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Avec Thierry Breton, ancien Commissaire européen et ancien ministre de l'Economie

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##L_INVITE_POLITIQUE-2025-02-24##

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Transcription
00:00— SUDRADIO, l'invité politique Jean-Jacques Bourdin. — On a besoin de savoir. Ce matin, notre invité Thierry Breton. Bonjour.
00:10— Bonjour. — Ancien commissaire européen, chargé notamment de l'industrie de la défense lorsque vous étiez à Bruxelles.
00:17Ancien ministre, bien sûr, de l'économie et des finances en France. 3 ans de guerre déjà entre l'Ukraine et la Russie.
00:24On entre dans la quatrième année. Des centaines de milliers de morts et de blessés de chaque côté.
00:29Volodymyr Zelensky propose de quitter son poste, de quitter sa présidence en échange d'une adhésion de son pays à l'OTAN. Un geste désespéré.
00:40— 3 ans de guerre, Jean-Jacques Bourdin. Vous avez raison de le rappeler, évidemment, avec les centaines de milliers de blessés ou de victimes, du reste.
00:49— Milliers de morts, oui. — C'est effectivement une tragédie qui se déroule suite à l'agression voulue par un homme.
00:56Cet homme s'appelle Vladimir Poutine, qui a décidé d'agresser, d'envahir un pays souverain.
01:05Souvenez-vous que cet homme disait qu'il allait mener une opération spéciale. Vous vous en souvenez, Jean-Jacques Bourdin ?
01:11— Oui, opération spéciale, bien sûr. — Et il disait que grâce à cette opération spéciale, en 3 jours, il allait faire tomber le régime Kiev,
01:19imposer un de ses hommes et quasiment annexer l'Ukraine. 3 ans après, voilà. Donc d'abord, il faut dire que ces 3 ans, c'est un échec total de la stratégie de Vladimir Poutine.
01:30Il faut le dire et le redire. Contrairement au narratif que certains essayent de propulser désormais, vous voyez très bien à quoi je fais allusion.
01:39C'est un échec total, total de Vladimir Poutine. Grâce à quoi ? Et grâce à qui ? Grâce d'abord au peuple ukrainien, qui a mené un combat incroyable
01:50pour défendre son territoire, mais aussi quelque part pour défendre l'Europe, parce qu'on sait très bien que si jamais l'Ukraine tombait,
01:59Poutine ne s'arrêterait pas là. Alors évidemment, nous avons, nous, Européens, décidé de prendre le sujet à bras-le-corps.
02:06Et je le redis aussi à votre micro ce matin. Vous savez qui est le premier contributeur à l'aide de l'Ukraine, Jacques Bourdin ?
02:13— L'Europe. — Bien entendu. L'Europe, avec... — Avant les États-Unis. — Bien avant les États-Unis. Tout secteur confondu.
02:20Pratiquement identique du reste en ce qui concerne la défense. Et oui. Et oui. Donc si jamais quelqu'un devait épauler Volodymyr Zelensky
02:31à la table des négociations, c'est évidemment le premier contributeur et pas le second. — Bien. Nous allons revenir là-dessus, Thierry Breton, mais...
02:38— Mais je n'ai pas répondu à votre question. Je n'ai pas répondu à votre question. — Voilà. Un geste désespéré. Est-ce le geste d'un homme...
02:43Je termine, Thierry Breton. Est-ce le geste d'un homme qui a compris que Trump et Poutine, devenus alliés, sont en train de vouloir imposer leur paix
02:53sur le dos de l'Ukraine, du peuple ukrainien et de l'Europe ? — Bon. Vous venez de dire avec vos mots ce que je dis, ce que j'ai dit moi-même
03:00avec les miens. On sait très bien qu'aujourd'hui, l'Ukraine ne rentrera pas dans l'OTAN, en tout cas pas avant un certain nombre d'années.
