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Le service d’analyse de la police nationale dresse une radioscopie alarmante de la criminalité en France, qui reste majoritairement du fait des trafiquants de drogue. 

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Transcription
00:00On en parle avec Vincent Meunier, journaliste et chef du service enquête de l'Obs.
00:03Vous êtes l'auteur de ce livre « Narcocratie, comment ils ont pris le pouvoir » paru chez Albain Michel.
00:08Merci d'être avec nous ce matin.
00:10Alexandra González du service police-justice de BFMTV est également là,
00:14avec donc ce matin cette note, ce rapport, même un rapport choc de la police
00:19qui pointe cette gangrène mafieuse.
00:22Le tableau est alarmant.
00:24Que dit exactement, Alexandra, cette note ?
00:27Alors, sur quatre pages, ces policiers qui sont chargés d'analyser tout le renseignement
00:32qui est collecté en France, notent qu'il y a une métamorphose ces dernières années
00:36dans la criminalité qui est galvanisée par le trafic de stupéfiants.
00:41Métamorphose d'abord parce que ça se dissémine, disent-ils, de façon insidieuse
00:47dans toutes les villes en France.
00:49Ils donnent des chiffres, par exemple, en 2021, 144 villes avaient été touchées
00:54par des règlements de comptes en 2024, 173 villes.
00:58Et ils disent que ça va au-delà des grands bassins historiques, Marseille, Lyon, la Corse
01:03et la région parisienne.
01:04Il y a maintenant plein de villes sur le territoire, je vous donnais les chiffres,
01:08qui sont touchées au-delà de ces bassins.
01:11Ils disent également que les cibles ont évolué.
01:13Les règlements de comptes qui se traduisent par des assassinats, par des tentatives d'assassinats,
01:20par des enlèvements, touchent généralement des personnes liées de près ou de loin
01:25au trafic de stupéfiants, mais pas que.
01:27Il y a, par exemple, des commerces qui sont raquettés parce qu'ils ne collaborent pas.
01:33Des dockers parce qu'ils sont sur les ports et qu'ils, eux aussi, peuvent être touchés
01:37par les arrivées de stupéfiants.
01:38Alors, c'est déjà beaucoup. On va s'arrêter sur ces deux points.
01:40D'abord, Alexandra, avec vous, Vincent Meunier.
01:43Là, on ne parle plus de dérive mafieuse.
01:45On est dans la mafia pure.
01:48Alors, est-ce qu'il y a une mafia en France ?
01:50Des mafias.
01:51Des mafias en France, c'est compliqué de répondre par l'affirmative.
01:56Ce qu'il y a en France, c'est des groupes criminels de plus en plus structurés,
01:59de plus en plus présents à l'international, mais il n'y a pas une mafia au sens italien du terme.
02:05Parce qu'on parle beaucoup de la DZ mafia, ça veut dire qu'il y a d'autres groupes
02:08comparables qui s'inspirent de leurs méthodes ou qui se structurent comme elles.
02:11En tout cas, dans la note du SIRASCO, on évoque une, j'allais dire, une martialisation
02:16des modes opératoires.
02:17C'est-à-dire que ce qui se passe à Marseille est en train, effectivement, de faire exemple
02:22dans d'autres cas, dans d'autres régions de France.
02:25On peut regarder aussi ce qui s'est passé récemment à Rennes, avec des fusillades en pleine rue,
02:30en plein jour.
02:31Aussi organisé que la DZ mafia ?
02:32Alors, peut-être pas aussi organisé, peut-être pas aussi bien organisé que la DZ mafia.
02:36Et encore, la DZ mafia, il faut voir comment, il y a plusieurs chefs, c'est quelque chose
02:42d'encore un petit peu nébuleux.
02:44Mais on voit bien que ce groupe criminel cherche à étendre sa présence au-delà de Marseille,
02:50dans la région et peut-être même dans d'autres régions de France.
02:53Est-ce qu'on est à un point de bascule ?
02:55Effectivement, c'est ce qui ressort de beaucoup de rapports.
02:58Cette note, elle s'inscrit dans une suite, dans une série de rapports très alarmistes
03:03sur la situation, sur la menace que représente la criminalité organisée aujourd'hui en France.
03:09Mais ce n'est pas seulement un problème français.
03:12En mars dernier, vous avez la directrice d'Europol, l'agence de police européenne,
03:16qui a, elle aussi, lancé une sorte de cri d'alarme dans un rapport, en disant,
03:20attention, on est à un point de bascule, on est à un moment où la criminalité organisée
03:26menace la stabilité de nos pays.
03:28Donc ce phénomène, il n'est pas seulement français.
03:30C'est un phénomène qui se passe également aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne.
03:35Avec des monnaies directes contre des magiques.
03:37Exactement.
03:38On en est là en France ?
03:39En France, on n'en est pas encore là, mais l'inquiétude monte par rapport à ça.
03:42Mais il y a quand même des directeurs de prison qui ont été directement menacés.
03:44Tout à fait.
03:44Des agents pénitentiaires ?
03:45Et des agents pénitentiaires, on l'a vu, évidemment, ces dernières semaines.
03:48On a fait un rapport au Nouvel Obs, on a fait un dossier, pardon, récemment au Nouvel Obs,
03:53dans lequel on donnait un chiffre sur le nombre de magistrats sous protection,
03:56qui sont une vingtaine actuellement.
03:58Alors, ce n'est pas toujours lié au narcotrafic, mais c'est un chiffre quand même assez éloquent.
