À 8h20 lundi 17 mars, un Grand Entretien consacré au drame de Crépol, avec Jean-Michel Décugis, grand reporter police-justice au Parisien, Pauline Guéna, scénariste et romancière et Marc Leplongeon, journaliste à L’Équipe. Ils publient “Une nuit en France. Anatomie du fait divers qui a déchiré le pays” (Grasset).
Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00Un grand entretien ce matin autour du drame de Crépole qui a « déchiré le pays » pour
00:06reprendre le sous-titre d'un livre en quête en librairie cette semaine.
00:10Ces auteurs sont nos invités, Léa.
00:13Jean-Michel Décugis, grand reporter, police justice aux Parisiens, Pauline Guéna, scénariste
00:18et romancière et Marc Le Plongeon, journaliste et chef du service enquête.
00:21A l'équipe, bonjour à tous les trois.
00:23Et soyez les bienvenus dans ce studio, une nuit en France, Anatomie du fait divers qui
00:29a « déchiré le pays » et publié chez Grasset, c'est donc le titre d'un livre
00:34passionnant qui revient sur le fait divers aux retentissements médiatiques et politiques
00:39considérables.
00:40Le meurtre de Thomas, jeune homme de 16 ans, dans un bal de village à Crépole, dans la
00:46Drôme, la nuit du 18 au 19 novembre 2023.
00:50Thomas, qui allait fêter ses 17 ans, était capitaine de l'équipe de rugby locale.
00:56Il sera frappé au cœur par un coup de couteau et mourra de ses blessures.
01:01Vous dites, Jean-Michel Décugis, que le drame de Crépole dépasse le cadre du fait divers
01:08et qu'il est devenu un fait de société.
01:11En quoi ?
01:12En tout cas, il y a eu un emballement médiatico-politico-judiciaire qui s'est reproduit depuis pour d'autres
01:23faits divers.
01:24Et nous, ce qui nous a intéressé, c'est de décortiquer, de démonter cette mécanique
01:31infernale qui fait que, on veut, par la couleur de peau, expliquer un fait divers.
01:41On va y venir, on va venir sur les conclusions que vous tirez, mais d'abord l'enquête,
01:45d'abord les faits.
01:46Vous avez déjà signé, tous les trois ensemble, plusieurs livres en quête.
01:50La Poudrière, paru en 2021 sur la résurgence de l'ultra-droite, Ministère de l'Injustice
01:54sur Place Beauvau ou encore Mimi sur Mimi Marchand, la papesse des paparazzis.
01:58Mais qu'est-ce qui vous a poussé à vous emparer de ce fait divers violent, Crépole,
02:03déjà abondamment commenté à l'hiver 2023, à la fois par les politiques et par
02:08les éditorialistes sur tous les plateaux télé ? Pourquoi avoir voulu enquêter à
02:11nouveau sur ce livre ? Qu'est-ce qui n'avait pas encore été dit ou écrit ?
02:16Justement, c'est un fait divers qui a profondément divisé le pays, qui a provoqué une vague,
02:23une vraie déferlante, aussi bien sur internet que dans un certain type de médias et d'analyse
02:30avant même que les faits ne soient établis.
02:33C'est-à-dire, en fait, dès le lendemain de ce bal tragique au cours duquel le jeune
02:38Thomas est mort et quatre autres personnes ont été blessées très grièvement.
02:41C'était véritablement des faits très violents.
02:45Mais dès le lendemain, les analyses commencent alors qu'on ne sait rien de ce qui s'est passé.
02:51Et donc, ça commence sur la fachosphère, mais c'est repris très, très rapidement
02:55par les politiques.
02:56Éric Ciotti, le premier, parle d'ensauvagement de la France et donc...
03:01Repris par Gérald Darmanin, qui emploiera le terme d'ensauvagement dans les jours qui
03:06suivent. Et il y a toute une bataille sémantique qui s'engage, par exemple, autour du terme
03:12RICS.
03:13Donc, selon qu'on dise RICS ou attaque sauvage ou attentat, on peut en déduire votre bord
03:20politique.
03:21Voilà.