03:14Ça ne date pas du reste de Donald Trump. Je vous rappelle que c'était également la position qui avait été prise et retirée à de nombreuses reprises
03:23par Joe Biden. Pourquoi, Joseph Bourdin ? Sans doute, peut-être des suppositions, à l'issue du sommet de Vilnius qui était le dernier sommet
03:33où s'était tenu, comme vous en souvenez, la réunion de l'OTAN. Le prochain va se tenir à Utrecht, donc en juillet, aux Pays-Bas.
03:42Il avait été dit très précisément que finalement, les États-Unis ne soutiendraient pas la rentrée, l'intégration de l'Ukraine au sein de l'OTAN pendant de nombreuses années.
03:55Vraisemblablement parce qu'il y a eu des discussions tripartites, notamment entre la Chine, les États-Unis et la Russie, pour dire que ligne rouge,
04:04on parle pas du nucléaire. Vous vous souvenez qu'il y avait un moment où Poutine en parlait tous les jours. La contrepartie, c'est qu'on avait déjà donné ceci aux Russes.
04:15— Ça veut dire, tiré breton, qu'il y a toujours eu des discussions entre les États-Unis, la Russie et la Chine. Toujours.
04:22— Mais tant mieux. Vous savez pourquoi tant mieux ? Parce qu'on parle de puissance nucléaire. Et il y avait aussi ce sujet qui était en arrière-plan.
04:30Est-ce que Donald Trump est en train de permettre à Vladimir Poutine de gagner une guerre qu'il était en train de perdre ?
04:37Est-ce que Donald Trump est en train de livrer l'Ukraine à la Russie ? — Eh bien on verra. Les discussions n'ont pas encore commencé.
04:46— Oui. — On verra bien ce qui va se passer. C'est la raison pour laquelle vous avez vu qu'un certain nombre de pays européens désormais...
04:54On pense évidemment, bien entendu, à ceux qui sont les plus exposés. Les pays baltes, les pays nordiques, la Pologne, veulent continuer donc de soutenir l'Ukraine.
05:06La France, j'ai cru comprendre, faisait partie également de ceci. Soutenir l'Ukraine parce que précisément, il est hors de question que Volodymyr Zelensky
05:16aille éventuellement à un moment qu'il jugera opportun à la table de négociation en étant très faibli. On discute du reste en ce moment d'un nouveau train de soutien de 20 milliards d'euros.
05:27Donc oui, bien sûr, il faut continuer à soutenir aujourd'hui l'Ukraine tant qu'encore une fois, les conditions de cesser le feu ne sont pas clairement établies.
05:38On verra bien ce qui va se passer. — Bon. Emmanuel Macron est à Washington. Il va rencontrer Donald Trump en tête-à-tête à midi, heure américaine,
05:4618h, heure française. Il y aura ensuite une conférence de presse commune à 21h. C'est important. Ça veut dire que les deux hommes vont aborder tous les sujets
05:56et ensuite devront rendre compte devant les journalistes. On va voir. Mais il arrive dans le bureau de Donald Trump avec une proposition, j'imagine,
06:06proposition de paix, proposition européenne, j'imagine, Thierry Breton. Vous n'en savez pas plus que moi, évidemment. — Bien écoutez, là, j'en suis là plus que vous.
06:12Donc on peut imaginer ensemble. Voilà. C'est ce qu'on va faire ce matin tous les deux. Si ce n'est peut-être se dire... Parce qu'il y a aussi le fait...
06:20Et c'est un point sur lequel je voudrais peut-être attirer notre attention ce matin, si vous le permettez. C'est vrai qu'aujourd'hui, Emmanuel Macron va à Washington.
06:30Et au fond, il n'est pas mandaté par l'UE pour ce faire. — Non, il ne le sera pas. — Non, mais c'est important, ce que je souhaitais dire.
