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Vendredi 16 mai 2025, retrouvez David Père (Associé, Addleshaw Goddard), Julien Moiroux (Associé, Simmons & Simmons) et Nathalie Cerqueira (Associée, Bersay) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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Transcription
00:00Générique
00:30Bonjour, bienvenue dans Lex Inside, l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique du droit, du droit et rien que du droit.
00:38Au programme de ce numéro, on va parler harcèlement ascendant.
00:41Ce sera dans quelques instants avec mon invité Nathalie Cerquera, avocate associée au sein du cabinet Berset.
00:48On évoquera également la première Cégip pour Entente Illicite avec David Perre, avocat associé chez Adolf Scho Godard.
00:55Et enfin, on parlera délai de paiement dans les marchés publics avec Julien Moirou, avocat associé chez Simons & Simons.
01:03Voilà pour les titres Lex Inside, c'est parti !
01:10On commence tout de suite ce Lex Inside, on va parler du harcèlement ascendant avec mon invité Nathalie Cerquera, avocate associée au sein du cabinet Berset.
01:24Nathalie Cerquera, bonjour !
01:26Bonjour !
01:27Alors, pour commencer, on va parler de la définition du harcèlement ascendant.
01:32Qu'est-ce que c'est et en quoi diffère-t-il du harcèlement descendant traditionnel ?
01:38Alors, le harcèlement, il est défini par la loi, par le Code du travail, comme des agissements répétés,
01:46qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail et qui sont susceptibles de porter atteinte à la dignité et à l'avenir professionnel du salarié.
01:57Après, la loi ne définit pas de sens.
02:01Il peut être vertical, c'est également ce que vous évoquiez comme le harcèlement descendant ou ascendant.
02:07Il peut être horizontal également, entre des collègues ou venir de l'extérieur.
02:10Maintenant, la particularité du harcèlement ascendant, c'est qu'il s'agit d'un manager qui se fait harceler par un subordonné.
02:18La situation est plutôt rare, mais elle existe et elle est sanctionnée de la même manière par les juges, comme un harcèlement descendant, finalement.
02:29Ce que la Cour de cassation, parce qu'il y a peu d'arrêts, mais il y a un arrêt de 2011 où la Cour de cassation a écarté l'arrêt de la Cour d'appel,
02:39la décision de la Cour d'appel qui avait ajouté à la loi cette condition d'un état de subordination.
02:44Et la Cour de cassation a dit que nenni, il n'est pas nécessaire qu'il y ait un lien de subordination
02:49et un manager peut parfaitement être harcelé, faire l'objet de ses assauts de la part d'un salarié qui lui tient des propos injurieux,
02:58qui n'obéit pas à ses instructions, qui, en l'occurrence, c'était un éducateur qui venait en short au travail,
03:10alors que ça lui avait été interdit, qui avait envoyé un e-mail obscène et qui, de manière ostentatoire, devant ses collègues, dénigrait finalement son manager.
03:20Alors, l'issue a été tragique parce que le manager s'est suicidé et ce sont probablement les ayants droit qui ont engagé ces poursuites.
03:27Mais la Cour de cassation a effectivement condamné, a reconnu qu'il s'agissait d'une situation de harcèlement moral ascendant.
03:33Donc, on a les définitions en tête. Le droit français, il encadre les situations de harcèlement.
03:38Concrètement, quelles sont les conditions légales pour qu'une situation soit reconnue comme harcèlement moral ascendant ?
03:45Alors, vous l'avez un peu dit là, mais concrètement, qu'est-ce qu'il faut ?
03:49Alors, il faut des agissements répétés. Il ne s'agit pas d'un agissement isolé, d'un excès de colère, par exemple.
03:56Donc, il faut vraiment qu'il y ait une répétition. Il faut qu'on vérifie la matérialité des faits.
