Il y a cinq ans, Emmanuel Macron annonçait un confinement à l’échelle nationale pour répondre à la pandémie de Covid-19. Pour Didier, Virginia et Chloé, le confinement, comme le virus, ont eu des effets notoires. Ils racontent leur histoire à BFMTV. Un reportage de Marie Ramaugé, Thomas Boucheyras et Pierluca Leandri.
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00:00Les mots « pandémie mondiale », tout ça, ça fout le trac, quoi.
00:02C'est comme le mot « guerre ».
00:04Ce qu'on a vécu, c'est un traumatisme.
00:05Il y a eu des moments où je suis ressortie des consultations,
00:07où je pleurais.
00:07Pour moi, j'avais envie d'en finir.
00:09Franchement.
00:10Et en fait, je me disais, il y a tellement de gens qui meurent, en fait, dehors,
00:12et je me disais que si je sortais de chez moi, c'est...
00:14J'étais la prochaine, en fait.
00:22Je m'appelle Chloé Bachaouch, j'ai 20 ans,
00:24et au moment du Covid, j'avais 15 ans.
00:27Avant le Covid, j'ai toujours quand même été quelqu'un de stressé,
00:29et puis c'était plus du stress dans le sens où je voulais avoir des bonnes notes.
00:33Mais c'est vrai que depuis le Covid, en fait, j'ai développé une forme de stress
00:37qui a commencé vraiment à me bouffer au quotidien,
00:39et que j'ai pas fait que j'arrive plus à contrôler maintenant.
00:42Je suis hypochondéaque, en fait, je suis stressée, anxieuse au quotidien,
00:46d'être malade, d'avoir des symptômes qui pourraient s'apparenter à de la maladie.
00:50C'est vrai que de se dire que quand t'étais confinée,
00:53t'avais pas à se poser ce genre de questions, en fait.
00:55T'étais...
00:57En fait, je pense que dans ma tête, j'étais beaucoup plus tranquille,
01:00parce que j'avais pas toutes ces préoccupations,
01:02et c'est vrai qu'à certains moments, je le regrette.
01:05Quand je suis dans le but, dans le but, j'évite de toucher tout ce qui est à côté de moi,
01:07et que je me colle derrière un mur, justement,
01:09pour pas avoir à m'agripper, justement, à tout ce que tout le monde touche.
01:14C'est par période, parce que même là, par exemple, cette année,
01:18il y a eu une grippe assez violente.
01:20Je voyais beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens qui étaient malades.
01:24Ça me faisait très peur.
01:26C'est le jour de l'an, je ne l'ai pas fait.
01:28Aussi, parce que je savais que beaucoup de gens étaient malades.
01:31Du coup, cette année, je me suis dit que je n'ai pas envie de prendre de risques,
01:34ça ne sert à rien.
01:35Du coup, je l'ai fait avec ma famille, tranquillement, à la maison.
01:44Oui, vraiment, c'est 5 ans de jeunesse.
01:48En fait, j'ai eu toute une carrière d'entrepreneur et de développeur commercial.
01:52Dans mes jobs, j'ai beaucoup voyagé, j'ai monté une start-up.
01:56J'ai eu plein d'activités différentes.
01:57Je me suis retrouvé, un peu avant le confinement, à racheter une boîte.
02:03Je tombe sur une société qui fait des objets de déco de la maison.
02:09Très vite, dès le début, ça se passe super mal.
02:11Et moi, ça me met une pression de dingue,
02:13parce que j'ai la pression des remboursements de crédit, etc.
02:15Et moi, j'avais déjà des perceptions sur le bilan carbone,
02:19mes activités, qu'est-ce que ça fait pour l'environnement.
02:22Je vois un soir, on regarde un DVD qui s'appelle « Demain ».
02:27Je ne peux pas te dire pourquoi, mais je devais être prêt, j'imagine.
02:31C'est un truc qui m'embarque.
02:33Je me dis, mais comment on fait tous ces légumes, toutes ces cultures vivrières ?
02:38Et moi, je n'y connais rien.
02:39Je me dis, mais qu'est-ce que c'est la permaculture ?
02:42Plus j'en suis, je suis vraiment perturbé.
02:43Et j'ai toujours cette boîte que je viens d'acheter.
02:45Et là, ça frotte.
02:46Ça frotte dans mon esprit, dans mon cœur, un peu partout, physiquement.
02:51Et je ne sais plus quoi faire.
02:52Et le confinement arrive.
02:54Et c'est le coup de massue à titre pro et perso.
02:59Et là, ma boîte est vraiment en difficulté.
03:01Je fais partie des activités non essentielles.