06:39Il n'est pas mandaté, puisqu'encore une fois, c'est un pays parmi 27. Certes, pas le moindre. On a vu également que Keir Starmer, le Premier ministre britannique,
06:50il va également le jeudi. Donc qu'est-ce que ça veut dire pour nous, Européens ? Ça veut dire au fond que Donald Trump accepte de discuter bien entendu
07:02de l'Europe, mais au-delà de l'Europe de l'architecture de sécurité, parce que c'est bien ça dont il est question, et de l'Europe, et aussi de l'Ukraine,
07:12si jamais on rentre dans des discussions de cesser le feu, avec qui ? Avec finalement les deux puissances dotées, c'est-à-dire les deux puissances qui disposent
07:21de l'arme nucléaire et qui sont donc dans une situation singulière par rapport aux autres Européens. C'est aussi, il me semble-t-il, comme ça qu'il faut voir les choses.
07:30Le sujet est un sujet extrêmement important. Je dis même ce matin à votre micro qu'il est grave. On a parlé tout à l'heure, évidemment, de ce qui se passait
07:38entre la Russie, les États-Unis, la Chine. On voit bien qu'aujourd'hui, grâce au général De Gaulle, nous sommes aujourd'hui dans une situation
07:48tout à fait singulière, puisque nous sommes le seul pays à disposer de la capacité d'une architecture globale totale de sécurité, et donc c'est avec eux,
07:58c'est avec lui que Donald Trump discute, et pas avec les autres. — Oui, c'est avec Emmanuel Macron qu'il discute, grâce à cela. — Et oui, et c'est important.
08:05Je ne sais pas, mais je connais aussi un peu Donald Trump, et je sais que pour lui, ça veut dire quelque chose, bien entendu. Parce que, voyez-vous,
08:13si jamais il avait discuté avec l'Allemagne... On parlera peut-être de l'Allemagne tout à l'heure. L'Allemagne, on le voit, ou voir avec la Pologne.
08:20On sait très bien, et il sait très bien que l'Allemagne et la Pologne sont totalement dépendants des États-Unis pour leur sécurité et leur défense.
08:31Alors la Pologne un peu moins, parce que la Pologne fait des efforts très importants de rattrapage, avec maintenant 4,7% de son PIB donc dépensé
08:39pour sa propre défense et une armée qui va être importante. Mais il n'en demeure pas moins que la Pologne, comme l'Allemagne, comme 26 des 27 États membres
08:50de l'UE, dépendent de façon ultime des États-Unis à travers la garantie offerte par l'OTAN en ce qui concerne la dissuasion nucléaire.
08:58Et donc quand on est dans une relation transactionnelle, évidemment, ça vassalise quelque part ceux qui dépendent de l'autre, sauf la France.
09:06— Thierry Breton. Les avoirs, les fameux avoirs russes. 200 milliards ? — Oui, c'est ça, un peu plus, oui.
09:13— Saisis. — Oh ! — Pas saisis ! Pardon. Immobilisés, ces avoirs russes. Pourquoi est-ce qu'on ne les utilise pas ?
09:24— Y'a qu'à Faucon. Y'a qu'à Faucon. Pourquoi je vous réponds comme ça ? Parce qu'il faut faire attention sur ces sujets qui sont toujours
09:31des sujets extrêmement subtils, sensibles, complexes. Nous avons également beaucoup d'avoirs qui sont immobilisés,
09:38Rosak Bourdin, en Russie. Donc... — Ah, d'accord. Mais je comprends. C'est la raison pour laquelle...
09:44— Mais bien entendu, il faut donc... Voilà. Y'a qu'à Faucon. — Y'a qu'à Faucon. Mais quel peut être le rôle de l'Europe ?
09:50Quel peut être le rôle de l'Europe assurée ? Je ne sais pas, moi, la sécurité en cas de négociation de paix, la sécurité de l'Ukraine ?
09:58— Alors là encore, sans surprise... — Je sais pas. On parle d'envoi de troupes qui garantiraient la sécurité.
10:03— Voilà. C'est ça. Mais là encore... Et contrairement à l'impression qu'on pourrait avoir légitimement... Parce que c'est vrai que
10:09depuis un mois, on a l'impression que ça fait des mois que l'administration Trump est déjà au pouvoir, compte tenu du tourbillon
10:16dans lequel, finalement, elle semble emporter le monde. Ça fait que un mois que l'administration Trump est au pouvoir.
