L'acteur américain a reçu une Palme d’or d’honneur au 78ème festival de Cannes pour l’ensemble de sa carrière, et a pris position de manière forte contre le président américain Donald Trump, ainsi que la montée du "fascisme" aux États-Unis. Robert De Niro est au micro de Léa Salamé. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-jeudi-15-mai-2025-4181778
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Bonjour Robert De Niro. Bonjour. Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:05Quelle émotion sincère mardi soir dans le Palais des Festivals, avec cette longue standing ovation
00:11quand vous avez reçu votre palme d'or d'honneur des mains de Leonardo DiCaprio pour votre incroyable,
00:16votre ahurissante carrière. Qu'est-ce que vous avez ressenti à ce moment-là ?
00:21J'ai beaucoup de plaisir, j'ai beaucoup de chance. Tout le monde a besoin d'une petite tape sur l'épaule de temps en temps.
00:28Avez-vous pensé à votre père sur la scène du Palais des Festivals ?
00:33Non. Non, ça aurait été chouette de l'avoir avec moi. Mais non.
00:41Leonardo DiCaprio en a parlé dans son discours de votre père et de l'influence qu'il a eue sur vous.
00:47Vous avez fait d'ailleurs, il y a quelques années, un documentaire sur lui. C'était un peintre.
00:53Qu'est-ce qu'il vous a transmis ?
00:56Non, c'est qu'il était ce qu'il a dit indirectement par moments.
01:02C'est commentaire sur les choses, sur la vie, ou sur les gens.
01:09Il était, à sa manière, il était un peu cynique au sujet de certaines personnes, certaines choses qu'il faisait, certaines situations.
01:27Il plaisantait à leur sujet.
01:28Qu'annez-vous, Robert De Niro, ces 50 ans d'histoire d'amour ?
01:32Vous avez gagné deux palmes d'or ici avec Taxi Driver et Mission.
01:36Vous avez été président du jury.
01:38Vous êtes venu avec d'immenses réalisateurs de Scorsese à Bertolucci, Sergio Leone, j'en passe.
01:44Cette histoire a commencé en 1973.
01:47Vous avez 29 ans.
01:48Quels souvenirs vous avez de ce moment-là ?
01:51Le jeune Robert De Niro de 29 ans, qu'est-ce qu'il ressent à ce moment-là à Cannes ?
01:56Oui.
01:57Je suis oublié comment je suis arrivé ici, mais j'ai rencontré Martin Scorsese ici.
02:02Et deux autres membres de la distribution, ou de l'équipe, un groupe de Main Street, ont allé voir la nuit d'ouverture de la première de Main Street.
02:17La Riviera, la France, c'était chouette.
02:20Vous parliez un peu français d'ailleurs à cette période.
02:23Vous avez vécu quelques mois en France quand votre père habitait là dans les années 60.
02:26Oui, bon, j'ai vécu ici pendant un moment à Paris, quand j'avais 20 ans.
02:30Donc, je me débrouille, quoi.
02:33La France, c'est glamour pour vous ?
02:36Ah oui, il y a un glamour spécialement ici.
02:39Vous avez fait un discours très fort mardi soir sur la démocratie, comment il faut défendre la démocratie,
02:44comment l'art est une menace aujourd'hui pour les autocrates et les fascistes du monde entier.
02:49Fasciste, le mot est fort.
02:51Oui, ça l'est.
02:53Mais vous pensez vraiment qu'on est entouré de fascistes aujourd'hui ?
02:56Malheureusement, je sens que c'est beaucoup plus répandu qu'on ne le pense.
03:03Et il faut s'y opposer.
03:05Et ça doit être repoussé.
03:07Mais c'était vraiment important pour vous, crucial pour vous,
03:10de faire cette déclaration de défense de la démocratie ?
03:13Oui, mais les gens doivent, pas seulement moi, mais tout le monde,
03:18les gens doivent vraiment défendre ce pour quoi ils croient.
03:24Et c'est le bien et le mal.
03:30Ils peuvent vous appeler communistes, gauchistes, truc, machin.
03:33Non, c'est sur le bien et le mal.
03:36Et pour vous, il y a quelque chose de faux ?
03:38Oui, tout le monde le sait.
03:40Quelque chose de mal ?
03:41Ils le savent, qu'ils l'admettent, qu'ils l'aient rationalisé ou pas.
03:45Mais ils savent qu'il y a quelque chose qui n'est pas bien, là.
03:47Vous, c'est vraiment l'arrivée de Donald Trump au pouvoir qui vous a conduit à vous engager vraiment ?
