Les journalistes Michel Eltchaninoff et Laure Mandeville et l'ancien ambassadeur de France en Russie Pierre Lévy étaient les invités du Grand Entretien de France Inter lundi 12 mai pour évoquer les négociations sur la guerre en Ukraine.
Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00Une table ronde ce matin sur les avancées possibles, peut-être décisive dans la guerre en Ukraine.
00:05Un intense mouvement diplomatique a eu lieu ces derniers jours.
00:10À Kiev, à Washington, à Moscou, ça s'agit de partout.
00:14Et on va essayer de comprendre ce qui se passe ce matin avec nos invités, Léa.
00:18Michel Elchaninov, journaliste, philosophe, rédacteur en chef de Philosophie Magazine,
00:23auteur de Dans la tête de Vladimir Poutine chez Actes Sud.
00:25Bonjour et bienvenue à Lormandeville, journaliste au Figaro.
00:30Spécialiste aussi de cette région-là, Pierre Lévy est diplomate.
00:33Et c'était l'ancien ambassadeur de France en Russie pendant 4 ans jusqu'à l'année dernière.
00:38Bonjour et bienvenue à vous.
00:39Alors récapitulons.
00:40Samedi, à l'issue de la visite à Kiev, d'Emmanuel Macron, de Friedrich Merz, de Gerst Armer, de Donald Tusk,
00:49l'Ukraine et ses alliés européens ont proposé à Moscou un cessez-le-feu complet de 30 jours à partir de ce matin.
00:57En réponse, Vladimir Poutine a proposé des négociations directes avec l'Ukraine à Istanbul le 15 mai, sans aucune condition préalable.
01:07Chiche, en quelque sorte.
01:09Hier soir, le président Zelensky l'a pris au mot et a directement proposé à Poutine de se retrouver jeudi à Istanbul.
01:17Alors, première question pour vous trois.
01:20Comment analysez-vous les événements des derniers jours, des dernières heures ?
01:27A-t-on assisté pour la première fois depuis des mois à une avancée réelle vers un cessez-le-feu, voire vers la paix ?
01:34Ou est-ce s'illusionner totalement sur les intentions de Poutine que de considérer qu'il y a des avancées lors Mandeville ?
01:41Oui, moi je pense que Poutine, lui, n'a pas changé d'objectif.
01:45Il est toujours dans cette guerre impérialiste, de revanche, révisionniste,
01:51qui veut revoir les résultats de l'ordre qui a été instauré en Europe à la fin de la guerre froide.
01:57Et donc, il avance, il est persuadé que l'Occident finira par céder, que l'Occident reste faible, divisé.
02:06Et il va essayer de toute sa force, de peser en fait sur ces divisions, tout en exhibant ses muscles.
02:12Et ces muscles, c'est quoi ? On l'a vu le 8-9 mai, c'est la présence à ses côtés de la Chine.
02:18Et donc, on a vu se déployer cette alliance russo-américaine.
02:21Et cela a provoqué évidemment un trouble chez Donald Trump, parce que Donald Trump avait misé,
02:29et continue d'une certaine manière, semble-t-il, de miser sur une sorte de retournement d'alliance.
02:34Le grand mot, c'était, on prend les Russes et on fait du Kissinger à l'envers, on les ramène vers l'Occident.
02:42Mais on voit bien que c'est une illusion, une illusion géopolitique.
02:47Et je crois qu'aujourd'hui, Donald Trump était dans une sorte de désarroi qui a été mentionné par Pierre Asky
02:53quand il disait que les Russes, que Donald Trump se plaignait en fait du caractère maximaliste de ce que voulait Poutine.
03:01Exactement.
03:01Et c'est là-dedans, dans cette brèche du désarroi trumpien dans les derniers jours,
03:07que se sont engouffrés les Européens pour proposer leur initiative avec l'Ukraine.
03:11Vous dites beaucoup de choses.
03:12On va revenir sur, essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête de Donald Trump.
03:16Mais avant, qu'est-ce qui se passe dans la tête de Vladimir Poutine en ce moment ?