04:00Donc, il y a toute une enquête qui doit être menée. C'est la première chose à faire par l'employeur qui est informé d'une potentielle situation
04:08de harcèlement. Donc, il faut d'abord mettre en sécurité la victime, on pourra y revenir, et après, mener l'enquête
04:13pour vérifier s'il y a effectivement une situation de harcèlement. Donc, collecter des témoignages, déterminer
04:19quels sont les témoins qu'on va entendre, quels sont les témoins pertinents.
04:22Donc, on va faire comme un cercle concentrique autour du binôme harceleur potentiel et victime,
04:28pour voir qui a pu être témoin de leurs échanges.
04:31Pour recueillir tous les éléments de preuve.
04:32Exactement. Et également autour de la victime, pour vérifier, pardon, autour du harceleur potentiel,
04:38pour voir s'il n'aurait pas d'autres victimes. Parce qu'il faut également envisager que cet individu
04:43ait ce comportement-là à l'égard d'autres salariés de l'entreprise.
04:47Donc, il faut faire déterminer ce périmètre d'enquête, mener l'enquête, qualifier les faits,
04:52vérifier si ça colle avec la définition légale que vous évoquiez. C'est-à-dire, est-ce qu'il y a eu
04:57des agissements répétés ? Est-ce que ces agissements sont, pardon, ont pour objet ou pour effet ?
05:04Donc, l'intention n'est pas nécessaire. Ils peuvent simplement avoir pour effet de dégrader
05:09les conditions de travail, de mettre donc la victime en situation d'inconfort,
05:15et puis susceptible de porter atteinte à la santé, à la dignité du salarié.
05:19Et donc, cette condition d'être susceptible d'eux, ça veut dire qu'il n'est pas nécessaire,
05:24on n'a pas besoin de constater des arrêts maladie ou vraiment un état, des conséquences
05:31graves sur la victime. L'existence de ces agissements répétés anormaux, qui n'ont pas lieu d'être
05:38sur le lieu de travail et qui peuvent dégrader les conditions de travail, sont suffisants.
05:44Alors après, on regarde si, à long terme, c'est susceptible de porter atteinte à la dignité,
05:47à la santé, etc. Et si une victime veut, à l'appui de ces éléments, porter l'action
05:53en justice, quel est le délai de prescription ?
05:56Alors, devant les juridictions civiles, c'est 5 ans, parce qu'on est en matière de harcèlement
06:02moral. Donc, la victime a 5 ans à partir du moment où elle connaît les faits, où elle
06:06a tous les éléments en main pour être capable de le qualifier. Et au pénal, elle a 6 ans.
06:12D'accord.
06:12Donc, c'est un délai qui est assez long. Au civil, elle peut tant engager une action
06:18pour faire reconnaître le harcèlement moral, mais également, elle peut contester un licenciement
06:22qui est intervenu dans un contexte de harcèlement moral. C'est-à-dire que si elle saisit, en
06:28principe, un licenciement, on a un an pour le contester. Mais si la victime est capable de
06:34démontrer qu'il y a eu un harcèlement moral et que son licenciement est lié, par exemple,
06:38si on a licencié cette personne pour inaptitude. Si elle dit « oui, mais j'étais inapte
06:42parce que j'ai été victime de harcèlement moral et ce harcèlement a dégradé ma santé
06:47et je ne pouvais plus fournir le travail, la qualité de travail ».
06:50Le délai s'allonge, c'est ça ?
06:51Tout à fait. Il passe à 5 ans.
06:53Et quelles sont les sanctions pour le harcèleur, les sanctions prévues ?
06:57Alors, le harcèleur, en lui-même, il peut d'abord être licencié. Son employeur
07:02qui mène l'enquête, la première chose qu'il va sans doute faire...
07:05Ça semble normal.
07:06Voilà. Il le licencie pour faute grave. C'est la faute grave qui est retenue.
07:10Après, la victime peut également saisir les juridictions pour obtenir des dommages
07:16d'intérêt. Donc ça, c'est au civil, plutôt, pour le défaite de harcèlement moral.
