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Le cinéma peut-il disparaître à l'heure des plateformes, de l'intelligence artificielle et d'Internet ? C'est ce dont on a discuté avec Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes et directeur de l’Institut Lumière de Lyon, alors que sort en salle ce 19 mars son documentaire “Lumière, l’aventure continue”, consacré aux créateurs du cinéma, les Frères Lumière.
Transcription
00:00Vous-même, vous avez une caméra, vous pensez à ce que vous allez filmer.
00:04Vous allez penser à la position de cette caméra, à votre cadre,
00:08à la manière dont la caméra va enregistrer quelque chose,
00:12et qu'est-ce que ce quelque chose va devoir être.
00:16Eh bien ça, c'est la première leçon des Lumières,
00:19c'est-à-dire se poser les questions de sa propre responsabilité avec les images.
00:25Les Frères Lumières, c'est le thème du nouveau film de Thierry Frémaux,
00:29directeur général du Festival de Cannes et de l'Institut Lumières de Lyon.
00:33Avec lui, on a discuté du cinéma, de ses évolutions, d'intelligence artificielle aussi,
00:38et surtout de pourquoi il a tenu à réaliser Lumières, l'aventure continue,
00:42un documentaire reprenant 120 films inédits et restaurés des Frères Lumières,
00:47projeté sur grand écran ce 19 mars.
00:49Le cinéma a 130 ans cette année, c'est un art encore très très jeune,
00:53mais il est clair que le cinéma a toujours porté l'annonce de sa propre disparition.
01:01Alors il a tout connu, il a connu la télévision, la vidéo, Internet, etc.
01:06Et puis les plateformes.
01:07Le cinéma a toujours été l'art de l'illusion.
01:09Les débuts du cinéma étaient carton pâte,
01:11avec un certain nombre de, ce qui ne s'appelait pas encore, des effets spéciaux.
01:15On a fait croire qu'on était à New York alors qu'on était dans deux petites ruelles
01:20dans un studio en Californie.
01:22On parle de plus en plus d'intelligence artificielle ces derniers temps,
01:25est-ce que vous pensez qu'elle puisse avoir un impact sur l'industrie du cinéma ?
01:29On peut utiliser l'intelligence artificielle, à condition que ça soit au service de la poésie,
01:33à condition que ça soit au service de la qualité artistique du film.
01:38Ça fait bien longtemps que les films sont truffés de trucages numériques,
01:42truffés d'effets spéciaux, y compris des films tout à fait réalistes.
01:47Pourquoi avoir réalisé ce documentaire ?
01:49Après un premier film qui avait été fait en 2017, qui s'appelait Lumière, l'aventure commence,
01:53j'avais envie que les films Lumière reviennent au cinéma,
01:58que les gens vont marquer Lumière sur une affiche,
02:01qu'ils payent leur place pour aller voir un film Lumière,
02:04pour réintégrer Louis Lumière dans l'histoire des grands cinéastes, des grands réalisateurs.
02:10Qu'est-ce qu'on garde du travail des frères Lumière
02:12et quel impact ils ont eu sur ce qu'on connaît et ce qu'on a du cinéma aujourd'hui ?
02:17En fait, d'abord, quand on dit les frères Lumière, c'est surtout Louis, le frère cadet,
02:21qui était un peu le cinéaste, l'homme de l'image,
02:24celui qui va inventer la photographie en couleur également,
02:26celui qui a fait un grand nombre de films,
02:29puis qui a formé des opérateurs,
02:31qu'il a envoyés à travers le monde pour ramener les images de la planète.
02:36Ce dont on s'aperçoit, c'est qu'ils se sont posés des questions de cinéma.
02:40Et puis c'est respecté au fond presque, le nom cinématographe veut dire écrire le mouvement.
02:46Et Lumière a fait toujours des films qui se différentiaient de la photographie.
02:50Même lorsque c'était des films plutôt statiques, avec une volute de fumée,
02:56tout à coup c'est des films qui parlent du temps.
02:59Et pour vous, concrètement, qu'est-ce qui fait la particularité de la famille Lumière ?
03:04Lumière va faire du cinéma quelque chose de très beau, de très simple,
03:11quelque chose qui est dans la vérité, parce qu'il est dans la sincérité.
03:16Lumière, c'est la nouvelle vague, la modernité.
03:19Méliès, c'est Hollywood, c'est les communautés musicales, c'est la fantaisie.
03:24Et tout ça n'est pas une opposition, c'est pas deux ennemis, c'est pas une adversité,
03:28c'est deux manières de faire du cinéma.
03:31Je me suis retrouvé à diriger l'Institut Lumière,
03:34et puis un jour on m'a appelé au Festival de Cannes,
03:37donc je suis à la fois dans le très patrimonial et le très contemporain.
03:41J'ai à la fois beaucoup de chance, mais c'est aussi beaucoup de responsabilité,
03:44mais dans les deux cas, il y a quelque chose de très particulier qui vous incite,
03:48c'est un, le public, dont j'estime qu'il est intact.
03:52Si on sait chercher dans ce public ses bons côtés,
03:58il va faire un triomphe à des films extraordinaires.
04:02Ce public capable d'ailleurs, et spécialement en France,
04:05de retourner au cinéma pour voir les grands classiques du cinéma,
04:09ou des choses méconnues et rares, ça s'accompagne des artistes.
04:14À Cannes, on ne se lasse pas du Festival de Cannes,
04:16parce que c'est la fréquentation des artistes.
04:19Ceux qu'on célèbre, parce qu'ils sont déjà connus par leur oeuvre,
04:24et puis ceux qu'on découvre.
04:26Et donc, c'est à la fois beaucoup d'engagement,
04:30mais c'est pas tout à fait une souffrance.
04:32C'est un plaisir, quand on est cinéphile, de contribuer à ça.
04:36Tout à fait récemment, de voir à quel point les choix du Festival de Cannes
04:42ont été également ceux du public, ceux de la presse,
04:45et puis ceux des récompenses, des Oscars, des Césars et compagnie.

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