03:20Et notamment cette proposition de Volodymyr Zelensky de lui dire,
03:24à jeudi, très bien, on voulait négocier à jeudi, à Istanbul, on se retrouve.
03:29Est-ce que là, il n'est pas piégé au minimum inconfortable ou carrément cornerisé ?
03:34Pierre Lévy.
03:35Je vais essayer de faire comprendre l'équation de Vladimir Poutine.
03:40Parce que d'un côté, je suis absolument convaincu qu'il a un projet historique,
03:46c'est de régler la question ukrainienne.
03:49En particulier, après sa réélection en 2024, la réforme constitutionnelle qui lui permet de rester en 2036.
03:57Donc vraiment, il travaille pour l'histoire.
03:58Donc, il est allé trop loin pour ne pas aller plus loin.
04:03Et donc, il va continuer.
04:05En plus, il a plein de bonnes surprises avec cette division du monde occidental, la position de Trump.
04:13Cela étant, il a deux contraintes.
04:17Premièrement, il a une contrainte externe parce qu'il faut continuer à avancer,
04:22mais en même temps, s'en pousser à bout Trump,
04:25pour que Trump ne prenne pas de nouvelles sanctions, ne change pas de position.
04:32Continuer à lui faire miroiter aussi, et ça, je crois que c'est un piège très bien tendu par les Russes,
04:38la voie de la normalisation bilatérale.
04:40On s'arrange entre Moscou et Washington.
04:43Et puis, l'Ukraine passe au second plan.
04:46Donc ça, c'est sa première contrainte, jusqu'où ne pas aller trop loin,
04:51ce qui explique peut-être les derniers mouvements, les postures de communication.
04:56Mais là, est-ce qu'il n'est pas sérieusement embêté avec cette proposition qu'il a initiée lui-même
05:00en disant non, pas le cessez-le-feu.
05:02La proposition des Européens, les 30 jours de cessez-le-feu, c'est non.
05:05En revanche, on peut ouvrir des négociations à Istanbul.
05:08Et l'autre, il dit très bien, on y va.
05:10Bien sûr.
05:12Et puis, il a aussi des contraintes internes,
05:14parce que quand même, il a une vision pour l'histoire.
05:20Mais en même temps, je crois que depuis un certain temps,
05:22il rentre dans des calculs pour essayer de sortir de cette impasse.
05:28Et donc maintenant, il va faire des propositions.
05:29Je pense qu'il ne va pas, bien évidemment, il ne va pas aller à Istanbul.
05:32Il n'ira pas à Istanbul jeudi.
05:34Mais l'approche russe va essayer de revenir aux négociations qui ont eu lieu en mars et en avril de 2022,
05:44avec soi-disant cet accord qui était quasiment bouclé et rompu du fait des pressions américaines et de Boris Johnson.
05:51Je pense que ça va être ça l'approche russe,
05:53et qui est une approche très conditionnelle et extrêmement contraignante pour l'Ukraine.
05:58Il n'ira pas ?
05:59Je pense qu'il n'ira pas.
06:00Je pense même que ce n'est pas lui qui est piégé, c'est lui qui a piégé tout le monde.
06:03C'est-à-dire que dans ce week-end, il y a eu quand même deux propositions de paix.
06:06La proposition européenne, avec discussion avec Donald Trump, 30 jours de cessez-le-feu,
06:12et vraiment une proposition forte avec quatre dirigeants européens à Kiev, etc.,
06:15et d'autres dirigeants d'ailleurs.
06:16Et puis de l'autre côté, le lendemain, Vladimir Poutine qui, à une heure et demie du matin,
06:21convoque la presse et fait une grande déclaration pour donner sa version et surtout sa proposition.
06:26Et sa proposition, c'est « Istanbul, jeudi, je n'ai jamais été contre des négociations,
06:33c'est sans condition, il n'y a aucun problème.
06:35Par contre, je pense qu'il n'ira pas parce qu'il considère Zelensky comme illégitime.
06:40Il l'a dit plusieurs fois.
06:40Il a dit que Zelensky, comme il avait dû repousser les élections en temps de guerre,
06:46Poutine ne le considérait plus comme un interlocuteur légitime.
