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Mercredi 26 mars 2025, retrouvez Léo Deniau (Coordinateur du plaidoyer international, AIDES) dans SMART IMPACT, une émission présentée par Thomas Hugues.

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Transcription
00:00Le débat de ce Smart Impact, on parle des taxes de solidarité internationale et de leur détournement avec Léo Degnaud, bonjour.
00:13Bonjour.
00:14Bienvenue, vous êtes coordinateur du plaidoyer international chez AIDE et Mike Urgian, bonjour.
00:19Bonjour.
00:20Bienvenue à vous aussi, responsable du plaidoyer chez One France.
00:23Allez, AIDE, en quelques mots, tout le monde connaît, mais quand même, rappelez-nous de quoi vous vous occupez.
00:27Oui, AIDE, c'est la première association de lutte contre le sida et les hépatites virales en Europe et en France, en France et en Europe.
00:34C'est une association de terrain. On est sur une soixantaine de lieux de mobilisation en France.
00:38Et le but de AIDE, c'est d'agir avec et auprès des populations les plus concernées par l'épidémie.
00:44Et One, One, c'est une ONG internationale, c'est ça ?
00:47C'est ça, c'est une ONG internationale de campagne et de plaidoyer.
00:50Donc nous, on n'est pas vraiment sur le terrain, mais l'idée, c'est de sensibiliser un peu les décideurs, les journalistes et l'opinion publique
00:56à la nécessité de lutter contre l'extrême pauvreté en Afrique et les maladies évitables.
01:01D'accord.
01:01Et ce qui vous réunit, vous menez un combat commun autour des taxes de solidarité internationale.
01:07De quoi on parle déjà ?
01:08Oui.
01:08Alors déjà, peut-être rapidement, la solidarité internationale, c'est quoi ?
01:11C'est une politique qui est née de la Seconde Guerre mondiale.
01:13C'est l'idée qu'il y a des pays riches, des pays pauvres, qui a un besoin de soutenir le développement de ces pays pauvres
01:18et que du coup, on va avoir des transferts financiers un peu entre les pays riches et les pays pauvres.
01:22On s'est rendu compte assez rapidement qu'en fait, les besoins étaient énormes
01:26et que les crédits budgétaires d'un état ou même d'un ensemble de plusieurs états ne seraient pas suffisants.
01:31Et donc est née cette idée d'avoir des taxes solidaires, c'est-à-dire des financements un peu pérennes, plus abondants et prévisibles
01:39qui puissent aller soutenir les pays en développement.
01:43Vraiment, l'idée de base, au départ, c'est essayons d'aller chercher, d'aller taxer les bénéficiaires de la mondialisation
01:49pour soutenir ceux, en fait, qui n'en bénéficient pas.
01:52Et c'est pour ça que les deux taxes qui ont été créées par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, c'est une taxe sur les billets d'avion.
01:58Donc dès que vous achetez un billet d'avion au départ de la France, il y a une petite partie qui va à la solidarité internationale
02:03et une taxe sur les transactions financières.
02:05On va y revenir en détail, mais si on prend la taxe sur les billets d'avion, par exemple, à quoi elle sert ?
02:10Où est-ce que l'argent est fléché, pour l'instant ?
02:13Alors, pour l'instant, justement, ça vient de changer et c'est tout le problème.
02:16En fait, nous, c'est le problème qu'on a dans la situation actuelle.
02:19C'est qu'on avait une situation où une partie de la recette de ces deux taxes bénéficiait directement à la solidarité internationale
02:25et surtout à la santé, au climat, à l'éducation.
02:28Donc ça permettait directement à ce que des personnes aient accès à des antirétroviraux dans les pays des Sud.
02:33Il y a eu une décision qui, du coup, ne flèche plus les recettes de ces taxes-là vers la solidarité.
02:40C'est un peu comme la sécurité sociale.
02:42La sécurité sociale, on l'a séparée du budget de l'État parce qu'on voulait protéger les principes de santé publique.
02:47C'est pareil avec la solidarité internationale.
02:49Et ces deux taxes-là, ça permettait de les sanctuariser.
02:51Et donc là, depuis le budget 2025, elles sont réintégrées dans le pot commun du budget de l'État.
02:57C'est ça.
02:58J'emploie des mots un peu simplistes, mais c'est ça, l'idée.
03:00C'est ça.
03:01Elles ont été budgétisées et leur lien avec ce pour quoi elles ont été créées n'existe plus aujourd'hui.
