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Jeudi 3 avril 2025, retrouvez Malek Semar (Fondateur, ONG No Water No Us) dans MANAGER L'ODYSSÉE, une émission présentée par Alix Nguyen.

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Transcription
00:00Bienvenue dans Manager l'Odyssée, votre rendez-vous hebdomadaire sur BeSmart4Change.
00:1528 minutes en immersion dans le quotidien d'un manager.
00:19Devenir un bon manager ne s'improvise pas.
00:22Aujourd'hui, j'accueille Malek Semar, fondateur de l'ONG No Water No Us,
00:28une organisation dédiée à la préservation de l'eau et à la sensibilisation sur son accès dans le monde.
00:34Il est aussi sur ces sujets-là, bien sûr, conférencier et industriel.
00:38L'histoire de mon invité commence dans un petit village sans eau ni électricité,
00:43un vécu qui façonne son engagement et qui, bien des années plus tard, le pousse à agir.
00:49Son parcours est aussi marqué par des épreuves, des décisions difficiles
00:53et des histoires qui l'ont transformé, il nous raconte.
00:59BeSmart.
01:00Bonjour Malek.
01:01Bonjour.
01:02Bienvenue.
01:03Merci.
01:04Merci d'avoir répondu présent à mon invitation.
01:07Malek, pour commencer, vous avez, je le disais en introduction de cette émission,
01:12grandi dans un village sans eau ni électricité jusqu'à vos 9 ans, il me semble.
01:18Tout à fait.
01:19Quels souvenirs est-ce que vous gardez de cette période ?
01:22Beaucoup parce que finalement, c'était une vraie liberté.
01:26C'est vrai qu'aujourd'hui, on parle beaucoup de la privation de l'eau,
01:29mais en tout cas, en tant qu'enfant, moi, je l'ai vécu plutôt comme un moment de plaisir.
01:34Donc, des souvenirs entre cousins, entre enfants, je dis cousins,
01:38puisque finalement, c'était un petit village, tout le monde était un peu la même famille,
01:41mais c'était un moment de liberté.
01:42Donc, on avait effectivement une heure pour aller chercher l'eau, une heure pour revenir
01:45et puis surtout une heure pour jouer dans la forêt.
01:47Donc, c'était plutôt des bons souvenirs et énormément, énormément.
01:51Donc, que ça soit en famille, puisque j'étais moi avec ma mère et mon grand-père,
01:56parce que mon père était venu en France avant ma naissance et on l'a rejoint.
02:00Comme tu l'as dit, j'avais un petit peu deux mois.
02:03Deux mois après, j'avais 9 ans.
02:04Oui.
02:05Et donc, ce trajet, finalement, c'était plus un moment de partage qu'une contrainte.
02:10Tout à fait, tout à fait.
02:12Alors, c'était un moment de partage au moment d'y aller, de jouer, etc.
02:17Mais il fallait le faire très souvent.
02:19C'était tous les jours, en fait.
02:20Exactement.
02:21La contrainte était d'y aller souvent.
02:22Alors, tous les jours, peut-être pas, mais plusieurs fois par semaine, oui,
02:25puisque de l'eau, on en a besoin, pas uniquement pour boire,
02:28puisque 2 litres suffisent, mais pour tout faire, pour nettoyer, pour laver, etc.
02:32Pour les animaux, puisqu'on vivait avec les animaux aussi.
02:35Les animaux ont partagé le même salon.
02:37C'était un moyen de se chauffer, puisqu'il n'y avait pas d'électricité non plus.
02:40Donc, partage, oui, parce que finalement, quand tu as porté ta propre eau,
02:46tu connais la valeur de chaque goutte.
02:48Je pense que ces 9 années m'ont permis d'apprendre la valeur de la rareté et du partage.
02:53Et les contraintes, c'était le fait de devoir y aller souvent,
02:56le fait de devoir se surveiller parce qu'on ramenait de l'eau,
02:59et puis parfois, en tant qu'enfant à 5 ans, on prenait le bidon et puis on buvait.
03:02Et puis les adultes nous tapaient dessus parce que l'eau s'abîmait plus vite, en fait,
03:07une fois qu'on avait mis des micro-débris.
03:08Et ce trajet, ça représentait quoi, une heure ?
03:11Un peu plus aller-retour.
03:12Je pense qu'il y avait, je dirais, quasiment une heure et demie à deux heures,
03:16quasiment aller-retour à pied.
03:17Parfois, on avait l'avantage d'y aller avec un âne, donc on allait un petit peu plus vite.
03:21Et donc plus tard, vous grandissez en France.
03:23Quand est-ce que vous avez réalisé que l'accès à l'eau serait votre combat ?
03:29Alors, deux événements, une rencontre.
03:32Moi, on l'associe aujourd'hui, Jacques Momeux,
03:35avec lequel on est associé dans France Industrie et Assainissement,
03:37la société qu'on porte.
03:39Sur les gens, j'ai lieu à l'eau, donc je l'ai rencontré en 2017.
03:42On s'est associé en 2018.
03:44Son expertise, en fait.
03:45Il avait une énorme expertise.
03:47Moi, j'avais toujours beaucoup lu sur l'eau.
03:50Et suite à sa rencontre, je me suis formé.
03:52En fait, je me suis intéressé d'un peu plus près techniquement à l'eau.
03:55J'ai passé un diplôme à l'Université de Genève
03:57et j'ai découvert que 80 % des eaux usées étaient rejetées dans la nature sans traitement.
04:01Et ce chiffre m'a rendu fou.
