Lundi 12 mai 2025, retrouvez Hervé Bonnaud (Président, Nex&Com;) dans SANTÉ FUTURE, une émission présentée par Alix Nguyen.
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00:00Et Hervé, on commence avec ton édito, Hervé Bono, je ne l'ai pas précisé.
00:11C'est une avancée majeure, des traitements de plus en plus efficaces, plus précis, plus personnalisés,
00:18mais à quel prix cette médecine ultra-ciblée ne risque-t-elle pas de profiter surtout aux plus riches ?
00:26C'est le sujet que je voudrais aborder aujourd'hui, c'est qu'on peut effectivement, en étant un peu ironique,
00:30dire la médecine ultra-ciblée ne va-t-elle pas ultra-cibler les plus riches ?
00:35C'est un sujet et de fait, l'inégalité est déjà là.
00:38Quand on regarde une étude qui a été publiée en 2021 en France, il y a une grosse différence entre les départements.
00:46Prenons l'exemple du cancer bronchique.
00:48Il y a trois fois moins de biomarqueurs qui sont faits dans la Nièvre par rapport aux côtes d'Armor.
00:53Et c'est lié à la richesse du département.
00:55Et cette richesse, elle se retrouve dans le fait qu'il y a moins de médecins, moins de radiothérapeutes,
01:00moins de chirurgiens, moins de biomarqueurs.
01:02Alors je ne vous parle pas de Mayotte, je vous laisse imaginer hors métropole.
01:06Donc c'est un sujet, effectivement, le département.
01:10Plus les pauvres, moins on a accès aux soins.
01:12Évidemment, parce que les soins, les coûts flambent.
01:14Vous avez vu, le coût moyen d'un cancer pour les médicaments, c'est 15 000 euros par an.
01:19Avec le coût d'une immunothérapie par Kétruda, peu importe, c'est plus de 70 000 euros par an.
01:26L'écarticelle, c'est 300 000 euros par patient et par an, etc.
01:30Le chiffre d'affaires d'Obdivou en France, c'est plus de 500 millions d'euros, remboursés par l'assurance maladie.
01:35Je ne juge pas, je dis juste qu'on commence à atteindre des sommes intéressantes,
01:39avec un déficit de la sécurité sociale qui est de plus de 18 milliards d'euros.
01:44Donc le problème, c'est qui va payer ? Comment faire ?
01:47Et on sait que les personnes les plus précaires présentent une espérance de vie plus faible.
01:52C'est dû au cancer ?
01:53Alors, oui, c'est spécialement vrai en oncologie, parce que plus on a un faible statut social,
02:00et bien plus on a des risques.
02:03Malnutrition, obésité, alcoolisme, tabac, enfin c'est connu.
02:08Et je ne parle pas de la CMU.
02:11Les plus précaires sont à la CMU, ils ont moins d'accès aux soins,
02:15pour des raisons évidentes, ils vivent dans des départements pauvres,
02:19et puis ils ne peuvent pas supporter le moindre reste à charge, ni la moindre avance de frais.
02:23C'est un vrai sujet.
02:26Donc sans surprise, ce sont les plus mal soignés.
02:29Et sans surprise, ce sont ceux qui ont les CSP les plus élevés,
02:33qui comprennent le mieux leur traitement, et qui les suivent le mieux.
02:37Et donc là aussi, il y a une inégalité par le niveau d'études,
02:40par le niveau de catégorie socioprofessionnelle.
02:43Quand on suit bien son traitement en oncologie, on guérit mieux.
02:46Une autre étude a démontré que plus de 50% des patients
02:49ne comprenaient pas 50% des mots utilisés par leur oncologue.
02:53Pour faire des efforts, messieurs les oncologues,
02:57il faut dire quel jargon quand on regarde,
02:59on est là biomarqueur, immunothérapie, carticelle, anticorps conjugué.
03:04Sincèrement, chaque mot, pour le comprendre, c'est difficile.