03:06Et nous, c'est une décision qui nous inquiète.
03:08Et la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, la décision qu'elle a prise avec cette budgétisation,
03:12pour nous, ça revient à abandonner les malades.
03:14Alors, sauf s'il y a des crédits qui ne baissent pas, mais sauf qu'il n'y a plus la garantie que ces crédits existeront.
03:19C'est ça, votre combat.
03:20C'est ça.
03:21Et dans le budget 2025, on a une coupe de 2 milliards d'euros sur l'aide publique au développement.
03:24C'est énorme.
03:25Oui, mais en même temps, il y a des coupes partout dans le budget 2025 parce qu'il faut faire des économies.
03:30Vous avez raison, mais en fait, le budget de la solidarité internationale a été impacté de manière beaucoup plus importante que les autres lignes budgétaires.
03:36Vraiment disproportionnée.
03:37D'accord.
03:38Et donc ça, c'est un vrai problème parce que c'est des lignes budgétaires et peut-être qu'on ne se rend pas compte,
03:42mais derrière les lignes budgétaires, il y a des vies humaines.
03:44Comme l'a dit Léo, il y a des traitements contre le VIH-SIDA, il y a des traitements contre le paludisme, la tuberculose.
03:50Et juste pour vous donner une idée, là, on voit aux Etats-Unis qu'il y a eu des coupes massives sur ce budget-là.
03:56Depuis le 20 janvier, déjà 15 000 personnes sont mortes.
03:59Oui, effectivement.
04:00Et on va en parler de ce qui se passe aux Etats-Unis.
04:02Mais vous avez lancé une campagne pour dénoncer ce détournement.
04:07Je ne rajoute rien parce qu'elle parle d'elle-même.
04:11On regarde.
04:20...
04:32Il y en a une aussi avec des pompiers qui arrivent sur un feu de forêt et puis qui arrosent à côté et qui font pousser les fleurs.
04:37Cette campagne, elle s'adresse au grand public.
04:41Comment vous essayez d'infléchir finalement...
04:45Alors ça va être pour le budget suivant, j'imagine, mais d'infléchir la position du gouvernement.
04:49Alors juste, la campagne, vous voyez bien, l'idée c'est de démontrer l'absurde.
04:53On a créé ces taxes.
04:54Et en fait, on a un discours du président Chirac, on a un discours du président Sarkozy,
04:58qui disent bien que ces taxes, on les met en oeuvre uniquement pour financer la solidarité internationale.
05:02Donc de manière absurde, on les a re-budgetisées.
05:04C'est pour ça que vous parlez de détournement aujourd'hui.
05:05Exactement, c'est ça, exactement.
05:07Et donc cette campagne, elle s'adresse bien sûr au grand public, mais aussi au gouvernement.
05:11L'idée, c'est bien sûr qu'on parle de ces thématiques, parce que parfois, il y a beaucoup de choses dans l'actualité en ce moment.
05:15On se perd un peu dans ce qui se passe.
05:17Il y a une pétition, par exemple ?
05:19Il n'y a pas de pétition.
05:21L'idée, c'est vraiment de pouvoir interpeller les différents ministres,
05:25notamment Monsieur Barreau, qui est le ministre des Affaires étrangères,
05:27et Madame de Montchalin, qui est la ministre des Comptes publics,
05:29directement sur les réseaux sociaux.
05:31Voilà, parce que l'idée, c'est qu'eux, ils voient cette campagne,
05:35qu'ils comprennent un peu la surdité de leur décision,
05:37et surtout, la responsabilité qu'ils vont avoir dans les conséquences qu'on va avoir sur le terrain.
05:42C'est très important.
05:43Et c'est d'autant plus important qu'il y a, évidemment, les décisions prises par l'administration Trump,
05:49notamment avec les coupes budgétaires massives réalisées dans USAID,
05:55qui est un programme qui est sème partout sur la planète.
05:59Sur le sida, pour les malades du sida, quelles conséquences concrètes ça a déjà aujourd'hui ?
06:05C'est des conséquences désastreuses.
06:07Pour être très clair, c'est la première fois dans l'histoire de la maladie
06:10qu'on est face à une potentialité de reprise épidémique.
06:13On ne l'a jamais vu depuis les pics des années 90 et du début des années 2000.
06:17Concrètement, comme Maël disait, c'est des morts qui sont déjà comptabilisables sur le terrain.