04:03Mais parce que cette formation à l'Université de Genève,
04:07elle s'inscrit dans cette passion eau, entre guillemets.
04:12Tout à fait.
04:13Mais qui se matérialise quand la première fois ?
04:16Avant ça, vous étudiez ? Qu'est-ce que vous faites ?
04:18Avant ça, moi je suis dans les télécoms initialement.
04:21Donc, j'ai une télécom de formation.
04:23J'avais mon propre opérateur pendant longtemps.
04:26Donc, cette rencontre et cette formation, en fait, c'est une prise de conscience.
04:30Et tout s'est lancé quasiment en parallèle.
04:32L'ONG, la société.
04:34Je pense que quand tu ne fais pas semblant avec une activité ou une matière,
04:39peu importe, ou un business,
04:41tu comprends les choses dix fois plus vite.
04:43Tu peux le faire cent fois plus.
04:45C'est pour ça, je pense.
04:46Et c'est vraiment d'avoir entendu ce chiffre,
04:4880% des eaux usées sont rejetées sans traitement,
04:51qui a fait tilt et qui vous a donné envie de vous consacrer au sujet eau.
04:55Tout à fait.
04:56Le projet industriel, c'était la rencontre avec Jacques.
04:58Mais effectivement, ce chiffre-là, ça a été un petit peu comme une révélation.
05:02Et j'ai lu tout ce qui parlait de l'eau.
05:05J'ai lancé l'ONG, puisque l'idée était de dire,
05:08je crée une industrie.
05:09Une fois que j'ai de l'argent, je reverse et je fais une association.
05:12Et puis, je me suis dit, non, je vais rendre maintenant ce que je n'ai pas encore gagné,
05:15parce qu'il y avait vraiment cette folie de dire, on va sauver l'humanité,
05:18parce que 80% c'est trop.
05:20Écoute, on va tout faire pour être bien.
05:22Et donc, le tilt, il est instantané de faire de cette prise de conscience
05:26une démarche entrepreneuriale.
05:27Tout à fait.
05:28C'est instantané.
05:29C'est instantané.
05:30Il n'y a pas eu de cheminement.
05:31Il n'y a pas eu de stress.
05:32Il n'y a eu de cheminement.
05:33Instantané.
05:34C'était naturel.
05:35Monter une ONG, c'est aussi bâtir une équipe.
05:38Oui.
05:39L'animer.
05:40Oui.
05:41Comment est-ce que vous avez structuré No Water, No Us ?
05:44La genèse.
05:45Je pensais que je passerais 20% de mon temps dans l'ONG et 80% dans la société.
05:50Et aujourd'hui, je passe 80% dans l'ONG.
05:52Donc, des bénévoles, forcément.
05:55La genèse.
05:57Comment on gère des bénévoles ?
05:58Comment on gère des bénévoles ? Difficilement.
06:00Est-ce qu'il y a une différence certaine entre la façon dont on gère des bénévoles et des salariés ?
06:04Il faut les embarquer.
06:07Un salarié qui n'est pas embarqué a la récompense du salaire.
06:10Donc, on peut être plus exigeant.
06:12Un bénévole, il marche uniquement s'il est embarqué dans le projet.
06:17Donc, ça veut dire comment faire en sorte que les actions de l'ONG aient un minimum de priorité dans ces actions-là.
06:23Oui.
06:24Parce que sinon, le risque, c'est qu'à chaque fois qu'il y a une autre priorité, l'ONG est mise de côté.
06:28Donc, c'est vraiment embarquer.
06:29Embarquer.
06:30Pendant 2-3 ans, j'ai fait tout seul.
06:34Donc, les premières personnes que j'ai embarquées m'avaient déjà vu faire.
06:38Et c'est plus simple.
06:39En fait, je pense que dans une ONG, on embarque par l'action.
06:41Pas uniquement.
06:42Vous inspirez donc.
06:43Exactement.
06:44Et vous êtes combien aujourd'hui ?
06:45On a une soixantaine d'ambassadeurs, un peu partout dans le monde.
06:48Et votre parcours est multiple.
06:49Je le disais aussi en introduction.
06:50Conférencier, entrepreneur, fondateur de l'ONG.
06:53Comment est-ce que ces rôles se complètent ?
06:55Et comment est-ce qu'ils influencent votre façon de manager finalement ?
06:59Tout est dans l'eau.
07:00Donc, l'avantage, c'est que l'ONG est dans l'eau.
07:02Les conférences que je donne, c'est uniquement ou quasiment les enjeux liés à l'eau.
07:07On me demande parfois d'intervenir puisque j'ai créé plusieurs sociétés.
07:10Donc, en tant qu'entrepreneur, j'ai fait 20 ans dans le digital.
07:13Donc, on me demande parfois d'intervenir dans le digital.
07:15Mais depuis quelques années, avec l'eau, j'ai trouvé ma place dans ce monde de fou.
07:19Tout ce que je fais est pour l'eau.
07:21Et finalement, il y a beaucoup d'interactions entre.
07:24Parce que quand je suis invité dans un événement majeur,
07:27que ce soit aux G20 des entrepreneurs, aux Nations Unies en tant que conférencier,
07:31forcément, je parle aussi bien de l'ONG que de la partie industrielle.
07:35Et quand je suis dans un rendez-vous business, c'est pareil.
07:37Les autres sujets sont toujours présents.
07:39Donc finalement, je n'enlève pas une casquette pour en mettre une autre.
07:41J'ai constamment les trois sur moi.
07:43En préparant cette émission, vous avez évoqué une anecdote, plusieurs d'ailleurs.
