• il y a 11 heures
Le sort du cessez-le-feu suspendu aux deux heures de conversations téléphoniques entre Trump et Poutine ? Regardez l'analyse de Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France en Russie et auteur de "Vivre avec Poutine", aux éditions Temporis.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 19 mars 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:03Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h15. Allô Vladimir, ici Donald. Les présidents russes et américains se sont donc parlé longuement hier.
00:10Alors pour votre interview au cœur de l'actualité ce matin, Amandine, vous avez choisi de recevoir quelqu'un qui a lui aussi déjà parlé à de nombreuses reprises avec Vladimir Poutine.
00:18C'est Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France à Moscou. Bonjour et bienvenue à vous.
00:22Bonjour.
00:23Bonjour et merci beaucoup d'être là ce matin. On va bien sûr parler du fond et de ce qui ressort de ce qu'on sait de cette discussion.
00:30Mais d'abord sur la forme. Ce coup de fil entre Donald Trump et Vladimir Poutine a duré un peu plus de deux heures hier. Est-ce que c'est beaucoup ?
00:36Ah oui, c'est beaucoup. C'est beaucoup et on a appris après que dans le fond, Trump avait entretenu des relations, probablement d'autres conversations téléphoniques avec Poutine, même depuis qu'il est à la Maison Blanche.
00:49C'est-à-dire que ce n'était pas seulement le deuxième coup de fil depuis ?
00:52Probablement il y en a eu d'autres, plus les émissaires, donc beaucoup de dialogues entre les deux en fait.
00:59Et encore un mot sur la forme. Vous qui avez sans doute vu plein de fois ce genre de coup de fil, comment ça se passe ?
01:04Les deux hommes sont seuls, chacun au bout du téléphone ou il y a plein de conseillers autour ?
01:08Non, non. Il y a toute une équipe autour qui peut passer les papiers, etc. Donc c'est d'ailleurs, ça explique en partie ce qui s'est passé.
01:14C'est-à-dire qu'on sentait bien que les deux étaient retenus par leurs équipes puisque dans le fond, on s'attendait à ce que Trump fasse une sorte de blitzkrieg, enfin qu'il emporte un cessez-le-feu.
01:27Un coup en fait.
01:28À la hussarde.
01:29Poutine étant bluffé, ce n'est pas du tout ce qui s'est passé. Et en réalité, ça s'est passé très méthodiquement, très calmement.
01:37Ils ont passé en revue les relations bilatérales puisque Poutine tient beaucoup à normaliser complètement ses relations avec les Etats-Unis.
01:43A ce que les Etats-Unis retirent progressivement leurs sanctions, bien sûr.
01:47A ce que les ambassades et les consulats puissent retrouver leurs effectifs pleins puisqu'on avait viré tous les espions, mais bon, d'autres espions reviendront.
01:56Et ça, je crois que Trump est d'accord là-dessus, on n'en a pas beaucoup parlé, mais cette normalisation-là, elle est en cours.
02:01Ils ont aussi parlé de nucléaire, c'est très important.
02:04Ils étaient d'accord sur le fait que l'Iran ne devait pas avoir la capacité de détruire Israël, c'est très important.
02:11Donc les Russes sont contre l'accès d'Iran à l'arme nucléaire.
02:15On n'en a pas beaucoup parlé, mais c'est très important.
02:18Et sur l'Ukraine, ça a été effectivement des résultats beaucoup plus modestes parce que l'enjeu est considérable.
02:23Sur l'Ukraine, effectivement, on est loin, très loin du cessez-le-feu imaginé par les Ukrainiens qui souhaitaient, on le rappelle, un cessez-le-feu sur la mer, dans les airs et au sol.
02:35Là, pour l'instant, il n'est question que d'arrêt de frappe sur les sites énergétiques.
02:39Est-ce que Vladimir Poutine fait durer les discussions, joue les prolongations ? C'est comme ça que vous le voyez, vous ?
02:46Je crois qu'on s'engage dans une négociation qui va être longue, qui va être faite par des techniciens de la négociation.
02:52Ça va commencer dimanche prochain en Arabie Saoudite et ça va être une négociation méthodique parce qu'en effet, il y a beaucoup de sujets, beaucoup de thèmes à négocier concrètement.