06:22Donc c'est PEPFAR, l'organe bilatéral des Etats-Unis pour la lutte contre le VIH sida,
06:27qui a été partiellement interrompu, très majoritairement interrompu,
06:29et c'est 58% de la réponse internationale qui est coupée d'un coup comme ça.
06:34La réponse internationale, c'est du budget proposé par les pays les plus riches
06:39pour aider les pays les plus pauvres face au sida, c'est ça ?
06:41Exactement. Les Etats-Unis, dans la lutte contre le sida, c'est 80% des financements.
06:45C'est énorme. Et c'est surtout beaucoup beaucoup de traitements.
06:48Donc là, il y a des ruptures de traitements.
06:49Nous, dans notre réseau, le réseau de Coalition Plus, en République Dominicaine,
06:53c'est 180 employés qui sont suspendus.
06:55Au Cap Vert, c'est 25% des activités de prise en charge des personnes vivant avec le VIH qui sont maintenues.
07:00C'est-à-dire que les 75% ne le sont pas.
07:02Donc, on va avoir des transmissions mère-enfant,
07:04on va avoir des populations qui vont être éloignées du soin,
07:06qui ne vont plus avoir accès aux traitements antirétroviraux,
07:09et qui vont aussi repartir sur les nouvelles contaminations.
07:12Ces coupes franches dans les budgets d'USAID, Mike Urquian,
07:16ça a des conséquences dans d'autres domettes, notamment dans la lutte contre la pauvreté ?
07:20Oui, bien sûr. Donc là, Léo a parlé beaucoup de l'impact sur la santé,
07:24mais ça a un impact aussi sur la faim.
07:26On a déjà chiffré en milliers de personnes le nombre de personnes qui vont mourir de la faim.
07:31C'est quand même une politique qui vise à sauver des vies humaines,
07:35mais il y a des impacts bien sûr sur d'autres secteurs.
07:38Par exemple, aujourd'hui, on parle beaucoup de défense et de sécurité.
07:42Mais en fait, qu'est la sécurité internationale dans un monde qui n'est pas stable ?
07:45Et l'aide publique au développement, elle a aussi cette vocation.
07:48Parce qu'imaginez un pays où on a des reprises épidémiques,
07:51où il y a des gens qui meurent de faim,
07:52on sait tout de suite qu'il y a une insécurité qui va s'installer
07:54et que ça aura des impacts sur la stabilité du monde.
07:57Donc ça, c'est une première chose.
07:58Il y a plutôt une baisse de la pauvreté tendancielle.
08:02Ça veut dire que la pauvreté mondiale, elle peut repartir à la hausse ?
08:06Oui, c'était déjà le cas.
08:08En fait, vraiment, on a fait d'énormes progrès.
08:10Cette politique, elle fonctionne.
08:11La part de l'extrême pauvreté dans le monde,
08:13elle a été réduite de 70 % depuis les années 90.
08:16Donc vraiment, on peut tous être fiers de ce qu'on a fait.
08:18Depuis le Covid-19, ça stagne.
08:20Et là, on pense vraiment que la décennie 2020-2030
08:23sera une décennie perdue pour le développement
08:25parce qu'il y a eu une remontée de la pauvreté pendant le Covid.
08:29Et là, on ne fait plus de progrès, ça stagne.
08:31Et donc, c'est toujours aujourd'hui 700 millions de personnes
08:34qui vivent avec moins de 2,15 dollars par jour.
08:37Pour vous donner une idée, 700 millions de personnes,
08:39c'est deux fois la population des Etats-Unis.
08:41C'est dix fois la population française.
08:43Et ça, ces tacs, justement,
08:44elles étaient là pour garantir qu'on ait un budget pérenne
08:47pour aider ces gens et s'assurer qu'ils aient accès
08:51à des droits sociaux et humains de base.
08:53Est-ce qu'il y a des pays,
08:55on peut sortir du cas français,
08:56mais des pays qui prennent le relais
08:58ou qui se préparent à prendre le relais des Etats-Unis ?
09:00Pas aujourd'hui.
09:01On parle de montants tellement importants,
09:03en fait, il va falloir penser différemment.
09:05Et les Etats, aujourd'hui,
09:07qui sont des financeurs d'aides publiques au développement,
09:09ne prennent pas la mesure de ce que ça représente.
09:12Tu as parlé de Covid-19, l'impact du Covid-19.
