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La chaîne France 2 diffuse mardi une série documentaire sur le procès de Klaus Barbie, l'ancien chef de la Gestapo surnommé "le boucher de Lyon". L'historien Laurent Joly et le réalisateur Gabriel Le Bomin sont les invités dimanche de France Inter.

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Transcription
00:00Et un grand entretien ce matin consacré à une série de documentaires absolument exceptionnelle,
00:06consacrée à trois grands procès pour l'histoire, des procès qui ont marqué la société française.
00:12Entre 1987 et 1998, on peut dire que notre conscience collective a basculé.
00:18Trois hommes condamnés pour crimes contre l'humanité, c'est le titre de cette collection.
00:24Klaus Barbie, Paul Touvier, Maurice Papon, un travail colossal, des centaines d'heures d'archives.
00:31Le premier épisode de la série consacrée à Klaus Barbie sera diffusé ce mardi sur France 2.
00:37Et pour en parler, ce matin, nous recevons l'un de ses auteurs et réalisateurs,
00:42bonjour Gabriel Legaumin, et l'un de nos plus grands historiens,
00:47directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l'antisémitisme et du régime de Vichy.
00:51Il a contribué à l'écriture de cette série extraordinaire.
00:55Bonjour Laurent Joly, bienvenue à tous les deux, chers auditeurs,
00:59vous pouvez poser vos questions, intervenir au 01 45 24 7000 ou sur l'application Radio France.
01:06Gabriel Legaumin, Laurent Joly, on va plonger dans ces moments d'histoire et de justice que vous racontez.
01:13Que la loi Badinter de 1985 a permis de capter à l'image le portrait de trois hommes
01:20qui ont mis en place, réalisé une politique de torture, de déportation de juifs, de résistants en France entre 1940 et 1944.
01:30Mais votre série, c'est ce qu'elle a de très fort, c'est qu'elle a deux niveaux de lecture au moins.
01:34Elle permet à la fois de se tourner vers ce moment de déchirure de l'histoire.
01:40Et c'est extrêmement émouvant de voir, par exemple, les paroles de Rescapé,
01:44de la déportation qui participe au procès de Klaus Barbie notamment.
01:51Mais c'est aussi une série qui parle de la France, la France qui se retrouve face à elle-même, à ses responsabilités.
02:00Et on peut enfin prononcer le mot de responsabilité de la France ou de l'État français à ce moment-là, Gabriel Legaumin.
02:07Absolument, la série articule les trois personnalités et incarne finalement les trois mouvements
02:13qui vont converger vers cette criminalité organisée.
02:18Le nazi Klaus Barbie, le milicien Paul Touvier et le haut fonctionnaire Maurice Papon.
02:24Une décennie de justice, une décennie d'histoire.
02:26La justice explore l'histoire et je dirais, met un point final à cette histoire.
02:31Elle met un point final à cette histoire, monsieur l'historien Laurent Gervais ?
02:34Elle met en tout cas du côté de l'épuration française, oui, un point final puisque Maurice Papon
02:40est symboliquement le dernier condamné de l'épuration française et c'est le dernier condamné pour crime contre l'humanité.
02:48Il y a eu trois procès pour crime contre l'humanité, il est le dernier qui a eu lieu.
02:51Et c'est très symptomatique que ce soit un représentant de la haute fonction publique,
02:56c'est-à-dire précisément ceux qui avaient échappé à l'épuration en 1944-45 pour leur rôle dans la déportation des Juifs.
03:02Qui deviendront même, pour le cas de Papon, ministre bien après.
03:06C'est assez sidérant d'ailleurs à imaginer.
03:08Les crimes contre l'humanité, ces trois mollas, ils ont la force de crimes devenus imprescriptibles par nature qui valent la condamnation à vie.
03:17Ils entrent, ces mollas, dans le code pénal français en 1994, ils disent cette bascule de la société française.
03:23Mais Gabriel Lebaumin, j'aimerais juste que vous nous racontiez le making-of de ce travail exceptionnel.
