Le ton remonte d'un cran ce lundi 14 avril entre la France et l'Algérie après l'annonce de la décision des autorités algériennes d'expulser douze fonctionnaires français. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a précisé que cette décision était une réponse à l'arrestation de trois ressortissants algériens en France.
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00:00Merci de nous retrouver sur BFM2 pour revenir sur ce regain de tension entre la France et l'Algérie avec Thierry Arnaud. Bonjour Thierry, éditorialiste international à BFM TV.
00:11Pourquoi ce regain de tension depuis quelques heures maintenant Thierry ?
00:15Alors d'abord les relations diplomatiques entre la France et l'Algérie c'est vraiment ce qui fait de plus inflammable dans le monde de la diplomatie justement.
00:22Il suffit vraiment d'une petite étincelle pour que l'incendie reparte tout de suite et c'est ce qui s'est produit vendredi dernier.
00:28Trois hommes ont été mis en examen et placés en détention provisoire par la justice française pour des faits d'arrêt de séquestration, de détention arbitraire en relation avec une entreprise terroriste.
00:40Ils sont aussi poursuivis par une association de malfaiteurs terroristes criminels. Ce sont des faits qui concernent Amir DZ ou Dizi si on prononce ça à l'anglaise, un influenceur algérien qui est un opposant notoire au régime.
00:51C'est lui qui aurait été enlevé puis relâché. Voilà ce dont ces trois hommes sont accusés. Et parmi ces trois hommes, il y a un ressortissant algérien qui est employé du consulat d'Algérie,
01:06d'un des consulats d'Algérie en France, le consulat de Créteil dans le Val-de-Marne en l'occurrence. C'est donc un agent consulaire et c'est ça qui met le feu en poudre.
01:13Alors immédiatement, ça s'emballe du côté algérien. On accuse la France d'avoir pratiqué une arrestation totalement dépourvue de fondement avec, je cite le ministère algérien des Affaires étrangères,
01:24un argumentaire vermoulu et farfelu. En fait, on explique que cet agent consulaire, la seule chose qu'on peut lui reprocher, c'est de s'attrouver dans l'endroit où les crimes auraient été commis.
01:33Son téléphone a borné dans cette zone, dit le ministère algérien. C'est le seul élément que vous avez contre lui.
01:42Ce n'est pas du tout une preuve qu'il est impliqué de quelque manière que ce soit dans les actes en question.
01:47Et donc voilà cette accusation qui est formulée. Et dans la foulée de cette accusation, puisqu'il s'agit d'un agent consulaire,
01:54l'Algérie explique qu'elle va expulser 12 agents diplomates français en Algérie.
02:01Et c'est ça, effectivement, qui va provoquer la nouvelle montée de tensions entre Paris et Alger.
02:06Là, on entre en effet dans un effet un peu boule de neige où chacun répond au final à l'autre.
02:12Et là, comme ça, de renvoyer des agents diplomatiques, c'est aussi toujours de franchir un peu une étape.
02:18Dès qu'on touche un peu aux représentations comme ça dans des pays, c'est toujours particulier ?
02:22Oui, bien sûr. Et d'ailleurs, au moment où les tensions étaient beaucoup montées entre la France et l'Algérie, l'épisode précédent,
02:29l'Algérie avait aussitôt rappelé son ambassadeur. Et donc, soit on rappelle l'ambassadeur, soit on expulse les diplomates.
02:36Et effectivement, la réplique est venue très rapidement de la part du ministre français des Affaires étrangères,
02:42Jean-Albao, qui a expliqué que si effectivement se confirmait l'expulsion de 12 diplomates ou agents consulaires français en Algérie,
02:49aura donc expulsé vers la France, eh bien la France répliquerait et pratiquerait des mesures, sans doute, il ne les a pas précisées,
02:57mais du même ordre. En général, c'est très symétrique. Tu en expulse 12, jote en expulse 12.
03:03Voilà. L'idée étant de ne pas effectivement faire monter les enchères au-delà de ce qui a été décidé par l'Algérie.
03:10Malgré tout, il y a quelques jours pourtant seulement, Jean-Noël Barraud, le ministre des Affaires étrangères français,
03:18s'était rendu en Algérie. On avait l'impression que les relations se détendaient. On en parlait à ce moment-là.
03:23Oui. Alors, effectivement, on était au paroxysme de la crise il y a quelques semaines encore,
03:28parce qu'il y avait cette tension autour de la crise migratoire et du refus de l'Algérie de pratiquer ses OQTF,
03:36c'est donc d'honorer ses obligations de quitter le territoire français, l'emprisonnement puis la condamnation
03:41de l'écrivain franco-algérien Boyer Sansarme. Et du coup, on arrive dans une crise qui est véritablement à son paroxysme
03:51et dont on ne sait pas très bien comment sortir jusqu'au 31 mars, où il y a un coup de fil entre le président Emmanuel Macron
03:57et son homologue algérien, le président Tebboune. En ressort un long communiqué qui est vraiment un communiqué d'apaisement
04:05où on explique que les deux présidents se sont parlé, qu'ils ont débloqué la situation,
04:11qu'on va, je cite, donner une nouvelle ambition à la relation entre la France et l'Algérie,
04:16qu'on va reprendre la coopération sur la sécurité qui avait été suspendue à l'été 2024,
04:21parce que c'est là où on est rentré dans une crise très forte, parce que c'est le moment où la France reconnaît
04:25la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Et c'est ça qui précipite vraiment la crise vers de nouvelles profondeurs.