03:22Alors même que c'est une enquête absolument tentaculaire, parce qu'il y avait 465 jeunes
03:26participants dans ce bal, les auteurs présumés n'ont pas encore été arrêtés.
03:32Donc, en réalité, on ne sait encore rien et pourtant, tout le monde est déjà dans
03:38l'analyse.
03:39Vous dites, pour la bataille sémantique entre ce qu'on appelle une RICS ou un attentat,
03:43et ça définit votre bord politique, vous dites que les habitants que vous avez rencontrés
03:46de Crépole étaient assez choqués par le terme de RICS.
03:48Exactement, parce qu'eux, ils ont vécu ça comme un attentat.
03:53Les jeunes qui ont été entendus dès les jours suivants, c'est vrai que l'effet était
04:02extrêmement violent.
04:03Donc, eux, ils ont eu l'impression que c'était un Bataclanbis.
04:07Certains jeunes disent ça.
04:09Et il y a un mélange de choses vécues et de fantasmes aussi chez ces jeunes.
04:17Marc Le Plongeon, dites-nous ce qui s'est passé la nuit du 18 novembre dans ce bal
04:24d'hiver organisé dans la salle des fêtes de ce petit village de la Drôme, à quelques
04:30dizaines de kilomètres de Valence et de Grenoble.
04:33En fait, il faut comprendre que c'est un petit bal organisé par une petite commune,
04:38qu'il y avait 465 personnes qui y ont participé.
04:43L'entrée était à 4 euros, tout le monde était invité, mais en fait, tout le monde
04:47ne l'est pas.
04:48Il faut comprendre que ce sont des petites fêtes, des traditions de village où on reste
04:53généralement entre soi et entre gens qui viennent des villages environnants.
04:57Et ce qui s'est passé, c'est qu'on a une bande de jeunes qui vient d'une cité d'à
05:02côté de la Monnaie, à Romance-sur-Isère, et qui sont arrivés dans ce bal pour y faire
05:07la fête comme les autres, mais ils sont venus avec des couteaux qu'ils avaient sur eux.
05:12Il importe de faire une précision là-dessus, c'est qu'ils ne sont pas venus à Crépole
05:17au bal avec des couteaux pour agresser des gens, ils sont venus à Crépole et ils avaient
05:23des couteaux.
05:24Alors, il le résume assez clairement en disant qu'en fait, c'est un couteau qui leur sert
05:28à couper leur shit.
05:30Ça c'est important, vous revenez sur cette phrase-là, parce qu'il a beaucoup été
05:33dit dans les jours qui ont suivi qu'ils sont allés au bal, ils ont pris spécialement
05:38des couteaux pour aller au bal, qu'ils se sont armés.
05:41Et c'est ça la grande précaution qu'il faut prendre, c'est-à-dire qu'aussitôt
05:47après, c'est ce que Pauline disait, aussitôt après le bal, aussitôt après le drame,
05:51il a été dit, il a été fait en sorte de faire de Crépole la première grosse affaire
05:57de racisme anti-blanc en France, c'est-à-dire qu'il y aurait eu une expédition programmée
06:03de ces jeunes qui seraient venus à Crépole, à la campagne, pour aller s'en prendre
06:08à des blancs.
06:09Nous, tout ce qu'on a fait dans ce livre, c'est démonter cette mécanique-là, revenir
06:14sur les faits, essentiellement sur les faits, mettre à jour la lutte informationnelle terrible
06:20qui a eu lieu dans les jours qui ont suivi, de toute part, avec un certain nombre de médias
06:24qui ont tenté d'imposer une grille de lecture idéologique aux faits.
06:28Et donc nous, ce qu'on raconte, c'est qu'il y a de faits dans notre pays, une ségrégation
06:34qui existe, culturelle, économique, traditionnelle, avec des jeunes qui vivent ensemble mais qui
06:41ne se côtoient pas, qui n'ont pas les mêmes hobbies, qui parlent d'eux avec des mots
06:44très violents quand ils sont interrogés par la gendarmerie, quand nous on va les voir,
06:48ils parlent de leurs camarades de classe comme l'arabe de la classe ou comme le français
06:52de la classe, comme s'ils n'appartenaient pas à cette catégorie-là, quand ils parlent
06:57aux gendarmes et que les gendarmes leur disent « mais alors, est-ce qu'il y a une intention
07:00raciste dans votre geste ? » et ils vont répondre « mais pas du tout, nous aussi,
07:06on a des amis français ». Ce qui est terrible quand même, ça nous renvoie à la phrase
07:09de Nadine Morano lorsqu'elle disait « je ne suis pas du tout raciste, moi aussi j'ai
07:12des amis arabes ou j'ai des amis noirs ». Et donc on voit qu'il y a ce sentiment d'exclusion
07:16qui est très prédominant.
