Réforme du régime des nullités en droit des sociétés avec Bruno Dondero, Associé, CMS Francis Lefebvre.
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00:00On poursuit ce Lex Inside et on va parler de la réforme du droit des nullités en droit des sociétés avec mon invité Bruno Dondéro, avocat associé chez CMS Francis Lefebvre et professeur de droit.
00:21Bruno Dondéro, bonjour.
00:23Bonjour Arnaud.
00:23Alors on va parler d'une réforme fondamentale en droit des sociétés, la réforme du régime des nullités. Quel est l'objectif de cette réforme ?
00:34Au départ, on a une loi du 13 juin 2024, la loi attractivité, qui vient nous dire qu'on va simplifier et clarifier le régime des nullités en droit des sociétés pour renforcer la sécurité juridique.
00:47Donc on se dit au départ qu'on va avoir moins de nullités ou que plus facilement on pourra limiter les effets des nullités ou qu'on va rendre plus difficile le prononcer d'une nullité.
01:00Donc le point de départ c'est ça, avec, il faut le préciser, des travaux qui avaient été faits par un groupe de travail du HCJP qui avait, il y a déjà 5 ans, qui avait proposé un certain nombre de pistes de réforme.
01:16Alors on va rentrer dans le cœur de cette réforme. Concrètement, quelles sont les principales modifications ? Il y en a beaucoup, donc on va se concentrer sur les principaux changements.
01:26Bien sûr. Les principaux changements, ce qu'on voit très vite c'est que, bonne mesure, on met fin à une espèce de doublon qu'il y avait entre le code civil et le code de commerce.
01:37On avait à peu près les mêmes textes dans l'un et dans l'autre code. On met tout maintenant pour le régime général, on va dire, des nullités. On met tout dans le code civil.
01:49Donc ça c'est une bonne mesure. Moins bonne mesure, à mon sens, on va, je crois, potentiellement faire exploser les causes de nullité parce qu'avant le système était assez compliqué.
02:02Mais on avait quand même des cas très limitatifs de nullité. Alors que désormais, on nous dit que c'est la violation d'une disposition impérative de droit des sociétés qui peut entraîner la nullité d'une décision sociale.
02:18Ça veut dire que des textes réglementaires, des textes qui ne sont pas dans le code de commerce pourraient être le fondement d'une nullité. Donc ça c'est quelque chose qui est assez, pour moi, dangereux.
02:30Il y a moins de sécurité juridique. De ce point de vue-là, il y a moins de sécurité juridique parce que beaucoup plus souvent, on se dit qu'un acte pourra être nul.
02:38Mais on comprend que dans l'esprit des concepteurs de cette réforme, il y a un mécanisme important qui a été mis en place, qu'on appelle le triple test, qui est que le juge est là pour, finalement, verrouiller la nullité.
02:52Parce que, avant qu'une nullité soit prononcée, le juge va devoir vérifier trois choses.
02:57Parce que le demandeur a un grief, que l'irrégularité a eu une influence sur le sens de la décision prise et que les conséquences d'une nullité ne seraient pas excessives au regard de l'intérêt social.
03:11Donc on se dit beaucoup plus de nullité potentielle, mais un juge qui va verrouiller.
03:16Mais c'est là qu'on se dit que, quand même, il y a quelque chose qui ne va pas.
03:21C'est que, auparavant, on se disait non, il n'y a pas de risque de nullité parce qu'on ne trouve pas de fondement à la nullité.
03:29Désormais, plus souvent, on dira il y a un risque théorique de nullité, mais peut-être que le juge, si on va le voir, va considérer que l'une ou l'autre des trois conditions que j'ai indiquées ne sont pas satisfaites.
03:43Et du coup, on aimerait pouvoir dire plutôt, pas de risque de nullité, que risque théorique, mais le juge pourrait ne pas la prononcer.
03:54Voilà.
03:54Ça, ça fait partie pour moi des choses les plus importantes dans cette réforme.
03:59On en trouve d'autres.
04:01On trouve, par exemple, un dispositif anti-nullité en cascade.
04:06C'est quoi, ce dispositif ?
