Les grands enjeux du PNF avec Jérôme Simon, Premier vice-Procureur, Parquet national financier.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00On commence tout de suite ce Lex Inside et on va parler du parquet national financier avec mon
00:15invité Jérôme Simon, premier vice-procureur au sein du parquet national financier. Jérôme Simon,
00:21bonjour. Bonjour Arnaud. Nous allons nous intéresser au parquet national financier,
00:26on va voir le bilan et envisager les perspectives du PNF. Tout d'abord,
00:32comment l'équipe du PNF a-t-elle évolué depuis sa création en 2014 ? Alors le parquet national
00:38financier c'est un parquet effectivement qui a été créé par la loi décembre 2013,
00:44poste affaires Cahuzac, qui a pris ses fonctions concrètement en mars 2014. Donc on a fêté
00:50récemment les dix ans de création et de fonctionnement du parquet national financier,
00:54on rentre maintenant dans la onzième année de fonctionnement. Onze années qui ont vu les
01:00effectifs du parquet national financier évoluer à la hausse, puisqu'initialement on avait dans
01:06l'équipe installé originellement uniquement quatre magistrats, dont la première procureure
01:12de l'appui financier qui était Eliane Houlette, et nous sommes aujourd'hui montés à une vingtaine
01:16de magistrats, dirigés désormais par Jean-François Bonnert, qui est le nouveau chef du parquet,
01:22le deuxième chef du parquet national financier. Vingt magistrats qui sont des procureurs qui sont
01:28assistés désormais d'assistants spécialisés, donc on a une dizaine d'assistants spécialisés qui
01:34apportent leurs compétences dans les métiers du chiffre, de l'analyse de données notamment,
01:38et puis une équipe de greffiers évidemment absolument indispensable pour authentifier
01:43les procédures qui nous sont confiées. Donc une progression constante de l'équipe du parquet
01:51national financier pour faire face effectivement aux nouveaux défis en matière de lutte contre la
01:55grande délinquance économique et financière. Alors peut-être rappeler le fonctionnement du
01:59PNF pour nos téléspectateurs qui ne connaissent pas forcément bien le parquet national financier.
02:05Oui, alors le parquet national financier a une compétence dans ce qu'on appelle la délinquance
02:10économique et financière de grande complexité, donc la grande délinquance en col blanc. Il y a
02:16quatre blocs de compétences identifiés par le législateur. Il y a tout d'abord les atteintes à
02:23la probité, donc la corruption, les détournements de fonds publics, le favoritisme ou la prise
02:28égale d'intérêt par exemple, qui représentent à peu près 45% des dossiers en cours au parquet
02:35national financier. Le deuxième bloc important c'est la grande fraude fiscale interne ou
02:40internationale, donc de grande complexité, en articulation avec Bercy, qui représente aussi
02:45à peu près 45% de notre contentieux. Et puis après résiduellement, dans les 10% qui restent,
02:53vous avez donc les abus de marché en lien avec l'AMF et puis les atteintes à la concurrence,
02:58qui est un contentieux qui a été rajouté plus récemment dans l'escarcelle du PNF. En tout et
03:03pour tout, aujourd'hui on dénombre un peu plus de 750 procédures actives en cours au parquet
03:10national financier réparties selon cette clé de compétence. Alors comment est-ce qu'on travaille ?
03:16On travaille essentiellement dans ce qu'on appelle le cadre de l'enquête préliminaire,
03:20c'est-à-dire des enquêtes qui sont confiées par les procureurs du parquet national financier à des
03:25policiers ou des gendarmes spécialisés, qui prennent leur instruction directement auprès des
03:31procureurs, procureurs d'ailleurs qui généralement participent souvent aux opérations, perquisitions,
03:36auditions, etc. A distinguer des informations judiciaires qui sont plus résiduelles, où là
03:42nous demandons à des juges d'instruction d'approfondir des investigations. La clé de
03:46répartition, si vous voulez, c'est à peu près 87% de nos procédures actuelles sont suivies dans
03:52le cadre d'enquêtes préliminaires et 13% dans le cadre d'informations judiciaires. D'accord,
03:56alors on en sait plus sur l'organisation et le fonctionnement du PNF, on va revenir sur
04:01l'activité. Quelles sont les tendances de l'activité du PNF en 2024 et de manière générale, quel
04:07bilan faites-vous de l'activité du PNF ? Vous avez rappelé qu'il a fêté ses 10 ans. Alors le
04:15bilan qu'on peut dresser, c'est effectivement une pratique très consolidée désormais sur la
04:23manière dont on conduit les enquêtes. Donc effectivement, traditionnellement, les enquêtes
04:27économiques et financières pendant de longues années étaient plutôt confiées à des juges
04:30d'instruction, mais depuis la création du parquet national financier, on a développé cette pratique
04:34d'enquête préliminaire qui est plus souple, plus agile et plus rapide. Donc ça c'est effectivement
04:39quelque chose qui s'est bien inscrit dans la pratique du parquet national financier. Après
04:46dix ans de fonctionnement, on commence à avoir un certain nombre de résultats. Si on prend des
04:50résultats chiffrés, depuis la création du parquet national financier, on dénombre un peu plus de
04:55500 individus personnes physiques qui ont été condamnés dans le cadre de procédures dirigées
05:01par le parquet national financier. 500 condamnations, dont environ une centaine à
05:06l'issue de procédures dites de plaidés coupables, donc de justice pénale négociée avec des
05:12particuliers. Mais nous avons aussi développé, depuis la loi 5.2, une forte pratique de convention
05:18judiciaire d'intérêt public, une autre forme de justice pénale négociée, cette fois-ci orientée
05:22directement vis-à-vis des personnes morales, des entreprises. On dénombre aujourd'hui une vingtaine
05:30de conventions judiciaires d'intérêt public qui se répartissent à peu près à égalité entre
05:35fraude fiscale et atteinte à la propriété, corruption ou trafic d'influence. L'ensemble de
05:43ces procédures sur le plan financier ont permis donc au parquet national financier de recouvrer,
05:50dans l'intérêt du budget général de l'État, un peu plus de 12 milliards d'euros, donc de sommes
05:57soit à titre d'amende, soit à titre d'hommage intérêt ou de confiscation. C'est assez conséquent ?