04:02Une frange de la criminalité, dit-on dans ce rapport de 4 pages,
04:06de la criminalité organisée, cherche délibérément à instaurer un rapport de force avec l'État.
04:10Ça veut dire que ces gens-là ne craignent plus du tout l'État.
04:14et sont en guerre contre l'État.
04:16Et qu'ils visent, effectivement, les institutions et leurs représentants,
04:19avec, par exemple, ce cap, disent ces policiers,
04:22ce cap qui a été franchi le 14 mai 2024,
04:25lors de l'évasion de Mohamed Amra,
04:29avec deux agents pénitentiaires tués de sang-froid.
04:32C'est peut-être ça le point de bascule qu'évoquait Vincent,
04:34ou l'un des points de bascule.
04:34En tout cas, eux le disent nommément,
04:36c'est un cap qui a été franchi ce jour-là.
04:38– Le rapport pointe aussi la diversification inquiétante des modes d'action.
04:44Donc là, on parlait de l'attaque du péage d'Incarville.
04:47On a vu ces derniers jours ces enlèvements,
04:49ou ces tentatives d'enlèvements de personnalités liées aux crypto-monnaies.
04:53Est-ce que derrière, justement, ces enlèvements,
04:56plane le spectre du narcotrafic ?
04:58Est-ce que c'est eux qui sont derrière ces enlèvements ?
05:00– Alors, en tous les cas, ils donnent un chiffre, ces policiers.
05:03En 2023, 63% des enlèvements en France
05:06étaient du fait de trafiquants de stupéfiants,
05:09ou en tout cas liés au réseau de trafic de stupéfiants.
05:11Donc, c'est effectivement un des modes opératoires
05:15qui est employé aujourd'hui, avec les assassinats,
05:18les tentatives d'assassinats, les tirs sur les points d'île,
05:21qui servent à intimider, à reprendre du terrain,
05:24à déstabiliser, et qui font aussi des victimes collatérales.
05:27Je vous parlais tout à l'heure des commerces des dockers.
05:30Il y a les proches des trafiquants,
05:32mais il y a aussi des personnes qui se trouvent parfois là,
05:34et qui sont au mauvais endroit, au mauvais moment,
05:37et qui se font tuer ou blesser gravement à cause de ces règlements.
05:40– Et puis, Vincent, il y a le rajoutissement des auteurs.
05:43Il y a un chiffre quand même qui est incroyable,
05:45qui est cité par ce rapport.
05:46En 2023, 23% des enquêtes élucidées
05:49impliquaient des jeunes tueurs âgés de moins de 20 ans.
05:52– Oui, c'est l'un des points les plus inquiétants,
05:54c'est que vous avez des têtes de réseau
05:56qui s'appuient sur une sorte d'armée de réserve,
05:59de main-d'œuvre bon marché,
06:01recrutée parfois par les réseaux sociaux,
06:05prête à…
06:06– Peu cher.
06:06– Peu cher, jetable,
06:10et effectivement, avec un rapport désinhibé à la violence.
06:13c'est un phénomène qui inquiète beaucoup les autorités
06:17et peut-être qu'on retrouve aussi derrière ces histoires d'enlèvement
06:21parce que quand on regarde les images,
06:22on n'a pas l'impression d'avoir à faire les images
06:24de la tentative d'enlèvement de lundi
06:26à des voyous très, très chevronnés.
06:29Et voilà, le fait en plein jour en plus,
06:32au vu et au-dessus de tout le monde,
06:33c'est quand même pas le signe d'une organisation
06:38très structurelle, très réfléchissante.
06:41– Et c'est d'ailleurs souvent des petites mains,
06:44si je puis dire,
06:44qui n'appartiennent pas à ces groupes criminels,
06:47ce qui fait dire à ces policiers
06:48qu'il y a une forme d'ubérisation
06:49parce qu'ils sont recrutés au coup par coup,
06:52un peu partout en France,
06:54parfois via des réseaux sociaux,
06:55des messageries chiffrées comme Telegram,
06:58pour exécuter une mission
06:59dont ils ne connaissent même pas parfois la victime.
07:01– Je vais citer ce qui est écrit dans le rapport,
07:04une histoire dans le département du Gard,
07:07pour laquelle un mineur marseillais
07:09avait expliqué en garde à vue
07:10avoir été recruté sur Telegram
07:12pour participer à une opération d'assassinat
07:14du chef d'un point de deal à Nîmes.
07:16Lui devait toucher, selon ses dires,
07:182000 euros,
07:192000 euros pour filmer et diffuser l'exécution,
07:22tandis que les deux tireurs devaient toucher,
07:24eux, entre 15 et 20 000 euros.
07:27– Et j'ajoute, le conducteur,
07:29parce qu'il y avait un conducteur aussi dans l'histoire,
07:31lui devait toucher 10 000 euros.
07:33Donc oui, il y a de l'argent
07:35qui est versé comme cela pour ces missions-là.
07:38Et donc on voit, par exemple,
07:40ce mineur qui a expliqué,
07:42alors là je n'ai pas donné,
07:43mais mineur, moins de 18 ans,
07:45qui est donc prêt à filmer un assassinat,
07:49à diffuser ses images pour 2 000 euros.
07:52et les tireurs prêts à tuer pour 15 à 20 000 euros.
07:55De toute façon, il n'y a pas de prix.
07:57Mais ce que je veux dire,
07:57c'est qu'il y a une...
07:59C'est stupéfiant quand même.
08:01– Sans fil, sans limite.
08:01– Exactement.
08:02– Sous-titrage Société Radio-Canada

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