07:17Vous essayez de déconstruire dans cette enquête l'emballement, vous dites très
07:22vite, c'est Marion Maréchal qui la première parle de francocide, le terme on le comprend
07:29bien, repris par Reconquête, qui dit qu'ils ont voulu venir exprès dans ce bal pour tuer
07:35des blancs, c'est un crime anti-blanc, mais tout de même, Jean-Michel Dekége, vous
07:40déconstruisez cela, vous dites que de toutes les manières, il y a un « divorce » de
07:44ces deux jeunes, de ces groupes qui n'habitent pas loin les uns des autres, qui étaient
07:48ensemble souvent à l'école, mais qui à partir du collège ne se parlent plus.
07:52C'est très intéressant ce que vous dites sur leur évolution.
07:54Mais tout de même, vous consacrez un chapitre au procès verbal qui a été dressé le 23
07:58novembre, où on lit, un procès verbal dont vous dites « il a disparu », c'est quand
08:02même étonnant.
08:03Les auteurs des faits pourraient être venus au bal de Crépole afin de tuer des personnes
08:06de couleur blanche, ce PV qui aurait disparu, vous dites « ni le procureur, ni les magistrats
08:13instructeurs, ni aucun des avocats des différentes parties n'y font référence ». Comment expliquez-vous
08:17que ce PV qui a été établi, donc, ou qui dit « il pourrait être venu pour tuer des
08:22personnes de couleur blanche » ait disparu, qu'est-ce que ça veut dire ?
08:25Parce que c'est un PV embarrassant, il faut se remettre dans le contexte, il est écrit
08:30par une analyse criminelle cinq jours après les faits, les auteurs n'ont pas encore été
08:35interpellés, la pression politique est très forte, on parle de francocide, un certain
08:42nombre de choses, les réseaux sociaux parlent de francocide, il y a même le procureur de
08:47la République qui parle, et c'est là aussi qu'on voit que la justice est sous pression
08:52politico-médiatique, parce que lui il va parler d'expédition programmée, et c'est
08:58ça aussi qui va mettre le feu aux poudres.
09:00Donc ce PV, effectivement, il est effectué, de façon prématurée, sans doute, alors
09:07pourquoi la gendarmerie ?
09:08Pourquoi ils ont écrit ça quand même ?
09:11Peut-être que la gendarmerie veut faire du zèle, peut-être que la gendarmerie, il y
09:15a aussi un prisme idéologique qui fait qu'ils se sentent obligés de faire un PV, d'extraire
09:23un certain nombre d'auditions du dossier, il y en a neuf, neuf témoins qui disent avoir
09:30entendu un jeune parler de dire qu'il veut tuer du blanc, et donc à partir de là, ils
09:38vont extraire ces neuf témoins, ces neuf témoignages, et dire que ce meurtre peut
09:47avoir un caractère racial, et si vous voulez, ça ne correspond pas du tout à la réalité
09:54du dossier.
09:55Vous qui avez enquêté pendant plusieurs semaines, qui êtes allé là-bas, qui avez
09:59tout épluché, vous nous dites non, ils ne sont pas allés là-bas pour tuer un blanc,
10:07tout le dossier montre le contraire.
10:09Non, et même quand le procureur parle d'expédition programmée, les faits sur lesquels il se
10:15base, c'est-à-dire que les jeunes qui venaient de la monnaie se sont téléphonés et organisés
10:21pour venir en voiture à la fête de Crépole, c'est en fait ce que font des jeunes qui
10:24vont en soirée.