06:03C'est conséquent, c'est plus que le budget total du ministère de la justice, donc effectivement
06:08c'est un budget qui est, enfin c'est un montant qui est relativement important et qui a été permis
06:14aussi parce que le législateur a développé un certain nombre d'outils juridiques en parallèle,
06:19notamment le développement du droit des saisies et confiscations, qui est un droit très technique
06:23mais très utile justement pour permettre l'effectivité de la sanction financière. Donc il y a aussi une
06:28tendance lourde de ces dix dernières années, le développement du droit pénal des saisies et
06:31confiscations. Donc en définitive c'est un bilan positif ? De mon point de vue, ça l'est. Peut-être
06:37que d'autres interlocuteurs externes seront plus lancés. Non, je pense qu'effectivement c'est un
06:40bilan positif dans la mesure où il atteint en grande partie les objectifs qui ont été fixés
06:45par le législateur, il me semble, dans la loi de décembre 2013, c'est-à-dire de monter en puissance
06:51sur les enquêtes pénales en matière d'atteinte à la probité de fraude fiscale, d'abus de marché,
06:56puis très progressivement de concurrence, même si c'est plus récent. Donc de ce point de vue là,
07:02on répond à la feuille de route qui a été fixée par le législateur et reprise par la chancellerie.
07:07Le défi maintenant c'est, oui, des dix années à venir et des défis qui vont se poser et qu'il va
07:12falloir relever. Alors justement on va se projeter sur les dix années à venir, quels sont les défis
07:17qui se présentent au PNF ? Alors le premier défi je pense c'est d'abord la question de la
07:23consolidation de cette justice pénale négociée, c'est quelque chose qui est relativement récent
07:29dans le système judiciaire français. On avait la loi Perben 2 en 2004 qui avait introduit le
07:34plaidé coupable, la loi Sapin 2 avec la Cégyp. Donc nous nous sommes emparés, comme un certain
07:39nombre de juridictions d'ailleurs, de ces outils, le PNF en particulier dans la matière économique
07:44et financière. On a eu plutôt des bons résultats, plutôt salués. Reste que cet outil reste encore
07:51parfois méconnu, donc il va falloir effectivement faire preuve de pédagogie aussi sur la manière
07:57dont on s'en sert. On a déjà publié en janvier 2023 des lignes directrices qui viennent expliciter
08:04la manière dont nous au Parquet national financier nous acceptons d'entrer dans des
08:08discussions et éventuellement aboutir à une transaction en matière de convention judiciaire
08:13d'intérêt public. Donc on va poursuivre, je pense, ce travail pédagogique vis-à-vis notamment de la
08:19société civile parce qu'il est important que le citoyen comprenne la manière dont cette justice
08:24un peu innovante est rendue. Et contrairement à certaines idées reçues, ce n'est pas une justice
08:28de chambre qui se ferait à l'abri des regards, c'est une justice transparente où les décisions
08:33sont mises à disposition des citoyens. Le PNF communique régulièrement sur les décisions.
08:39C'est quelque chose effectivement qui est important. Nous avons d'ailleurs au Parquet
08:42national financier un chargé de communication qui est notre secrétaire général effectivement,
08:46qui dans le respect des limites posées par le code de procédure pénale fait
08:50oeuvre de pédagogie puisque un certain nombre de médias s'intéressent effectivement à nos
08:55enquêtes et à nos procédures et le code permet sous certaines conditions effectivement d'apporter
09:00des éclaircissements sur l'avancée de ces procédures. On va conclure là-dessus. Merci
09:04Jérôme Simon d'être venu sur notre plateau. Je rappelle que vous êtes premier vice-procureur
09:08au sein du Parquet national financier. Merci beaucoup. Tout de suite l'émission continue,
09:12on va parler de l'internationalisation de la profession d'avocat.