, comme beaucoup d'Argentins, des immigrés d'Italie.
00:54Et lui-même a grandi dans ce qu'on pourrait appeler la classe moyenne inférieure.
01:00A la limite, effectivement, de ce qu'on appelait autrefois la toute petite bourgeoisie,
01:05et en fait assez proche, par certains côtés, de milieux plus populaires,
01:09dans lesquels la dévotion simple, la dévotion qui passe par des gestes quotidiens,
01:14et par exemple la piété mariale, joue un très grand rôle qu'il n'a pas du tout oublié quand il a été élu pape.
01:22Et dans une société argentine où les inégalités sociales à l'époque, dans les années 40, 50, 60, sont très fortes ?
01:30Oui, tout à fait. Un monde, effectivement, où les inégalités étaient,
01:35et à certains égards sont toujours d'ailleurs bien plus criantes qu'en Europe,
01:39et ce qui a entraîné d'ailleurs pas mal de bouleversements politiques dans ces années-là,
01:43notamment le péronisme, cette idéologie autour du président péronne
01:48qui postule en fait une sorte de lien organique entre le peuple et le chef, quelque chose.
01:55Le chef doit sentir le peuple et critiquer les élites traditionnelles et les cadres.
02:00Ça aussi, le pape François, sans être péroniste au sens strict,
02:03il n'a pas de projet politique partisan, mais il a été grandement influencé par ce lien en fait
02:10et cette ambiance générale de l'Argentine des années 50, 60, encore 70, à bien des égards.
02:18Dans son adolescence, sa vie de jeune adulte, on l'a beaucoup raconté qu'il avait été videur de boîte de nuit,
02:23il a même été fiancé avant de rentrer dans les ordres.
02:27À quel point ça compte ça dans ce qu'il a fait ensuite en tant que pape
02:31et dans cette vision du monde qui était la sienne ?
02:33En fait, pour son époque, il s'agissait d'une vocation plutôt tardive,
02:40parce qu'à l'époque, je rappelle, on entrait vraiment au séminaire à l'adolescence
02:44et en fait même pour bien des prêtres, ce qu'on appelait le petit séminaire
02:48tenait lieu de lycée, de secondaire ou de transition entre le secondaire et le supérieur.
02:53Lui a eu un brevet comme chimiste, en gros, il a fait des études supérieures de chimie avant,
02:59alors pas longtemps, je crois qu'il est rentré vers 20 ans, 21 ans, il est tout de suite rentré,
03:03dans la compagnie de Jésus, donc pour nous c'est très jeune, mais pour l'époque,
03:07ça dénotait quand même une certaine maturation, une certaine maturité de vie
03:10et puis une certaine diversité d'expériences, effectivement,
03:14avant d'entrer, de faire le choix de l'église.
03:18Il n'y avait pas, Benoît XVI, à cet égard, représente un parcours beaucoup plus classique.
03:21Vous disiez que François n'avait pas de projet politique, il y a eu, vous parliez du péronisme,
03:28il y a eu plus tard en Argentine la dictature militaire, à partir de 1976,
03:33une forme d'extrême droite qui n'a en fait jamais vraiment formellement condamné le prêtre Bergoglio à l'époque.
03:40Non, mais enfin, qui la condamnait ouvertement s'exposait aussi à de multiples risques,
03:47alors on peut dire, effectivement, il y a eu quelques polémiques en Argentine sur pourquoi n'a-t-il pas condamné, etc.
03:53Mais ce qu'on peut dire, c'est qu'il a apporté un soutien aussi résolu que discret à des jésuites et à d'autres prêtres
03:59qui étaient, eux, des opposants déclarés, qui étaient dans la lutte ouverte,
04:03dans l'opposition résolue à la dictature argentine.
04:08Donc il a été prudent, il a choisi, on va dire, l'éthique de responsabilité plutôt que l'éthique de conviction,
04:13bon, dans une période qui était tout de même très dure pour toute la société argentine.
04:17Et on connaît ces discours face à l'extrême droite, le dernier en date contre finalement Donald Trump,
04:24sans vraiment le citer, mais il écrit en fait, avant la dernière présidentielle,
04:29aux catholiques américains en leur disant, attention à ce que vous faites.
04:33Donc par là, il a eu une forme d'engagement contre l'extrême droite finalement.
04:36Oui, effectivement, en tout cas, il a dit, bon, je sais, pape de gauche, effectivement, à certains égards,
04:44ce qu'on peut retenir, c'est qu'il a dit à un moment, je ne suis pas de droite,
04:47et il n'a pas dit le symétrique, si vous voulez, qu'on est en train d'un pape, je ne suis pas de gauche non plus.
04:51Donc c'est pas le pape du nini, ça a été le pape d'un engagement assez tranché et tranchant,
04:57effectivement, en faveur du peuple, quoi.
04:59Et il y a cet aspect social dont on a parlé, sur les questions sociétales,
05:03malgré quelques avancées, notamment vis-à-vis des femmes, des personnes LGBT dans l'église,
05:08le pape François est resté conservateur sur un certain nombre de sujets,
05:12notamment sur l'IVG, vous parliez de droite et de gauche,
05:15est-ce que finalement, il ne faut pas plutôt, quand on parle du pape François,
05:18voir une grille nord-sud, finalement ?
05:20C'est-à-dire qu'il est à l'image aussi de l'Amérique du Sud d'aujourd'hui,
05:24qui socialement est peut-être un peu plus proche des pauvres, entre guillemets,
05:28et sur le point de vue des valeurs un peu plus conservatrices.
05:33Oui, en tout cas, c'est un pape très proche de ce qu'on a appelé,
05:36de manière un peu rhétorique, le Sud global.
05:41C'est-à-dire, effectivement, des valeurs qui sont peut-être aujourd'hui davantage associées
05:44aux pays du Sud qu'aux pays du Nord ultra-développés,
05:49auxquels il a réservé d'ailleurs des critiques extrêmement dures, c'est vrai.
05:53Bon, en tout cas, il a été attentif, effectivement, à toutes les périphéries,
05:58périphéries sociales, périphéries existentielles et géographiques,
06:02y compris donc à porter la voix de pays, d'opinions publiques,
06:06de pays qu'on n'entend pas trop souvent, c'est vrai, dans nos pays occidentaux sécularisés.
06:10Merci Jean-Benoît Poul, d'avoir été l'invité du 5-7 de France Inter ce matin.
06:14On peut vous lire sur le site de la revue Le Grand Continent.
06:18Très bonne journée.

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