La romancière publie "La guerre par d'autres moyens" aux éditions Gallimard.
Regardez L'invité de 9h40 avec Amandine Bégot et Thomas Sotto du 12 mars 2025.
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00:00On est ensemble jusqu'à 10h et c'est la romancière Karine Thuil qui nous a rejointes dans ce studio.
00:06Bonjour et bienvenue à vous Karine Thuil.
00:07Bonjour.
00:08Votre dernier roman, La guerre par d'autres moyens, vient de sortir chez Gallimard.
00:12Alors c'est un roman de puissance, de solitude, d'addiction, qui parle de politique mais pas que.
00:17L'histoire centrale c'est d'Anne Lehmann, ancien président de la République, battue,
00:21qui sombre dans l'alcool pour affronter sa peur du vide, qui se retrouve face à lui-même.
00:26J'ai connu ce que la vie offre de plus intense, que puis-je espérer à présent ?
00:30Il parle du vertige, du vide et de la solitude, de l'amertume et du sentiment d'inutilité.
00:35C'est dur. Qu'est-ce qui vous plaît ? Qu'est-ce qui vous fascine dans Le pouvoir ?
00:40C'est un livre sur le pouvoir et même les pouvoirs.
00:42Les pouvoirs et même l'après-pouvoir.
00:44Ce qui me fascinait c'était de raconter ce qui se passe quand justement on n'a plus ce pouvoir
00:49et qu'on a été à la tête de l'État.
00:51Parce qu'il y a énormément de textes, de mémoires qui sont publiés quand il quitte le pouvoir.
00:57Mais évidemment il ne confie jamais leur réel intime et notamment l'ennui, le vide, ce vertige existentiel.
01:05La fragilité considérable.
01:07La fragilité parce que pendant des années vous êtes au centre des choses, au niveau national et international.
01:14C'est une drogue en fait et il y a cette espèce de vertige dès lors que ça s'arrête.
01:19Pourquoi vous aviez envie de tirer ce fil-là ? C'est d'anciens présidents qui vous ont inspiré ?
01:25Totalement par hasard. J'avais envie d'écrire, j'étais partie pour écrire encore une trilogie sur la justice.
01:30Et par hasard j'ai rencontré à cette période effectivement d'anciens présidents de la République, des conseillers politiques.
01:36J'ai toujours été quand même très intéressée par ces sujets-là.
01:39Et je me suis dit mais ça serait extraordinaire de raconter ce qui se passe après.
01:44Et j'ai écrit les premières pages dans une sorte de surgissement.
01:47C'est vraiment un mystère comment ces premières pages sont nées.
01:50Donc c'est assez caustique je crois au début.
01:53Puisque le président quand le livre s'ouvre regarde son classement dans les meilleures ventes.
01:57Parce qu'il vient de publier un livre en espérant revenir sur le devant de la scène médiatique.
02:02On peut penser à plein de présidents à plein de moments.
02:05Oui mais c'est qui ce Dan Lehmann ?
02:07C'est un président totalement fictionnel.
02:10C'est évidemment le produit...
02:12Oui !
02:13On ne croit pas qu'on pense à quelqu'un en particulier ?
02:15Ah bon ?
02:16On pense à plusieurs.
02:17Nicolas Sarkozy notamment.
02:18François Hollande qui a regardé...
02:19Il est de gauche, il est alcoolique.
02:21Donc ça peut être...
02:23Ce n'est pas vraiment François Hollande, ce n'est pas vraiment Nicolas Sarkozy.
02:26Je ne me suis pas du tout inspirée d'un président en particulier.
02:30Ce n'est pas du tout un roman à clé.
02:32Maintenant évidemment on construit aussi un roman à partir d'un réel.
02:35Alors attention ce n'est pas un livre politique.
02:38Tous vos personnages ont des rôles bien distincts.
02:41Il y a la deuxième femme du président Lehmann qui est comédienne.
02:45Il y a sa première femme qui est romancière.
02:47D'ailleurs un réalisateur qui a un rôle très important aussi qui s'appelle Nizan
02:50va mettre en scène, va filmer, réaliser l'adaptation du livre de la première femme jouée par la deuxième femme.
02:56Ils ont tous un point commun, c'est qu'ils aiment ce pouvoir.
