Dans son édito du 15/03/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]
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00:00Franchement, oui. C'est-à-dire, je pense qu'on est plusieurs à avoir vécu cette période,
00:04et on l'a mis en parenthèse en se disant que c'est une période de quelques années volées,
00:08quelques années insensées, quelques années absurdes,
00:11quelques années tellement absurdes qu'il est impossible de revenir
00:14et de comprendre ce qui s'est passé.
00:16Je pense qu'on est plusieurs, et je me mets dans le lot à devoir faire un mea culpa sur cette période,
00:20à avoir adhéré beaucoup trop immédiatement,
00:23ensuite on en est sortis chacun à notre rythme,
00:25mais à avoir adhéré beaucoup trop immédiatement aux récits médiatiques et publics
00:29et politiques dominants sur la COVID,
00:31avec cette idée que dès que vous en sortiez un peu, vous aviez l'impression de participer
00:35à la propagation de la peste nouvelle.
00:38Donc il y a eu une immense période de répétition des slogans attendus,
00:44de soumission de l'esprit, d'abrutissement de l'intelligence,
00:47de conformisme effrayant,
00:49et je pense qu'il faut revenir tous, d'une manière ou de l'autre,
00:51tous ceux qui n'ont pas exprimé de réserve au moment où ils auraient dû,
00:54devraient un jour faire un mea culpa.
00:56Il m'est déjà arrivé de le faire, mais je n'hésite pas à le refaire aujourd'hui.
00:59Alors il y avait une pandémie, bien évidemment.
01:01Une pandémie, il faut réagir, mais quelquefois avec des confinements ciblés,
01:04en ciblant les populations fragiles, c'est ce qu'on aurait pu faire,
01:07mais on s'est dit qu'il ne fallait pas faire ça parce que ce n'était pas égalitaire, rappelez-vous.
01:10Et qu'est-ce que ça a révélé la COVID?
01:12Je vais donner quelques exemples, mais je pourrais en donner plusieurs autres.
01:15D'abord, ça nous a révélé une société où les médias étaient aux ordres comme pas possible,
01:19où les médias n'hésitent jamais à devenir les relais de la parole du pouvoir,
01:24des médias qui relinent l'idéologie et qui sont d'une intolérance exceptionnelle
01:28envers tous ceux qui doutent au moment précis de la vérité officielle qu'on nous impose.
01:34Rappelez-vous, à l'époque, on traitait de complotistes
01:36ceux qui posaient la question de l'origine du virus.
01:38Peut-être dans un laboratoire, est-ce que c'est possible?
01:40Aujourd'hui, on prend cette hypothèse très au sérieux.
01:42Mais à l'époque, on traitait de désinformateurs et de complotistes antivax,
01:47c'est tout le tralala, ceux qui s'inquiétaient de cela.
01:49On peut s'inquiéter aussi, dans la période de la COVID,
01:51de la destruction du pluralisme politique.
01:53Devant une crise comme celle-là, il n'était pas possible
01:56de dénoncer de sincères réserves sans être immédiatement chassé
02:00du périmètre de la parole politique autorisée.
02:04Et je pense que c'est regrettable qu'il n'y ait pas eu d'opposition véritable
02:08dans nos sociétés à ce moment-là, ou des oppositions très marginales.
02:11Et je note que quand vous êtes dans les marches,
02:13chancereusement, vous finissez quelquefois par perdre contact avec la réalité.
02:15Donc, on diabolisait les gens, on les traitait de complotistes sans arrêt,
02:18puis à un moment donné, on les enfermait dans les marges
02:20sans comprendre qu'il y avait un prix à payer pour ça.
02:22On a vu, avec la COVID, un pouvoir immense
02:25qui se donne le droit à un contrôle sur nos corps.
02:27C'est fascinant.
02:28Regardez ce qu'on a accepté.
02:29C'est quand même fascinant, la docilité de nos sociétés.
02:33On a accepté, comme société, d'être enfermés véritablement chez nous
02:37et de nous surveiller les uns les autres comme voisins,
02:40et on nous poussait à pratiquer la délation,
02:43la délation qui est l'autre nom de l'abaissement et de l'avilissement de l'âme humaine.