10:25Mais il y a une continuité. On vient de rappeler la continuité en ce qui concerne le fait que l'Ukraine ne serait pas membre de l'OTAN
10:33avant de très nombreuses années. Il y a une continuité aussi, parce que le président Biden l'avait dit également, en disant que
10:39les États-Unis n'enverraient pas de troupes en Ukraine. Et donc il y a une continuité. — Donc oui.
10:44— Et donc ça veut dire que depuis déjà plusieurs mois, on réfléchit évidemment – et le président de la République a été l'un de ceux-là,
10:51on s'en souvient – dans le cas où il y ait enfin un cessez-le-feu qui serait établi, négocié entre la Russie et l'Ukraine,
11:01il faudra évidemment des garanties de sécurité pour contenir l'hégémonie russe, y compris sur plus de 1 000 km de frontières.
11:09C'est pas rien. Je rappelle que c'est 4 fois plus que la frontière entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. — C'est vrai.
11:14— Qu'il faudra donc bien, quelque part, protéger des velléités potentielles d'un Vladimir Poutine de continuer.
11:21Et donc il faudra bien discuter des garanties de sécurité. Et dans celle-ci, sans doute, effectivement, la mobilisation peut-être –
11:28et c'est ce qui sera négocié – aux côtés de l'armée ukrainienne de troupes qui viendront donc apporter cette garantie de sécurité.
11:36— C'est le pire, Thierry Breton. Donald Trump sacrifie tout et lâche totalement l'Ukraine à Donald Trump. Que fait l'Europe ?
11:44— À Vladimir Poutine. — À Vladimir Poutine. Que fait l'Europe ? — Vous avez raison. Vous avez raison. On peut faire des ukrainiens.
11:52Mais connaissant – puisque je vais le pratiquer, et vous m'invitez aussi pour ça ce matin – Donald Trump, la façon dont il négocie,
12:03il faut jamais l'oublier. Il pousse – si vous permettez cette expression un peu triviale – le bouchon très très très très loin.
12:09Et ensuite, il revient blanc en arrière pour donner le sentiment à ceux avec lesquels il « négocie » – vous avez vu que je mettais des guillemets
12:17en disant « négocie » – qu'à la fin, ils vont faire un pas si mauvais deal que ça, voire un bon deal. Donc on est dans cette phase –
12:24et je crois qu'il faut tous qu'on garde notre sang-froid – on est dans cette phase où il pousse le bouchon très loin pour faire réagir, évidemment,
12:32aligner aussi les parties prenantes qui vont avoir leur mot à dire, et derrière, vraisemblablement, revenir un peu en arrière pour trouver un équilibre.
12:40Et c'est la raison pour laquelle je viens de redire votre micro. Il faut que nous montrions, nous tous ensemble, notre force. Elle est importante.
12:46J'ai rappelé tout à l'heure qu'on était le premier contributeur. Je rappelle qu'on est le premier marché économique. Je rappelle ce que nous apportons.
12:53Je rappelle aussi que la Russie est un très grand pays, un immense pays. La Russie, c'est le PIB de l'Espagne. La Russie, c'est...
13:05– Et la population souffre en ce moment, parce que les prix montent. – Ils souffrent terriblement. La population de la Russie, c'est moins que la population de l'Allemagne
13:14et de la France réunies. La Russie est un très grand pays, mais la Russie est aussi ce que je viens de dire. Pas plus. Donc voilà, il faut que nous,
13:21on prenne conscience aussi de notre force ensemble. – Mais Thierry Breton, Thierry Breton, très bien, très bien. L'Europe joue sa survie.
13:27On est bien d'accord, j'entends dire. Mais où en est-on, la fameuse Europe de la défense ? Où en est-on ? Il faut un investissement considérable.