04:07L'idée, c'est d'éviter que quand on a un membre d'un organe dont la désignation est nulle, que cette désignation entraîne nullité de toutes les décisions prises par cet organe.
04:18On a aussi le fait que le juge va pouvoir éventuellement prononcer une nullité uniquement pour l'avenir.
04:25On a une prescription qui était de trois ans pour agir en nullité et qui passe maintenant à deux ans.
04:30On a, enfin voilà, c'est l'essentiel des, enfin, les choses les plus importantes qui viennent en tête, c'est celle-là.
04:38Un point important quand même, c'est l'entrée en vigueur, c'est-à-dire que la réforme doit entrer en vigueur le 1er octobre prochain.
04:45Ça veut dire vraisemblablement, même si le texte ne l'explique pas, que les actes faits avant le 1er octobre sont soumis aux règles anciennes.
04:54Les actes faits à partir du 1er octobre seront soumis aux règles issues de leur demande.
04:58Et il n'y a pas de disposition transitoire entre les deux régimes ?
05:01Pas plus que ça, non.
05:03En définitive, vous pensez quoi de cette réforme ? C'est une bonne réforme, une mauvaise réforme ? On aurait pu aller plus loin ?
05:10Pour moi, c'est une réforme qui ne va pas faciliter la tâche des juristes parce que dans un audit juridique, un audit d'acquisition par exemple,
05:20alors que jusqu'à présent, on allait plus souvent dire non, pas de risque de nullité.
05:26Là, on risque de dire risque théorique de nullité, mais il n'est pas certain que le juge la prononce.
05:34Et on trouve qu'on est en train finalement de perdre en certitude et donc en sécurité juridique.
05:40Qu'est-ce qu'il aurait fallu faire pour améliorer cette réforme ?
05:44Peut-être ne pas toucher à ce qui existait déjà ou y toucher de manière ponctuelle.
05:53Il y a déjà des choses bien faites dans cette réforme.
05:57Par exemple, le fait que la régularisation des actes nuls, finalement, on ne l'a pas touché, on ne l'a pas remise en cause.
06:03On l'a peu touché et donc on ne l'a pas finalement remise en cause.
06:07Ça, c'est bien parce que la régularisation va sans doute prendre plus d'importance à l'avenir.
06:12Est-ce qu'il y aura beaucoup de nullité selon l'on voit à l'avenir avec ce nouveau régime ?
06:16Il va certainement y avoir un temps de test, de... comment dire ça ?
06:21Il faut digérer la réforme.
06:23Et il faut que la Cour de cassation, que les juges de première instance, les cours d'appel puis la Cour de cassation prennent un peu leur marque.
06:32On va avoir quelques années de flottement, notamment parce que des arrêts importants rendus par la Cour de cassation ont été bousculés, voire remis en cause par cette réforme.
06:43Et donc, il va falloir que les juges précisent certains points du cadre.
06:48Est-ce qu'il y a déjà des points qui vous semblent importants de préciser, que le juge doit s'emparer de certains sujets ?
06:54Alors, le juge va appliquer le triple test assez vite.
07:00Est-ce qu'on aura dans les mois qui viennent des décisions qui vont anticiper pour nous dire comment le triple test se comprend ?
07:07Il n'est pas encore applicable, mais après tout, les juges pourraient décider d'anticiper.
07:12Donc ça, on peut attendre des décisions en ce sens.
07:18Mais c'est une réforme.
07:20Il y a énormément de réformes actuellement.
07:22Le droit des affaires et le droit des sociétés bougent beaucoup.
07:25On se dit, était-ce bien le moment pour venir toucher à finalement quelque chose qu'on utilisait de manière satisfaisante ?
07:33Donc ça marchait bien, pourquoi avoir fait cette réforme ?
07:36Exactement.
07:36On va conclure là-dessus.
07:38Merci Bruno Dondéro.
07:40Je rappelle que vous êtes avocat associé chez CMS Francis Lefebvre, également professeur de droit.
07:44Merci beaucoup.
07:45Tout de suite, l'émission continue.
07:47Je vais recevoir l'auteur de l'ouvrage « Beaucoup de droits, pas assez de juristes », Pierre Berlioz.
07:52Tout de suite dans la dernière partie de Lex Inside.