07:48Merci, c'était riche.
07:50Celle d'un puits détruit par les femmes elles-mêmes dans un village africain
07:55pour préserver leur moment de liberté.
07:58Est-ce que vous pouvez m'en dire plus ?
08:00C'est une anecdote que je n'ai même pas vécue.
08:03Mais la façon dont on me l'a racontée,
08:06et les personnes qui l'ont vécue et que je connais très bien,
08:09c'est comme si je l'avais vécue en fait.
08:11Parce que ça me rappelle beaucoup de choses qu'on a vécues nous dans l'eau.
08:14Ils avaient fait une installation pour un puits,
08:16pour des femmes qui devaient marcher quasiment deux heures aller, deux heures retour,
08:20pour aller chercher de l'eau.
08:22Parce qu'il n'y avait aucun point d'eau dans le village.
08:24Il n'y avait pas de source, etc.
08:26Et finalement, au bout de quelques semaines, les femmes l'ont détruit.
08:29Donc eux, ils n'ont pas compris pourquoi.
08:31Ils se sont dit, bon, ils ont reconstruit le puits,
08:34il a été détruit de nouveau.
08:35Et puis à un moment donné, ils ont pris les femmes à part,
08:38et ils ont essayé de comprendre.
08:40Pourquoi ? Parce que, un, ça a coûté de l'argent.
08:43Vous avez quand même l'eau, c'est quand même beaucoup plus simple,
08:45vous évitez de marcher, etc.
08:47Et vous ne prenez pas de risque entre les agressions,
08:49les viols qu'on peut avoir sur la route.
08:50Parce qu'en Afrique, typiquement, c'est les femmes et les enfants qui vont chercher l'eau.
08:54Et en fait, les femmes m'ont expliqué qu'elles perdaient un moment de vie.
08:57Donc effectivement, elles avaient l'eau pour survivre,
09:00mais qu'elles avaient l'impression de ne pas vivre,
09:02parce qu'elles avaient cette demi-journée entre l'aller et le retour,
09:04à un moment là-bas, entre femmes.
09:06Elles pouvaient dire ce qu'elles voulaient,
09:07elles n'avaient pas leur marée sur le dos,
09:09ni la maison à gérer, ni les contraintes liées à un foyer, etc.
09:13Donc en fait, c'est juste qu'elles perdaient une liberté.
09:16Et c'est là que tout d'un coup,
09:18enfin moi, en tout cas, ce que ça a inspiré chez moi,
09:20c'est que l'eau, c'est presque plus que la vie.
09:22On dit l'eau, c'est la vie.
09:23L'eau, c'est la vie.
09:24Finalement, j'ai l'impression que c'est plus,
09:25ça amène toute une vie commune, communautaire, etc.
09:29Donc finalement, il a fallu trouver un moyen.
09:32Ça, c'est la réponse que je lui ai donnée,
09:34parce qu'après, lui, il était bloqué sur cette situation-là.
09:36Je lui ai dit, mais en fait, crée une coopérative autour de ça,
09:38où elles ont ces moments-là.
09:39Juste, recrée-leur un moment.
09:41Donc effectivement, l'eau, c'est plus que la vie.
09:43Et ça, c'est une anecdote qui a été déterminante
09:45dans votre vision et appréhension du sujet.
09:48Dans la façon de faire.
09:49Il y a eu un avant et un après, cette anecdote ?
09:51Il y a eu un avant et un après.
09:52Il y a eu un avant et un après.
09:53Cette anecdote a changé beaucoup de choses.
09:56Dans l'ONG, on a envoyé quatre jeunes étudiants
09:58faire le tour du monde à vélo.
10:01Cette anecdote a fait que le sujet le plus important
10:05que j'ai échangé avec eux, c'est,
10:07vous n'avez aucune leçon à donner.
10:09Vous arrivez, vous observez.
10:11Parce que c'était quoi le but de cette épopée ?
10:13En fait, c'était faire le tour du monde à vélo pour l'eau.
10:16Donc, c'était une mission de sensibilisation
10:18qui a duré 17 mois.
10:1920 pays traversés avec des installations solidaires
10:22en Thaïlande, en Malaisie, en Indonésie.
10:24Donc, à chaque fois, il y avait un projet à mettre en place ?
10:26Il y avait systématiquement des projets sur place.
10:28Il y a un challenge sportif,
10:29parce que c'est ce qui permet de sensibiliser.
10:31Mais on a intervenu dans plein de pays,
10:32avec les écoles, les native people,
10:34les peuples premiers en Malaisie.
10:37Et cette anecdote a fait que j'ai passé un temps fou
10:39à dire aux jeunes, surtout,
10:41vous n'avez pas de leçon à donner.
10:42Vous êtes là pour apprendre.
10:44Une fois que vous avez bien compris comment ils vivent,
10:46quelle est leur relation à l'eau,
10:48là, vous pouvez éventuellement essayer de penser à une solution
10:50avec ce que vous avez en tête.
10:52Donc, cette anecdote a changé un peu la perception
10:55de toutes les installations solidaires qu'on fait.
10:58L'écoute et la transmission,
11:01vous venez de le dire,
11:03semblent centrales dans votre approche
11:05du management, notamment,
11:06puisqu'on est ici pour parler du management.
11:08Dans quelle mesure est-ce que ça guide
11:11vos décisions aujourd'hui ?
11:13Systématiquement, c'est-à-dire que
11:15tous les ambassadeurs
11:18ou les nouveaux bénévoles qui viennent,
11:20moi, je leur demande toujours d'avoir une contrepartie.