07:21Il peut également agir au pénal et là, obtenir les peines qui sont prévues en cas
07:27de harcèlement moral, c'est-à-dire deux ans d'emprisonnement et jusqu'à 30 000 euros
07:31d'amende. C'est assez rare. La peine d'emprisonnement est rarement prononcée et
07:36les dommages d'intérêt, c'est en fonction du préjudice subi.
07:41On va s'intéresser à la responsabilité de l'employeur. Est-ce qu'il peut être tenu
07:45responsable s'il n'agit pas par négligence, par exemple ?
07:48Tout à fait. Bien sûr, l'employeur a une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés.
07:55Donc à ce titre, il peut être poursuivi et sanctionné à verser des dommages d'intérêt
08:00pour compenser le préjudice subi par le salarié. Il peut également être poursuivi au titre
08:05de son obligation de prévention, de prévention de santé, obligation de protéger la santé
08:11et la sécurité de ses salariés et également avoir à verser des dommages d'intérêt.
08:15Alors, le cumul des deux est conditionné à démontrer des préjudices distincts.
08:21Mais bon, ce sont les types d'actions qui peuvent être menées à l'encontre de l'employeur.
08:27D'où la nécessité et pour que l'employeur puisse se libérer de sa responsabilité,
08:33il doit être en mesure de prouver que, un, il a immédiatement fait cesser la situation
08:39de harcèlement et, deux, qu'il avait en amont pris des mesures pour prévenir
08:44ces situations de harcèlement. Et ça, c'est un travail de longue haleine
08:48que les employeurs doivent mener au sein de l'entreprise en amont
08:51pour sensibiliser les salariés, notamment les managers, pour qu'ils soient capables
08:56d'identifier des situations de harcèlement. Alors, on est plutôt dans des hypothèses
09:00de harcèlement descendants, mais également pour donner les clés à un manager
09:05d'identifier parmi ses équipes des situations de harcèlement.
09:09Donc, c'est important de former son personnel.
09:11Voilà, les sensibiliser. Également, on peut désigner des référents au sein de l'entreprise
09:18vers qui les salariés peuvent se tourner s'ils sont victimes ou témoins de harcèlement.
09:23On peut solliciter également le CSE. Il y a tous ces relais,
09:27toutes ces béquilles qui peuvent exister au sein de l'entreprise pour soit éviter,
09:32soit agir si jamais une situation de harcèlement moral fait jour.
09:35Pour terminer, rapidement, vous avez dit qu'il y a un arrêt sur cette question.
09:39Est-ce qu'il y a d'autres arrêts récents ou une tendance jurisprudentielle en la matière
09:43qui sanctionnerait sévèrement, par exemple, de tel comportement ?
09:47Sur le harcèlement ascendant, il y a assez peu de jurisprudence.
09:49Il y a un arrêt récent de la Cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion
09:53dans lequel la Cour d'appel a annulé un licenciement d'une salariée
10:00qui avait dénoncé des faits de harcèlement.
10:03C'est-à-dire qu'elle dénonce à son employeur être victime d'un harcèlement ascendant
10:09de la part d'un subordonné.
10:11Et non seulement elle n'est pas protégée, mais elle est licenciée
10:14pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral,
10:17de mauvaise foi et dans l'intention de nuire à la société.
10:19Or, la Cour d'appel a annulé ce licenciement et dit, au contraire,
10:29il existe dans le rapport des faits qui démontrent une situation de harcèlement.
10:35La situation était particulière, et c'est sans doute la raison pour laquelle
10:37la société a tardé et n'a pas protégé cette salariée,
10:42c'est que le harceleur était un salarié protégé, un membre du CSE.
10:46C'est vraiment une situation particulière.
10:48On va conclure là-dessus.
10:50Merci Nathalie Serquera.
10:51Je rappelle que vous êtes associée au sein du cabinet Berset.
