Ce mercredi était un jour capital pour le Premier ministre François Bayrou, il a répondu aux questions de la commission d'enquête qui porte notamment sur le scandale Notre-Dame-de-Bétharram. François Bayrou a toujours nié être au courant des violences physiques et sexuelles perpétrées dans l'établissement. Mais plusieurs acteurs de l'affaire ont affirmé le contraire devant les députés.
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00:00Mais d'abord, avec vous votre choix, Christophe Barbier, ce soir, on va revenir sur ce qui est toujours en cours.
00:04Ça fait 3h40 que ça dure, l'audition de François Bayrou sur l'affaire Bétarame,
00:09l'audition devant la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale.
00:13Qu'est-ce que vous en retenez ce soir, encore une fois, après 3h40 ?
00:16D'abord, je vous le disais tout à l'heure, une impression de malaise.
00:18Voilà une commission, c'est la commission des affaires culturelles et éducatives de l'Assemblée Nationale
00:22qui s'est instituée, commission d'enquête.
00:24Elle n'en a pas créé une, elle s'est instituée, c'est très solennel.
00:27Commission d'enquête sur quoi ? Sur toutes les violences commises contre les enfants
00:31dans tous les types d'établissements scolaires.
00:34Et c'est devenu la commission d'enquête sur Bétarame,
00:36et c'est même devenu aujourd'hui la commission d'enquête sur François Bayrou.
00:39Et ça, ça me crée un véritable malaise.
00:41D'autant que ça lui a quelque part facilité la tâche,
00:44puisque étant accusé, étant parfois même acculé,
00:48qu'est-ce qu'il a fait ? Il s'est défendu en attaquant.
00:51Il a commencé, évidemment, en répondant à des questions,
00:53par dire ce qu'il avait fait et ce qu'il n'avait pas le regret de ne pas avoir fait,
00:59et ce qu'il savait et quand est-ce qu'il l'avait appris.
01:02Ça lui a permis d'avoir une affirmation dès le début
01:04qui tranchait, qui l'affirmait. On l'écoute.
01:07— Moi, je n'ai pas menti. Vous mettiez en cause le ministre de l'Éducation que j'étais.
01:15Quand j'étais ministre de l'Éducation, je n'ai jamais entendu parler d'autre chose
01:19que ce qui était dans le journal, sur lequel j'ai diligenté une inspection.
01:24Je n'ai rien caché, madame. Et je vous demande d'adopter une formulation
01:29qui respecte ce que vous convoquez devant cette commission.
01:35— Je vous demande d'adopter une formulation.
01:37La meilleure défense, c'est l'attaque. Il a attaqué tout le monde.
01:39D'abord, la commission. Il la considère comme n'étant pas objective, mais subjective.
01:44Bref, c'est un procès politique.
01:45Ensuite, les témoins divers et variés à charge qui, selon lui, n'étaient pas fiables.
01:50Il s'en est pris notamment à Françoise Gullung,
01:53cette enseignante qu'on appelle aussi la lanceuse d'alerte.
01:55Il a démonté point par point ce qu'elle avait pu affirmer.
01:58Il s'en est pris aussi au système médiatique d'imprécation,
02:01en l'occurrence Mediapart, en disant, c'est une phrase forte,
02:04je ne lis pas Mediapart, c'est une question d'hygiène mentale.
02:08Donc, vous voyez, il a attaqué. Il a surtout attaqué Paul Vannier,
02:11qui, depuis le début février, à l'Assemblée, député LFI,
02:14mène l'attaque contre François Bayrou.
02:16Il l'a attaqué sur le thème « Vous êtes infamant,
02:18puisque vous dites que j'ai protégé des pédocriminels ».
02:21Il l'a attaqué aussi sur sa méthode,
02:24la méthode de Paul Vannier, en effet, c'est de dire,
02:26bon, vous êtes coupable, mais vous allez nous dire pourquoi.
02:29Vous avez caché des choses, vous allez nous dire pourquoi,
02:32pour protéger qui vous avez caché des choses.
02:34Donc, à chaque fois, François Bayrou ne répondait pas sur la question,
02:37mais sur la méthode employée.
02:38Et ça a été assez efficace.
02:40Il était arrivé, le Premier ministre, avec sur le bureau la meute,
02:43le livre qui vient de sortir « Contre la France insoumise »,
02:45et il a résumé sa critique de la méthode Vannier dans ce passage.