11:22Parce que beaucoup de gens viennent en disant
11:24non, non, c'est juste, c'est bien ce que vous faites,
11:26j'ai envie de m'embarquer.
11:27Et ça ne suffit pas d'embarquer avec une vision ?
11:29Pour moi, ça ne suffit pas.
11:30Pourquoi ?
11:31Pour moi, ça ne suffit pas parce qu'on doit toujours
11:32avoir une contrepartie.
11:34C'est pareil, c'est du vécu.
11:35Que ce soit en entreprise,
11:36on a une contrepartie qui s'appelle le salaire.
11:38Là, il faut trouver d'autres contreparties.
11:40On ne parle pas forcément d'argent.
11:42Ça peut être une contrepartie, une richesse intérieure.
11:44C'est quoi la contrepartie d'un bénévole, alors ?
11:46C'est à lui de l'exprimer, justement.
11:47Chacun est différent.
11:48Certains vont dire, Malek, moi,
11:50j'aimerais intervenir dans tel pays,
11:52emmène-moi sur une des actions localement
11:54pour aider les plus démunis.
11:56D'autres vont dire, tu organises des grands événements,
11:58moi, je fais participer à ces événements.
12:00Je rencontre du monde, j'augmente mon réseau.
12:02Donc chacun peut avoir une contrepartie différente.
12:04Mais s'il n'en trouve pas,
12:08le temps a montré que ça ne marche pas.
12:10Je pense que dans le management, c'est pareil.
12:12Quand vous recrutez des bénévoles,
12:14c'est un incontournable ?
12:16Je leur demande systématiquement.
12:18C'est un incontournable.
12:20Systématiquement, qu'est-ce que vous attendez ?
12:22D'ailleurs, je pose moi la question,
12:24avant de leur exposer ce que fait Novator,
12:26c'est qu'est-ce que vous attendez, vous ?
12:28Sinon, c'est prendre le risque
12:30que son engagement ne sera pas pérenne.
12:32Je ne sais pas si le risque,
12:34c'est un engagement pérenne ou pas pérenne.
12:36En fait, on peut faire le parallèle
12:38avec l'entreprise.
12:40Le salaire peut satisfaire pendant un certain temps.
12:42Tout d'un coup, ce n'est plus assez.
12:44Finalement, ce n'est pas une question de pérennité.
12:46Il s'impliquera beaucoup plus
12:48si la contrepartie
12:50qu'il estime être bonne pour lui,
12:52lui convient.
12:54Si demain, un salarié est content de son salaire,
12:56il travaillera un peu mieux qu'un salarié mécontent.
12:58Pour les bénévoles, ça marche exactement pareil.
13:00Il faut trouver ce qu'ils en attendent en retour.
13:02Vous m'avez aussi dit que votre fille
13:04vous accompagne dans vos réflexions
13:06et relie parfois vos publications.
13:08Pourquoi cette démarche ?
13:10Ma fille et mon fils
13:12m'accompagnent souvent.
13:14Il faut écouter les enfants.
13:16En fait, les enfants,
13:18contrairement à l'adulte...
13:20Il y a une image simple. En tant qu'adulte,
13:22on se met devant un miroir, on danse, on se regarde.
13:24Comment je danse ? Est-ce que c'est bien ou pas bien ?
13:26Un enfant s'en moque totalement.
13:28Ils ont encore cette innocence.
13:30Je trouve que cette innocence...
13:32Si elle est reliée au poste,
13:34c'est qu'elle n'est plus si jeune.
13:36Elle a 15 ans. Mais à 12 ans,
13:38je l'écoutais déjà.
13:40J'ai plein d'anecdotes avec elle.
13:42Je peux vous en raconter une si vous voulez.
13:44On a eu des discussions un peu lunaires
13:46qui ont même changé ma façon de faire les choses.
13:48On était dans le jardin.
13:50On a un cerisier.
13:52On a la chance d'avoir un cerisier.
13:54Les pigeons s'en régalent.
13:56Un peu comme tout le monde, j'ai pris une branche
13:58et je l'ai jetée sur le cerisier.
14:00Je ne voulais faire de mal à personne.
14:02Quand je coupe un arbre ou une branche
14:04ou un moustique, ma fille pleure.
14:06Juste les éloigner.
14:08Ma fille est venue en me disant
14:10« Pourquoi tu fais ça ? »
14:12Je lui ai dit qu'ils ne donnaient pas beaucoup cette année.
14:14On regarde les cerises.
14:16Elle me dit « Mais eux, ils ont quoi ? »
14:18C'est mon jardin. J'ai envie d'avoir des cerises.
14:20Elle me dit « Mais eux, c'est où leur jardin ? »
14:22Je lui ai dit « Ma chérie, c'est ma maison.
14:24C'est chez moi. Je l'entretiens.
14:26J'aimerais juste avoir des cerises.
14:28Mais c'est où leur maison ? »
14:30La prise de conscience, c'est de dire
14:32« ça doit être à moi. Non, en fait, ce n'est pas à moi.
14:34C'est commun. »
14:36J'ai trouvé cette image d'avoir ma fille, l'arbre et l'animal.
14:38Le monde végétal, le monde animal
14:40et le monde des humains.
14:42Effectivement, oui, ça marche comme ça.
14:46Toutes ces interactions
14:48sont venues du fait que je les implique aussi beaucoup.
14:50On avait fait un spectacle
14:52pour sensibiliser à l'eau.
14:54On a eu le label « Saison Africa 2020 ».