10:54Merci beaucoup.
10:55Tout de suite, on va passer à un sujet d'actualité.
10:58On va parler de la première CIGIP en matière d'entente.
11:02On poursuit ce Lex Inside et on va parler de la première CIGIP pour entente illicite
11:18avec mon invité David Perre, avocat associé chez Adelcho Godard.
11:22David Perre, bonjour.
11:23Bonjour Arnaud.
11:24Le 10 février dernier, la première CIGIP pour entente illicite a été conclue
11:30entre le parquet national financier et la société PAPREC.
11:34En quoi la CIGIP conclue avec PAPREC marque-t-elle une rupture dans l'articulation
11:40entre droit pénal économique et droit de la concurrence ?
11:44Alors, comme vous l'avez dit, on a une CIGIP qui, pour la première fois, va porter
11:49sur des faits d'entente illicite.
11:54Jusqu'à présent, en droit français, on avait d'une part les entreprises qui étaient
11:59poursuivies pour des activités anti-concurrentielles devant l'autorité de la concurrence et on
12:05avait les personnes physiques à l'intérieur de ces mêmes entreprises qui pouvaient être
12:10poursuivies au niveau pénal devant les juridictions correctionnelles.
12:15C'est vrai qu'il n'y avait pas beaucoup de poursuites de ces personnes physiques.
12:20Et ça, ça existe depuis 1986 et ça a évolué au fil du temps puisque en 2020, on a le
12:27PNF qui a obtenu une compétence sur les faits d'entente anti-concurrentielle, ce qui
12:35n'était pas le cas jusqu'à présent.
12:36Donc, il y a eu une volonté législative de centraliser ces poursuites.
12:43Mais là, vous avez le PNF qui a réussi à poursuivre une personne morale, ce qui est
12:48nouveau au pénal, et aussi à signer une CIGIP.
12:52Ça veut dire quoi concrètement ? Jusqu'à présent, les entreprises considéraient que
12:57leur interlocuteur naturel, c'était l'autorité de la concurrence pour les problématiques
13:01anti-concurrentielles.
13:02Là maintenant, ce n'est plus le cas, ça peut être aussi le PNF.
13:07Alors, pour bien comprendre, revenons aux faits.
13:10Quels étaient les faits reprochés à PAPREC ?
13:12Alors, vous aviez, bon, c'est une enquête qui commence en 2020 à peu près, qui porte
13:19sur des faits assez classiques que nous connaissons bien en matière de droit pénal des affaires,
13:23avec du blanchiment de fraude fiscale, avec de la corruption et du recel de favoritisme.
13:31Ça, c'est assez classique.
13:32On considérait que cette entreprise, et je le dis en lisant la CIGIP, puisque c'est
13:38public, avait retiré des espèces pour pouvoir obtenir des marchés.
13:42Bon, ça, c'est assez classique.
13:43La nouveauté, c'est qu'en plus de ça, ils se seraient entendus avec les personnes
13:50de leur secteur pour porter atteinte à la concurrence.
13:53Donc, on tente.
13:55Et c'est devenu, on va dire, c'est une nouveauté.
13:59Parce qu'au lieu d'avoir deux procédures, comme on a vu dans d'autres affaires, notamment
14:04une affaire qui a donné lieu à une très forte amende en 2024 dans le matériel électrique,
14:08où il y avait d'une part la procédure ADLC, autorité de la concurrence, qui prend
14:14son temps, qui a ses propres procédures et qui n'a pas les mêmes règles.
14:19Aujourd'hui, on a une seule procédure qui a donné lieu à cette CIGIP.
14:23Alors, justement, une seule procédure, ça veut dire quoi ? C'est quelles sont les
14:27conséquences de cette CIGIP sur la gestion des risques juridiques en entreprise ?
14:32Alors, je pense que ça doit interpeller les directions juridiques et vos auditeurs parce
14:37que ça doit changer un petit peu les codes.