02:50– Franchement, il y a des moments où on se demande
02:54dans quel monde on vit.
02:57Je suis l'accusé dans cette affaire.
03:00Je vous ai entendu dire dix fois,
03:03nous ne sommes pas un tribunal,
03:04nous ne sommes pas des magistrats.
03:07Vous vous comportez comment, là ?
03:09Vous essayez de nourrir un scandale
03:12avec des méthodes un tout petit peu grossières,
03:15un peu faibles, si je puis dire.
03:17– Vous voyez, et ça a marché, parce que ça rejoint
03:20ce que tout à l'heure, Alain Esquer nous disait.
03:23Ce n'est pas François Bayrou qui nous a agressés à Betaram.
03:25– Alain Esquer, c'est le porte-parole des victimes.
03:26– Le porte-parole des victimes qu'on entendait au début du 20h.
03:29Donc, faire de ce procès le procès Bayrou,
03:31ça ne rend pas service aux victimes.
03:32Et moi, je me demande, à quoi sert cette commission d'enquête ?
03:35Pour changer les choses, et il faut changer les choses.
03:37Éviter que le passé se reproduise et changer le présent.
03:40Il faut écouter les victimes.
03:41Il ne faut pas chercher des responsables politiques,
03:44surtout quand on n'a pas de preuves évidentes,
03:46qu'ils ont cachés, qu'ils ont protégés, qu'ils ont mentis.
03:49Et donc, on est en train de perdre du temps.
03:51On a passé 10 minutes pour savoir si, à l'époque, en 1996,
03:55diligenter une inspection académique, c'est-à-dire rectorale,
03:58plutôt qu'une inspection générale, c'est-à-dire ministérielle,
04:01ça ne voulait pas dire que François Bayrou avait voulu protéger quelqu'un.
04:04Je pense qu'on a perdu du temps.
04:05Pourquoi ? Parce que c'est un jeu politique.
04:07Alain Esquer, il veut faire tomber le gouvernement.
04:08Il se préoccupe assez peu, finalement, de Betaram ou des victimes.
04:11Il a trouvé un outil pour faire tomber le gouvernement.
04:13Et Bayrou, qui lui veut durer, il embourbe encore plus les débats,
04:17parce que c'est sa manière de faire en sorte qu'il va durer malaise.
04:21J'ai envie d'entendre Elsa et Anne-San Bezina, sur ce que veut dire Christophe Barbier.
04:25Moi, ce qui me semble important, c'est de ne pas tout confondre
04:27dans l'objet de la commission d'enquête.
04:28C'est un outil très noble qui est inscrit dans notre Constitution depuis toujours,
04:31mais à une fin informative.
04:33En fait, c'est l'idée que le Parlement fasse la lumière sur des événements sociaux.
04:37Mais il y a une limite, c'est de ne jamais aller toucher à une enquête judiciaire.
04:41Là, on est vraiment dans cette idée d'être un peu dans une affaire presque cow-boyistique.
04:45Il faut faire attention, à mon avis, au fait que la commission d'enquête,
04:48c'est presque la justice, mais sans aucune des garanties de la justice.
04:50Sauf que vous posez la question de savoir à quoi ça sert, Christophe Barbier.
04:52Quand même, on est d'accord pour dire que dans les explications
04:55qu'a données François Bayrou sur l'affaire Betaram depuis des mois,
04:58ça flotte.
04:59Il y a quelque chose qui flotte.
05:01Oui, mais ça flotte encore plus aujourd'hui parce que ça n'a pas les moyens de la justice.
05:06C'est à la justice d'enquêter, de contre-enquêter pour voir.
05:09Poser des questions dans un hémicycle, ça n'a jamais remplacé une enquête de type judiciaire
05:14ou de type policier.
05:16Donc ce flottement, il se retourne presque en faveur de Bayrou.
05:19Et par ailleurs, il y a beaucoup de choses intéressantes dans cette commission d'enquête,
05:22mais on n'en parle pas.
05:23Ils ont entendu des victimes, ils ont entendu.
05:25Il y a beaucoup d'autres établissements qui ont été cités.
05:28C'est cela le fond de ce travail.
05:29Mais avoir mis au cœur ce chrétien jeté au lion, ce Bayrou dans l'arène,
05:34je ne suis pas sûr que ce soit une bonne méthode.