06:48Donc je pense qu'il pourra donner ce prétexte pour ne pas rencontrer Zelensky.
06:52En tout cas, il dira « nos équipes pourront venir négocier si on le veut ».
06:55En revanche, Poutine refuse le cessez-le-feu, il l'a dit.
06:58Il l'a dit samedi, il a dit « moi j'ai proposé trois fois des cessez-le-feu les derniers mois,
07:02ils ont toujours été violés par les Ukrainiens », ce qui évidemment est faux,
07:05mais ce qui est une manière de dire le cessez-le-feu, je n'y crois pas.
07:07Résultat des courses, Donald Trump, quand il écrit son petit message il y a quelques heures,
07:14dit « il n'y aura pas de cessez-le-feu et je conseille à Zelensky d'aller à Istanbul ».
07:19C'est-à-dire que qui décide de la date et du lieu, c'est Vladimir Poutine.
07:23C'est Poutine qui a dit « c'est jeudi à Istanbul ».
07:25Alors Zelensky a beau dire de manière un peu crâne « j'y vais, je suis prêt à le rencontrer »,
07:31je pense que Poutine va lui répondre « écoutez, moi je ne rencontre pas un président Zelensky qui était légitime, etc. »
07:36mais envoyons nos équipes et recommençons ce processus qui a effectivement,
07:40comme l'a dit Pierre Lévy, commencé juste après le début de l'invasion russe
07:45et qui n'a pas fonctionné pour énormément de raisons, à cause de certaines pressions,
07:48mais aussi parce qu'il y a eu le bout de chat, le massacre en fin mars 2022,
07:53et aussi parce que les Ukrainiens ont commencé à regagner du terrain
07:55et parce qu'ils ne voulaient pas céder le Donbass.
07:57Donc vous vous dites, ce matin, Michel Olchalinov, il n'est pas du tout cornerisé Poutine, c'est lui qui a la main ?
08:02Moi je trouve que c'est lui qui a la main parce que c'est lui qui décide du lieu et de la date,
08:08c'est lui qui se présente en position de force.
08:10Il faut regarder quand même ces trois jours de célébration du 9 mai,
08:13cette fête sainte d'Yves Vladimir Poutine,
08:16où il est entouré de ce qu'il appelle la majorité mondiale,
08:18c'est-à-dire la Chine évidemment,
08:20mais aussi des dirigeants européens,
08:23FITSO pour la Slovaquie,
08:25le président serbe,
08:27le brésilien Lula,
08:28des pays africains, la Bosnie, l'Egypte,
08:30c'est-à-dire que Vladimir Poutine
08:32a essayé de montrer, et c'est pour ça qu'il parle aujourd'hui,
08:35qu'il propose cette négociation de paix aujourd'hui,
08:37il dit, nous on est du bon côté de l'histoire.
08:39Tous ceux qui étaient à Moscou le 9 mai,
08:41l'Asie centrale, plusieurs pays d'Afrique,
08:43d'Asie, d'Amérique centrale,
08:45sont du bon côté de l'histoire parce que nous, nous avons lutté contre le nazisme,
08:48avec évidemment des contorsions historiques un peu compliquées,
08:52mais qui dit, voilà, nous, nous sommes la majorité mondiale,
08:55nous sommes en position de force,
08:56donc nous vous proposons Istanbul jeudi prochain,
08:59et je pense qu'il enverra ses équipes.
09:00L'Orman de Ville, Pierre Lévy, vous êtes d'accord avec ce que dit Michel Altaninov ?
09:03À la fin, c'est Poutine qui a encore la main ?
09:06Moi, je dirais qu'en fait, il a la main,
09:08pour les raisons qui ont été exposées,
09:09c'est-à-dire effectivement de cette alliance
09:11extrêmement forte
09:13avec la Chine
09:15qui finalement lui donne
09:17une profondeur de champ et une assise
09:19qu'il n'aurait pas dans l'autre cas,
09:22et aussi parce que
09:23la position de Trump
09:24est complètement fluctuante
09:26et d'une fragilité extrême.