03:03Je suis vraiment en galère.
03:05J'essaie de sauver la boîte pendant des mois et des mois.
03:07Je travaille beaucoup, 12 heures, 14 heures par jour.
03:12Et je n'ai pas de résultat.
03:13Et là, je me dis, mais tu n'es juste pas aligné, en fait.
03:22Il y a une chose à laquelle je crois beaucoup.
03:24C'est la question des signaux faibles.
03:27Et moi, j'ai eu trois alertes, on va dire.
03:31C'est en plein été, je sors de la voiture, il est tard.
03:34Je bute sur le parking et je n'arrive pas à me rattraper.
03:36Je me vois partir le parking un peu en pente.
03:39Et tu sais comme quand on était môme et qu'on se pétait la gueule et on se disait waouh, waouh, waouh.
03:42Et tu vois le temps au ralenti et tu vois ce qui va se passer.
03:45Et je m'étale de tout mon long et je me griffe de partout.
03:48Et je n'arrive pas, en fait, à me relever.
03:51Tellement, je suis épuisé.
03:52Et donc là, je suis parti en liquidation judiciaire.
03:54Et de toute façon, il fallait que j'aille vers un job avec du sens.
04:03Fin février, début mars 2020, je suis tombée malade.
04:09J'ai commencé à avoir des douleurs, de fortes douleurs digestives, douleurs respiratoires.
04:14On a soupçonné que j'avais une grippe
04:16et je savais très bien qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas.
04:19On a vu mon état quand même très vite se dégrader.
04:22Étant donné que je ne pouvais pas vraiment manger, j'ai perdu énormément de poids.
04:25Alors, le plus bas où j'ai pu descendre, c'est d'arriver à 31 kilos.
04:30Il aura fallu environ un an pour que je sois suivie du coup par le docteur Larcher
04:35et qu'on puisse vraiment mettre des mots sur un Covid long.
04:37Du jour au lendemain, tout bascule.
04:39On ne peut plus travailler.
04:40Donc, je n'ai plus pu travailler pendant deux ans.
04:44On ne peut plus rien faire, en fait, et c'est très difficile,
04:47surtout pour une personne comme moi, qui était une personne sportive, active.
04:51En fait, je pense que comme je suis une personne qui est quand même un fort caractère,
04:54initialement, je me suis dit, ça va passer, ça ne durera pas.
04:57En fait, tu vas redevenir la femme d'avant, la femme active d'avant,
05:01qui peut faire plein de choses dans sa journée.
05:03Et petit à petit, j'ai réussi à comprendre,
05:06aussi à l'aide des médecins, que c'était terminé, en fait.
05:12Mon crène sur TikTok en ce moment, c'est...
05:15Je pensais que j'avais juste mal ici, et en fait, c'était un cancer.
05:18Et moi, je l'ai vraiment trois fois par jour, minimum.
05:21Et en fait, il y a plein de trucs.
05:23On m'a dit, j'avais juste mal au genou, et en fait, j'ai un cancer.
05:26J'avais juste mal au pied et j'ai un cancer.
05:27Et juste, je suis là en mode, mais ce n'est pas possible,
05:30parce que moi aussi, hier, j'avais mal au pied.
05:32Moi aussi, hier, j'avais mal au genou.
05:34Et du coup, il y a aussi ce truc, en fait,
05:36que tu dis, je vais aller vérifier sur Internet.
05:38Et quand tu vas sur Internet et que tu dis, j'ai mal au pied, qu'est-ce que j'ai ?
05:42T'es enceinte, t'as le cancer, tu vas mourir demain.
05:45Et en fait, sur Internet, c'est le pire moyen de se rassurer.
05:50Mais je continue de le faire quand même.
05:52Et je me dis, le seul moyen de me calmer, c'est que j'aille consulter, en fait.
05:55Je me dis, au moins, je suis fière qu'eux, ils pourront me dire,
05:57parce que c'est des spécialistes.
05:59Et sauf qu'en fait, à force de faire ce truc-là, j'y vais tout le temps.
06:02Et il y a une semaine où j'y suis allée cinq fois dans la semaine,
06:05et ils m'ont dit, mais madame, il faut vraiment arrêter de venir, en fait.
06:09Donc, c'est ici, dans la salle de bain, que je range un peu tous mes médicaments.
06:16Donc, ici, c'est un peu ma caverne d'alibaba.
06:19Donc, on peut retrouver du Dolipra, donc ça, c'est normal.
06:23J'ai acheté du magnésium et des vitamines.
06:27Donc, il faut savoir que ça, je les ai payées très, très cher,
06:29parce qu'il y a absolument tout l'alphabet.