09:16Est-ce qu'on a vraiment appris des leçons,
09:18notamment sur les cas de santé ?
09:20Les virus ne connaissent pas de frontières.
09:22Des reprises épidémiques en Amérique latine
09:25ou en Afrique subsaharienne auront des conséquences
09:27sur la santé publique en France.
09:28Donc non, aujourd'hui, il n'y a pas de décision suffisamment franche.
09:31Preuve en est, le budget de l'aide publique
09:33au développement en France est coupé de 40%.
09:35Il est coupé aussi, Kirstarmer, au Royaume-Uni,
09:37a annoncé une coupe pour financer la défense.
09:40On sent vraiment une départition complète,
09:43loin de la solidarité.
09:45Il y a quand même eu,
09:47essayons d'avoir une toute petite note d'espoir,
09:49la Cour suprême qui a rétabli une décision de justice
09:52qui sommet l'administration Trump
09:54de reprendre les versements de l'USAID.
09:56Est-ce que vous vous dites,
09:57parce qu'on se pose beaucoup de questions
09:58sur les contre-pouvoirs aux Etats-Unis,
10:00est-ce que vous vous dites quand même que là,
10:02il y a peut-être un levier juridique
10:04qui va obliger Donald Trump et son administration
10:06à reprendre un certain nombre de versements ?
10:08Je pense qu'il y a quand même pas mal d'opportunités
10:10et c'est une période un peu critique,
10:12mais justement, tout va dépendre de ce que nous,
10:14on décide de faire.
10:15Donc il y a eu cette décision,
10:16on verra un peu si jamais ça tient dans le temps,
10:18mais encore une fois, nous au niveau européen,
10:21on a les outils aujourd'hui
10:22et on a, c'est ce qu'on appelle les financements innovants,
10:25les fameuses taxes qui nous permettraient,
10:27alors pas de complètement remplacer les Etats-Unis,
10:29c'était trop grand,
10:30mais d'arriver à limiter les dégâts de manière considérable.
10:33Parce qu'en fait, ces taxes aujourd'hui,
10:34elles ne sont, en tout cas pour la TTF,
10:36pas payées par le citoyen
10:37et en fait, elles ont des potentiels de revenus
10:40qui sont énormes si on arrive à les renforcer,
10:42à les rendre plus transparentes
10:43et avec ça, on pourrait vraiment améliorer
10:45la situation.
10:46C'est une question de décision politique.
10:48Après, on peut aussi se dire,
10:50je vais mettre un peu les pieds dans le plat,
10:51que c'est aussi peut-être l'occasion pour les pays
10:54qui bénéficiaient de cette aide
10:55de se prendre un peu plus en main.
10:57Vous voyez ce que je veux dire ?
10:58Alors peut-être, Léo.
10:59Ça doit être les deux en fait.
11:01On sait très bien que du jour au lendemain,
11:03les pays ne vont pas financer l'intégralité
11:05de ce qui a été financé par l'aide internationale.
11:06Je pense que les deux doivent être complémentaires
11:08et il faut réfléchir les deux.
11:09Évidemment, pour que ce soit pérenne,
11:10il faut des financements domestiques dans les pays.
11:12Il faut que les financements puissent venir aussi
11:14des budgets nationaux.
11:15Mais les deux peuvent vraiment aller de pair.
11:17Même le président Macron s'était engagé là-dessus.
11:21Il y a moins d'un an, en juin 2024,
11:24il avait dit que ce lien entre les taxes et la solidarité
11:28devait être préservé envers et contre tout.
11:30Et six mois plus tard,
11:31on a une suspension de la part du gouvernement.
11:33C'est quelque chose qu'on ne comprend pas.
11:35Et dans l'état de la solidarité,
11:37ça pose vraiment, vraiment question.
11:39Un tout dernier mot.
11:40Dernier mot, c'est la brutalité de la décision.
11:42Bien sûr qu'il faut cette transition.
11:44Mais aujourd'hui, on voit bien
11:45que quand on arrête les financements du jour au lendemain,
11:47ça se compte en milliers de morts.
11:48Et donc, il faut qu'on puisse continuer à les accompagner
11:50dans cette période de transition vers un endroit
11:52où ils financeront effectivement leurs propres programmes nationaux.
11:55Merci beaucoup à tous les deux.
11:56Et à bientôt sur Bismarck France 5.
11:58Merci à vous.
11:59On passe tout de suite à notre rubrique start-up.

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