13:37On parle d'emprunts européens. Je sais pas, moi. Des chiffres ont été donnés. 500 milliards d'euros, même. Parallèlement, en Europe, on est sur le Green Deal.
13:48Est-ce qu'il faut pas choisir un moment donné ou un autre ? – Alors, d'abord, plusieurs éléments de réponse. Dans les moments qui sont des moments difficiles,
13:56ceux qui suivent l'Europe depuis longtemps ont l'habitude de dire que l'Europe avance quand il y a des chocs exogènes importants. Pourquoi, non, Jacques Bourdin ?
14:05Parce que nous sommes attachés... C'est notre démocratie, d'abord. Voilà. On n'est pas un État fédéral. Alors on pourrait devenir un État fédéral,
14:11voire une autocratie. Pourquoi pas ? – Vous êtes d'accord pour un État fédéral ? – Non. Non. On est ce qu'on est. Et je crois que c'est très important.
14:17Il faut préserver notre histoire. Il faut préserver aussi des éléments qui sont à la main des États. Par exemple, la défense, qu'on le veuille ou non,
14:25c'est à la main des États membres. Et donc pour décider notamment d'engager des troupes, et pas à la main de la Commission. Et c'est pas demain la veille
14:32que ça le sera. Et je crois que c'est bien. La politique étrangère, c'est à la main des États. Et c'est pas à la main de la Commission. Et c'est bien.
14:39– Alors maintenant, il y a une coordination faite par le haut représentant ou la haute représentante pour essayer de s'aligner. Mais voyez-vous,
14:44quand je dis qu'il faut des chocs précisément parce que... Eh bien il faut que chacun, à un moment, dans des moments existentiels...
14:51Eh oui, je pense que nous vivons un moment existentiel. Eh bien oublie quelque part leurs petits intérêts particuliers pour se consacrer
14:59vers l'intérêt général européen. – Alors concrètement... – On l'a fait pendant la crise du Covid. Et on a su lever 750 milliards.
15:07Donc c'est parce que c'était existentiel. – Est-ce qu'il faut aujourd'hui faire le même effort ? Est-ce qu'il faut que l'Europe, aujourd'hui,
15:13fasse le même effort pour sa défense commune ? – Eh bien vous savez que c'est un sujet que je porte depuis longtemps, puisque je l'avais déjà dit
15:21à votre micro alors que j'étais commissaire européen. Oui, je suis de ceux qui disent qu'il faut qu'on ait un fonds européen.
15:27– Combien ? – Un fonds européen. Plusieurs centaines de milliards d'euros pour faire deux choses, Jean-Jacques Bredin.
15:33Il faut d'un côté que les États membres augmentent leurs dépenses de défense au-delà des 2%. Je rappelle que 2%, c'est évidemment un prérequis
15:41pour appartenir à l'OTAN. Mais il faut le faire au-delà. Il faut en parallèle que l'on puisse intervenir pour augmenter très rapidement
15:50la capacité de production des industries de défense en le faisant de façon harmonisée. Si on n'a pas ce fonds commun qui permet d'intervenir
16:00et je dirais de dire, écoutez, on va vous aider à augmenter cette chaîne de production de chars par exemple. Mais venez avec un projet qui soit
16:09un projet harmonisé avec 2, 3, 4 États membres de façon à avoir de la coopération et on vous financera 15%. C'est comme ça que ça avance, ça a fonctionné.
16:20– Mais c'est ce que vous voulez. – Souvenez-vous, et j'ai été critiqué pour ça. On m'a dit « Ah mais Thierry Breton s'occupe des munitions ».
16:26Souvenez-vous, eh bien j'ai réussi à le faire avec mes équipes. Quand j'ai pris le sujet des munitions, vous vous souvenez, c'est le début de l'aubu 255.
16:33On produisait 300 000 obus par an en Europe. 18 à 20 mois après, on en est à combien, Joachim Broudin ? 2 millions.
16:40Donc on a réussi à le faire parce que précisément on avait un instrument qui finançait en amont et qu'on en a pu se coordonner.