09:29C'est-à-dire, au moment où nous nous réjouissions tous
09:32de voir tout à coup,
09:34avec le coup de théâtre de l'arrivée
09:36quand même impressionnante,
09:38des quatre dirigeants européens,
09:39Kiev, Antouran, Zelensky,
09:41et annonçant finalement un ultimatum
09:43avec les Américains
09:45adressé à la Russie.
09:47Donc ça, c'était quand même
09:48quelque chose de tangible.
09:49Mais ça, c'est rien.
09:50On voit...
09:50Eh bien oui, c'est rien.
09:51C'est pchit.
09:52C'est pchit parce que
09:53parce que
09:54Trump
09:56fait pchit.
09:58C'est-à-dire que
09:58dès que Poutine
10:00fait une
10:01contre-proposition,
10:03sans le préalable
10:04du cessez-le-feu,
10:05il s'empresse
10:06de lui donner la main.
10:08Et on a un Zelensky
10:09qui est finalement
10:09pris de court
10:10et qui doit
10:11dire
10:12oui, je suis prêt
10:13à y aller,
10:14mais je voudrais
10:14qu'il y ait un cessez-le-feu avant.
10:16Donc il essaie
10:16de sauver
10:17cette question préalable.
10:19Et donc là,
10:19on est quand même
10:20dans une espèce d'incertitude
10:22qui est due
10:22à la position de Trump.
10:23C'est pour ça que je pense
10:24que l'éditorial
10:26de Pierre Haski
10:27était tout à fait juste.
10:28C'est-à-dire qu'on a
10:29le sentiment
10:29en fait de Trump
10:30qui est au milieu
10:31du guet
10:32et chaque parti...
10:33Essaye de le tirer
10:34vers chez lui.
10:35Essaye de le tirer
10:36chacun de son côté.
10:37Et d'ailleurs, c'est ce que fait
10:37Emmanuel Macron
10:38dans Le Parisien
10:39quand il dit
10:39il faut garder les Américains
10:40avec nous.
10:41On sent aussi
10:41que les Européens
10:42essayent de le convaincre
10:43de ne pas basculer
10:44dans le camp Poutine
10:45et lui est au milieu
10:46et il hésite
10:47et il change d'avis
10:48tous les jours.
10:49Oui, et si je peux...
10:50Je crois qu'il hésite aussi
10:52parce qu'il n'est pas
10:53encore sorti
10:54de l'illusion
10:55qu'il peut...
10:56que lui,
10:57le grand négociateur,
10:59peut avoir...
11:00peut créer
11:01cette relation bilatérale
11:02avec les Russes,
11:03qu'il peut convaincre
11:04la Russie
11:04d'être rationnelle.
11:06En fait,
11:06il ne croit pas
11:07en fait
11:08à cette guerre fondamentale.
11:09Il ne comprend pas
11:10plutôt
11:10ce qu'est aujourd'hui
11:12la Russie.
11:13Le fait que Poutine
11:14a avalé ce pays,
11:15que Poutine
11:16est revenu
11:17dans un cadre
11:17néo-totalitaire,
11:19que c'est un pouvoir
11:20qui avance avant tout
11:23par l'absence totale
11:24de limites
11:25et donc
11:25que personne
11:26ne pourra tracer
11:27de limites
11:27autour de la Russie
11:28si on lui cède
11:29sur ce point-là.
11:30Et donc,
11:31il est dans une ignorance
11:33de la Russie.
11:35Trump,
11:35et ce qui est intéressant,
11:36c'est que tous les présidents
11:39américains,
11:40l'un après l'autre,
11:41se sont finalement
11:42bercés d'illusions,
11:45ont toujours voulu relancer
11:46cette relation
11:47et Trump
11:48essaie encore
11:49de le faire.
11:50La question,
11:50c'est est-ce qu'il va finir
11:52par ouvrir les yeux
11:53sur la réalité
11:54ou est-ce qu'il va continuer
11:55cette sorte
11:56de politique
11:57aveuglée ?
11:58Qu'en pensez-vous,
11:59Pierre-Révis ?
11:59Je partage très largement
12:00cette analyse.