02:59Pourquoi ils l'aiment à ce point alors que ça les rend tous ou fous ou malheureux ?
03:03Parfois un peu heureux mais ou fous ou malheureux ?
03:05Parce que c'est un fluide.
03:07Celui qui a le pouvoir quand il entre dans une pièce
03:09tout le monde est attiré par lui.
03:12Ça donne une forme de présence très grande.
03:17Après c'est comme vous l'avez dit, c'est une drogue.
03:19C'est-à-dire qu'une fois qu'on y a goûté...
03:21Alors elle est douce ou dure la drogue ?
03:23Oui puis ça fait du bien au départ mais très vite ça fait du mal.
03:27Oui et puis les personnages ont différentes sortes de pouvoirs.
03:30Évidemment il y a le pouvoir politique
03:32mais il y a aussi le pouvoir que vous pouvez détenir au sein même de votre couple
03:36où là les rapports de pouvoir changent tout le temps.
03:38C'est dur sur le couple ce que vous écrivez ?
03:40Oui j'aime bien, enfin je crois que c'est lucide, après je ne sais pas si c'est dur
03:44mais j'aime bien raconter la société à travers le prisme du couple.
03:49Parce que je trouve que le fonctionnement d'un couple
03:51ça dit aussi quelque chose de la vulnérabilité de nos sociétés contemporaines.
03:54Et on voit le rapport de force qui s'inverse
03:56entre le président qui est devenu ex-président
03:58et sa femme qui était un peu une actrice.
04:00La deuxième Hilda qui est une actrice un peu sur le retour
04:03et qui d'un coup retrouve la lumière.
04:04Et là vraiment on voit le balancier qui s'inverse complètement.
04:07Florence Portelli ?
04:09Vous dites les présidents mais moi je l'ai constaté même au niveau local.
04:12Même quand vous êtes un maire, c'est monsieur ou madame le maire,
04:16on est le centre de l'attention.
04:17Mais là où je diffère un peu de votre analyse,
04:20c'est que je pense que les gens qui ont du mal à lâcher,
04:23qui n'ont pas de satisfaction non plus dans autre chose que le pouvoir,
04:27c'est des gens qui à la base étaient comme ça
04:29et qui vont parfois vers le pouvoir parce qu'il y a ce problème là.
04:33Alors que quand vous avez un rapport sain à la vie,
04:35je pense que vous pouvez accéder à la politique et ne pas changer.
04:38Je suis d'accord avec vous mais au niveau de l'Etat,
04:41quand on est vraiment chef d'Etat,
04:43il y a quelque chose qui se transforme complètement
04:47parce que votre vie est dédiée quand même à votre travail.
04:50J'essaie d'ailleurs de raconter ça aussi dans le livre.
04:53Même s'il a quitté le pouvoir,
04:54sa première femme raconte qu'elle l'a aidée à accéder au pouvoir
04:58et au moment où il est devenu ministre,
05:01il s'est éloigné, il a quitté son foyer, il a déserté,
05:04il n'était plus du tout présent pour elle, son couple s'est délité.
05:07C'est aussi je crois la réalité de l'action politique,
05:10y compris, lui il l'a quitté avant d'accéder à l'Elysée,
05:13mais on imagine toute cette campagne présidentielle,
05:16c'est un moment où vous êtes littéralement happé par le réel.
05:19Il y a aussi ce côté quand on est tout en haut de la pyramide politique
05:22où on pense qu'une porte ça s'ouvre tout seul,
05:24qu'un ascenseur c'est toujours là,
05:25c'est ça aussi qui vit douloureusement,
05:27c'est vraiment l'absence de lumière.
05:30Et dans le même temps, il y a un de ses conseillers, Paul,
05:32un des derniers fidèles, parce qu'on sent bien que quand le pouvoir s'échappe,
05:35il ne reste plus grand monde autour et que le cercle se restreint,
05:38qui dit que les gens considèrent qu'à partir du moment où tu es engagé en politique,
05:41ils ont le droit de te dépecer.
05:43Et là on se dit qu'Ariane Tuiles ce n'est plus un roman,
05:45c'est un documentaire sur l'époque ce que vous avez fait là.
05:47C'est vrai que c'est les réseaux sociaux,
05:49on a tellement vu, on le voit tout le temps,
05:51les femmes politiques notamment,
05:54être lynchées sur les réseaux à la moindre petite phrase.