03:30Combien d'heures d'archives ?
03:32Alors le procès Barbie, c'est 140 heures d'audience, donc 140 heures d'archives.
03:37Le procès Touvier, c'est 110 heures et Papon, c'est énorme, c'est 6 mois de procès, c'est-à-dire 350 heures.
03:44Et j'ai été accompagné dans cette série par...
03:46Dans la dernière, celle consacrée à Papon ?
03:48Exactement, par ma co-autrice Valérie Ronson-Anguial et par Antoine Demault, réalisateur pour le procès Touvier.
03:54Donc on a formé une équipe et on est allé dans l'exploration de cette jungle d'images, de paroles, de témoignages.
04:02Et il a fallu faire des choix arbitraires puisque finalement...
04:04Oui, justement, c'est ce que j'allais vous demander, comment est-ce qu'on fait le montage ?
04:07Comment est-ce qu'on raconte ou est-ce qu'on met en récit un procès ou des procès pareils ?
04:11140 heures pour Barbie, on en retient 1% finalement à l'image, puisqu'on a 3 heures de programme.
04:19Donc les cueils, et moi ce que je voulais absolument éviter, c'était un montage zapping,
04:23c'est-à-dire d'avoir une espèce de meilleur moment du procès.
04:25Je voulais vraiment qu'on rentre dans la temporalité, dans le rythme du procès avec...
04:29De ce tribunal ?
04:30Oui, c'est ça.
04:31Décrivez-nous ce qu'on voit par exemple, l'image la plus frappante peut-être pour vous ?
04:35Alors l'image la plus frappante, c'est évidemment l'arrivée de Klaus Barbie.
04:38C'est un moment de sidération, alors que tout le monde s'y attend.
04:42Et pourtant, l'arrivée en chair et en os de ce criminel qui vient s'asseoir dans le box
04:47et qui regarde les uns après les autres tous les avocats.
04:51Et qui est si normal au fond.
04:52C'est ce que dit Sorge Chalandon, qu'on s'attendait à voir un monstre et on voit un homme.
04:56Il est normal, il est banal, c'est un homme de 74 ans, déjà affaibli par la maladie.
05:01Il a ce petit rictus qui signe aussi le souvenir qu'il a laissé à chacune de ses victimes.
05:08Ce regard glaçant, une douche froide, nous dit l'une des avocates.
05:12Donc c'est le moment, je crois, le plus fort.
05:14Et la deuxième image qui me revient, c'est cette salle des pas perdus.
05:17Ce sont ces 600 mètres carrés du tribunal de Lyon.
05:20Parce que le tribunal est trop petit à Lyon, donc on est obligé d'organiser le procès
05:23dans la salle des pas perdus.
05:24Et où se retrouvent des résistants, des personnages considérables.
05:29Oui, exactement.
05:30Il y a des plans où on peut voir, dans ces quelques mètres carrés, les uns à côté
05:32des autres.
05:33Geneviève de Gaulle, Raymond Houbrac, Elie Wiesel, André Frossard.
05:37C'est d'une puissance humaine considérable.
05:40Et puis évidemment, c'est tous les témoins qui viennent livrer le temps du procès.
05:44Parfois pour la première fois, le récit intime de leur calvaire dans cet espace public
05:49est neutre du tribunal et de la justice.
05:51Ce qui donne un moment extraordinaire de libération de la parole.
05:55Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a la mise en perspective aussi, avec des témoins
05:59d'hier qui parlent aujourd'hui et des historiens comme vous, Laurent Joly.
06:03Mais finalement, on a déjà beaucoup parlé de ces procès Touvier-Barbi-Papon.
06:07Qu'est-ce qu'on n'avait pas dit et qu'on voit aujourd'hui ?
06:10Moi, ce qui m'a le plus frappé dans la série, c'est le procès Papon.
06:15Parce que sur le procès Papon, c'est le plus récent.