14:40Comme je l'ai dit tout à l'heure, précédemment, nous avions la direction concurrence des
14:46grands services juridiques qui s'occupaient de gérer les visites de l'autorité de la
14:50concurrence ou de la commission.
14:52Et puis, vous aviez le service contentieux ou les grands contentieux qui s'occupaient
14:56du droit pénal.
14:57Là, on voit que la frontière a été brouillée entre ces deux problématiques et que donc,
15:02on ne peut pas travailler uniquement en silo parce qu'on va rater et on va mettre en
15:07danger l'entreprise.
15:08Alors, comment on doit travailler ?
15:09Alors, ça veut dire que le service juridique doit ne plus travailler en silo et travailler
15:14concurrence et pénale en même temps, d'une part.
15:18Mais ça veut dire aussi qu'il faut anticiper les visites du régulateur ou les visites de
15:24la police.
15:24C'est parce que lorsqu'on vient chez vous en perquisition pénale, ce qui risque d'être
15:28le cas à l'avenir, on a beaucoup plus de pouvoir que lorsqu'on vient chez vous et
15:32qu'on est l'autorité de la concurrence.
15:33On peut saisir plus de choses, on peut aller regarder les e-mails et vous savez que le
15:38secret professionnel de l'avocat est vraiment en danger en ce moment.
15:42Donc, on doit procéder à une hygiène numérique plus forte au sein des entreprises, des
15:46directions juridiques, dès que ça touche à la concurrence, pour se mettre en oeuvre
15:49de prêt si on a une perquisition pénale.
15:53Et concrètement, comment on s'y prépare ?
15:56Alors, vous avez normalement des down-rate procédures qui existent où vous devez prévenir,
16:02enfin, tout est prévu au niveau de l'entreprise en cas de visite.
16:06La différence, c'est que là, il faut se préparer à l'option la plus invasive.
16:11Vous savez très bien que l'autorité de la concurrence va saisir un certain nombre
16:14de documents.
16:14Moi, j'ai vu que dans certains dossiers, on ne prenait pas les consultations d'avocats
16:19par l'autorité de la concurrence parce qu'on considérait que c'était confidentiel.
16:22On sait très bien que la police et les juges d'instruction peuvent les prendre.
16:27Il y a des arrêts de mars 2025 qui sont assez réducteurs de ce arrêt professionnel.
16:32Donc, il faut avoir des procédures de visite qui sont à jour.
16:36Et puis, il faut faire des exercices parce que quand on a des procédures, c'est très
16:39bien.
16:40Mais tant que ça reste sur le papier, ça ne marche pas.
16:41Il faut les vivre.
16:42Il faut les faire vivre.
16:43Il faut que les avocats ou des cabinets de conseil fassent un exercice dans l'entreprise.
16:48Alors, vous-même, vous faites des exercices.
16:51Comment ça se passe ?
16:52Eh bien, écoutez, on prépare, on va dire, un cas fictif ou un cas réel.
16:57Une entreprise qui nous dit « je pense qu'on a un problème dans tel ou tel dossier ».
17:02Aidez-nous à vérifier que notre procédure d'un raid est effective, que les gens sont
17:06au courant et qu'on ne va pas dire n'importe quoi.
17:10sachant que ça complique les choses avec le télétravail, évidemment, puisqu'aujourd'hui,
17:13pour faire une perquisition dans l'entreprise, on a une chance sur l'autre de tomber sur
17:17les personnes.
17:19Et nous, on l'a fait encore récemment à la Défense, dans un grand groupe, où on
17:23avait tout préparé et on est allé mettre, comment dire, vérifier si l'accueil suit
17:30bien la procédure, si les personnes interrogées suivent bien les procédures, ne disent pas
17:34trop de choses, ne donnent pas trop de documents.
17:36Et on a vu qu'une chose qui est écrite, c'est un point, mais la réalité, c'est
17:43une autre chose.