03:51C'est lui qui a déclenché le denir au engagé politiquement.
03:55Avant, vous ne l'étiez pas vraiment ?
03:56Non, non, je ne suis pas politiquement actif.
04:00Bon, je veux vivre ma vie, simplement.
04:02Je m'en fiche, mais quand on voit des choses qui sont tellement en rupture,
04:07qui sont tellement destructrices,
04:10comment est-ce qu'on pourrait ne pas avoir le sentiment de ce qui se passe ?
04:15Il a été élu quand même par une majorité d'Américains.
04:17Oui, les gens qui ne sont pas allés voter, c'est eux qui l'ont élu en ne votant pas.
04:23Ils lui ont permis d'être élu.
04:24Et comment vous trouvez l'Amérique depuis trois mois, depuis qu'il est revenu au pouvoir ?
04:29Vous voyez ce qui se passe, on voit tout ce qui se passe.
04:32Ce n'est pas bien.
04:34L'art peut être une arme de résistance ?
04:37Ça peut l'être.
04:40Les artistes eux-mêmes peuvent l'être.
04:44Résister à des choses qui sont mal.
04:48Bien mal, mais c'est des choses qui sont mal.
04:50Vous avez dit que Trump vous fait penser aux personnages de voyous, de mafieux que vous jouiez dans les affranchis de Scorsese.
04:58Vous pouvez le voir.
04:59Tout le monde peut le voir à la télé, comment il se comporte.
05:02C'est la même chose.
05:03Qu'est-ce qui vous heurte le plus, en fait ?
05:06Qu'on soit dans cette situation.
05:08Dans cette situation folle.
05:14C'est aussi simple que ça.
05:17Donald Trump veut taxer à 100% les films qui sont réalisés en dehors de l'Amérique.
05:22Il dit « je fais ça pour aider Hollywood ».
05:24Il a raison ?
05:26Écoutez, c'est juste une déclaration.
05:30Il ne sait pas.
05:31Je ne sais pas qui lui a dit ça.
05:32Je ne comprends pas.
05:33Ce n'est pas quelque chose de réfléchi.
05:35On a besoin d'aide.
05:38Le cinéma a besoin d'aide.
05:40Un certain type de cinéma qui ne sont pas des grands blockbusters.
05:45Ils ont besoin de soutien.
05:48À Los Angeles et à New York, on a quelques subventions des gouvernements locaux.
05:56Et c'est vraiment une aide.
05:58C'est important.
06:00C'est important pour l'industrie qu'elle puisse se poursuivre, se continuer.
06:05Donc, je ne sais pas.
06:07Taxer, imposer.
06:09Est-ce que j'ai raté quelque chose ?
06:11Taxer un film qui a été filmé par une société américaine à l'étranger
06:16parce qu'il devait filmer dans un endroit où c'est une histoire qui se passe quelque seul pays.
06:21Il revient ici et il sera imposé.
06:24Mais ça n'a aucun sens.
06:26Des droits de douane.
06:29Leonardo DiCaprio a dit que pour toute une génération d'acteurs,
06:32dont lui, vous êtes le modèle absolu, la référence.
06:35Et puis, il a dit aussi quelque chose d'intéressant sur le silence.
06:39Le silence, c'est important dans les films ?
06:43Le silence dans un film ?
06:44Et dans la vie.
06:46Oui, le silence, à condition de ne pas être silencieux quand il ne faudrait pas l'être.
06:54Il a aussi dit que vous avez appris à toute une génération d'acteurs
06:57à se regarder dans un miroir avec cette scène culte de Taxi Driver.
07:01You're talking to me, you're talking to me.
07:03Martin Scorsese dit que le tournage de cette scène est l'un des moments les plus heureux de sa vie.
07:07Est-ce aussi le cas pour vous ?
07:09Vous avez pris votre pied à la faire, cette scène ?
07:12Écoutez, c'était une scène importante à jouer.
07:21Et travailler avec Marty, c'est le réalisateur qui fait ça,
07:27qui permet aux gens de faire ce que vous sentez devoir faire dans la scène.
07:33et il réalise en même temps, donc c'est ce qu'il a fait.
07:38Cette relation hors du commun que vous avez avec Martin Scorsese,
07:4110 films avec lui pour la plupart des chefs-d'oeuvre,
07:44comment vous la qualifiez ?
07:45Il est votre meilleur partenaire ?
07:47Il est votre ami ?
07:49Il est votre frère de l'Italie à New York ?
07:52Il est...
07:53Nous avons...
07:55Nous avons une alliance créative très spéciale, ce lien,
08:02qui...
08:03On n'est pas souvent ensemble, mais...