10:25S'ils sont arrivés à plusieurs petits groupes séparément, c'est parce que, et ça n'importe
10:31quel jeune en France le sait, quand on arrive à 15 garçons à la fois, on court toujours
10:36le risque de ne pas rentrer.
10:37Donc non, il n'y avait pas d'intention raciste.
10:41En revanche, qu'il y ait eu des insultes racistes échangées de part et d'autre pendant
10:46la bagarre, c'est certain, mais ça n'en fait pas une intentionnalité.
10:49Les jeunes de la monnaie, ils sont allés faire la fête, ils sont allés draguer des
10:53filles parce que les gens plus grands de leur quartier leur avaient dit que c'était le
10:57bon endroit pour ça, parce que les balles reviennent à la mode et ils avaient envie
11:00d'en être.
11:01Et ça a dégénéré.
11:03Vous disiez justement à L'Obs, Jean-Michel Décugis, que les bagarres d'après-balles
11:09sont fréquentes dans la région.
11:11Pourquoi celle-là a dérapé à ce point-là de manière tragique ?
11:16Ça dérape assez régulièrement en fait.
11:18Moi-même, dans ma jeunesse, j'étais aux balles, je suis originaire d'un village,
11:25il y a toujours eu des bagarres en fin de balle.
11:27Avant, c'était entre villageois de village voisin, et l'étranger, c'était déjà
11:33celui du village à côté, et ça finissait en bagarres, toujours.
11:39Aujourd'hui, vous avez des jeunes des quartiers d'immigration qui veulent aller aux balles
11:44et leur seule visibilité pose un problème.
11:47Vous parlez de leur apparence, vous écrivez, ils ne sont pas habillés de la même manière,
11:56les survêtements Lacoste, les Air Blacks, la bandoulière, le sac.
12:00Même si tous ces jeunes se connaissent de vue, fréquentent les mêmes lycées, les
12:04mêmes établissements scolaires, ils ne se mélangent pas.
12:07Et c'est ça aussi, c'est l'histoire de Crépole, c'est montrer aussi la fragilité
12:13de cette société, et l'échec du modèle d'intégration à la française, où on dit
12:19qu'il y a une intégration qui s'est faite, etc., or, on constate, à travers ce fil d'hiver,
12:26qu'il y a une ségrégation raciale, sociale, économique, qui existe en France, et que
12:32c'est bien ça, le Crépole, c'est aussi le nom de ça.
12:36Il y a aussi une dimension assez importante qu'il ne faut pas éluder, c'est qu'immédiatement,
12:40dans cette affaire, on en a fait une affaire de racisme, de populations qui se détestent
12:44les unes envers les autres, et il y a aussi une dimension de France des campagnes et de
12:48France des cités, on y a fait référence avec les philosophes qui ont été interrogés
12:53sur ces questions, qui parlent d'une espèce de perversion de la vie citadine contre l'upéritanisme
12:58de la vie à la campagne, et tout ça, ça a beaucoup joué aussi, et ça a beaucoup
13:01joué sur un certain nombre de médias, dont des médias de Vincent Bolloré, où c'est
13:05devenu « attention, on va avoir carrément bientôt des Arabes qui vont vous venir piller
13:10vos maisons dans vos campagnes ». Et en fait, on a immédiatement fait cette espèce d'amalgame
13:16complet, on a immédiatement parlé de racisme dans cette affaire, sans voir qu'il y a bien
13:19d'autres ressorts qui tiennent aussi de la masculinité, et c'est une affaire d'hommes.
13:24Exactement, le lien a été fait entre violence et immigration, d'autres liens peuvent être
13:30tirés, c'est clairement un certain exercice de la masculinité.
13:36C'est que des hommes, les vingt jeunes hommes qui viennent du Quartier de la Monnaie ne sont
13:42que des hommes.
13:43Que des hommes, et ceux qui participent à la bagarre côté Crépole, c'est aussi que
13:46des hommes, ceux qui voulaient taper du bougnoul, parce qu'il y a eu ça aussi, ces expressions
13:50ont été employées côté villageois, c'est aussi que des hommes, quand la bagarre commence,
13:55les jeunes filles de la soirée, avant d'entendre crier « ça plante, ça plante », et de
13:59comprendre que là il s'agit de quelque chose de différent, elles se disent, elles sont
14:02blasées.