17:44Est-ce que cette décision, cette porosité entre droit pénal et droit de la concurrence,
17:50ça veut dire que le PNF va chercher encore à élargir ses compétences dans d'autres
17:54domaines ? Est-ce que vous sentez des tendances à venir ?
17:56Alors, je ne sais pas s'il y aura d'autres domaines.
17:59Le droit de la concurrence, le PNF l'avait dit de façon très claire, il voulait élargir,
18:03il voulait se saisir de ce domaine.
18:06Ils ont dit dans leur rapport à l'activité récemment qu'ils avaient 16 procédures
18:09en cours sur des problématiques anti-concurrentielles.
18:12Donc, je pense que pour celui qui lisait ces synthèses, c'était très clair.
18:16Après, évidemment, que la direction juridique et le directeur juridique des entreprises
18:20doivent se poser ces questions-là pour essayer de prémunir l'entreprise des risques à venir.
18:26C'est tout l'enjeu de notre présence ici aujourd'hui et c'est tout l'enjeu de la direction
18:30juridique.
18:30Comment les directions juridiques doivent éviter de se retrouver, vous avez donné
18:36quelques clés, mais face à ces changements normatifs soudains, c'est une première inédite,
18:43comment éviter de se retrouver dans ce type de situation ?
18:46Je pense qu'on n'a pas de boule de cristal, donc évidemment, il faut faire de la perspective
18:49puisque le rôle de la direction juridique, c'est d'anticiper les problématiques à venir,
18:54que ce soit l'intelligence artificielle, que ce soit les contentieux climatiques,
18:58enfin, toutes ces problématiques émergentes dont vous parlez beaucoup dans votre émission.
19:03En revanche, je pense qu'il faut bien se dire qu'avec tout ce qui se passe même aux Etats-Unis,
19:10le régulatory et les défenses pénales vont être amenées à avoir de plus en plus de rôles en France
19:16et que donc, il faut avoir une hygiène numérique extrêmement importante.
19:20On va conclure là-dessus.
19:22Merci David Perre, je rappelle que vous êtes associé au sein du cabinet Adolcho Godard.
19:26Merci Arnaud.
19:26Tout de suite, on va passer à la troisième partie de notre émission.
19:30On va parler des retards dans les délais de paiement en matière de marché public.
19:45On va parler délais de paiement dans les marchés publics avec mon invité Julien Moiroux,
19:50associé chez Simons & Simons.
19:52Julien Moiroux, bonjour.
19:53Bonjour Arnaud.
19:54Le Portugal et la Slovaquie ont été récemment condamnés par la CGE pour des retards de paiement
20:00en matière de marché public dans le secteur de la santé.
20:04Quelle leçon la France peut-elle tirer de ces décisions de justice européennes ?
20:09Ces décisions de la Cour de justice rappellent que le respect des délais de paiement est une obligation européenne.
20:15La France, qui connaît elle aussi des difficultés systémiques sur ces délais de paiement,
20:20pourrait donc se voir exposée à un contentieux similaire si des mesures structurelles ne sont pas prises rapidement.
20:27Les retards de paiement des acheteurs publics semblent s'aggraver en France, particulièrement dans le secteur de la santé.
20:33Quelles sont les causes principales selon vous et quels sont les impacts les plus graves de ces retards sur le tissu économique industriel français ?
20:41Sur les causes, c'est difficile à cerner précisément.
20:46Peut-être que la Cour des comptes pourrait d'ailleurs se saisir du sujet pour mener une enquête.
20:50Mais on peut penser qu'il y a trois causes majeures.
20:53Un sous-dimensionnement des budgets, notamment dans les hôpitaux publics français.
20:59Des lourdeurs administratives internes.
21:01Et puis l'absence de sanctions effectives en cas de non-respect des délais de paiement.
21:06Parce qu'on voit qu'il existe des intérêts moratoires dont le taux est élevé dans les marchés publics en France.