14:56C'est ma fille qui a écrit le spectacle.
14:58En trois minutes, elle a fait son discours toute seule.
15:00Future leadeuse ?
15:02Je ne sais pas parce qu'elle a énormément pleuré.
15:04Moi, je suis parti derrière elle.
15:06Ma fille, je l'ai déjà vue à l'école. Elle ne pleure pas sur scène.
15:08Je lui ai dit
15:10« ça y est, elle m'a pourri mon spectacle.
15:12Ça fait une heure et demie que j'ai fait ça. Ça fait deux ans que je prépare. »
15:14Je vais derrière. Je lui ai dit « mais qu'est-ce qui se passe ? »
15:16Elle me dit « non, c'est par rapport à tout ce que j'ai entendu. »
15:1880 % de la salle est venue me voir après
15:20dans des politiciens
15:22avec les larmes aux yeux.
15:24Je me suis dit « non, les enfants ont raison. »
15:26D'où cette implication.
15:28Pour aller plus loin dans votre parcours,
15:30entre 2010 et 2016,
15:32vous traversez une période très difficile.
15:34Maladie, justice,
15:36dépression, agression.
15:38Comment avez-vous trouvé la force
15:40de surmonter ces épreuves ?
15:44Je reviens à mes enfants.
15:46On dit souvent que l'inspiration,
15:48c'est les gens qu'on veut copier.
15:50En mon sens, l'inspiration,
15:52c'est pour qui tu fais tout ça.
15:54Mon inspiration,
15:56elle a deux prénoms,
15:58Jade et Enzo.
16:00Voilà, pas plus.
16:02Ça m'a suffi largement.
16:04Vous avez refusé,
16:06c'est un florilège d'anecdotes,
16:08plusieurs millions d'euros
16:10pour monter une entreprise concurrente
16:12contre votre associé.
16:14C'est un choix qui a été instinctif
16:16ou c'était une décision réfléchie ?
16:18Instinctif.
16:20Instinctif parce que
16:22il faut un peu de morale
16:24dans tout ce qu'on fait.
16:26Je trouve qu'à un moment donné,
16:28tu rentres chez toi,
16:30tu te regardes dans la glace,
16:32est-ce que tu es capable de dormir ou pas ?
16:34En faisant ce genre de choses,
16:36moi, je suis incapable de dormir.
16:38Et comme le sommeil,
16:40c'est le sel carburant de l'être humain,
16:42j'y tiens.
16:44Donc non, c'était instinctif.
16:46Et pourtant, cet associé
16:48que vous avez refusé de trahir,
16:50lui vous a arnaqué.
16:52Il a dit soit on gagne, soit on apprend.
16:54J'ai énormément appris.
16:56Je retiens énormément de choses.
16:58Je fais partie des gens
17:00où souvent on pose toujours la question
17:02entre la destination et le trajet,
17:04tu préfères quoi ? La compagnie.
17:06La compagnie de très très loin.
17:08Peu importe la destination,
17:10peu importe le trajet,
17:12peu importe que tu gagnes ou tu perdes,
17:14c'est avec qui tu vis tout ça.
17:16On avait monté une très belle société
17:18qui allait très très haut.
17:20Avant toute l'aventure haut.
17:22Et effectivement, ça s'est
17:24très très mal fini.
17:26Mais ça fait partie
17:28de l'apprentissage de l'entrepreneur.
17:30La société faisait quelques dizaines de millions,
17:32donc on avait fait un beau projet.
17:34Et puis l'un dans l'autre, une très belle aventure
17:36est née de ses cendres.
17:40Je gagnais beaucoup d'argent,
17:42mais maintenant ce n'est plus une histoire d'argent.
17:44Donc finalement, je suis beaucoup plus serein.
17:46Quand on parle de mission de vie, de sens,
17:48je ne savais pas ce que c'était.
17:52Le fait de faire quelque chose qui a plus de sens,
17:54ça change tout.
17:56Ça change quoi dans votre tête de dirigeant ?
17:58Tu peux travailler plus.
18:00Pourquoi ?
18:02Parce qu'on y met ses tripes ?
18:04Non, tu n'as pas l'impression de travailler.
18:06Avant, je travaillais avec cet objectif
18:08de gagner de l'argent.
18:10La priorité, c'était le modèle économique.
18:12S'il n'y avait pas d'argent, il ne fallait pas faire.
18:14Aujourd'hui, la réflexion, c'est de dire
18:16que la réflexion doit être bonne.
18:18Si elle est bonne et qu'elle a un impact sociétal,
18:20environnemental, même dans la partie business,
18:22on met un modèle économique dessus.
18:24Et si le modèle économique
18:26n'est pas rentable, on le change.
18:28Jusqu'à ce qu'on trouve le bon modèle.
18:30Et si au bout d'un moment, il n'y a pas de modèle économique,
18:32on va aller jeter un coup d'œil
18:34sur l'action.
18:36Avant, c'était une course effrénée
18:38pour juste faire du chiffre.
18:40Et vous diriez que vous n'étiez pas
18:42spécialement heureux, en tout cas moins.
18:44Je ne sais pas s'il y a une comparaison à voir.
18:46Je ne savais pas.
18:48C'est difficile de dire.
18:50Aujourd'hui, vous n'y reviendriez pas
18:52puisque vous faites ce que vous faites.
18:54Mais à l'époque, vous n'en aviez pas forcément conscience.
18:56Non, je n'en avais pas conscience.
18:58Pour moi, c'était une normalité.
