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"Le plus passionnant dans le métier, c'est d'aller découvrir des trésors."

Depuis 40 ans, elle chine des vêtements de toutes les époques. Pascale Bourtequoi est loueuse de costumes pour le cinéma. Notre journaliste Cécile Guthleben a visité son incroyable caverne d'Ali Baba…
Transcription
00:00Ça, c'est les costumes de La Belle et la Bête.
00:04Là, c'est un ensemble de 1900.
00:06Ça, c'est un manteau de 1920.
00:09Là, c'est un film qui se prépare.
00:10On nous a demandé une centaine d'habits, de soirées.
00:13Quant à Racocine, en disant
00:15« je suis embauchée sur tel film »,
00:17comment ça se passe quand il arrive chez vous ?
00:19Alors, il vient, il a déjà normalement fait son dépouillement,
00:21c'est-à-dire fait la lecture avec la mise en scène, des scènes par scènes.
00:25Ils font leur budget en fonction de leur plan de travail,
00:27de leur nombre de figurants, de leur nombre de comédiens.
00:29Et puis, ils viennent et ils choisissent.
00:31Oh là, je vois qu'on a une grosse préparation.
00:34Toute l'année, ça doit être le même tournage.
00:36Donc là, on est en 1978.
00:39Apparemment, on est en 1978-1980.
00:41Il faut savoir que quand on fait une tenue,
00:44quand on loue une tenue, on la propose complète.
00:46Le client a le droit de demander chemise, cravate,
00:50ceinture, bretelle, des chaussures, des gants.
00:55C'est potentiellement aussi sous-vêtements suivant les époques ?
00:57Bien sûr.
00:58On peut se retrouver avec quatre films en même temps, sur la même époque.
01:02Donc, à un moment donné, on n'a plus assez de matériel
01:05pour pouvoir fournir toutes les productions.
01:07L'an passé, il y a eu, je crois, huit films dix-huitièmes
01:11qui ont été tournés en même temps.
01:13Mais c'est une des rares fois où un film a été reporté d'une année
01:18à cause du manque de costumes, mais du manque de costumes en Europe.
01:21Moi, j'avais, de toute ma carrière, jamais entendu ça.
01:23On travaille maintenant de plus en plus avec toutes les plateformes.
01:27Il y a des budgets plus conséquents aussi que les productions françaises.
01:30Malheureusement, ça, c'est tous les costumes qui ont été fabriqués
01:34pour les trois mousquetaires qu'on a mis en stand-by
01:38tant que le film n'est pas sorti.
01:39Vous avez travaillé avec le costumeur ?
01:41Avec le créateur de costumes.
01:43Voilà, c'est lui qui a fait les maquettes.
01:45C'est lui qui a choisi les tissus.
01:46Et nous, on a participé au financement.
01:49Et donc, à la fin du film, on récupère une bonne centaine de costumes
01:53complets avec les manteaux.
01:55Là, on essaye de ne plus utiliser le plastique pour couvrir les vêtements.
01:59Donc, on a investi dans ces housses tissus,
02:02fabrication française, réutilisables, qu'il faut bien sûr laver à chaque fois.
02:06Aujourd'hui, vous, vous chinez encore vous-même ?
02:08Oui.
02:09Ce qu'il y a de plus passionnant dans le métier, c'est d'aller découvrir des trésors.
02:12Il n'y a pas longtemps, j'étais en pleine
02:15campagne française au milieu des vaches dans une grange
02:18pour aller chercher 4 ou 5 000 paires de chaussures authentiques 1940.
02:22Le monsieur avait trouvé ça dans sa grange et il se demandait ce qu'il allait en faire.
02:26Le plus gros fonds de magasin que j'ai fait, c'est celui qui
02:31a permis d'être ce que je suis aujourd'hui.
02:33C'est un monsieur qui était à Saint-Étienne.
02:36Il y avait quatre générations d'une boutique de prêt-à-porter.
02:38Il était contre, il m'avait expliqué, contre le mot solde.
02:42Donc, tous les invendus de chaque année et de chaque collection,
02:46ils les ont gardés.
02:47Et il m'ouvre une boîte avec un tailleur 1940, tout noir,
02:51avec l'étiquette en me disant, voilà, ce genre de marchandise.
02:54Et là, j'ai mon cœur qui a fait boum, boum, boum, boum.
02:57J'ai vu le hangar avec toutes les boîtes et je me suis dit,
03:01si tout le hangar, c'est ça, je suis tombée sur une mine.
03:05Et tout le hangar, c'était ça.
03:06On a fait livrer, je crois, deux Smermork.
03:08Donc là, on a un petit atelier de retouche
03:13et surtout de rénovation du stock.
03:15Et on remet tout en état.
03:18Là, il manque des boutons, donc il faut tout remettre.
03:21Il y a des petits trous.
03:22Les très belles pièces anciennes que l'on ne trouve plus aujourd'hui,
03:27comme par exemple cet ensemble 1900.
03:30Non seulement, il est introuvable, mais vous voyez, il faut refaire
03:32toutes les doublures, confuser.
03:34Donc, c'est un travail vraiment très lourd et très fastidieux.
03:39Tout est fait à la main.
03:40C'est un authentique.
03:42Là, c'est un ensemble 1900.
03:45Très beau, tout en bas, avec les petites paillettes, la dentelle.
03:49Et ça a dû craquer quelque part.
03:51Et vous, à la base, vous avez tout appris sur le tas, avec vos grands-pères,
03:55avec vos grands-parents.
03:55Vous n'avez pas du tout fait d'études,
03:57du mode, de choses comme ça.
03:58Non, j'ai tout appris sur le tas.
04:00Je suis sortie avec un bac de secrétaire, donc qui n'avait rien à voir.
04:04Et c'est vraiment tout sur le tas, à la dure, comme on disait à l'époque.
04:09Et j'apprends encore aujourd'hui.
04:11Et comment ça se passe aujourd'hui,
04:12s'il y a un ou une jeune se présente à votre porte en disant
04:15bonjour, Pascale, je voudrais travailler pour vous.
04:17Je n'y connais pas grand chose, mais j'adore ça.
04:20On a énormément de demandes de stages,
04:23énormément par le biais des écoles, bien sûr, donc de couture ou d'habillage
04:28ou de mode.
04:31Et on les prend.
04:33On prend beaucoup de stagiaires, alors pas pour, entre guillemets,
04:36profiter d'une main d'oeuvre, parce que c'est toujours sur des courtes périodes.
04:40Mais c'est parce que moi, je trouve qu'il faut savoir transmettre.
04:42Il faut leur expliquer quand ils ont un vêtement dans les mains,
04:45pourquoi il est à l'époque et quelle est la différence avec un autre vêtement.
04:49Où est la différence ?
04:50Si on leur apprend, si on les prend et qu'on leur apprend rien,
04:53ça n'a aucun intérêt.

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