21:12Mais ça ne vient pas éliminer ces retards de paiement.
21:15J'ajoute une quatrième cause qui est plus ponctuelle, mais que j'ai rencontrée dans mes dossiers.
21:19C'est les désorganisations qui résultent de cyberattaques.
21:24Dont certains hôpitaux publics français ont pu être victimes ces dernières années.
21:28Ou des collectivités territoriales.
21:30Et ces désorganisations qui résultent de cyberattaques entraînent des retards de paiement en bout de chaîne qui impactent les fournisseurs.
21:38Et sur les impacts les plus graves sur le tissu industriel français ?
21:43Ces impacts sont d'abord sur la trésorerie des PME.
21:46Ça va fragiliser la trésorerie des PME.
21:49Et par suite freiner l'innovation.
21:51Puisque leur trésorerie étant impactée, elles vont avoir une capacité d'investissement moindre.
21:56Et enfin, on peut penser que ça conduira à des défaillances de certains acteurs.
22:02Dans des secteurs clés comme la santé, ça pourrait aussi avoir des impacts beaucoup plus larges que simplement la trésorerie des entreprises.
22:08On pense aux patients notamment.
22:09Bien sûr.
22:10Alors, en droit des marchés publics, il n'est pas possible pour les entreprises de suspendre l'exécution de leurs obligations en cas de retard de paiement.
22:18Dans ce contexte, comment les entreprises peuvent-elles se protéger ?
22:22Alors, d'abord, effectivement, l'exception d'une exécution n'est pas permise dans les marchés publics.
22:29En tout cas, c'est un sujet qui fait débat.
22:31Donc, pour mieux se protéger, les entreprises devraient, lorsque c'est possible, favoriser la négociation contractuelle
22:36pour essayer d'insérer des modalités de paiement plus contraignantes pour les acheteurs,
22:41avec des pénalités supplémentaires en cas de non-respect des délais.
22:44Mais en aval, ce qui est important pour les entreprises, c'est de documenter systématiquement les livraisons,
22:51les travaux qu'elles réalisent pour l'administration, avec les bons de commande qu'elles ont reçus,
22:57les bons de livraison qui sont le résultat de la livraison,
23:00et puis la facture en bout de chaîne pour avoir toute la chaîne complète de paiement
23:04et pouvoir, s'il y a besoin, documenter en cas de litige.
23:07Les produire en justice pour faire évaluer après le préjudice, c'est ça ?
23:11Le préjudice, mais surtout d'abord, évaluer précisément le montant de la créance,
23:16qu'elle ne soit pas contestable de la part de l'acheteur public.
23:19Alors, en effet, le droit offre plein de leviers d'action en la matière.
23:23Quels sont les outils juridiques qui sont disponibles ?
23:26Il y a des outils non contentieux et puis il y a des outils contentieux.
23:29Dans les outils non contentieux, il y a des outils contractuels,
23:32demander une avance, c'est parfois de droit même dans les marchés publics,
23:35donc il ne faut pas hésiter à la demander, une avance sur les montants dus au titre du marché.
23:42Il y a des accomptes qui peuvent être versés par les acheteurs publics.
23:45Donc il y a certains outils comme ceux-ci qui peuvent être utilisés à bon escient par les entreprises.
23:50Et puis si cela ne suffit pas, si les délais s'accumulent,
23:53alors il y a également des voies de recours devant le juge administratif en matière de référé-provision,
23:59ce qui permet généralement d'obtenir le versement rapide d'une provision de la part du juge administratif correspondant aux factures impayées.
24:07Les tendances de la jurisprudence en la matière, on obtient facilement satisfaction entre guillemets si c'est bien documenté ?
24:14Si c'est bien documenté, on obtient satisfaction.
24:17Parfois pour la totalité de la créance due, il faut simplement bien vérifier au préalable
24:22que les procédures de règlements amiables de différents ont été suivies.