12:01Il est clair
12:02que Trump
12:02est au centre
12:03du tableau
12:04et chacun finalement
12:05essaye de le persuader
12:06qu'il est le camp
12:07de la paix
12:08ou le camp de la guerre
12:09ou que l'autre
12:09est le camp de la guerre.
12:11Bien sûr,
12:12Zelensky,
12:13Poutine,
12:14les Européens,
12:14le président
12:15de la République.
12:17Sur l'approche
12:18de Trump,
12:18ce qui me frappe,
12:20c'est la différence
12:21qui peut exister
12:21entre d'un côté
12:23dire
12:23fichez-moi la paix
12:24et de l'autre côté
12:25je veux faire la paix.
12:26Et je pense que l'approche
12:28de Trump,
12:28c'est plutôt celle-là.
12:30Je veux,
12:30voilà,
12:31on règle le problème,
12:32simplement,
12:33ça ne marche pas comme ça.
12:34Et dans ce débat,
12:35je crois aussi
12:36qu'il faut avoir
12:36en tête
12:37un point fondamental,
12:40c'est la distinction
12:42entre le cessez-le-feu,
12:44l'accord de paix
12:45et ce que les Russes
12:47appellent
12:47les causes profondes
12:48du conflit.
12:49Parce que je trouve
12:49qu'il y a une très grande confusion
12:50dans la manière
12:51de présenter les choses,
12:52y compris
12:53de la part
12:54des Russes,
12:56parce que
12:56des conditions
12:58très strictes
12:58ont été posées
12:59à tous les stades
13:00de ces négociations
13:03par les Russes,
13:04en particulier
13:04en juin
13:052024
13:06par le président Poutine
13:08et tout ça
13:08est bardé
13:11de conditions
13:12très strictes
13:14et je pense
13:14qu'il n'ira pas,
13:16il ne va pas
13:16baisser la garde
13:17et en particulier
13:18sur les conditions,
13:20les causes profondes
13:21du conflit,
13:22il faut se souvenir...
13:23Parce qu'il a dit
13:24cette petite phrase,
13:25c'est vrai,
13:25qui est notable,
13:26qui dit
13:27moi je veux bien négocier
13:28mais si dans la négociation
13:30on revient sur les causes
13:31profondes du conflit.
13:32C'est pour ça
13:34qu'il va à Istanbul
13:35en fait,
13:35ce qu'il veut Istanbul.
13:37Istanbul
13:37c'est exactement,
13:38c'est en fait
13:39revenir
13:40sur tout ce qu'il a exigé,
13:42c'est-à-dire
13:42remettre sur la table
13:44tout ce qu'il exige,
13:45c'est-à-dire
13:45en réalité
13:45une abolition
13:47de la souveraineté ukrainienne
13:48puisqu'il veut
13:49qu'il n'y ait plus
13:49d'armée ukrainienne,
13:51que les Occidentaux
13:52ne puissent donner
13:52aucune aide militaire
13:53aux Ukrainiens,
13:56il ne veut pas
13:57d'entrer
13:57dans des alliances
13:59que les Ukrainiens
14:00choisiraient,
14:01donc en fait
14:01il nie
14:02la capacité
14:03autonome
14:04de l'Ukraine
14:05et donc
14:06c'est ça
14:07le cœur du sujet,
14:08c'est qu'en fait
14:08pour lui
14:08il n'y a pas d'Ukraine
14:09et donc
14:10les Occidentaux
14:11face à ça
14:12doivent délimiter
14:14cette souveraineté,
14:16défendre la souveraineté
14:17de l'Ukraine,
14:17c'est la seule chance
14:19qu'on est
14:19en fait
14:20d'arrêter Poutine.
14:21Moi je pense même
14:22qu'il va
14:22beaucoup plus loin
14:23parce que
14:24la Russie
14:25a mis sur la table
14:26des traités
14:26en décembre
14:272021
14:28visant en fait
14:29à faire revenir
14:30l'OTAN
14:31aux frontières
14:32antérieures
14:32à 1997
14:33à son élargissement,
14:34c'est ça
14:35les causes profondes
14:35du conflit,
14:36remettre en cause
14:37les piliers
14:39de la sécurité européenne
14:40et plus largement
14:41favoriser l'avènement
14:42d'un nouvel ordre mondial
14:43et pour lui
14:43c'est de la confrontation
14:44avec
14:45l'Ukraine
14:47et l'Occident
14:49connaîtra ce nouvel ordre
14:50qu'il appelle
14:51multipolaire
14:52qui est en fait
14:52l'organisation
14:53de ce genre d'influence.