19:00Mais aujourd'hui, le fait de donner du sens
19:02et surtout de ne pas faire semblant.
19:04D'être allié avec ce que vous faites.
19:06Exactement.
19:08Fred Kafka avait dit
19:10« La vie est un cirque
19:12pour sortir avec mon vrai visage ».
19:14En fait, c'était ça avant.
19:16J'avais un masque et mon rôle d'entrepreneur.
19:18Aujourd'hui, je suis ce que je suis.
19:20Autre anecdote.
19:22Votre grand-mère vous a transmis
19:24deux phrases qui vous accompagnent au quotidien.
19:26Est-ce que vous pouvez
19:28nous les partager et nous dire
19:30dans quelle mesure elles vous guident ou vous ont guidé ?
19:32Je ne sais plus
19:34quelle anecdote j'ai partagé
19:36parce que j'en ai énormément avec ma grand-mère
19:38côté maternel.
19:40S'il y en a une,
19:42il y en a une que je ne peux pas oublier.
19:44Je pense qu'il y a même les deux.
19:46À mon avis, je les connais.
19:48La première, c'est dire qu'une montagne,
19:50ça met des milliards d'années à se construire
19:52et un séisme, il n'y a plus rien.
19:54Quoi que tu fasses, où que tu sois,
19:58ne crois pas
20:00que tu es trop haut ou plus haut que tout le monde
20:02parce que c'est très difficile
20:04de monter, mais tout peut s'écrouler
20:06en une seconde. Donc, toujours être vigilant.
20:08Ça, c'est la première phrase.
20:10Est-ce que j'ai bon ou pas ?
20:12Oui, c'est vrai.
20:14La deuxième, c'est peut-être un peu prétentieux,
20:16mais elle m'a dit
20:18t'inquiète pas, tu es né sous une bonne étoile.
20:20Quoi qu'il arrive, ça ira.
20:22Vous pourriez dire pourquoi aujourd'hui elle l'a dit ?
20:26Le fait de monter
20:28et puis ça s'écroule en une seconde, je l'ai vécu.
20:30Non, le fait que vous soyez né sous une bonne étoile.
20:32Elle vous l'a dit enfant ?
20:34Elle me l'a dit enfant.
20:36Non, de toute façon,
20:38tout ça, c'est avant que j'arrive en France.
20:40Donc,
20:42avec toutes les difficultés traversées,
20:44je comprends ce que ça veut dire en fait.
20:46Après,
20:48c'est des croyances.
20:50Ça reste des croyances.
20:52Toujours dans la mâle
20:54anecdote, l'histoire du pêcheur
20:56mexicain qui a changé votre vie
20:58et vous a poussé à partir vivre
21:00aux Antilles.
21:02Que raconte-t-elle cette histoire ?
21:04Je vais essayer de la faire vite parce qu'elle est longue.
21:06Oui, c'est vrai qu'on n'a pas un temps à finir.
21:08Elle est magnifique.
21:10Effectivement, après mon DESS,
21:12ça s'appelait un DESS à l'époque,
21:14je me voyais travailler dans un groupe,
21:16un grand groupe, etc.
21:18Je suis ingénieur télécom
21:20de formation et j'étais en train de discuter
21:22chez des amis.
21:24Le père d'une copine
21:26me dit « Tu fais quoi ? » Je lui dis « Je fais de l'électronique. »
21:28Il me dit « C'est bien, CAP, BEP. »
21:30Je dis « Non, non. » On parlait d'autre chose.
21:32Il me dit « Mais non, tu fais pas CAP ou BEP. »
21:34Je lui dis « J'ai jamais dit ça. »
21:36Je dis « Non, je fais un DESS. »
21:38Et là, tout d'un coup,
21:40il me dit « Mais qu'est-ce que tu veux faire plus tard ? »
21:42J'ai répondu « Je veux gagner de l'argent. »
21:44Il m'a dit « Pourquoi faire ? »
21:46Et en fait, j'ai buggé.
21:48Si je lui dis que je veux acheter une grande maison,
21:50une belle voiture, je retombe sur
21:52la vie qu'il a vu de moi au départ.
21:54Donc en fait,
21:56je ne savais pas quoi lui répondre.
21:58La réponse aujourd'hui, je la connais
22:00je pense une vingtaine d'années pour l'avoir.
22:02Depuis l'eau d'ailleurs.
22:04Il me dit « Je vais te raconter une blague. »
22:06Il me dit « Tu connais l'histoire du pêcheur mexicain ? »
22:08Je vais essayer de la faire très très court.
22:10C'est un pêcheur qui vit sur une île
22:12à côté du Mexique. Le matin, il va pêcher.
22:14Le midi, il revient. Sa femme revient
22:16avec les enfants à l'école. Ils font un barbecue.
22:18L'après-midi, il fait une sieste et puis il va pêcher le soir.
22:20Sa vie se résume à ça.
22:22Un milliardaire américain vit dans une grande maison à côté
22:24et puis un jour, il va le voir. Il me dit « Je vais t'acheter ton poinçon. »
22:26Il me dit « Pourquoi faire ? »
22:28Je suis milliardaire. Je paie le prix qu'il faut
22:30parce que tu pêches avec amour.
22:32Tu mets de l'amour dans ce que tu fais. Je suis sûr que ton poisson
22:34sera meilleur que l'autre.
22:36Ensuite, tu pêches un peu plus
22:38et puis il y a 3-4 maisons. Ici, tu vends.
22:40Après, l'hôtel.
22:42Après, tu fais dans tout le pays. Chalutier, etc.