04:31Donc les deux présidents se parlent, ils remettent en quelque sorte le train sur les rails
04:35et ils annoncent que quelques jours plus tard, le ministre français des Affaires étrangères,
04:38Jean-Noël Barraud, effectivement, va se rendre à Alger. Ce qu'il fait, c'était dimanche dernier,
04:42donc vous voyez qu'il n'y a pas si longtemps, on est le 6 avril, il est très bien reçu à Alger,
04:48non seulement il rencontre son homologue, mais il rencontre lui aussi le président Tebboune,
04:52donc ce qui est vraiment un geste de confiance et de remise sur les rails de cette relation.
04:58Et il explique qu'on va, je cite, tourner la page des tensions actuelles pour reconstruire un partenariat
05:03d'égal à égal, serein et apaisé. Voilà les mots qu'emploie le patron de la diplomatie française.
05:10Effectivement, tous ces efforts ont été ruinés en l'espace de quelques heures par cette affaire judiciaire,
05:17dont la France, il faut le préciser, explique qu'elle n'a rien à voir avec les relations entre pays.
05:22C'est simplement des crimes ont été commis. La justice fait son travail.
05:26Elle arrête ceux qui sont considérés comme les principaux suspects,
05:30elle les met en examen, les place en détention provisoire.
05:33C'est une affaire judiciaire qui, du point de vue de Paris, est totalement séparée du contexte politique
05:37entre la France et l'Algérie. Mais on voit qu'effectivement, c'est une matière tellement inflammable
05:42qu'il a suffi de ces arrestations, de ces mises en examen, de ces placements en détention provisoire
05:47pour ruiner, en quelque sorte, tous les efforts qui avaient été entrepris depuis la toute fin du mois de mars.
05:52Et justement, comment revenir à des relations plus apaisées entre la France et l'Algérie ?
05:57Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour que tout cela se calme à nouveau ?
06:03C'est compliqué de répondre à cette question parce que ce qu'il fallait faire, on l'a déjà fait.
06:07C'était profiter du fait qu'au-delà des difficultés politiques profondes qu'il y a entre les deux pays,
06:13il y a plutôt, et on les voit à l'image, une bonne relation personnelle entre Emmanuel Macron et le président algérien.
06:20Je pense que ce qu'on voit à l'image, c'est la visite du président français en août 2022
06:24qui avait contribué à beaucoup d'étendre les relations et suscité beaucoup d'espoir.
06:30On voit que ces espoirs n'ont pas tenu.
06:31Donc là, est-ce que le président français va à nouveau décrocher son téléphone 10, 15 jours plus tard pour recommencer l'opération ?
06:39On ne sait pas très bien, mais je pense que la leçon, c'est que malheureusement,
06:42on est sur un terrain qui est tellement miné, tellement compliqué,
06:45que le moindre prétexte à une dégradation des relations est saisi et peut être utilisé de manière disproportionnée.
06:54En tout cas, on peut se poser la question et rend effectivement le retour à des relations plus apaisées vraiment très difficile.
07:01Est-ce qu'on peut faire un parallèle avec les relations au Maroc,
07:05alors que Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur, est sur place et lui vantait aujourd'hui des relations vraiment très fortes,
07:11des échanges qui fonctionnent très bien, notamment sur le plan des questions migratoires.
07:16Et bon, donc à quelques centaines de kilomètres de là, ça ne va pas avec Alger.
07:20Oui, non seulement on peut faire la comparaison, mais on peut faire le lien,
07:25parce que je le disais tout à l'heure, ce qui en fait précipite les relations entre la France et l'Algérie vers une nouvelle crise,
07:30c'est la reconnaissance à l'été en juillet 2024, par la France et en l'occurrence par le président français,
07:36qu'il y a une légitimité à leur revendication par le Maroc de la souveraineté sur, en quelque sorte,
07:47un rôle pour coiffer ce qui serait un Sahara occidental indépendant, mais de fait rallié au Maroc.
07:53Donc ce sujet du Sahara occidental, c'est évidemment une pomme de discorde historique, très aiguë, très forte entre la France et l'Algérie.
08:04Jusque-là, la France avait un peu zigzagué pour éviter de prendre une position trop claire dans un sens ou dans l'autre
08:09et essayer de ménager ses relations à la fois avec le Maroc et à la fois avec l'Algérie.
08:15Là, pour le coup, en juillet 2024, la France tranche, elle accepte la lecture marocaine de l'histoire et de sa place, la place du Maroc, au Sahara occidental.
08:28Et ça, du coup, ça provoque une crise avec l'Algérie, qui est une crise très profonde et dont on voit précisément, on est en train d'en parler, la difficulté à en sortir.
08:38Et donc, effectivement, ça crée une forme d'asymétrie totale entre des relations sur le Maroc qui, du coup, sont rétablies, deviennent beaucoup plus positives.
08:50Il y a une visite d'État du président français, il y a la visite du ministre de l'Intérieur qui explique qu'effectivement, de son point de vue, les choses se passent bien
08:58sur tous les sujets délicats qui concernent la justice et le matériel de l'ordre en France.
09:04Et évidemment, le contraste avec l'Algérie est évident, mais encore une fois, remonte à cette décision française de juillet 2024.
09:11Voilà, et ce qui illustre tout ça, c'est Bruno Retailleau qui, cet après-midi, disait qu'il ne commentait pas les affaires algériennes depuis le territoire marocain.
09:21Oui, parce que là, pour le coup, ça aurait été la pire des manières de remettre de l'huile sur le feu sur une situation qui est déjà très, très, très tendue.
09:29Effectivement. Merci beaucoup Thierry Arnaud, éditorialiste international à BFM TV, pour cet éclairage sur ces tensions entre la France et l'Algérie.
09:38Merci d'être avec nous sur BFM 2. Restez bien sur BFM 2. Un nouveau direct à suivre.