03:08Donc on peut se dire, est-ce que la médecine ultra-personnalisée
03:11ne cible pas déjà les patients CSP+.
03:14Et pour mieux vaincre les cancers, il faudrait les dépister plus précocement, non ?
03:21Ça serait idéal et certains ont fleuré le bon coup.
03:25Une start-up dont on parle beaucoup, qui s'appelle NEOC, une start-up française,
03:29propose depuis quelques jours un check-up préventif basé sur un questionnaire
03:34suivi de 50 biomarqueurs.
03:37Le prix, 1000 euros par personne non remboursé.
03:40Comme peu de gens à titre personnel le font,
03:43pour l'instant, ils flairent qu'en allant voir les grandes entreprises,
03:47ça peut être rentable.
03:48Donc c'est ce qu'ils font.
03:49Ils targetent les grandes entreprises pour dire,
03:51vous devriez tester vos cadres supérieurs,
03:54ceux qui vous coûtent le plus cher,
03:56et ils targetent les mutuelles.
03:58Donc c'est évidemment intéressant d'un point de vue financier.
04:01Pour eux, le sujet, c'est que, là encore, il y a une inégalité.
04:05Si vous n'êtes pas dans une grande entreprise qui vous le paye,
04:08ou si vous n'avez pas de mutuelle,
04:10vous n'allez pas forcément pouvoir vous payer ça de votre poche.
04:12Et autre question,
04:14est-ce que votre entreprise apprenait que vous êtes à haut risque de cancer ?
04:19Il y a un petit sujet aussi de confidentialité des datas.
04:23Aux USA, on a l'équivalent,
04:25on a la société Grail,
04:27qui commercialise un test,
04:28qui s'appelle Galerie,
04:29peu importe, mais c'est pareil,
04:311000 dollars.
04:33Le problème, c'est qu'on a évalué la sensibilité des tests qu'ils avaient choisis.
04:40Elle est de 27% sur les cancers à un stade précoce.
04:43Pour moi, il y a un petit sujet entre les 1000 dollars,
04:45les 27% et la médecine ultra précise.
04:49Ce qui est précis, c'est le coût.
04:52Et le coût, il se retrouve aussi dans le coût des biomarqueurs.
04:55Vous vous souvenez de la polémique qu'il y a eu suite à l'affaire Angelina Jolie,
04:59en 2013, je sais bien.
05:00Elle a eu sans doute raison,
05:03elle, vu son histoire personnelle,
05:05de se faire opérer double mastectomie.
05:07Mais son opération, très médiatisée,
05:10a entraîné chez un paquet de californiennes,
05:12qui pouvaient se le payer,
05:13une double mastectomie,
05:14uniquement sur l'apparition d'un biomarqueur.
05:18Ce qui n'est pas rien.
05:18Mais il n'y avait pas d'essai clinique
05:19pour prouver que c'était coût efficace médicalement.
05:22Donc c'est quand même un peu étonnant.
05:25Et j'ai encore, pour conclure,
05:27une autre crainte,
05:28c'est la médecine totalement inégalitaire
05:31qui pourrait être la médecine du futur.
05:34Parce que vous savez qu'aujourd'hui,
05:35on peut modifier notre ADN
05:37avec les ciseaux moléculaires très connus,
05:40les CRISP.
05:41Et donc comme ça,
05:41je modifie mon génome
05:42et je n'ai plus de risque de cancer.
05:44Je peux optimiser ça.
05:46C'est très bien.
05:47Le problème,
05:47c'est que certains pays,
05:49la Chine, pour en parler,
05:51commencent à faire des essais
05:52sur des gens qui peuvent se le payer
05:53pour optimiser le patrimoine génétique
05:56de leur descendance.
05:57Donc je modifie mon ADN
05:58pour que mes enfants
05:59ne soient plus porteurs
06:01d'un gène potentiellement dangereux
06:02pour le cancer.
06:03Et ça a un coût aussi.