05:59Or ce sont des êtres humains,
06:01forcément, évidemment, parfois,
06:03la parole n'est pas la bonne,
06:05le mot est mal choisi.
06:07Vous les aimez vous, non ?
06:09Moi je les aime bien.
06:11J'avoue que j'ai une forme, oui,
06:13de compréhension de ces gens
06:15qui quand même, à la base,
06:17s'engagent pour des convictions.
06:19C'est quand même une lutte,
06:21qui est le combat d'une vie.
06:23On ne fait pas ça pour les honneurs.
06:25Alors après, évidemment, le pouvoir est grisant,
06:27il y a l'hubris qui rentre en ligne de compte
06:29et tout se transforme.
06:31Mais il y a quand même, à la base, des idées,
06:33des convictions, un désir d'aller sur le terrain.
06:35Et je trouve qu'on ne le rappelle pas assez.
06:37Et puis il me semble que notre époque
06:39est obsédée par l'exemplarité,
06:41la pureté.
06:43Or, la faille est humaine
06:45et je parlerais plutôt d'intégrité.
06:47Dan Lehman, vous le disiez
06:49au début du livre,
06:51on regarde à combien d'exemplaires
06:53son livre s'est vendu.
06:55Vous le vôtre est sorti il y a 6 jours, le 6 mars.
06:57Au début, on se dit
06:59on ne va pas regarder pour se protéger.
07:01Je ne vais pas vous mentir, évidemment, on regarde.
07:03Il marche déjà très bien, il va continuer,
07:05parce qu'il est comme le pouvoir, il est complètement addictif, votre livre.
07:07Moi j'ai un problème, quand je l'ai
07:09fini, j'étais triste, comme souvent
07:11quand on finit un livre qu'on a aimé.
07:13Il ne vous manque pas, vos personnages, quand vous avez terminé ?
07:15Parce que nous on vit avec, on le lit en une semaine,
07:1715 jours, voilà. Vous, vous avez passé des mois
07:19avec eux, vous n'avez pas le blues,
07:21le manque, la nostalgie ?
07:23À la fin, j'avais l'impression
07:25d'être au quotidien avec
07:27ce président,
07:29les liens avec son extra. Il y a sa fille aussi,
07:31il y a sa deuxième fille. Oui, parce que quand on passe
07:33des mois en immersion dans un univers,
07:35c'est comme si, finalement,
07:37on faisait partie pleinement de cet univers.
07:39Et puis moi, c'est vrai que c'est des
07:41mondes qui me fascinent, de raconter
07:43le fonctionnement. Vous auriez aimé en être ?
07:45Je crois, oui, mais
07:47pas en...
07:49Karine Thuil, 2027.
07:51J'aurais aimé suivre, ou j'aimerais suivre un jour
07:53un président ou une présidente en campagne, oui.
07:55Ah ben, il y a une campagne qui approche
07:57pour 2027, donc...
07:59Toute petite question, ce livre, vous l'avez dédié à la mémoire de Robert
08:01Badinter. Pourquoi ?
08:03C'était un ami, un homme
08:05que j'admirais beaucoup, avec lequel
08:07j'avais des discussions sur la
08:09société, et j'ai voulu lui dédier
08:11parce que c'était quelqu'un dont
08:13la vie privée, le portrait privé,
08:15ce qu'il était en amitié,
08:17était fidèle au portrait
08:19public. C'était un homme d'une très grande
08:21intégrité. Or, le livre raconte
08:23plutôt des gens qui ont
08:25une façade publique
08:27et qui ont une attitude en privé
08:29totalement différente, et lui, c'était
08:31quelqu'un de fidèle à lui-même.
08:33Voilà, un film qui parle de politique,
08:35de cinéma. Il en fait déjà un film.
08:37Ça pourrait faire un film !
08:39Parce qu'on le voit. Vous seriez d'accord ?
08:41Oui, je serais d'accord.
08:43Très bien. Les réalisateurs qui nous entendent, c'est le moment. Achetez les droits
08:45parce qu'on va se les arracher.
08:47Vous m'avez fait très peur avec Anna,
08:49je n'en dis pas plus, mais vraiment, il est très bien.
08:51La guerre par d'autres moyens,
08:53publié chez Gallimard. Vous restez avec nous ?