14:54Et tant qu'il n'aura pas
14:54obtenu
14:55de faire disparaître
14:57l'Ukraine
14:57pour poursuivre
14:59ce que dit
15:00l'Ormond de Ville
15:00l'Ukraine n'existe pas
15:02voire même
15:03comme dit Pierre Lévy
15:04d'aller plus loin
15:05que l'Ukraine
15:05et de remettre en cause
15:06toute l'architecture
15:07de sécurité
15:07et toutes les frontières
15:08européennes
15:09nos frontières à nous
15:10et bien il ne s'arrêtera pas
15:11c'est ça ?
15:11Les causes profondes
15:12le retour aux causes profondes
15:14ça permet à Poutine
15:15de dire moi
15:16je suis plus fondamental
15:17plus sérieux
15:18plus rigoureux que les autres
15:19je ne vais pas me contenter
15:20d'un cessez-le-feu
15:21ça veut dire aussi
15:22qu'il va prendre son temps
15:23donc il va encore faire
15:24mariner Trump
15:25pendant des mois
15:26et des mois etc.
15:27et qu'effectivement
15:28l'objectif
15:29c'est de remettre en cause
15:30la question de la présence
15:31de l'OTAN
15:32en Europe
15:33mais je voudrais le dire
15:34d'une autre manière
15:35parce qu'on le présente souvent
15:36comme l'avancée
15:37de l'OTAN vers l'Est
15:38c'est plutôt la volonté
15:40de certains peuples
15:41qui étaient soumis
15:41aux joues soviétiques
15:42de demander leur adhésion
15:44à l'OTAN
15:44ce qui n'est quand même
15:46que Poutine peut faire traîner
15:47la chose
15:48en proclamant
15:50qu'il faut aller
15:50aux causes profondes
15:51qu'il a pour lui
15:52cette force
15:53qu'il appelle
15:53la majorité mondiale
15:54et qu'il partage avec Trump
15:56énormément de points communs
15:57et de convictions
15:58le mépris de l'Europe
15:59la fascination
16:00pour un leader fort
16:01la transgression
16:02de l'état de droit
16:04la lutte contre le wokisme
16:05c'est-à-dire qu'il y a
16:06un Poutino-Trumpisme
16:07et on dit toujours
16:09que Trump est imprévisible
16:11mais il y a un Poutino-Trumpisme
16:12c'est-à-dire que
16:13Poutine et Trump
16:14même sont très différents
16:15sont d'accord
16:16sur pas mal de points
16:17et je crois que
16:17malheureusement
16:18si on regarde
16:19sur un temps plus long
16:20on dit que Trump
16:21évidemment peut hésiter
16:22peut être inquiet
16:24etc
16:24mais au fond
16:25il partage quand même
16:27avec Poutine
16:28son mépris de l'Europe
16:29et son mépris de l'Ukraine
16:30et bien pour ceux
16:30ceux qui se réjouissaient
16:31en se disant ce week-end
16:32en voyant l'initiative européenne
16:34l'Europe est de retour
16:35l'Europe est de retour
16:36tiens ça bouge
16:37on est en train de faire
16:38rien du tout
16:38il n'y aura sans doute pas
16:39à vous écouter tous les trois
16:41Poutine a encore gagné
16:42en tout cas pour l'instant
16:43une bataille
16:44moi je n'irais pas jusqu'à là
16:45parce qu'encore une fois
16:46c'est une affaire
16:47très très longue
16:47et puis Poutine
16:50a la patience stratégique
16:52on peut tout à fait
16:52imaginer qu'il prenne ses gains
16:54là pour satisfaire Trump
16:56et puis il y reviendra
16:58dans deux ou trois ans
16:59il continuera
17:00son entreprise
17:01son entreprise historique
17:03Vous imaginez qu'il puisse
17:03prendre ses gains là ?