03:02Alors on pensait que Trump pouvait enlever un cessez-le-feu et puis établir cette négociation bilatérale qui allait s'installer en Arabie Saoudite pour des semaines, des mois peut-être, et traiter tous les sujets un par un.
03:14En réalité, il n'a pu obtenir que le cessez-le-feu sur les installations énergétiques.
03:21Il y a un point qui interpelle Claude Blanchemaison et qui inquiète aussi et c'est écrit assez clairement, en noir sur blanc, dans le communiqué du Kremlin.
03:30Vladimir Poutine demande l'arrêt complet de l'aide militaire occidentale à l'Ukraine. C'est même LA condition clé, dit le communiqué du Kremlin.
03:39Donald Trump ne peut pas accepter ça, si ?
03:41Bien sûr, c'est inacceptable. Mais c'était inévitable qu'il fasse ça parce que tous les gens qui ont négocié le cessez-le-feu
03:47vous diront que la contrepartie du cessez-le-feu, c'est un moratoire sur les livraisons d'armes des deux côtés.
03:53Sauf que là, les deux côtés sont totalement inégaux, puisque la machine militaire ou industrielle russe va continuer à produire à plein rendement,
04:02alors qu'effectivement, l'Ukraine dépend complètement, pour sa survie, de l'aide occidentale américaine et européenne.
04:09Donc, je ne sais pas si les américains vont ralentir leur aide, on ne sait pas très bien ce qui s'est dit à ce sujet,
04:15mais les européens, certainement pas. Et c'est ce qui a été dit, d'ailleurs, hier soir.
04:19Hier soir, Emmanuel Macron, qui effectivement, après la parole depuis Berlin, il était avec le chancelier, réaffirmant son soutien à l'Ukraine,
04:27il a répété « nos amis ukrainiens, nos amis ukrainiens ».
04:29On a quand même l'impression que le président français, il est un peu impuissant, comme d'ailleurs tous les européens, j'ai envie de dire.
04:35C'est clair que Trump et Poutine veulent négocier tous les deux.
04:39Poutine, évidemment, il trouve la consécration d'un rôle international, il sort du ghetto dans lequel on l'avait enfermé,
04:48il redevient l'homologue du président...
04:52Et ça va se faire sur le dos de l'Ukraine, forcément ?
04:54Un peu sur le dos de l'Ukraine, en effet. Il devient l'homologue du président du pays le plus puissant du monde,
05:00et pour lui, c'est très important, notamment vis-à-vis de sa population,
05:03notamment vis-à-vis de sa population, puisqu'il n'a pas réussi à confisquer l'Ukraine, en quelque sorte,
05:08à en faire la Biélorussie, c'était l'objectif initial, en fait, de cette guerre.
05:12Mais il va dire « vous voyez, je suis redevenu, j'ai redonné à la Russie sa stature internationale ».
05:17Ça, c'est fait depuis hier soir.
05:19Donald Trump a plutôt peu parlé à l'issue de ce coup de fil, de cet entretien.
05:25On connaît à quel point le président américain aime les médias, aime mettre en scène chacun de ses succès.
05:31Il a bien conscience que là, pour l'instant, il a perdu, ou en tout cas pas gagné ?
05:36Il a pris conscience que le sujet était plus compliqué qu'il ne le croyait,
05:39et que Poutine était plus coriace qu'il ne le pensait.
05:42Donc, en effet, à mon avis, il était surpris par la tournure des événements,
05:47et il a été obligé de se réfugier dans ce cessez-le-feu sectoriel qui intéressait les Russes,
05:52parce que les Russes en avaient assez de voir qu'avec leurs drones fabriqués en Ukraine,
05:57les Ukrainiens avaient détruit pratiquement un tiers de la capacité de raffinage russe,
06:03c'est beaucoup, c'était très efficace,
06:05qu'ils avaient aussi mis hors d'usage un certain nombre de réserves d'essence
06:10dans les bases aériennes d'où partaient les bombardiers.
06:14Donc, c'était très important.
06:16En contrepartie, effectivement, l'accord de cessez-le-feu prévoit que la Russie
06:22ne bombardera plus les usines de production électrique ukrainiennes.