14:03Elles se disent « Ah, voilà, encore une bagarre, ça part à la bagarre comme à la
14:07fin de chaque balle ».
14:08Et beaucoup d'alcool, parce que de part et d'autre, on a énormément consommé d'alcool,
14:13on a consommé du cannabis, etc., et évidemment, tout ça excite, et en fin de balle, et puis
14:19on sait, aujourd'hui dans le dossier, on sait comment tout a démarré.
14:23C'est un jeune rubyman, d'ailleurs qui va être blessé ensuite, qui va, lors du
14:29morceau dul, Chiquita, va aller tirer les cheveux à un jeune de quartier, en lui disant
14:36« Chiquita, Chiquita, tu es ma Chiquita », et ça part de là, il sort de dehors, il se
14:40bat, le jeune des quartiers prend le dessous, et tout d'un coup, ça devient une bagarre
14:46générale.
14:47Et évidemment, les jeunes des quartiers ont des couteaux…
14:48Oui, ça devient une bagarre générale, où il y a un mort de 16 ans, et 4 personnes
14:53grèvement blessées.
14:54C'est un drame terrifiant, on a un gamin qui est mort dans les bras de ses amis, alors
15:00qu'il était là pour s'amuser, et qu'il a pris un couteau dans le cœur, c'est atroce.
15:05Mais de là à transformer ce fait divers en un francocide, eh bien, voilà, on a déformé
15:11les faits.
15:12Et nous, journalistes, c'est insupportable, parce que régulièrement, la même chose
15:16se produit à travers les faits divers.
15:18Je parle de l'affaire Philippine par exemple, cette jeune étudiante qui est morte en septembre
15:222024, qui a été tuée et violée, la dernière fois, la petite Louise, de 11 ans, qui a été
15:28tuée, où on voit que dès qu'un auteur présumé est issu de l'immigration ou de
15:35par le port à sa couleur de peau, eh bien, son nom va être jeté en pâture sur les
15:39réseaux sociaux, on va donner sa carte d'identité, c'est ce qui s'est passé pour les jeunes
15:43auteurs présumés de romans.
15:46Certains n'étaient même pas allés à Crépole, au Bâle, et ils avaient leur nom, leur identité
15:52qui ont été jetés sur les réseaux sociaux, leurs familles ont dû déménager…
15:56Il y a une conséquence politique claire de ce que vous dites, puisque à force d'emballements
16:00médiatiques et de batages médiatiques autour de cette affaire de Crépole, le bilan politique
16:06de l'affaire, c'est la poussée fulgurante du Rassemblement National, alors que le vote
16:10RN dans la circonscription lors des trois dernières législatives était autour de
16:1620%, le RN faisait 20% dans cette circonscription, en juin dernier, donc quelques mois seulement
16:22après le drame, puisque le drame était en novembre, juin dernier, législative, le
16:25RN est à 42%, et vous y voyez clairement l'effet du drame.
16:30Très très clairement, et je dirais même que le drame a quasiment annihilé le débat
16:35politique pendant la campagne, nous on y était, on était dans la dernière ligne droite de
16:40cette campagne, et personne ne tractait dans les marchés, on n'arrivait pas à mettre
16:47la main sur les candidats qui ne voulaient pas donner l'endroit où ils se trouvaient,
16:53c'était totalement ubèsque, et on voyait en fait qu'ils étaient tétanisés dès
16:56lors qu'il s'agissait d'évoquer ces faits, qui sont très embarrassants pour une partie
17:02de la gauche qui se refuse d'avoir une certaine réalité dans laquelle est plongé le pays,
17:07qui ont extrêmement profité, à la droite et à l'extrême droite, qui ont totalement
17:12surfé sur ces faits, il faut voir l'accueil de Rockstar qui avait reçu Eric Zemmour en
17:17venant dans la région, et du coup toute tentative de revenir à un débat sain, d'aborder
17:26ces questions-là, de sécurité, d'intégration, d'immigration, c'était absolument impossible
17:31dans la région.
17:32Et l'URN a gagné les élections pour la première fois ?
