• il y a 4 minutes
3 ans jour pour jour après le début de l'invasion russe en Ukraine, Emmanuel Macron rencontre Donald Trump à la Maison Blanche. Objectif : le convaincre de ne pas abandonner Kiev et l'Europe. Écoutez l'analyse de Nicole Bacharan, historienne et politologue, spécialiste de la politique et de la société américaine, et des relations transatlantiques.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 24 février 2025.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00RTL Soir
00:02Bonsoir Nicole Bacharan.
00:03Bonsoir.
00:04Merci infiniment de nous rejoindre sur RTL.
00:06Vous êtes historienne spécialiste des Etats-Unis.
00:09Trois ans jour pour jour après le début de l'invasion russe en Ukraine,
00:12le chef de l'Etat rencontre en ce moment même Donald Trump à la Maison Blanche.
00:15Objectif, le convaincre de ne pas abandonner Kiev et l'Europe.
00:19Tout pourtant indique le contraire.
00:21Nicole Bacharan en particulier, sa relation directe est assumée avec Vladimir Poutine.
00:25Est-ce qu'on a le droit d'être optimiste sur ce dossier Nicole Bacharan ?
00:29Écoutez, j'aimerais ne pas être la cassandre et l'oiseau de malheur.
00:34Ça paraît quand même très mal engagé.
00:36Il y a à peu près une demi-heure, les Etats-Unis et la Russie
00:41ont ensemble voté contre une résolution aux Nations Unies
00:45condamnant l'agression russe en Ukraine il y a trois ans et depuis
00:49et demandant le retour des territoires occupés.
00:53Pendant que Emmanuel Macron rencontre Donald Trump,
00:57les Etats-Unis votent avec la Russie contre l'Ukraine et contre l'Europe.
01:00Et c'est le terme d'agression qui pose problème en l'occurrence.
01:03Vous qui connaissez parfaitement l'homme Nicole Bacharan,
01:06comment est-ce qu'on négocie avec Donald Trump, un homme qu'on surnomme le roi du deal ?
01:11Écoutez, je ne sais pas si c'est le roi du deal,
01:14mais il a réussi à en convaincre tout le monde.
01:17Mais malheureusement, ce qu'on voit à l'heure actuelle,
01:19c'est plutôt une extrême faiblesse face à Vladimir Poutine.
01:24D'ailleurs, on a vu qu'avant son départ, Emmanuel Macron disait
01:28« je vais essayer de lui dire, il ne faut pas paraître faible, ce n'est pas toi ».
01:31Ce tutoiement me met très mal à l'aise,
01:33parce que ça indiquerait une relation qui, à mon sens, n'existe pas.
01:36Mais enfin, je suis pas sûre même que ce soit de la faiblesse
01:40directement de la part de Donald Trump face à Vladimir Poutine.
01:45Je pense que les Etats-Unis d'aujourd'hui veulent rejoindre le camp des pays autoritaires.
01:52À ce point-là, on parle quand même de la plus grande démocratie au monde.
01:56Oui, elle est très mal en point en ce moment,
02:00depuis un mois, depuis que Donald Trump est arrivé.
02:02Parce que chaque jour, on le voit bloquer ou s'approprier
02:06de plus en plus de contre-pouvoirs.
02:08Je pense que ça ne va pas durer éternellement,
02:10que les opposants qui sont encore dans la sidération de leur défaite
02:14vont peut-être en tirer des leçons pour revenir vers un centre
02:18où il y aura un électorat plus vaste que l'électorat vraiment de la gauche-gauche,
02:22si j'ose dire, qui n'a pas réussi à leur faire gagner des points.
02:27Mais enfin, la plus grande démocratie du monde
02:30se retourne en l'heure actuelle contre la démocratie.
02:32Et malheureusement, c'est ce qui est très cohérent d'un jour à l'autre.
02:36C'est vrai qu'on est stupéfait par beaucoup de choses,
02:38mais si on regarde les déroulements,
02:40la visite de J.D. Vance, le vice-président à Munich,
02:43avec ce discours hallucinant contre les démocraties,
02:47les prises de position quasiment quotidiennes de Donald Trump
02:51pour démolir Volodymyr Zelensky, l'Ukraine et se rapprocher de Poutine,
02:58la démocratie américaine joue contre les démocraties aujourd'hui.