06:18C'est paradoxal d'ailleurs que vous reteniez celui-là, alors qu'on s'attendait plutôt
06:22au procès de Klaus Barbi, lui qui a été un adolérateur d'Hitler, engagé dans la
06:28fin des années 1916 et de la plus longue enfance.
06:31Il n'y a pas eu de polémique autour de la nécessité de juger Barbi du côté français.
06:36Les associations de résistance, les associations juives sont d'accord.
06:39C'est quelqu'un qui a déjà été condamné deux fois à mort par compte humain, 1947-1954,
06:46donc jugé Barbi.
06:47En plus, il n'est pas dans son procès.
06:50Il a échappé à la justice pendant 40 ans.
06:51Il a été réfugié en Bolivie, il a fallu l'intervention du Président de la République
06:54pour le faire, et des époux Klersfeld pour l'entraver avec l'extradé.
06:59Ça, c'était la difficulté des relations entre la France, la Bolivie, il y a une dictature,
07:06il faut que cette dictature soit mise à bas pour que voilà.
07:09Mais si vous voulez, il n'y avait pas, dans la société française, il n'y avait pas,
07:16dans la classe politique, il n'y avait pas de débat sur la nécessité de juger un Barbi
07:22et de juger un Touvier.
07:23En revanche, Papon a suscité des vrais freins, des polémiques entre anciens résistants
07:32rescapés juifs et surtout, on a mis en doute la réalité des accusations qui pesaient
07:37sur Papon.
07:38Ça a été débattu et il y avait cette petite musique qui restait, ce qui fait que vous
07:43avez encore beaucoup de gens qui disent « Papon, il a payé pour les hôtes, il a pris des
07:47balles perdues, des procès qui n'ont pas eu lieu, de Bousquet, de Leguay qui était
07:51le chef de la police française, lui il n'était que petit secrétaire général de préfecture
07:55en Gironde, il n'a pas fait grand-chose, exécutant et finalement c'est un procès
08:00symbolique ».
08:01Et le grand mérite de la série, c'est de montrer qu'il y a des faits, et ces faits
08:07ils sont concentrés sur l'été 1942 et ils sont absolument accablants.
08:12C'est-à-dire qu'on a un homme qui, alors que les Allemands ont donné l'ordre d'arrêter
08:17les juifs, qui va au-devant, le préfet régional doit même le freiner, c'est un homme qui
08:21va envoyer son chef des affaires juives, il va l'envoyer à Drancy pour voir ce que deviennent
08:27les déportés et ça ne va pas l'empêcher d'aller chercher des enfants, plusieurs semaines
08:32après, des enfants qui ont déjà été placés pour les déporter à Auschwitz séparément
08:35de leurs parents.
08:36Donc là, quand on voit ce film, on ne peut absolument plus douter que c'est bien un procès
08:40de droit, que ce n'est pas juste un happening mémoriel qui a eu lieu à Bordeaux en 1997-1998.
08:44Parce que Maurice Papon, il a été ensuite préfet de police de Paris et on se souvient
08:50de son action criminelle pendant des manifestations d'Algériens pacifiques dans les rues de
08:56la capitale.
08:57Il a été député, il a été ministre du budget de Raymond Barre, c'est vrai que
09:01tout ça a embrouillé l'histoire, mais j'aimerais juste qu'on comprenne le moment où se déroule
09:09ce procès et ce qu'il dit de la société française.
09:12Parce qu'il y a une archive qui est stupéfiante et des mots extrêmement forts, ce sont ceux
09:17de Simone Veil.
09:18Simone Veil qui réagit à l'ouverture du procès de Klaus Barbie, qu'on le voit dans
09:22le premier épisode dans la série.
09:24« Ce qui serait terrible, ce serait d'en faire une affaire française », je la cite.
09:31Expliquez-nous ça, c'est-à-dire que beaucoup de gens sont nés dans le monde post-Jacques
09:36Chirac, post-1995, celui qui reconnaît la responsabilité de l'Etat français dans
09:41les crimes commis sous Vichy, mais Simone Veil ?