06:27Mais il y a eu encore des frappes ce matin, alors, sur un éthique, à la priori...
06:31Absolument, le cessez-le-feu.
06:32Pourtant, on avait dit que Poutine donnait l'ordre immédiatement
06:36de ne plus frapper les usines de production électrique,
06:39mais il semble que ça n'ait pas été le cas.
06:41Claude Blanchemaison, j'allais dire, vous connaissez bien la psychologie Poutine,
06:46vous l'avez vu à plusieurs reprises, vous avez échangé avec lui à plusieurs reprises,
06:50vous observez ça aujourd'hui d'un peu plus loin,
06:52mais est-ce que, sincèrement, vous pensez qu'un jour,
06:55il acceptera un cessez-le-feu digne de ce nom ?
06:59À condition qu'il ait l'assurance que l'Ukraine sera neutralisée.
07:04Ce qui est évidemment totalement inacceptable pour nous, Européens.
07:07Dans le fond, pour les Etats-Unis, on ne sait pas trop.
07:10On ne sait pas trop, puisque Trump est allé assez loin
07:13dans les concessions faites avant cette conversation téléphonique.
07:18Mais c'est vrai que Poutine ira jusqu'au bout, ne lâchera rien,
07:23et par conséquent, il l'a dit, il veut une neutralisation complète de l'Ukraine indépendante.
07:30J'appellerais ça l'Ukraine libre, c'est-à-dire celle qui n'est pas occupée par les troupes russes.
07:34Et ce ne sont pas les Européens qui peuvent l'impressionner ?
07:37On ne sait pas.
07:39On ne sait pas, parce que je crois que ce qui se passe actuellement,
07:42la prise en masse des Européens, plus les Canadiens, plus les Turcs,
07:46plus finalement le Japon, la Corée du Sud,
07:50ça peut être de nature à les impressionner si les mots se traduisent en actions.
07:57On a une nouvelle coalition qui est en train de se mettre en place,
08:01mais il faut aussi probablement que la diplomatie européenne,
08:05bien sûr d'abord la diplomatie française,
08:07soit beaucoup plus active avec les grands pays asiatiques,
08:11y compris la Chine, car on ne dit pas assez,
08:13la Chine n'a jamais reconnu l'annexion de la Crimée.
08:16Et la Chine nous dit dans les conversations qu'on peut avoir ici ou là,
08:21il ne faut pas accepter, il ne faut pas reconnaître les annexions russes.
08:25Un dernier mot, vous disiez, Donald Trump s'est sans doute rendu compte
08:29que Poutine était plus coriace qu'il ne le pensait.
08:32Quand on est face à Vladimir Poutine, on est quoi, impressionné, forcément ?
08:36Vous savez, il disait au début de la période où il était au Kremlin,
08:40il avait donné pas mal d'interviews, puisqu'on ne le connaissait pas,
08:43et il disait, moi je suis un spécialiste des relations humaines.
08:45Ça voulait dire, je suis un super espion, je suis capable de vous cadrer
08:49et de savoir comment je dois me comporter avec vous, compte tenu de vos objectifs.
08:53Et c'est ce qu'il fait, il s'adapte à ses interlocuteurs.
08:55Et vous quand vous l'aviez face à vous ?
08:57À l'époque tout allait bien, puisque tous les gouvernements occidentaux le courtisaient
09:02pour voir comment on pouvait arrimer la Russie à l'Europe
09:06et en effet en faire progressivement un pays comme un autre.
09:10Ça a échoué, ça a échoué pour beaucoup de raisons.
09:12Les torts sont bien partagés, y compris du côté américain
09:15qui n'avait aucune envie d'un rapprochement entre l'Europe et la Russie.
09:18Merci beaucoup Claude Blanchemaison.
09:20Et je rappelle votre livre « Vivre avec Poutine » publié aux éditions Temporis.
09:24Merci beaucoup d'être venu ce matin.
09:25Ça doit être quelque chose de se retrouver face à face les yeux dans les yeux avec Poutine.
09:28Mais c'est rien à côté d'être face à face les yeux dans les yeux avec Philippe Cavrivière
09:31qui arrive dans ce studio.
09:32Monsieur l'ambassadeur, restez avec nous.

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