16:47Donc ce qu'on a fait pour les obus, oui, il faut le faire massivement pour toutes les chaînes de production. Et donc ça veut dire à la fois avoir un emprunt.
16:54– Ah Thierry Breton, Thierry Breton, ça c'est bien. Vous demandez cela. Mais les États, on n'avance pas sur cette...
17:00– Je ne suis pas du tout d'accord avec vous. – Vous pensez que le Conseil européen du 6 mars, vous pensez que là, il y aura une avancée majeure ?
17:05– Je ne suis pas du tout... Avec tout le respect que je vous dois, bien sûr. Je ne suis pas du tout d'accord avec vous car nous avons proposé
17:10un programme qui s'appelle Edip, qui est en négociation maintenant, qui permet exactement de traduire ce que je viens de vous dire.
17:16Alors oui, on est une démocratie. – Quel est l'effort financier de ce programme ?
17:19– Eh bien, ça va être discuté précisément et ça va être discuté maintenant. L'architecture du programme, elle est en négociation maintenant depuis plusieurs mois.
17:26Parce que voyez-vous, on est une démocratie, nous Jacques Bourdin. Donc on n'est pas une autocratie. Et donc tout ce dont je parle est à la fois voté par qui ?
17:33Par le peuple européen, c'est-à-dire représenté par le Parlement européen et par le Sénat européen, si vous permettez cette métaphore,
17:39c'est-à-dire le Conseil européen qui représente les États. Et oui, ça prend un tout petit peu plus de temps, la démocratie, mais c'est peut-être plus solide que les autocraties.
17:46– Oui, donc il va falloir faire sauter les critères de Maastricht, on est bien d'accord, le fameux 300. – Mais ça, ça existe déjà.
17:51– Ça existe déjà ? – Oui, on a la possibilité. Donc dans le pacte qui a été révisé, on a cette possibilité.
17:56Alors maintenant, vous avez raison, il faut que la Commission le lève sans tarder. J'espère qu'elle va le faire très vite.
18:01Et parce que précisément, lorsque l'on investit massivement et qu'on dépasse ces 2 %, oui, j'estime que du reste, on devrait...
18:10Parce que c'est pour l'intérêt général européen, on devrait le retirer, donc, des critères du pacte de stabilité. C'est une clause qui existe, il faut l'activer maintenant sans délai.
18:19– Dites-moi, Friedrich Merz a gagné l'élection, même s'il y a eu une forte poussée de l'extrême droite en Allemagne, l'AfD,
18:25mais a gagné ces élections, le leader de la CDU et CSU. Il sera chancelier, il va composer un gouvernement.
18:34Qu'a-t-il déclaré ? J'ai retenu, vous aussi, ma priorité, je le cite, ma priorité absolue sera de renforcer l'Europe le plus rapidement possible
18:42afin que nous obtenions peu à peu une véritable indépendance vis-à-vis des États-Unis.
18:48Je n'aurais jamais cru devoir dire cela lors d'une émission de télévision. Voilà ce qu'il a déclaré.
18:52– Et moi-même, je n'aurais jamais cru pouvoir l'entendre de mon vivant. Pourquoi je vous dis ça ?
18:58Parce que l'Allemagne est le pays, s'il y en a un, qui s'est mis, juste après-guerre, sous dépendance quasi-totale des États-Unis d'Amérique
19:08pour sa défense. Et souvenez-vous combien de fois nous avons dit à l'Allemagne, il faut maintenant être plus autonome, plus indépendant.
19:16Et l'Allemagne était sous cette dépendance. Friedrich Merz, que je connais, est sans doute parmi les hommes politiques allemands
19:24l'un de ceux qui connaît le mieux les États-Unis d'Amérique, l'un de ceux qui a été les plus atlantistes.
19:29Il a dû rester travaillé pendant de nombreuses années dans un fonds BlackRock.