17:04Parce que c'est ça la question
17:05Prendre ses gains
17:05c'est la climat
17:06C'est ce que lui dit Zelensky
17:07d'une certaine manière
17:08prends tes gains
17:09et on arrête
17:09et il n'arrête pas
17:10Mais il n'arrêtera pas
17:11même s'il s'arrête
17:12de manière
17:13s'il fait une pause
17:14c'est un projet de long terme
17:15je crois que c'est absolument sûr
17:17il me semble que
17:18pour aller dans le sens
17:19que dit Michel Elchaninov
17:21c'est qu'au fond
17:22Poutine
17:22c'est l'insurgé mondial
17:25c'est-à-dire
17:26il lance une insurrection
17:28contre l'ordre occidental
17:30il est en phase totale
17:32avec Xi pour ça
17:33qui lui aussi
17:34veut remettre en cause
17:35justement
17:36il y a le projet Taïwan
17:37il y a l'idée
17:38que la Chine va devenir
17:39le pilier central
17:40à long terme
17:41c'est elle
17:41la puissance montante
17:43d'un nouvel ordre mondial
17:44et c'est vrai
17:45qu'il y a une alliance
17:46possible avec Trump
17:47de ce point de vue-là
17:48parce que Trump
17:49d'une certaine manière
17:50incarne aussi
17:51une sorte de révolte
17:53contre ce qui était devenu
17:55l'Occident
17:55c'est lui aussi
17:56une forme d'insurgé
17:57de révolter
17:58l'Occident
17:58c'est l'un des titres
17:59d'ailleurs
17:59de mon dernier bouquin
18:01et dans lequel
18:02il veut renégocier
18:04la globalisation
18:05il veut redonner
18:06sa place à l'état-nation
18:08mais je crois que là
18:09où ça diffère
18:10entre Trump
18:11et Poutine
18:11c'est que
18:13Poutine
18:13veut
18:14que les Etats-Unis
18:16s'effondrent
18:17son but majeur
18:19ce qu'il vise
18:21c'est l'humiliation
18:22et l'effondrement
18:23de l'Amérique
18:24et là je crois
18:25qu'il peut y avoir
18:26quand même
18:26quelque chose
18:28qui diverge
18:29parce qu'au fond
18:30aussi drôlatique
18:32et dangereux
18:33par bien des aspects
18:34soient-ils
18:35je pense qu'au fond
18:36Trump à sa manière
18:37veut la puissance
18:39de son pays
18:39et c'est peut-être
18:40qu'à un moment
18:41il peut y avoir
18:41en fait
18:41une divergence
18:43et je dirais
18:43aussi qu'il ne faut pas
18:45non plus être
18:46complètement catastrophiste
18:47et défaitiste
18:47c'est-à-dire je pense
18:48quand même
18:48que l'arrivée
18:50de ces quatre dirigeants
18:51européens
18:51à Kiev
18:52malgré tout
18:53c'est un événement
18:54politique
18:54pour moi
18:55l'émergence par exemple
18:56de la Pologne
18:57sur la scène stratégique
18:58européenne
18:59c'est très important
19:00le réveil
19:02de l'Allemagne
19:03qui quand même
19:03le Merz
19:05quand même
19:05se présente
19:06en rupture
19:08avec ce que l'Allemagne
19:09a fait avant
19:09dans sa fermeté
19:11face à la Russie
19:12il y a la Grande-Bretagne
19:13qui revient dans le jeu
19:14après le Brexit
19:15il y a la France
19:16donc tout cela
19:17n'est pas nul
19:17un petit espoir
19:19modéré
19:19chez vous aussi
19:20Michel El-Chanino
19:21je pense que l'Europe
19:22l'Europe comprend
19:24qu'elle peut
19:25ne plus être soutenue
19:26par les Etats-Unis
19:27elle comprend
19:27les intentions de Poutine
19:28là elle a été quand même
19:30humiliée je pense
19:31avec le choix
19:33de Donald Trump
19:33de privilégier Istanbul
19:34sur la proposition européenne
19:37de cessez-le-feu
19:37de 30 jours
19:38on va voir ce qui se passe