17:36Elle a doublé son score, elle a gagné sans faire crimpagne.
17:39Quel rôle a joué la maire de Roman-sur-Isère, Marie-Hélène Thoraval dans l'emballement ?
17:44Elle a vraiment mis de l'huile sur le feu, dès le début en fait, dès qu'elle se rend
17:49compte que les assaillants potentiels viennent de la monnaie, elle considère la monnaie
17:57comme son point noir.
17:58La monnaie c'est un tout petit quartier, 3000 personnes, c'est extrêmement pauvre,
18:04c'est un des quartiers les plus pauvres de France, plus de 50% vivent sous le seuil de
18:07pauvreté.
18:08On l'a interrogée sur les chiffres du chômage, elle n'a pas voulu nous répondre mais elle
18:11a eu cette phrase, elle a dit « sont-ils même employables ? ».
18:14Elle a fait surtout le lien entre l'islam, l'islam et ce fait divers, qui n'a rien
18:21à voir avec l'islam.
18:22Aucun des auteurs ne va à la mosquée, la mosquée a tout de suite condamné ce drame.
18:28Ils ont bu de l'alcool le soir les jeunes de la monnaie ?
18:31Bien sûr, ils ont été alcoolisés, ils avaient des réserves d'alcool, ils fumaient en
18:36même temps.
18:37Pourquoi on n'a toujours pas trouvé l'auteur des faits ?
18:39Il y en a 14 qui sont aujourd'hui mises en examen et vous dites « personne ne parle,
18:44c'est l'omerta ».
18:45Leurs mères, parce qu'il y en a qui ne sont pas impliquées dans cette bagarre et
18:48qui sont mises en examen et qui risquent la prison, leurs mamans, leurs mères, elles
18:51vont leur dire « s'il te plaît, parle, dis qui a donné le coup de couteau fatal
18:56et personne ne parle, c'est l'omerta absolue ».
18:58Alors qu'ils savent, en tout cas ils croient savoir qui est l'auteur du coup mortel.
19:04Mais effectivement, ils ont peur à la fois des représailles, ils disent qu'ils ne veulent
19:09pas passer pour des poucaves.
19:10Alors c'est quoi des poucaves, expliquez-nous, parce que le terme revient.
19:14Des balances.
19:15Des balances.
19:16Et donc effectivement, entre eux, ils désignent quelqu'un sans jamais le nommer, ils donnent
19:25sa première lettre de son prénom, mais ils veulent en fait que les gendarmes trouvent
19:32l'auteur du coup mortel sans eux, en faisant leur enquête, etc.
19:37Et malgré toutes les investigations qui ont été faites par les gendarmes, ce sont des
19:41analyses ADN, beaucoup de téléphonie, il y a eu une enquête très poussée de la part
19:46de la gendarmerie, pour l'instant, l'auteur du coup mortel n'est pas désigné, n'est
19:51pas identifié.
19:52Sachant que c'était une énorme cacophonie pendant les faits, qu'il y a eu même des
19:56expertises en colorimétrie qui ont été menées, alors c'est un peu technique mais
19:59en fait ça signifie simplement qu'il n'y avait pas d'éclairage public au moment
20:02où les jeunes sont sortis de la salle vers 2h du matin, et donc du coup on a essayé
20:06de régler la luminosité pour la faire correspondre à une couleur et retrouver les vêtements
20:10des uns et des autres pour savoir qui avait les couteaux, qu'on distingue à peine sur
20:14les images de vidéosurveillance, on ne sait pas exactement même qui a porté les coups
20:18de couteau mais surtout qui avait des couteaux.
20:21Donc ce qu'il se passe aujourd'hui c'est qu'on a eu de nombreuses mises en examen
20:26pour homicide volontaire, en bande organisée, sans qu'on sache même qui est vraiment
20:31l'auteur des faits.
20:32Merci à tous les trois, Jean-Michel Décujistre, Pauline Guéna, Marc Leplongeon, pour ce livre
20:41très utile, Une nuit en France, anatomie du fait d'hiver qui a déchiré le pays,
20:47qui paraît cette semaine chez Grasset.
20:49Merci encore, 8h47.