Après avoir perdu sa mère, Nathanya Sion a vécu une enfance marquée par des violences psychologiques et physiques. Adolescente, elle est placée en foyer d’urgence. Pour Lou, elle est venue raconter les manquements de l’Aide Sociale à l’Enfance. ❤️
Retrouvez son livre « L’enfant oubliée », Hugo Publishing.
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00:00En fait, pour moi, les autres vivent dans un conte de fées, et moi un enfer, mais je réalise pas à quel point c'est un enfer, parce que c'est ma normalité.
00:10Et puis j'ai mes frères et sœurs qui me balancent à tort et à travers, à chaque dispute, que c'est moi qui ai tué ma mère.
00:15Salut Lou, c'est Nathania Sion. Plus jeune, j'ai connu les foyers, leurs violences, et aujourd'hui je vous parle de ce qui s'est passé au centre de l'aide sociale en enfance.
00:23J'ai une famille qui est au décès de ma maman, au lieu de se souder, la mienne a explosé, emplosé de tous les côtés.
00:31Tu t'aperçois que t'as jamais été une enfant en te comparant aux autres à l'école.
00:36A l'époque, il y avait les petites sorties scolaires, il y avait souvent les parents qui faisaient tout pour y être.
00:41Moi j'étais toute seule à ce moment-là, ma sœur était déjà en déplacement à l'étranger depuis que j'ai 10 ans,
00:45donc j'étais chargée de devoir m'occuper de moi, des courses, de me faire à manger.
00:49Il y a mes 13 ans, ma sœur décide sur un coup de tête de me dégager de la maison.
00:54Ça a été une sacrée épreuve.
00:57Et du coup, t'es un peu balancée comme ça, droite à gauche, t'as pas de repères, t'as pas de stabilité, t'as l'impression d'être un proie pour tout le monde, tout le temps.
01:05C'est compliqué à tel point que tu ne t'autorises même pas à souffrir, parce que t'as pas la place de souffrir.
01:10Toi, ta place, c'est déjà être reconnaissant, que quelqu'un t'accepte quelque part.
01:14Quand j'arrive en foyer, je me dis « ça y est, mon cauchemar est terminé ».
01:17En tout cas, je me dis « ça peut pas être pire ».
01:18Et en fait, on te sort d'une situation d'urgence, on te met dans un foyer d'urgence, et en fait, t'as rien.
01:22Je n'ai eu aucun soutien psychologique, personne ne m'a appelé, personne ne voulait savoir comment j'allais.
01:27La directrice des lieux est très fortement alcoolisée.
01:30Il y a aussi beaucoup d'éducateurs qui ne sont pas des éducateurs.
01:32Je pense notamment à l'éducateur référent, qui m'explique que oui, il y a de la prostitution dans ce foyer,
01:36et que si je veux participer à ce genre de choses, je peux aller le voir afin de lui demander des préservatifs.
01:41Les jeunes se battent pour un oui ou pour un non, on essaye de tester tes limites,
01:45on veut savoir qui tu es, est-ce qu'on va pouvoir t'embêter, est-ce qu'on va pouvoir voler tes affaires,
01:49est-ce qu'on va pouvoir se battre avec toi ?
01:51Et comment on survit du coup ?
01:53Malheureusement, pour survivre, tu n'as pas le choix que de montrer les crocs, avant de te faire croquer.
01:58Je me suis promis de ne pas pleurer aujourd'hui.
01:59J'ai dû faire preuve de violence, que je regrette sincèrement,
02:04et c'est dans ce contexte-là que tu t'habitues à un climat de violence dans ta vie à d'adulte.
02:09J'étais livrée à moi-même le jour de mes 18 ans,
02:12et du coup j'ai décidé de prendre le train pour le sud de la France,
02:15quitte à dormir dehors, à la limite, je préfère le faire au beau temps avec la mère en face,
02:18jusqu'au jour où tu arrives à trouver des gens bons qui t'accordent une chance d'y arriver.
02:23Et donc j'ai commencé à travailler sur les réseaux sociaux,
02:25et je pense que c'était aussi une partie de moi qui avait besoin de renaître,
02:28d'exister, parce que quand je parlais de ces projets-là à l'aide sociale en enfance,
02:33que je rêvais d'être blogueuse ou influenceuse,
02:36dans le dossier noir sur blanc, ils mettent, entre parenthèses, risque de prostitution.
02:41Voilà.
02:41Les anges de la théorité, ça a été ce que je pensais être l'escalier
02:46qui me permettrait d'arriver là où je voulais.
02:49Au final, il m'aurait fallu encore plus de courage.
02:52On m'a accusée d'être une prostituée parce que j'étais issue de l'aide sociale en enfance,
02:55que j'étais en foyer.
02:56J'ai un candidat, il me demandait pour combien je pouvais faire des fellations.
03:00Quand je passais quelque part, on toussait le mot pute, sida.
03:03C'était incessant.
03:04C'était du 24 heures sur 24.
03:06Donc du coup, j'ai dénoncé tout ce qui pouvait être dénoncé
03:09afin de sensibiliser les jeunes qui pensaient que la théorité,
03:12c'était un monde de rêves, de strass et de paillettes, avec de l'argent facile.
03:16Aujourd'hui, j'en suis où ? Je suis très heureuse.
03:18J'ai trouvé mon père biologique.
03:22Je suis encore très demie d'en parler, pardon.
03:23C'est juste que ça a fait, c'était très récent.
03:26Et que je ne pensais pas un jour pouvoir dire que j'allais retrouver mon papa.
03:30Donc j'ai dû apprendre à un monsieur de 60 ans qu'il avait une fille dans la nature.
03:34Ça a été très, très émouvant.
03:36J'ai des grands-parents, chose que je n'avais jamais eue.
03:38J'ai mes deux petites sœurs que j'aimais plus que tout au monde.
03:41Et c'est un tout nouveau départ pour moi.