19:39évidemment
19:39c'est encore très frais
19:40donc l'Europe comprend
19:41qu'elle doit compter
19:42sur ses propres forces
19:43et elle rassemble
19:44ses forces au-delà
19:45de l'Union Européenne
19:46avec le Royaume-Uni
19:47c'est-à-dire que là
19:48il y a un moment
19:49quand même de mobilisation
19:50alors ensuite
19:51c'est quand même
19:51les citoyens
19:52qui vont aussi décider
19:52est-ce qu'on enverra
19:54des troupes françaises
19:55ou européennes en Ukraine
19:56si les Etats-Unis
19:57ne le veulent pas
19:58il y aura un débat politique
19:59et on sait que
20:00beaucoup de forces
20:01de notre société
20:02et de partis politiques
20:03sont contre
20:04cet engagement
20:05plus important
20:06de la France en Ukraine
20:07donc ça sera
20:08un choix démocratique
20:09ça sera un choix européen
20:10mais c'est effectivement
20:11sur nos épaules
20:12que va sans doute reposer
20:13une partie
20:14de la suite des événements
20:15Je crois qu'aujourd'hui
20:17on se rend compte
20:17que ce n'est pas uniquement
20:18une affaire
20:19de guerre
20:20au cœur de l'Europe
20:21du Donbass
20:22de l'Ukraine
20:23c'est notre sécurité
20:24qui est aussi en jeu
20:26ça me semble clair
20:28et puis je trouve
20:29que c'est une affaire
20:31de narratif
20:31et ce qui est très intéressant
20:33c'est que d'abord
20:35il y a cette similitude
20:37du discours
20:38dont parlait
20:38Michel Chaninov
20:39américain et russe
20:40sur le ressentiment
20:42parce que
20:42le thème russe
20:43c'est nous avons été humiliés
20:45le thème américain
20:46c'est le monde entier
20:47a tiré avantage
20:49des Etats-Unis
20:50a profité de nous
20:52a profité de nous
20:53nous sommes la vache allée
20:54du monde entier
20:54et puis deuxièmement
20:56c'est très intéressant
20:56et je l'ai observé
20:58depuis deux ans
20:59l'évolution du discours russe
21:00parce que d'abord
21:01c'était la lutte
21:02contre la
21:02renazification
21:04et thème évoqué
21:06d'ailleurs
21:06le 9 mai
21:07et ils ont ajusté
21:08leur discours
21:09pour parler
21:10de la lutte
21:11contre le néocolonialisme
21:12et l'hégémonie américaine
21:14ça c'est très intéressant
21:15parce que
21:15quand vous parlez
21:16de dénazifier
21:16ça dit absolument rien
21:18à beaucoup de pays
21:19dans le monde
21:20en Amérique latine
21:20en Afrique
21:22donc il y a vraiment
21:23un projet
21:24très construit
21:25très élaboré
21:27c'est d'être
21:28non aligné
21:29et d'être
21:31prendre la tête
21:32des non alignés
21:32et ils y étaient
21:34ils y étaient
21:35le 9 mai
21:35les africains
21:37avec je pense
21:39beaucoup moins
21:40d'intérêt
21:41pour la Russie
21:42de préserver
21:42la globalisation
21:43que la Chine
21:44et ça c'est une différence
21:45majeure
21:45parce que la Chine
21:46est intégrée
21:47dans les chaînes de valeur
21:48à des intérêts considérables
21:49sur le marché européen
21:51le marché américain
21:51la Russie est un pays
21:53un grand pays
21:53mais qui est exportateur
21:54de matières premières
21:55de produits semi-finis
21:56c'est une approche
21:57très différente
21:58on n'est pas sorti
22:00de l'auberge
22:00non du tout
22:01merci à tous les trois
22:02Michel Elchaninov
22:04Laure Mandeville
22:05et Pierre Lévy
22:06merci d'avoir été
22:08au micro-dentaire
22:08ce matin