François Bayrou a-t-il convaincu la Commission d'enquête sur les violences en milieu scolaire à Notre-Dame de Bétharram ? Écoutez l'interview de Fatiha Keloua-Hachi, présidente (PS) de la Commission d'enquête et députée de Seine-Saint-Denis.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 15 mai 2025.
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00:00RTL Matin
00:02Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h17, l'interview d'Amandine Bégaud au lendemain de la très longue audition du Premier Ministre François Bayrou.
00:10Amandine, vous avez choisi de recevoir une de celles qui a cuisiné le Premier Ministre.
00:14C'est Fathia Kelwa-Hachi, la présidente de la commission d'enquête parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires.
00:19Bonjour et bienvenue à vous.
00:20Merci, bonjour.
00:21Bonjour et merci à vous d'être là ce matin.
00:23Vous avez donc auditionné François Bayrou, Thomas le rappelait, pendant 5h30.
00:27Mais vous a-t-il convaincu ?
00:30Alors, d'abord, ça a été une audition très longue.
00:33Mais c'est une audition importante.
00:36Je pense qu'on ne va pas commencer par le pouvoir de conviction ou non de François Bayrou, du Premier Ministre.
00:41Mais plus sur, globalement, l'atmosphère, comment elle était à la sortie.
00:48C'était extrêmement tendu.
00:49C'était tendu.
00:49C'était tendu parce que le Premier Ministre était sur la défensive.
00:53Il a choisi une façon de se comporter, une attitude, qui est la sienne, qui était difficile à gérer.
01:03Ça a été très long.
01:03Sauf qu'il a été quand même assez directement attaqué, notamment par le député insoumis, qui est co-rapporteur de cette commission, Paul Vanier,
01:11qui lui a quand même dit à plusieurs reprises qu'il avait protégé des pédocriminels.
01:17Alors, moi je crois que ce qu'il y a de très très important dans cette commission, et on a commencé par ça, c'était d'auditionner les victimes.
01:27On a commencé par auditionner 12 collectifs de victimes, ce qui n'est pas rien.
01:33Et ça nous a donné un guide de lecture pour cette commission d'enquête.
01:38Notre guide, on est guidé par comment ça ne se reproduise plus jamais.
01:45François Bayrou, il a été questionné à l'Assemblée Nationale, en question au gouvernement, trois fois.
01:52Les deux premières fois, il n'a pas eu un mot pour les victimes.
01:56Il faut être clair aussi.
01:58Il a aussi dit qu'il ne savait absolument rien sur Bétarame, qu'il n'avait jamais entendu parler de violence à Bétarame, ni physique, et encore moins sexuelle.
02:07Paul Vanier a été offensif, oui, mais les questions étaient des questions importantes.
02:13Ça veut dire que quand hier, François Bayrou commence son propos par justement évoquer les victimes,
02:19avec ce propos liminaire que vous ne lui avez d'ailleurs au départ pas autorisé,
02:24en tout cas qui n'a pas été autorisé pour les autres, c'était quoi ?
02:26C'était de la stratégie ? Vous ne l'avez cru pas sincère ?
02:29Enfin, vous êtes la présidente de cette commission, j'imagine que vous avez un avis, un ressenti sur tout ça.
02:34Alors, moi, en tant que présidente, je prends de la hauteur.
02:37C'est-à-dire, j'ai auditionné François Bayrou comme on a auditionné absolument toutes les personnes qui sont venues nous voir.
02:44Mais d'après vous, il a été sincère ?
02:46Je n'en sais rien. En fait, mon objectif, ce n'est pas de voir la sincérité du Premier ministre, c'est de comprendre.
02:53On va prendre un fait, juste. Il dit n'avoir jamais entendu parler de faits de violences graves,
02:58il a dit d'ailleurs, on entendait parler de gifles, ni sexuels à Bétarame, avant que la presse n'en parle.
03:04Vous le croyez ou pas ?
03:05Ah mais, c'est tout à fait possible. Mais par contre, le problème de fond, c'est qu'il n'a pas du tout dit cela aux trois questions au gouvernement.
03:14En fait, le problème, c'est qu'il a changé de version. C'est ça qui vous...
03:16Et bien sûr !
03:17Pardon, et je ne suis pas du tout là pour défendre qui que ce soit.
03:21Bien sûr, pas question de contester le cauchemar qu'ont connu ces victimes, ni d'ailleurs l'intérêt de la commission.
03:27Mais c'est quand même compliqué de reconstituer les pièces d'un puzzle 30 ou 40 ans après des faits.
03:33Oui, alors on peut tout simplement, de bonne foi, ne pas se souvenir, non ?
03:36Mais je suis totalement d'accord. Mais dans ce cas, la meilleure défense, c'est de dire la vérité, de dire je ne me souviens pas.
03:42Et là, c'est tout à fait entendable. Le je ne me souviens absolument pas est tout à fait entendable.
03:48Le je ne me souviens pas, mais...
03:51Alors, je vais vous prendre un exemple qui est un exemple assez probant.
03:55La discussion qu'il a eue avec le juge Mirande.
03:58On a eu diversions. Diversions différentes.
04:03Sous serment, il dit, assez difficilement, je ne me souviens pas.
04:09Mais je sais que je n'ai pas rompu le secret de l'instruction.
04:13Il dit qu'il l'a vu après la publication des articles.
04:17Mais ça, c'est peu importe. Il y a une instruction en cours.
04:21Le juge Mirande est dans cette instruction.
04:24Il n'a pas à discuter de l'affaire.
04:26Bon, il l'a fait.
04:28On ne sait pas le contenu de la discussion.
