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  • 02/04/2025
Philippe Guedj, critique cinéma, et Pauline Guéna et Mahi Grand pour la BD "Brigade Babylone"

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Transcription
00:00Et jusqu'à 14h dans tout public, Frédéric, la cité est à hauteur d'hommes et de femmes,
00:05de ceux qui y habitent et de ceux qui en assurent la sécurité.
00:08C'est effectivement une qualité essentielle de cette bande dessinée Brigade Babylone
00:12publiée chez De Noël où aucune réalité n'est occultée mais qui ne porte pas de jugement
00:16et ne cède à aucun cliché des quartiers sensibles en évitant tout sensationnalisme
00:20et en procédant plutôt par petites touches qui invitent le lecteur à la réflexion plutôt
00:25qu'au réflexe facile.
00:26Bonjour Pauline Guenin.
00:27Bonjour.
00:28Qu'est-ce qui a fait l'artiste de cette BD dessinée par Maï Grand ? Un mot d'abord
00:32de la méthode, à l'immersion réelle pendant des mois avec une équipe de policiers ?
00:38Alors pendant plusieurs jours mais répartis, enfin de nombreux jours mais répartis sur
00:42une longue période, à peu près neuf mois dans plusieurs commissariats d'Île-de-France,
00:48moi j'étais en immersion.
00:49Maï en revanche, le dessinateur Maï Grand, a dessiné à partir de ce que je lui racontais
00:53et de photos que j'ai prises pour lui et que je lui ai montrées.
00:56Et pourquoi le choix de BST, Brigade Spécialisée de Terrain ?
01:00En fait moi ce que je voulais faire, je voulais suivre Police Secours parce que ce qui m'intéressait
01:05c'était vraiment le moment où la police est en contact avec, est la première intervenante
01:11en fait sur le lieu de la misère, du drame, de la douleur et en fait ils y vont avec très
01:17peu d'informations.
01:18Et dans certains quartiers sensibles, c'est la BST qui est donc normalement une brigade
01:24plutôt un peu musclée mais c'est la BST qui assure cette mission de police secours
01:28parce que les brigades de jour, la police secours ne peut pas toujours, notamment le
01:33soir et à certaines heures de la journée, pénétrer dans certains quartiers.
01:36Plutôt la police de proximité que la BAC ?
01:38Oui, voilà exactement, c'est ça, moi c'est ça qui m'intéressait.
01:43La police en tenue déjà, qui est la police qu'on voit le plus et qui est la première
01:49intervenante quand on passe un appel au 17.
01:52Et c'est quelque chose qui frappe parce qu'évidemment dans votre bande dessinée,
01:56il y a des histoires que l'on suit, la traque d'un violeur, des histoires de trafic de
02:01drogue, des choses que l'on peut imaginer, de violences familiales, beaucoup, mais il
02:06y a aussi des petites touches, ce que je disais, un appel ici, une intervention là et c'est
02:10ça qui montre effectivement à quel point il faut s'adapter en permanence à toute
02:15situation.
02:16Oui, ils ont un quotidien qui est extrêmement morcelé, qui consiste en fait à réagir
02:22en permanence à l'appel du citoyen et aussi à effectuer des missions qui leur viennent
02:30de leur hiérarchie et qui sont notamment lutter contre le trafic de drogue dans les
02:34cités.
02:35Donc ils osent y être en permanence entre ces deux choses-là et aussi le contrôle
02:38routier, mais ça je ne voulais pas raconter.
02:40Oui, oui, mais en même temps c'est intéressant parce qu'ils ne cachent pas parfois que
02:44quelques-unes des missions confiées par la hiérarchie, ils s'en passeraient parfois
02:49notamment les contrôles sortis de RER, enfin tout ce qu'on imagine, contrôles aussi
02:54soit pour trafic de drogue, soit faire du chiffre, d'une manière ou d'une autre,
02:58ça on comprend chez eux que… Oui, en fait il y a parfois le sentiment
03:02que la hiérarchie est déconnectée de leur quotidien, il y a ça dans toutes les professions
03:07mais il y a ça aussi à l'intérieur de la police, c'est en fait des gens qui connaissent
03:11très très très très bien le quartier sur lequel ils officient.
03:16Vous êtes en immersion, vous êtes en permanence avec les policiers, mais j'imagine qu'une
03:22des choses que vous vouliez éviter c'est être dans un camp ou plutôt que dans un autre
03:26si tant est qu'il y ait un camp ou un autre, les choses sont plus compliquées que ça,
03:30mais est-ce possible d'ailleurs de ne pas choisir son camp aujourd'hui là-dedans ?
03:33C'est très difficile dans notre société de ne pas choisir son camp, moi j'ai l'impression
03:38qu'on y est invité assez fermement, en permanence, effectivement moi je voulais
03:42me servir de cette immersion pour regarder les endroits où la police et la population
03:46sont en contact et comment ça se passe et ce que j'ai vu c'est une réalité complexe,
03:52contrastée et c'est ça, vraiment ça que j'ai essayé de raconter et avec le soutien
03:58du dessin de Maï qui a une grande tendresse dans le trait, j'ai l'impression qu'on
04:04arrive à retranscrire quelque chose de cette complexité justement et qui n'est pas toute
04:10noire ou toute blanche.
04:11Si d'ailleurs le premier dessin, la première planche, ce sont des habitants de cette cité
04:15qui sont sur les marches d'escalier du commissariat en attendant et pas une scène des meutes
04:21c'est pour montrer que ces habitants là, ils attendent encore quelque chose des policiers.
04:25Ils attendent quelque chose des policiers, bon l'interphone ne marche pas donc la communication
04:29est difficile.