09:43Alors quand nous sommes tombés sur cette archive de Simone Veil qui parle au journal
09:48de 20h, au moment où Klaus Barbie est extradée, j'étais très étonné, j'avais du mal
09:54à comprendre.
09:55Et donc je me suis dit qu'il faut absolument qu'on arrive à glisser ce moment-là dans
09:59le film.
10:00Moi j'avoue que j'ai été sidéré.
10:01Oui.
10:02En fait, je pense qu'elle est… d'abord, et puis en plus elle parle d'un endroit,
10:05elle parle de ce qu'elle a connu également, c'est-à-dire qu'elle a subi la déportation,
10:09sa famille a été exterminée.
10:10Donc on a du mal à comprendre.
10:11Mais je crois qu'elle incarne finalement ce que beaucoup voulaient dans cette génération
10:15à cette époque, c'est-à-dire aller de l'avant, et puis elle incarne ce que le
10:19pouvoir politique à l'époque de De Gaulle, Pompidou, Giscard et Mitterrand d'une certaine
10:25façon.
10:26On ne va pas fouiller, c'était Pompidou qui a dit, voilà c'était une époque où
10:29les Français ne s'aimaient pas, et on va passer à autre chose.
10:32Il va falloir attendre Jacques Chirac et le discours du Veldiv pour mettre des mots,
10:36et pour mettre un discours de Président de la République sur une affaire qui est donc
10:41la collaboration.
10:42Alors, je viens de faire l'écho d'une question de Catherine sur l'application
10:45France Inter.
10:46Nous sommes en 2025, vos invités veulent-ils toucher la jeunesse ? Pardon, je vais être
10:51très cavalière, sont-ils sûrs de ne pas avoir fait un documentaire de vieux pour les
10:54vieux ? Elle raconte qu'elle se souvient d'avoir vu de Nuremberg à Nuremberg, et
10:59ça a été un cataclysme émotionnel pour elle alors qu'elle n'avait que 14 ans.
11:03Ça rejoint une question que j'avais, Laurent Joly, finalement, pourquoi maintenant ? Pourquoi
11:08diffuser ces documentaires aujourd'hui ? On voit Alain Jakubowicz par exemple qui
11:11est avocat des partis civils qui dit « c'est un antidote au négationnisme ».
11:15D'abord, c'est des images qui ont été faites pour l'histoire, donc elles ont précisément
11:21été faites pour enseigner la mémoire des crimes contre l'humanité pour les nouvelles
11:26générations.
11:27C'est vrai qu'il y avait un délai de 30 ans, c'est la loi Badinter de 1985.
11:29C'est la loi Badinter, oui, on ne pouvait pas les diffuser en direct comme le procès
11:32à Eichmann a été diffusé en direct à la télévision israélienne, donc il y a déjà
11:35le temps qui s'est écoulé.
11:38Voilà, et puis, moi je suis simple consultant historique, donc je peux vraiment parler de
11:43manière presque distanciée, ça se voit comme un polar, donc les jeunes, il faut qu'ils
11:47se disent, s'ils voient le procès Barbie, c'est un polar.
11:50Avec un personnage, l'avocat de Barbie, on a l'impression qu'il serait inventé par
11:55une fiction.
11:57Parce qu'il faut raconter cet affrontement, il faut que vous nous le décriviez, parce
12:00que c'est absolument invraisemblable d'imaginer l'affrontement entre Jacques Bovitz et Jacques
12:06Vergès.
12:07Jacques Vergès pour qui tous les coups sont permis.
12:10Et là, pour le coup, il porte bien ce qualificatif d'avocat du diable qu'on lui collera après.
12:17Oui, c'est un personnage, comme le dit Laurent, qu'on aurait pu imaginer dans un film de
12:21fiction et qui est absolument sidérant quand on le voit aujourd'hui dans la réalité
12:24de ce procès.
12:26Tous les coups sont permis, on va faire feu de tout bois.