08:05C'est pas qu'on ne pourrait pas le faire, mais...
08:07C'est bien quand on se rencontre.
08:12On discute, on parle d'une scène, on l'analyse,
08:16et je dis, bon, peut-être que ça me rappelle de ceci dans ma vie,
08:19peut-être qu'on peut mettre ça dans la scène qu'on va faire,
08:21et blablabli, et blablabla.
08:23Et je pensais à...
08:25Je ne sais pas si je l'ai déjà dit, ça,
08:27mais c'est qu'il était prêtre, ou il voulait être prêtre.
08:30Il a une très bonne écoute, Marty.
08:32Donc il y a un élément, là, on se sent à l'aise
08:35à lui parler plus en profondeur,
08:37et en raison de la confiance que j'ai en lui,
08:40et lui aussi, il a confiance en moi.
08:42Et moi, je serai des choses, lui, il prendra...
08:45Il prendra le coup, il va dire, ça fonctionne, ça fonctionne,
08:48ça ne fonctionne pas, on le coupe.
08:50Il voulait être un prêtre.
08:52Je comprends qu'à un moment, il voulait être prêtre.
08:57Et vous lui avez dit non ?
08:59Vous lui avez dit non une seule fois dans votre vie,
09:01à un rôle, le rôle de Jésus dans la dernière tentation du Christ ?
09:06Non, non, non.
09:06Vous avez dit non, et est-ce que vous regrettez ?
09:09Non, je ne l'ai pas joué, mais je lui ai dit...
09:10C'est lui qui me l'a rappelé.
09:12On a parlé il y a quelques années, j'ai dit,
09:13tu sais, je ne suis pas à l'aise avec ça.
09:15Il m'a dit, mais non, non, toi, tu m'as dit que tu le ferais.
09:17Si je voulais que tu le fasses.
09:18Et je lui ai dit, tu as raison, j'avais oublié.
09:22Non, non.
09:23Je l'aurais fait.
09:23Mais je l'aurais fait.
09:25S'il avait eu besoin que je le fasse.
09:26J'ai interviewé Al Pacino il y a un an, un peu plus d'un an,
09:31et il a parlé de vous, et il a parlé de votre relation,
09:34il a dit que vous étiez des grands amis,
09:35mais il a aussi parlé de cette compétition,
09:38petite compétition, cette rivalité positive entre vous.
09:42Est-ce que vous avez la même impression ?
09:43Non, on était quasiment en compétition pour les mêmes rôles,
09:47mais c'est comme ça, c'est OK, ça aide les choses.
09:51C'est un ami à vous ?
09:53Ah oui.
09:54Vous êtes d'accord sur tout ?
09:57Non.
09:58Non.
09:59On ne peut pas toujours être d'accord sur tout,
10:01mais on n'est pas très souvent ensemble.
10:04On est amis.
10:05Vous avez eu 81 ans, Robert de Niro.
10:07Oui.
10:07Le temps qui passe vous rend-il mélancolique, nostalgique ?
10:11Parfois.
10:13Quand ?
10:14Ça peut être à n'importe quel moment.
10:17Je vais pleurer, là, si tu continues à poser cette question.
10:19Non, je ne veux pas vous faire pleurer.
10:20Et dans ces moments-là, vous pensez au passé ?
10:24On pense au passé, mais on est dans le présent,
10:27et il faut regarder l'avenir.
10:29Le passé, c'est le passé.
10:30Et vous regardez dans le futur ?
10:32Oui.
10:33Et le moment, le moment qu'on vit, particulièrement à mon âge.
10:38Mais à la fin, quel a été le but de votre vie, Robert de Niro ?
10:42De marquer l'histoire du cinéma, est-ce que ça a été la gloire ?
10:46Les femmes ? L'argent ?
10:48Tout ça à la fois.
10:51Ou tout en même temps ?
10:53Je plaisante à moitié, mais bon, écoutez, c'est toutes ces choses.
10:57Et vous oubliez tout.
10:59Écoutez, ce que vous voulez, ce que vous pensez vouloir,
11:03et ce que vous recevez de la vie,
11:05ce n'est pas ce que vous recevez,
11:07ce n'est pas exactement ce que vous pensiez avoir.
11:12Et de beaucoup de façons,
11:13la vie est très compliquée.
11:17Et je dis toujours,
11:20c'est comme ça que j'aimerais que ça soit,
11:22mais c'est probablement comme ça que ça va être,
11:24ou d'une autre manière.
11:25Je ne sais pas.
11:26Thank you very much, Robert de Niro.
11:28Merci beaucoup.