04:30Les deux sont résumés.
04:31Voilà, la communication est difficile.
04:35En fait, c'est aussi, vous ne serez peut-être pas d'accord avec moi mais moi je le lis aussi
04:40comme une BD sur les rapports entre police et population même si vous êtes d'un côté
04:45parce que vous accompagnez la police et ce dont on se rend compte c'est que des deux
04:49côtés, il y a frustration, il y a insatisfaction.
04:53Oui parce que j'ai pu quand même parler un petit peu avec des gens de la cité qui
04:57pendant les interventions me disaient quelques mots de ce qui était en train de se passer
05:01donc oui, il y a une frustration, il y a un malentendu, il y a une difficulté permanente.
05:08C'est un métier qui m'est apparu comme presque impossible à exercer correctement
05:14et pourtant j'ai quand même rencontré des gens qui le font avec cœur et dévouement
05:24mais il y a quelque chose d'un peu impossible dans la mission en tout cas dans ces endroits
05:29qui concentrent une extrême misère, une très forte délinquance quand même et qui
05:37rassemblent comme ça des tas de problématiques c'est-à-dire qu'on voit que les policiers
05:41interviennent aussi bien sur des histoires de personnes qui sont en décompensation psychotique
05:45intense et c'est eux qui sont là en fait à ce moment-là, les seuls en fait, sans
05:52formation particulière.
05:53Il y a aussi cette impression qu'ils ont tous partagé avec moi, l'impression de
05:58vider l'océan à la petite cuillère sur le trafic de shit en fait, où il y a vraiment
06:03l'impression, surtout quand c'est des très jeunes gens qui tiennent un petit peu les
06:06points de deal, qu'il y a un truc désespérant en fait parce qu'ils les arrêtent, ils confisquent
06:11les chichas, les fauteuils de camping, ils balancent tout ça et puis quelques heures
06:17après, bam, le point a réouvert, le point de vent a réouvert.
06:20Avec un grand sourire de la part du dealer en le parlant.
06:22Oui complètement, ils sont trop jeunes en fait pour être inquiétés donc ils s'en
06:26fichent.
06:27Voilà, il y a la drogue, il y a les violences intrafamiliales, énormément, énormément,
06:34énormément.
06:35Ils le disent d'ailleurs, un des policiers dit « les enfants c'est le pire ».
06:40Et on a l'impression qu'il y en a de plus en plus et que pour eux c'est de plus en
06:43plus difficile à vivre.
06:44Alors je crois quand même que les chiffres montrent que justement pendant le Covid, contrairement
06:49à ce que disait Mike Lee, il s'est quand même passé des choses et notamment il y
06:52a eu une montée en fait des violences intrafamiliales et ça les policiers l'ont vraiment, l'ont
06:57vraiment vécu et ressenti.
06:58Et après intervenir chez des gens, arriver, essayer de démêler qui dit quoi, prendre
07:03des décisions qui sont compliquées, qui relèvent en fait du placement des enfants,
07:08de mettre à l'abri une femme, quand on sait le nombre de féminicides, c'est des
07:12décisions un peu de vie ou de mort qui doivent être prises rapidement, dans des situations
07:17qui sont chaque fois nouvelles en fait.
07:19Il y a de l'humain, on le comprend, beaucoup d'humain, de l'humour aussi.
07:22Un couple, un duo, ils se surnomment Platon et Barbie.
07:25Oui, je les aime bien Platon et Barbie, moi aussi je les ai bien aimés.
07:30Oui, il y a des tas de situations en fait, quand on suit la police, il y a énormément
07:34de situations tragiquomiques de la vie quotidienne, il y a une espèce d'humour qui aide aussi
07:41à tenir.
07:42La chose policière, elle ne vous intéresse pas depuis hier, elle vous intéresse depuis
07:47longtemps.
07:48Vous avez fait des livres, des enquêtes, un livre qui en partie a été adapté au
07:52cinéma, Césarisé d'ailleurs, la nuit du 12 de Dominique Molle.
07:56Qu'est-ce qu'apporte la BD de particuliers sur cette matière-là pour vous ?
08:01Oui, c'est vrai que c'est une incursion dans un domaine tout à fait nouveau.
08:05Au début, je pensais que ça ferait une super bonne série et puis je me suis en fait découragée
08:12devant l'ampleur du travail pour mener ça à bien et brusquement, il m'est apparu
08:18qu'il y avait quelque chose de beaucoup plus simple pour mettre ça en image et c'était
08:21la BD.
08:22C'est là que j'ai découvert le travail de Maégrant et je me suis dit voilà, c'est
08:25ça, il y a ce degré exact d'humour et de douceur dans le dessin pour raconter quelque
08:29chose qui est très noir en vérité.
08:31Et où on arrive à s'identifier peut-être plus que via une série.
08:35Via le dessin, via…
08:37Oui, et puis surtout on peut toucher ce côté un peu chronique de la vie quotidienne qui
08:43est difficile à transposer à l'écran en fait.
08:45En BD, ça marche hyper bien je trouve.
08:47Je vous confirme.
08:48On y est avec eux, on y est au quotidien.
08:50Brigade Babylone, Pauline Guénin et Maégrant, publié chez De Noël, merci beaucoup.
08:55Je précise à nos auditeurs qui sont dans la région lyonnaise que je crois que ce
08:59week-end, vendredi, samedi, dimanche, vous êtes à Quai du Polar qui est une formidable
09:03manifestation à Lyon avec tant d'autres auteurs.
09:05Merci beaucoup d'être passée par ce studio.
09:07Et tout public est à réécouter sur franceinfo.fr.
09:09A demain, Frédéric Carbone.

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