06:05Donc c'est évidemment
06:07un peu choquant de se dire
06:08que ça, ça va accéder...
06:10Certains ultra-riches
06:11vont pouvoir faire ça,
06:12alors que nous,
06:12le reste,
06:13on va se battre
06:14avec des budgets de santé
06:15de plus en plus restreints.
06:16Donc voilà,
06:17c'était juste mon étonnement
06:19ce matin de dire
06:20c'est une révolution,
06:21c'est formidable,
06:22effectivement.
06:23Mais encore une fois,
06:25cette première cause de cancer,
06:26cette cause de cancer,
06:27premièrement,
06:27cause de mortalité en France
06:28pour les hommes,
06:29deuxième pour les femmes,
06:30je ne voudrais pas
06:31que ça profite avant tout
06:32aux ultra-riches.
06:33Merci Hervé.
06:35Avant d'entrer dans le vif du sujet,
06:36j'aimerais vous entendre
06:38sur ce que vient de dire Hervé,
06:41d'une phrase,
06:42d'une réaction.
06:43Est-ce que chacun peut dire
06:44ce qu'il pense ?
06:45En fait,
06:47ce que vient de dire Hervé
06:48est vraiment le combat
06:49de la lutte contre le cancer,
06:51c'est celui de combattre
06:52des inégalités.
06:54Donc on le sait tous
06:54qu'aujourd'hui,
06:55l'accès aux soins
06:56n'est pas égal
06:57quel que soit le territoire
06:58en France.
06:59Néanmoins,
06:59je nuancerai un tout petit peu
07:01parce que dans certains cas,
07:02certains traitements ciblés,
07:04par exemple dans le cancer du sein,
07:05le trastuzumab,
07:06il est accessible
07:07à toutes les femmes
07:08partout en France.
07:09Et je vous rejoins
07:09sur le cancer du poumon
07:10où il y a réellement
07:12une vraie question
07:13d'accès aux tests
07:15et de fait aux médicaments
07:16innovants de précision.
07:18Messieurs.
07:20Alors oui,
07:20moi je peux aussi confirmer
07:21ce qui a été dit.
07:23Le point des patients.
07:23À tout cancer,
07:24donc on est représentant
07:26d'associations indépendantes,
07:28en particulier,
07:29on développe les soins de support
07:30pour aider les malades
07:31et on s'est aperçu
07:32qu'en fonction des ARS,
07:35il y avait plus ou moins d'argent.
07:36Par exemple,
07:37si on regarde le Nord,
07:38là où il y a une pauvreté,
07:40les ARS ont moins d'argent,
07:42elles développent moins
07:42de soins de support.
07:43Moi, j'ai passé une partie
07:44de ma vie à Lyon
07:45où là, il y avait de l'argent
07:46et les ARS développaient
07:48les soins de support.
07:49Voilà,
07:49donc je confirme bien
07:50ce que vous disiez tout à l'heure.
07:53Voilà,
07:53alors en termes de traitement,
07:54on a la chance en France
07:55parce qu'effectivement,
07:56une fois qu'un traitement
07:57est approuvé,
07:58il est disponible partout en France
08:00et pour tout le monde.
08:01Maintenant,
08:02des inégalités,
08:02ça c'est certain qu'il y en a,
08:04des inégalités par manque de ressources,
08:06par des déserts médicaux,
08:07etc.
08:08Voilà,
08:08maintenant,
08:09à côté d'autres pays
08:09comme les États-Unis,
08:10je pense qu'on peut quand même,
08:11malgré tout,
08:12s'estimer assez heureux
08:13quand on a une maladie grave en France.
08:16On peut être soigné
08:17sans débourser d'argent.
08:19On va pouvoir développer
08:21un peu plus dans notre débat.
08:23Merci d'avoir répondu au brief.
08:24C'était concis.
08:24Merci beaucoup Hervé Bonneau.
08:27On passe tout de suite au débat.