02:47On nous poussait à la délation,
02:49on nous poussait à regarder si nos voisins se permettaient une petite fête exagérée,
02:53s'ils avaient un voisin de plus, s'ils sortaient cinq minutes trop tard,
02:56et on transformait notre société en société de délateurs.
03:00Et le délateur était l'homme de référence, le citoyen exemplaire de la COVID.
03:04On a aboli les règles anthropologiques élémentaires, rappelez-vous,
03:08le traitement réservé à ceux qui voulaient dire un dernier adieu à leurs proches,
03:11ceux qui voulaient enterrer leurs proches.
03:13Il y a eu, à travers cette période-là, une immense folie,
03:17une immense folie, et je pense qu'on doit chercher à comprendre
03:20comment nos sociétés ont pu basculer aussi rapidement là-dedans,
03:24avec, j'ajoute, faut-il le dire, une forme de délire absolu.
03:28Rappelez-vous le vocabulaire covidien, rappelez-vous l'auto-attestation,
03:32rappelez-vous peut-on se promener sur une plage, se promener seul en forêt sans masque,
03:37rappelez-vous cette période au Québec en janvier, janvier 2021.
03:41Il fait moins 30 au Québec en janvier, sachez-le.
03:43Eh bien, on a eu un confinement à 20 heures le soir.
03:46C'était absurde. Le confinement, c'est le froid.
03:48Eh bien non, il fallait, c'est comme si on avait pris l'habitude
03:51de toujours faire des mesures supplémentaires de contraintes
03:53et le pouvoir ne savait plus s'arrêter.
03:55Cette période est une période dont on devrait tous avoir honte.
03:58Vous parlez de la nécessité de faire un bilan, bien, tu m'as coté.
04:01Comment expliquer cette difficulté de lucidité?
04:05Parce que je pense, je disais on a tous, pas vrai,
04:08il y a des gens qui, dès le début, ont compris ce qui se passait.
04:11Mais on a tous, d'une manière ou de l'autre, participé à cette folie un jour
04:15et on préfère souvent, l'individu comme la société,
04:18préfère refouler le traumatisme plutôt que de l'assumer.
04:21Je ne suis pas psychologue, mais c'est probablement un mécanisme compréhensif,
04:24un compréhensif, dis-je, mais il n'en demeure pas moins
04:27que c'est un mécanisme malheureux la plupart du temps.
04:30Donc, on n'a pas vu, par exemple, les dangers pour la jeunesse.
04:33On a une jeune génération aujourd'hui qui a une existence complètement virtualisée.
04:36Évidemment, la révolution technologique était déjà engagée,
04:38la révolution de la virtualité était déjà engagée.
04:40Mais une société qui allait à l'école par écran interposé,
04:43qui était privée des rapports sociaux élémentaires,
04:46privée des contacts humains élémentaires, des enfants masqués, ne l'oubliez pas.
04:50Le prix à payer pour cette perte de socialisation était immense.
04:53Le décrochage mental, je pense que les problèmes de santé mentale
04:56dont on nous parle aujourd'hui ne sont pas,
04:58on ne peut pas les dissocier complètement de la période COVID.
05:01Mais on a décidé de refouler, et à l'échelle de l'histoire,
05:04je dirais que nous devrons probablement traiter cette période,
05:07non pas comme une répétition pensée,
05:10mais comme la grande répétition d'un totalitarisme à venir,
05:13si le pire était certain dans nos sociétés.
05:16On a vu à quel point on était docile, à quel point on pouvait soumettre,
05:18à quel point on pouvait répéter des slogans.
05:20Et si demain, pour une autre crise, une crise climatique,
05:22si demain, pour une autre crise, je ne sais laquelle,
05:24on nous disait qu'il faut tous se confiner, et se soumettre,
05:27et faire ce qu'on nous dit, et sinon vous êtes le méchant du jour,
05:30je crains que nos sociétés portent en elles cette possibilité de l'auto-enfermement.