12:28Son objectif n'est pas forcément de défendre Klaus Barbie, qui est indéfendable d'une
12:32certaine façon.
12:33Son objectif est de dérouler une vision du monde, une idéologie, un discours politique.
12:39Il s'entoure à un moment donné d'avocats qui incarnent pour lui l'image de la France
12:44postcoloniale, c'est-à-dire un avocat algérien et un avocat africain.
12:47Mais découvre-nous ce moment hallucinant où on voit Jacques Vergès s'approcher de
12:53Klaus Barbie.
12:54Il lui tend un papier.
12:55Oui, ça est filmé évidemment.
12:57Il lui tend un papier, Barbie approuve et puis Barbie demande la parole au président
13:03du tribunal et Barbie annonce qu'en fait il va se retirer, comme lui permet la loi
13:06française.
13:07« Je suis détenu ici de façon illégale, je n'ai donc plus de raison de rester ici
13:12et il ne reviendra plus jamais d'ailleurs dans le tribunal Klaus Barbie.
13:15» Il va revenir deux fois parce qu'il doit être confronté à certaines victimes qu'il
13:19n'a pas vues durant l'instruction et il va revenir effectivement pour la sentence.
13:23Mais l'absence de l'accusé dans ce procès crée finalement un moment émotionnel très
13:28fort.
13:29C'est-à-dire que les victimes ne parlent pas sous le regard de Barbie, n'ont pas à
13:32croiser son regard.
13:33Et donc il y a quelque chose, il y a une forme dans la prise de parole, il y a une puissance
13:38émotionnelle qui n'aurait peut-être pas été la même si Barbie avait été là.
13:41Mais je reviens sur la question de votre éductrice, sur la jeunesse.
13:44C'est très intéressant parce que pourquoi aujourd'hui ces films existent ?
13:46Ces films existent parce que Robert Badinter a une vision historique fulgurante.
13:51Ils se disent « ce qui va se passer en France durant cette décennie, il faut que ça reste.
13:54» C'est la loi de 1985.
13:55C'est la loi de 1985.
13:56On n'a pas le droit jusqu'à ce moment-là de faire entrer dans un prétoire des micros
14:01et des caméras.
14:02La seule trace visuelle c'est le croquis, c'est le dessin de presse.
14:06Et là on va avoir des images, l'intégralité de ces procès va être enregistrée, les
14:11images et le son, avec effectivement cette réserve de 30 ans.
14:14Aujourd'hui ils nous sont livrés, nous nous sommes sentis tous dans l'équipe très
14:19dépositaires de cette mémoire et très investis dans cette mission de 30 ans.
14:22On est reconnaissant à Robert Badinter lorsqu'on regarde ce documentaire parce que c'est vrai
14:26que ne pas filmer le procès Barbier aurait été une atteinte à l'histoire.
14:31Ce sont ces mots dans l'une de ses dernières interviews probablement.
14:35Mais en l'occurrence, Laurent Joly, qu'est-ce que ça change ces documents-là, cette histoire-là
14:40pour le travail d'historien que vous êtes ?
14:42Pour le travail d'historien, c'est des sources évidemment.
14:46C'est comme l'intégralité, on entend les gens et ça c'est absolument sidérant
14:53parce qu'aujourd'hui les victimes qu'on entend ce sont les enfants cachés, ce sont
14:58des gens nés en France, qui parlent français très bien.
15:01Là on entend la voix des immigrés, on entend la voix de gens qui étaient adultes pendant
15:05la guerre et c'est vrai que ça fait un effet de réel qui est tout à fait saisissant.
15:10Et ça constitue des témoignages humains qui sont très puissants et qui, en particulier
15:17sur le procès Papon également, montrent que les justifications des vichyistes, tous
15:25ces arguments qui vont être invoqués, qui sont les mêmes.
15:27Aujourd'hui, Zemmour a repris ces arguments que l'avocat de Maurice Papon va défendre,
15:34Maitre Varro en disant « on a protégé les Chinois et les Français ».