19:34Et il connaît parfaitement, il aime les États-Unis comme moi j'aime les États-Unis, vous le savez bien,
19:38je travaillais aussi aux États-Unis, donc on se connaît bien. Et là, il vient de changer totalement, je dirais, de posture,
19:46suite en particulier au fameux discours, bien entendu, de G. Davids à Munich, c'est là qu'il a changé, il a compris.
19:53Et avec lui, je peux vous le dire, j'étais en Allemagne la semaine dernière, toute l'Allemagne a compris que désormais,
19:58eh bien c'était un nouvel air qui s'ouvrait. Il est même allé jusqu'à dire, tenez-vous bien, il est même allé jusqu'à dire
20:05qu'il était peut-être temps de discuter avec la France et avec la Grande-Bretagne. Tiens, tiens, de nouveau les voilà,
20:13les deux seules puissances dotées européennes pour se mettre désormais sous parapluie nucléaire potentiellement
20:18français et britannique et plus uniquement américain. C'est une révolution. On verra s'il le fait, on verra.
20:25— Mais Thierry Breton, est-ce que la France doit mettre sa force nucléaire à disposition de l'Europe ?
20:30— D'abord, il est hors de question que le fait de pouvoir exercer ce pouvoir ultime soit partagé. Hors de question.
20:38Donc il n'est pas question, je le redis, que jamais ça ne sera. En revanche, tous les présidents de la 5e République
20:46depuis le général de Gaulle ont dit, chacun avec ses mots, que l'usage de cette dissuasion devait avoir également
20:55donc une dimension européenne, sans jamais le préciser, parce que l'ambiguïté stratégique fait partie évidemment aussi
21:02de la dissuasion. Eh bien il est peut-être temps, précisément, maintenant que cette main vient d'être tendue.
21:07Parce que voyez-vous, tant qu'elle n'est pas tendue, il y a toujours cette dépendance ultime. Et quand on est transactionnel
21:12comme Donald Trump, on le fait payer. Le fait que l'Allemagne, eh bien, abandonne cette doctrine, où soit près, on verra bien,
21:19parce que c'est une proposition, me semble être aussi important, si jamais ça devait se réaliser, que lorsque l'Allemagne
21:25a décidé d'abandonner le deutschmark pour passer à l'euro. Donc voyez-vous, on disait ça tout à l'heure, dans les moments historiques,
21:33et je le redis avec vous ce matin, nous vivons un moment historique, eh bien c'est peut-être le temps de voir des mouvements
21:39très importants pour l'Europe. Si jamais Friedrich Metz met en oeuvre ce qu'il vient de dire, on verra aussi qu'elle va être la coalition...
21:47— Que la France devrait discuter avec l'Allemagne de ses forces nucléaires. — Attention, attention. Il ne s'agit pas que de la France.
21:53Il s'agit... Et je crois que c'est très important. Il s'agit de la France et de la Grande-Bretagne. Et c'est pour ça que, personnellement,
21:58je pense que si jamais ceci devait se faire, mais encore une fois, ça appartiendra évidemment et au président de la République
22:04et au Premier ministre britannique de discuter. Vous le comprenez, c'est un sujet extraordinairement sensible.
22:09Me semble-t-il, ceci devrait être fait dans le cadre d'un pilier européen de l'OTAN. Il va falloir renforcer notre pilier européen de l'OTAN.
22:16On sait que Donald Trump a plutôt envie aujourd'hui de réduire la position des États-Unis au sein de l'OTAN. Très bien.
22:25À charge pour nous, Européens, peut-être de renforcer notre pilier européen de l'OTAN. Et quand je dis pilier européen de l'OTAN,
22:31ça comporte évidemment l'Union européenne, mais aussi les pays qui l'entourent, la Norvège, bien entendu la Grande-Bretagne.
22:38Et donc tous ceux qui ne sont pas américains, mais qui veulent consacrer, je dirais, cette coopération parce qu'elle est protectrice,
22:46en particulier quand on a un voisin comme la Russie désormais. — J'avais envie de terminer pour avoir votre avis.
22:52Parce que j'entends dire ça et là les États-Unis sont sur la route d'une dictature. Est-ce que vous le pensez ?