04:30Monsieur Bayrou nous dit, monsieur le Premier ministre nous dit, je ne me souviens pas de la discussion.
04:34Mais je sais que je n'ai pas rompu le secret de l'instruction.
04:37C'est compliqué.
04:38En fait, ça a été une discussion très difficile, très compliquée.
04:42Moi, j'ai trouvé beaucoup de confusion.
04:44Est-ce qu'il est sincère ? Je le souhaite.
04:47Mais vous en avez pas convaincu.
04:48Je pense que c'est important qu'il le soit.
04:50Mais vu qu'il n'a pas été suffisamment direct dans ses réponses,
04:54c'est compliqué de démêler le vrai du faux.
04:57Elle a servi à quelque chose, cette audition, ou pas ?
04:595h30.
05:00Elle était indispensable.
05:01Pourquoi ? Parce que François Bayrou a été, avant d'être Premier ministre,
05:05il a été un notable de cette région.
05:09Il a été député de la circonscription de Bétarame.
05:12Il a été président du Conseil Général à l'époque, justement, des dépôts de plainte.
05:18Et je vous rappelle quelque chose de très important.
05:21Être président du Conseil Général, c'est protéger tous les enfants du département.
05:25Mais on n'est pas en train un peu de mélanger politique et justice, là, dans cette commission ?
05:30Je ne le pense pas.
05:31Ce n'est pas un procès politique.
05:32Le problème, c'est que François Bayrou a inversé un peu la situation.
05:37C'est-à-dire que nous, on l'a auditionné en tant que ministre de l'Éducation nationale à l'époque.
05:42Sauf que vous reconnaissez, Fatiha Kéloa Hashi, que quand même, cette affaire Bétarame,
05:46elle est devenue une affaire Bayrou.
05:49Moi, je ne le souhaite pas.
05:50Moi, je souhaite que cette affaire Bétarame,
05:51ce soit une affaire du contrôle de l'Assemblée nationale sur l'action de l'État.
05:56Et il y a un gros problème, il y a une très grosse défaillance,
06:00c'est que l'État ne contrôle pas les établissements privés sous contrat.
06:05Le problème, il n'est que dans les établissements privés sous contrat ?
06:07Non, il est général, le problème.
06:09Sauf qu'il y a un manque de contrôle chronique.
06:12Je vais vous donner un exemple, un chiffre.
06:153 000 inspecteurs pour 800 000 enseignants.
06:18Donc, forcément, il y a des urgences.
06:22Et les urgences, c'est d'aller dans les établissements publics,
06:25de contrôler les établissements publics.
06:27Et on a laissé de côté, totalement, depuis au moins 40 ans, les établissements privés.
06:32Le but de cette commission, et il va bien sûr au-delà de l'affaire Bétarame,
06:36vous le disiez, c'est une commission d'enquête sur les violences dans les établissements scolaires.
06:39Combien y a-t-il d'autres Bétarame ?
06:41Beaucoup. Beaucoup, beaucoup.
06:43Mais 10, 20, 100...
06:44Beaucoup. Alors...
06:47C'est une épidémie ou pas, pour être très clair ?
06:49C'est un phénomène systémique.
06:52Nous, on a même entendu parler de clusters.
06:55C'est-à-dire qu'il y a des poches, où il y a des établissements,
06:59principalement des internats, vraiment principalement des internats,
07:03où les enfants sont maltraités, sont agressés sexuellement, sont violentés.
07:08Vous dites sont, ça veut dire encore aujourd'hui ?
07:11Et bien sûr, encore aujourd'hui.
07:12Parce que, alors, c'est peut-être pas de la même ampleur,
07:15puisque la réalité, c'est que, d'abord, ces établissements sont différents.
07:20Les internats, ce ne sont plus des dortoirs de 50-60 lits, avec un surveillant.
07:25Voilà, on va dire que ça a évolué.
07:29Mais, en réalité, nous, on reçoit des dépôts de plainte.
07:33Moi, j'ai reçu des témoignages édifiants qui ont lieu, aujourd'hui,
07:37des parents d'élèves de 2025, avec des témoignages édifiants.
07:42Donc, ça continue encore l'urgence à l'issue de cette commission.
07:45Vous allez encore auditionner d'autres personnes, encore d'ici jusqu'à la fin du mois de mai, je crois.
07:50Tout à fait, oui.
07:51Ensuite, il y aura ce rapport remis un mois après la fin des auditions.
07:55S'il y avait une chose à faire, d'après vous ?
07:57Alors, honnêtement, il y en a beaucoup.
07:59Il y aura des préconisations.
08:01Les rapporteurs Violette Spilbou et Paul Vannier vont présenter les préconisations.
08:06Pour moi, s'il y a une chose à faire, c'est que l'État contrôle plus, mieux,
08:13les établissements scolaires pour prévenir des violences.
08:16Mais ça veut dire que l'État, aujourd'hui, ferme les yeux quand vous dites qu'il y a des endroits, des clusters même,
08:21où il se passe des choses.
08:22Aujourd'hui, l'État ferme les yeux ?
08:23Non, je ne dirais pas que l'État ferme les yeux, certainement pas.
08:26Enfin, je ne me permettrais pas de dire ça.
08:28Je crois que l'éducation nationale, que le ministère de la Justice, manque chroniquement de moyens.
08:35Et que quand on fait avec le peu de moyens, eh bien, on fait mal.
08:38Et donc là, on fait mal aujourd'hui ?
08:39Oui, on fait mal aujourd'hui.
08:41Merci beaucoup, Fatia.
08:42Je vous en prie, merci à vous de venir nous voir ce matin.
08:44Et suite donc de cette commission...