15:38Tout ça tombe, on voit qu'il y a des enfants qui sont arrêtés, qui sont français, toutes
15:44ces justifications tombent quand on entend le vécu des témoins.
15:48C'est ça, Gabrielle Lebaumin, on entend quand même, je disais « antidote au négationnisme »,
15:52ça c'est les mots d'Alain Jacobovits, mais on entend effectivement des témoignages
15:55de ces dames qui sont très chiques, qui sont venues avec leurs petits colliers de perles,
15:58leurs petits tailleurs et qui racontent les tortures horribles dont elles ont été victimes.
16:02Il y en a même une qui dit tout simplement et très simplement « les chambres à gaz,
16:06ça existe ».
16:07Elle le dit comme ça, c'est vraiment ça le message.
16:09Oui, parce qu'effectivement à cette époque-là, il y avait tout ce courant négationniste
16:14avec Robert Faurisson qui manifestait devant le tribunal de Lyon pour dire « mais tout
16:18ça c'est une fiction ».
16:19Le chef de file des négationnistes en France.
16:22Exactement, donc ce procès a fait taire ce courant totalement délirant.
16:26Vous parliez de ces dames, de ces personnes âgées qui étaient passées dans les geôles
16:33de Klaus Barbie entre ses mains et qui avaient évidemment subi la déportation et qui viennent
16:37au soir de leur vie livrer leurs témoignages et parfois leur famille même n'avait jamais
16:42entendu ce qu'elles ont raconté et Alain Jakubowicz nous dit quelque chose de très
16:46touchant.
16:47Elle dit « voilà, elles sont arrivées au procès, elles ont livré leurs récits et
16:50quelques mois après, pour beaucoup d'entre elles, elles ont disparu ».
16:53Il y a une archive exceptionnelle avant d'aller au stand à retrouver nos auditeurs.
16:59On est le 4 février 1972 à La Paz en Bolivie.
17:03Klaus Barbie qui a un pseudonyme « Altman » répond à un entretien télévisé d'un
17:08journaliste qui est déterminé à prouver que c'est bien Klaus Barbie, il lui montre
17:13une photo de Jean Moulin, Jean Moulin dont il est responsable de la mort.
17:17Vous pouvez nous raconter ce moment, Gabriel Leaumain, parce qu'il passe de l'espagnol
17:21à l'allemand au français et il dit « je ne parle pas assez français pour le dire
17:26alors qu'il parle parfaitement français, je n'ai jamais torturé, je ne suis jamais
17:30allé à la Gestapo de Lyon, je ne connais pas Jean Moulin », il le répète.
17:34C'est une archive absolument déterminante.
17:37Ladislas de Hoyos se rend à La Paz dans le sillage de Béathe Klarsfeld qui est évidemment
17:43celle qui a ouvert avec son mari Serge la possibilité de confondre Barbie et qui a
17:50permis l'extradition et la tenue du procès.
17:52Ladislas de Hoyos va avec son caméraman que nous avons retrouvé et qui nous raconte le
17:56making of de l'interview et Klaus Barbie évidemment ne se démonte pas une seconde.
18:01Il affirme « je ne suis pas l'homme que vous croyez, je n'ai jamais eu affaire
18:05avec la Gestapo Lyon, je ne connais pas Jean Moulin, tout ça est filmé ». Moi la question
18:09que je me suis posée c'est en fait pourquoi il accepte de parler devant une caméra puisqu'il
18:13se cache.
18:14Qu'est-ce que c'est que cette disposition à vouloir affirmer, de vouloir dire « je
18:20ne suis pas celui que vous croyez » et pourquoi le dire devant une caméra sachant qu'une
18:22fois diffusé en France ces images vont provoquer un effet considérable puisque les anciennes
18:28victimes de Klaus Barbie vont le confondre et le reconnaître lors de la diffusion de
18:31l'émission et ça va donner lieu au début de la procédure.
18:33Et il a laissé les traces sur la photo ce qui permet de l'identifier de manière
18:40irréfutable.