22:59— Non, je ne crois pas. Je connais bien les États-Unis. Je vous les redis. J'y ai vécu, j'y ai travaillé, j'y ai enseigné.
23:06Les États-Unis, c'est aussi, comme on dit en... Pardon de cette expression en anglais à votre micro ce matin, mais les « check and balances »,
23:11c'est-à-dire qu'il y a aussi des contre-pouvoirs. C'est ça qui fait la grandeur de cette démocratie.
23:16Je rappelle aussi, cette démocratie, que nous avons contribué à bâtir. Nous, en particulier, nous Français.
23:22Par parenthèse, et c'est nous qui avons la liberté d'expression, qui est née de la Révolution française,
23:29qui l'avons transmise aux États-Unis, et pas l'inverse. Je veux dire ce moment parce qu'on a l'impression que ça viendrait un peu de l'autre côté.
23:34Donc rendons à César, si vous permettez, ce qui est à César. Cette grande démocratie... D'abord, c'est vrai que quand on est président des États-Unis,
23:42on est président du pays le plus puissant du monde, en tout cas aujourd'hui. On verra ce qui se passera dans les décennies à venir avec la Chine.
23:49Et les pères constituants des États-Unis ont veillé à ce que ce pouvoir, il soit partagé. D'abord, au bout de deux ans, il y a de nouveau des élections.
23:59Ça limite évidemment potentiellement un pouvoir si jamais celui-ci sortait de cette expression un petit peu d'éclou. Et puis on n'est là que pour 4 ans.
24:08Et j'ajoute aussi que parce que c'est un État fédéral dans lequel la justice est aussi à la main des États eux-mêmes...
24:19— Oui, oui. Des admissaires-gens des États. — On va voir ce qui va se passer. Aujourd'hui, beaucoup de décisions sont prises.
24:26— Ces deux hommes vous inquiètent, Trump et Musk ? — D'abord, je sais qu'on les compare, mais ils sont absolument pas comparables, pardon de le dire aussi.
24:34Il y en a un qui a juste été élu président des États-Unis d'Amérique. C'est le président. Il y en a un autre, on sait pas... Alors on sait qui il est.
24:41Mais on sait pas ce qu'il fait. On sait pas quelle est sa légitimité. Vous savez, les chefs d'État, bon, ils sont élus. Les ministres, en tout cas, aux États-Unis,
24:51ils vont passer devant le Congrès pour être validés ou pas. Les commissaires européens, on dit souvent « Ah bah vous êtes pas élus ». Mais comment ça ?
24:59On me dit « Vous êtes pas élus » quand on était commissaire européen. Ah bon, on n'est pas élus ? Eh ben allez donc devant le Parlement européen
25:05savoir si on vote pour vous ou pas. J'ai devenu moi-même commissaire européen parce que ma prédécesseure n'avait pas obtenu le soutien du Parlement.
25:15Donc nous... Mais lui, rien. Alors il sort d'où, lui ? Alors c'est quoi, sa légitimité ? Et c'est ces questions. Si jamais, précisément...
25:22— C'est là où le doute s'installe. — Ah bah le doute s'installe. Alors il y a un doute qui s'installe sur les conflits d'intérêts. Mais je veux pas rentrer là-dedans
25:28parce que c'est un autre sujet. Mais sur la légitimité aujourd'hui de pouvoir, je dirais, décider de la vie professionnelle de dizaines de milliers,
25:38peut-être même centaines de milliers de civil servants, c'est-à-dire de fonctionnaires américains qui ont décidé de consacrer leur vie pour servir l'État
25:46et qui, du jour au lendemain, se trouvent à être quasiment licenciés par un email, est-ce que ceci sera légal ? Eh bien nous allons voir.
25:53— Bien. Merci, Thierry Breton, d'être venu nous voir ce matin sur l'antenne de Sud Radio. Il est quelle heure ? Il est presque 9 h. Patrick Roger, avec nous, juste après.

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