06:31J'ai pas mal de boîtes d'antihistaminiques quand je fais des crises, un petit peu d'allergies.
06:36Tout ce qui est vitamines, des huiles essentielles, du tramadol, des anti-inflammatoires,
06:43et tout ce qui est pour des infections ou du mal de tête, du mal de ventre, l'envie de vomir.
06:49Enfin, vous faites tout, quoi.
06:59Fumier de poule.
07:02Donc ça, tu récupères ça.
07:03Moi, j'ai pas de poule pour l'instant, c'est prévu au programme.
07:06Mais je le récupère chez un voisin, chez qui je récupère aussi le crottin de cheval.
07:10Alors, ça me sert à amender mon sol et à pouvoir refaire l'équilibre entre le carbone et l'azote.
07:18Tu vois, ce qui est vraiment intéressant dans ce métier, c'est que c'est pas possible de s'ennuyer.
07:23Et moi, j'adore chacune des saisons.
07:25Il y a toujours quelque chose à faire.
07:27Moi, je dis souvent aux gens, on est d'abord des mammifères.
07:30Donc, ton rôle de mammifère, c'est d'être dehors.
07:35L'agriculture au sens large, je fais en décevoir quelques-uns, mais c'est pas simple.
07:41Et c'est ça qui est bien.
07:43Ce que j'avais lu en permaculture, c'est que tu creuses ton trou, tu mets du bois dedans, tu recouvres,
07:49tu mets un peu de broyat, un peu de compost, tout ça.
07:52Tu vas planter, ça va super pousser.
07:54Waouh !
07:56Et là, non, en fait, ça se passe pas comme ça.
08:01Moi, c'était assez simple parce que j'étais saturé de ma vie d'avant.
08:04Mais si t'es pas saturé, tu sais, il y a vraiment une charge sociale qui est super importante,
08:12qui est vraiment pas facile à gérer.
08:14Le regard de tes parents, ils t'ont payé des études, puis finalement, tu veux faire paysan.
08:19La différence, elle est tellement énorme que moi, j'ai l'impression de vivre une deuxième vie.
08:27Ça, c'est une Bible.
08:28John Seymour, « Revivre la campagne », c'est une base, c'est un peu ma référence.
08:35Je suis animé par quelque chose qui est plus grand que moi et ça, j'adore.
08:40En tout cas, moi, je suis un peu l'homme de la campagne.
08:45Et ça, j'adore.
08:46En tout cas, moi, j'ai hâte de me lever le matin et tous les matins.
09:05Comme on nous prenait pour des fous au début et que ça n'existait pas,
09:08même au sein de la famille, comme je vous dis, là, c'était notifié noir sur blanc.
09:12Avec un Covid long, il faut mettre des choses en place.
09:16Le début de l'année 2024, j'ai pu changer de poste, avoir un poste d'assistante de direction
09:22qui me permet aujourd'hui de pouvoir faire quasiment que du télétravail.
09:26Au moins, je me sens utile, je me sens être comme les autres gens.
09:30Par contre, il y a les contre-coups.
09:32Il y a les contre-coups.
09:33Une personne qui va bien, elle va faire sa journée de boulot,
09:36le soir, elle va peut-être aller au sport, elle va sortir, aller boire un verre, elle va faire tout ça.
09:41Moi, aujourd'hui, je suis malade, je ne fais pas tout ça.
09:43Voilà, c'est très clair.
09:44Ma journée, elle se résume à je travaille.
09:46Les journées où je peux faire du coup de la rééducation ou m'octroyer un petit temps de sport,
09:51c'est la journée où je suis à 80% et où je ne travaille pas.
09:54J'ai quand même peur de la suite, de l'avenir.
09:56Aujourd'hui, je n'ai que 41 ans.
09:58Je pense que dans 10 ans, je serai toujours malade.
10:01Ça, je pense que oui.
10:03Étant donné que ça fait 5 ans, je pense que dans 10 ans, je le serai toujours.
10:07La première étape pour guérir, je pense que c'est de prendre conscience que c'est vraiment une obsession au quotidien
10:14et que c'est vraiment une maladie finalement.
10:16Et qu'il faut aussi prendre en compte les avancées positives, même si elles sont longues.
10:22Je pense que c'est très bien.
10:25Moi, je me sens chanceux.
10:28Si tu fais ta passion tous les jours, tu n'as pas l'impression de faire un métier.
10:31J'ai l'intention de travailler encore pendant 40 ans.
10:3440 ans, ça mange bien. C'est comme si j'étais un peu éternel.