18:41Donc il s'est totalement laissé piéger, on lui pose une question en français, il
18:45répond en allemand mais ça veut dire qu'il a compris la question en français.
18:48Donc c'est un moment décisif parce qu'effectivement, Béat Klarsfeld depuis plus d'un an, près
18:53d'un an, essayait d'agiter les médias, les médias n'étaient pas toujours très
18:59suiveurs et là, le fait qu'il y ait un journaliste très connu de l'ORTF qui soit
19:05là, qui filme, ça a été effectivement un moment décisif.
19:08Et d'ailleurs Robert Bannater, prenant une décision extrêmement puissante qui est de
19:12l'enfermer quand il reviendra en France dans la prison dans laquelle il a torturé Jean
19:16Boulin, dans la prison de Montluc où il a fait enfermer plus de 10 000 juifs et résistants
19:21entre 1942 et 1944, là où il avait fait construire la « baraque aux juifs » comme
19:26on disait.
19:27La symbolique est tellement forte, Bannater voulait qu'il retourne sur les lieux de
19:30son crime.
19:31Bonjour Loïc !
19:32Oui bonjour !
19:33Et bienvenue sur France Inter, vous avez commencé à regarder le documentaire ?
19:38Oui, donc j'ai regardé les deux premiers et il me reste celui de Maurice Papand, c'était
19:46peut-être déjà pour vous féliciter de ce reportage, j'ai 40 ans et ça m'a beaucoup
19:51intéressé parce que c'est une période qui m'intéresse beaucoup et ma question
19:55c'était de savoir comment ont réagi les familles, par alliance, etc. des trois personnages.
20:03Merci Loïc, alors question difficile.
20:06Alors les familles de Barbie, sa fille est vivante.
20:09La fille est là au procès ?
20:10Elle est là au procès, pour tout vous dire, on s'est interrogé savoir si on allait chercher
20:15cette dame de 82 ans, je crois aujourd'hui, qui vit en Autriche et puis finalement on
20:19n'a pas validé cette option, on voulait vraiment rester en immersion avec le procès.
20:23Je ne peux pas répondre à cette question puisqu'on n'a pas sollicité les familles
20:28ni de Maurice Papand, ni de Touvier.
20:30Ils font corps derrière, les enfants sont tous derrière.
20:34Je pense qu'ils ont cette posture et cette attitude contre tous les enfants de criminels
20:38contre l'humanité, c'est-à-dire qu'ils font bloc avec la famille.
20:42C'est absolument extraordinaire en tout cas comme travail et je rejoins Loïc en vous
20:46félicitant.
20:47C'est un documentaire, une série de documentaires d'une importance que j'ai du mal à mesurer
20:54ou à définir en mots.
20:56Laurent Jolie peut-être, c'est un document qu'il faut absolument voir, pas simplement
21:01pour l'histoire mais pour ce qu'elle dit de la société française.
21:04Tout à fait, avec des écho-écho aujourd'hui parce que ce qui m'a aussi frappé dans le
21:07Barbie, c'est qu'on voit, je vous ai dit qu'il y avait un consensus, mais pas complet.
21:11C'est-à-dire que vous aviez, en 1987, des gens en France qui considéraient qu'il ne
21:14fallait pas de procès.
21:15Et notamment, il y a eu une manifestation à Lyon contre le procès et qui manifestait ?
21:19C'était le Front National Jeunesse qui manifeste contre un procès, contre un Allemand, c'est
21:25trop tard, etc.
21:26Donc des justifications même pour un Barbie.
21:28Merci infiniment en tout cas Gabrielle Lebaumin et merci Laurent Jolie d'avoir les invités
21:33de France Inter.
21:34Et donc le premier épisode de la série consacrée à Klaus Barbie sera diffusé ce mardi sur
21:38France 2 en « prime » comme on dit à 21h et il y a déjà des épisodes disponibles
21:44sur la plateforme de France Télévisions.
21:46Merci et bonne journée.

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