22:44Fais-moi confiance. Je m'appelle un tel. Je sais déceler les talents.
22:46Tu vas devenir l'homme le plus heureux du monde
22:48avec du poisson.
22:50Après, tu achètes plein de chalutiers. Tu es partout dans le monde.
22:52Ensuite, tu fais comme moi.
22:54J'ai une maison. J'habite en bord de mer.
22:56Le matin, je me lève. Je vais nager. Je vais pêcher un peu.
22:58Le midi, je mange avec ma femme et mes enfants.
23:00L'après-midi, je fais une sieste.
23:02Il était en train de lui décrire sa vie.
23:04Je me suis dit que si
23:06la vie, c'est ça,
23:08je vais aller vivre la fin de la mienne.
23:10Je vais aller sur une île avec une maison pendant quelques années.
23:12J'ai vécu la fin de ma vie.
23:14Sur cette anecdote, je suis parti.
23:16J'ai tout plaqué. J'ai tout arrêté.
23:18Je suis parti 4 ans aux Antilles.
23:20Première leçon de vie.
23:22Même au paradis, tu t'ennuies.
23:24Pourquoi ?
23:26C'était quoi la vie là-bas ?
23:28Je donnais des cours à la fac.
23:30Je travaillais 15 heures par semaine. Je faisais beaucoup de voilier.
23:32C'était vraiment bien.
23:34Ça, c'était même avant
23:36l'entreprise.
23:38L'entreprise est venue
23:40juste après la première entreprise.
23:42Tu t'ennuies.
23:44Vous viviez de quoi ?
23:46Je travaillais. Je donnais des cours à la fac.
23:48J'étais
23:50DSI d'un institut de formation
23:52au Bac plus 2, Bac plus 5.
23:54Je travaillais 13 à 20 heures par semaine.
23:56J'ai gagné bien ma vie.
23:58Le corps était actif,
24:00mais le cerveau s'ennuyait.
24:02J'ai dû lire quelques centaines de livres
24:04pendant ces années-là, mais mon cerveau avait besoin
24:06de plus. Même au paradis, tu t'ennuies.
24:08Il faut s'occuper. Ça me rappelle
24:10l'anecdote des femmes avec le pic
24:12qui l'ont cassé. Il ne faut pas s'ennuyer.
24:14Et donc,
24:16vous décidez de
24:18revenir à Paris.
24:20L'associé avec qui on a monté la société est venu me voir
24:22deux fois aux Antilles. Il m'a dit qu'il fallait absolument que je vienne.
24:24Il faut qu'on fasse ce projet-là ensemble parce que j'avais fait mes études
24:26avec lui. Et donc, finalement, une fois,
24:28deux fois, et puis au bout de trois fois, je suis rentré à Paris.
24:30On a fait ce projet-là.
24:32C'est quand même beaucoup de rebondissements.
24:34Aujourd'hui, vous diriez
24:36que c'est quoi votre philosophie
24:38de vie au sortir de toutes
24:40ces expériences ?
24:42Ça va aller. Tout passe.
24:44Tout passe. Vraiment, tout passe.
24:46Je crois qu'en
24:482016-2017,
24:50après mon
24:52école de la vie, puisque j'aime bien l'appeler
24:54comme ça, je suis tombé sur une phrase de Shakespeare
24:56qui disait
24:58« Je suis toujours heureux, vous savez pourquoi ? Parce que j'attends
25:00jamais rien de personne. »
25:02Et en fait, j'ai plongé dans cette philosophie
25:04en me disant que j'y vais tout seul en fait.
25:062016, 17, 18, 19, 20.
25:08C'était une longue période quand même.
25:10Mais j'ai avancé.
25:12J'ai créé plusieurs sociétés, etc.
25:14Et puis finalement, en fait, j'en reviens
25:16au fait que
25:18toutes nos actions
25:20perdent leur saveur avec le temps si on ne les partage pas.
25:22Et donc, je me suis dit que Shakespeare
25:24a juste oublié un truc. C'est qu'effectivement,
25:26on peut être heureux quand on n'attend rien de personne.
25:28Mais en fait, si on n'a personne,
25:30on est quoi qu'il arrive malheureux.
25:32Donc l'idée, c'est de se dire « OK, comment je peux ne rien
25:34attendre des autres
25:36et en même temps, je veux quand même faire avec les autres ? »
25:38C'est comme dans un couple en fait.
25:40Finalement, on ne peut pas aimer pour deux.
25:42Donc en fait, ma philosophie, c'est celle-là.
25:44Où les deux parties ont envie
25:46et on y va, où il y a un doute
25:48et il vaut mieux arrêter tout de suite.
25:50Mais vraiment, je trouve que l'image du couple est la meilleure.
25:52On ne peut pas aimer pour deux. Si tu aimes l'autre
25:54passionnément, mais que lui, pas,
25:56ça ne marchera pas.
25:58L'inverse ne marchera pas non plus.
26:00Donc là, la philosophie, c'est de dire qu'on fait les choses
26:02si tout le monde est aligné et que ça se passe bien.
26:04Sinon, pourquoi perdre son temps ?
26:06Et donc, ça veut dire que pour vous,
26:08toute personne doit faire un travail qui a un sens finalement ?
26:12C'est une question difficile parce que
26:14je ne peux pas souhaiter aux autres
26:16de vivre ce que moi,
26:18j'ai vécu parce que ça reste quand même difficile.
26:20Donc honnêtement,
26:22une fois, on m'avait sollicité de me dire qu'il faudrait que tu racontes
26:24ta vie dans un livre parce que le 2010-2017,
26:26je n'en ai jamais parlé.