24:29Et dans les contrats, il est généralement nécessaire d'envoyer certains documents,
24:32un mémoire de réclamation à l'administration avec certaines mentions
24:36pour que cela permette de lier le contentieux qui s'ensuit devant le juge.
24:42Alors vous l'avez dit, le contexte n'est pas favorable,
24:45notamment dans le domaine de la santé où la situation pourrait conduire à des catastrophes.
24:50Les réformes sont donc nécessaires.
24:52Quelles mesures concrètes pourraient être mises en œuvre en matière de marché public ?
24:57Alors ça, on laissera le politique décider de ce qui est le plus pertinent,
25:01mais on peut proposer deux, je pense, mesures concrètes.
25:05La première, c'est de dématérialiser totalement le paiement,
25:09généraliser la dématérialisation du paiement en miroir de la facturation
25:13qui est déjà dématérialisée dans les marchés publics.
25:16J'avais en 2017 publié une étude sur l'utilisation de la blockchain à cet effet,
25:20qui permettrait d'automatiser les paiements dans les marchés publics
25:24si les conditions sont remplies.
25:26Et les sécuriser aussi.
25:27Et sécuriser.
25:27Donc finalement, ce serait bénéfique pour tous les acteurs du secteur.
25:32Et puis la deuxième mesure concrète qu'on peut imaginer,
25:35c'est que l'État français pourrait décider de conditionner des aides budgétaires
25:39aux collectivités et aux établissements publics au respect des délais de paiement.
25:43Est-ce qu'il n'y a pas aussi des recommandations à faire au pouvoir public
25:46pour soutenir les entreprises qui répondent aux marchés publics ?
25:50Il y a déjà beaucoup de mesures mises en place par le gouvernement
25:54pour favoriser l'aide aux PME.
25:57Ça a été le cas pendant le Covid.
26:00Et après le Covid, justement, quand il y a eu une forte inflation
26:02qui a nécessité que des mesures soient prises pour les entreprises.
26:06Mais on peut imaginer que l'État pourrait mettre en place un fonds d'avance
26:11pour les entreprises qui sont titulaires de marché public
26:14et qui pourraient ainsi bénéficier de paiements d'avance
26:17en plus de celles qui sont prévues par le contrat,
26:20dès lors qu'elles peuvent justifier de prestations réalisées.
26:24Pour terminer, comment vous voyez l'évolution des délais de paiement
26:27en matière de marché public ?
26:30Ils devront nécessairement être réduits parce que sinon,
26:33comme on l'a dit en introduction, la France s'expose à une possible action
26:37en manquement par la Commission européenne.
26:39Mais au-delà de ça, je pense que l'État doit intervenir
26:45pour sécuriser budgétairement, je pense aux établissements publics de santé,
26:48notamment, qui sont assez fragilisés en ce moment,
26:51afin de réduire ces délais sensiblement.
26:53Parce qu'aujourd'hui, moi, je vois dans mes dossiers
26:55des délais de 200, 300, voire plus, 300 jours, voire plus,
26:59ce qui est considérable par rapport à un délai de paiement
27:01qui, normalement, est fixé à 50 jours.
27:03Oui, et puis ça met des entreprises dans de graves difficultés.
27:06Pour terminer, est-ce qu'il y a des voisins européens
27:10dont on pourrait s'inspirer, qui auraient des délais plus courts ?
27:14Aucune idée.
27:15Vous n'avez pas l'idée sur cette question ?
27:17On va terminer là-dessus.
27:19Merci pour votre éclairage.
27:21Julien Moiroux, je rappelle que vous êtes associé
27:23au sein du cabinet Simons & Simons.
27:25Merci.
27:26C'est le moment de conclure cette émission.
27:27Merci pour votre fidélité.
27:29Restez curieux et informés.
27:31A très bientôt sur Bsmart4Change.
27:33Sous-titrage Société Radio-Canada
27:40Sous-titrage Société Radio-Canada