03:02Vous venez de le rappeler, Emmanuel Macron s'est exprimé la semaine dernière sur les réseaux sociaux
03:06et il a expliqué clairement la façon dont il pensait convaincre son homologue américain.
03:10On l'écoute.
03:12Je vais lui dire, au fond, tu ne peux pas être faible face au président Poutine.
03:16Ce n'est pas toi, ce n'est pas ta marque de fabrique.
03:18Ce n'est pas ton intérêt.
03:20Comment ensuite être crédible face à la Chine si tu es faible face à Poutine ?
03:23Ça peut marcher, Nicole Bacharan ?
03:25J'ai trouvé ça un petit peu ridicule, avec le tutoiement et tout ça.
03:30On est au moins deux.
03:33C'est ridicule en ce sens que ça voudrait faire croire
03:38qu'il y a une relation privilégiée particulière entre les deux hommes.
03:42Ce n'est pas vrai, c'est une pure illusion.
03:44Ça n'existe pas, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas se parler.
03:47La question de paraître faible, je ne suis pas sûre que dire ça à Donald Trump puisse le convaincre
03:54parce que ça va le blesser dans sa vanité.
03:56Le troisième point, c'est la Chine.
03:59Et la Chine est donc Taïwan.
04:02Et là, c'est vrai qu'il y a quelque chose de tout à fait réel.
04:06Si Donald Trump laisse, d'une certaine manière, l'Ukraine à la Russie
04:11tandis que lui-même s'emparerait du Groenland ou du Panama,
04:15c'est un signal évident à la Chine de dire « Taïwan, ne vous gênez pas ».
04:19Mais alors précisément, sur quel levier le président français peut s'appuyer
04:23pour négocier avec un homme comme Donald Trump ?
04:27Je crois qu'il apporte, Emmanuel Macron, quand même quelques propositions dans son sac de négociateur.
04:34Il peut transmettre un plan de garantie de sécurité européenne
04:40qui n'est pas encore achevé mais qui est en train de se mettre en place
04:44où les Européens porteraient un poids beaucoup plus large
04:48dans la protection de la sécurité de l'Ukraine.
04:52On parle de 30 000 hommes qui seraient appuyés,
04:56parce que ce serait indispensable par la logistique, peut-être l'aviation à l'arrière américaine.
05:03On parle évidemment d'une augmentation forte des dépenses des pays européens
05:09pour leur défense.
05:12Donc ça, ce sont des points qui peuvent quand même peut-être attirer sérieusement l'attention de Donald Trump.
05:19Plus que la relation d'une pseudo-amitié qui, je pense, n'existe pas,
05:24plus que tu vas paraître faible, plus que tu es en train de te ranger derrière la Russie.
05:30Mais tout ça pour dire que la marge de négociation existe pour autant
05:36que la décision de Trump d'abandonner l'Ukraine ne soit pas définitive.
05:43Et là, qu'est-ce qui peut encore jouer ?
05:46On voit que Kiev tente quand même de négocier un deal, puisqu'on est question de deal,
05:51sur les météorards en Ukraine.
05:54Mais on voit que de l'autre côté, la Russie est en train de proposer des avantages
06:00aux entreprises pétrolières américaines dans quelque temps.
06:03Donc, qu'est-ce qui aura le plus d'influence sur Trump, Emmanuel Macron ou Vladimir Poutine ?
06:08Je crains que le combat soit mal engagé.
06:10Alors justement, il se trouve que le président américain vient de dire,
06:13il y a quelques instants, en présence du président de la République,
06:16on peut trouver un bon accord.
06:17Il a ajouté par ailleurs qu'un accord sur les minerais,
06:20sur les minerais avec l'Ukraine était très proche.
06:22C'est une surprise ?
06:24Écoutez, en tout cas, on voit que Volodymyr Zelensky se bat pied à pied
06:28pour ne pas couler avec son pays.
06:31Et que le chemin vers le cœur de Donald Trump, s'il en a un, c'est quand même toujours l'argent.
06:36Les choses sont claires.
06:38Merci infiniment d'avoir pris la parole ce soir sur RTL Nicole Bacharan,
06:42historienne, spécialiste des Etats-Unis.
06:44Dans un instant, un homme qui négocie tous les jours avec notre bonne humeur,
06:47c'est un ambassadeur du RIR, il s'appelle Marc-Antoine Lebray.

Recommandations