26:28Et je n'en parlerai pas. Mais on m'avait dit
26:30qu'il faut vraiment écrire là-dessus parce que c'était quelqu'un
26:32qui lui connaissait le détail, etc.
26:34Et je lui dis, mais je ne sais pas comment le partager.
26:36Il y a le proverbe coréen
26:38qui dit une chose que tu as vue mille fois.
26:40J'ai plein de proverbes.
26:42C'est comme ça.
26:44C'est exactement un truc que tu as vu mille fois
26:46ou qu'on t'a raconté mille fois.
26:48Il ne vaut pas quelque chose que tu as vécu une fois.
26:50Donc finalement, moi, j'ai vécu tout ça.
26:52Mais si je peux le partager et que ça sert aux autres,
26:54oui. Mais finalement, ils ne l'auront pas vécu.
26:58Je ne sais pas. J'aurais peur presque de créer
27:00plus de frustration chez les gens qu'autre chose
27:02en disant non, vous devez avoir un sens.
27:04Ça peut être une forme de
27:06pression aussi, de pression sociale.
27:08Exactement.
27:10De faire un métier qui a forcément un sens.
27:12Je ne la souhaite pas.
27:14C'était votre cheminement à vous, en tout cas.
27:16C'était mon cheminement, mais je ne l'ai pas choisi.
27:18C'est la vie qui a choisi pour moi.
27:20Aujourd'hui, vous réalisez dans un projet qui a un sens véritable.
27:22Tout à fait. Par contre, ça change les choses.
27:24Si les gens peuvent le trouver.
27:28On se rapproche déjà de la fin.
27:30J'ai quand même une question sur la dimension de passion.
27:32Parce que dans une ONG, la passion, c'est un moteur.
27:34Mais ça peut aussi
27:36peser sur les équipes.
27:38Comment est-ce qu'on entretient
27:40au quotidien la motivation, l'engagement ?
27:42Me concernant,
27:44vu que je ne fais pas semblant,
27:46j'ai mille bonnes raisons.
27:48Comme tous les business, tous les soirs, on se couche
27:50avec mille bonnes raisons de fermer.
27:52Une devrait suffire pour repartir avec la même énergie,
27:54le même sourire.
27:56Le plus compliqué, c'est de garder les troupes motivées.
27:58Finalement, tu te rends compte
28:00que c'est un peu comme en entreprise, il faut gérer l'ego.
28:02Le plus compliqué à gérer reste l'humain.
28:04On a une vingtaine d'athlètes de haut niveau
28:06qui sont avec nous,
28:08donc on a ce petit avantage
28:10d'avoir embarqué et fédéré
28:12beaucoup d'athlètes de haut niveau
28:14qui sont présents à nos événements.
28:16Et c'est quoi la plus-value ?
28:18La plus-value, c'est qu'eux,
28:20ils savent ce que c'est que la compétition,
28:22ils savent ce que c'est que le sacrifice,
28:24ils savent ce que c'est que travailler dur.
28:26Ils ont un rapport à la contrainte et à l'engagement.
28:28Je trouve que le parallèle sportif entrepreneur
28:30est magnifique.
28:32Ils sont capables d'ailleurs de s'entraîner
28:34pendant cinq ans, pendant dix ans, pendant quinze ans
28:36et puis le résultat n'arrive qu'après.
28:38Donc finalement, ils m'aident aussi à transmettre ça
28:40aux équipes.
28:42Et ça, je ne vais pas...
28:44Ça aide énormément.
28:46C'est-à-dire qu'il faut une partie du travail pour moi.
28:48C'est inspirationnel.
28:50Mon rôle à moi, c'est de faire en sorte
28:52qu'il se passe toujours quelque chose.
28:54Je reviens encore sur l'ennui.
28:56On a envoyé des alpinistes en Bolivie,
28:58les quatre jeunes qui ont fait le tour du monde,
29:00en Algérie pour travailler sur le lien
29:02au huile d'olive. Il y avait sept nationalités
29:04avec une île à Salle.
29:06On fait non-stop des actions. Là, on a mis en place
29:08des talks. Ce sont des événements où on a réuni
29:10beaucoup de monde. Premier à Paris avec Cadillac.
29:12On avait tout leur showroom.
29:14Deuxième avec EY et CJD
29:16à Tunis. On a réuni
29:18tout l'écosystème de l'eau tunisien.
29:20Donc voilà. Il faut toujours
29:22qu'il se passe quelque chose
29:24et toujours positif.
29:26Ça veut dire que tu ne peux pas
29:28embarquer les gens dans un message négatif.
29:30Je ne sais pas si tu as des amis qui fument,
29:32mais si tu leur demandes quelle image il y a sur le paquet,
29:34ils ne sauront pas. Personne ne sait parce que personne ne veut
29:36voir la mort. Si tu mets
29:38un mannequin homme et une mannequin femme,
29:40des athlètes qui font
29:42beaucoup de sport en disant lui ne fume pas,
29:44elle ne fume pas, je suis sûr que les gens
29:46regarderaient la photo plus souvent et arrêteraient de fumer.
29:48Donc le message doit toujours être positif.
29:50Très bien. Merci beaucoup Malek. Ce sera le mot de la fin.
29:52Merci. Merci Malek Semar
29:54d'avoir partagé votre parcours,
29:56votre vision riche
29:58avec nous. Quant à moi, je vous dis
30:00à la semaine prochaine pour un nouvel épisode
30:02de Manager l'Odyssée.

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