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Comme tous les jours, Matthieu Croissandeau, éditorialiste, analyse l'actualité politique du pays. Ce jeudi, il est question du discours de Bruno Retailleau sur le port du voile dans le sport. 

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00:00Croissant de la politique, le ministre de l'Intérieur s'est rendu hier soir à un rassemblement
00:03intitulé « Pour la République, la France contre l'islamisme » et dans sa prise de
00:06parole, il a eu des mots extrêmement durs sur le port du voile qui, selon lui, n'a
00:11pas sa place dans le sport.
00:13On l'écoute.
00:14Pour moi, le voile ne sera jamais une marque de la liberté parce que c'est un vrai marqueur
00:20de la soumission.
00:21Je vous le dis, le voile n'a rien à faire dans les compétitions sportives, bien évidemment.
00:28Le sport, c'est ce lieu, c'est cette grammaire universelle où on peut communier, quelles
00:33que soient les origines et quelles que soient les religions ou les croyances.
00:36Vive le sport et donc abat le voile, bien sûr.
00:39Oui, alors je vous cache pas que la question de ce matin, c'est à quoi joue Bruno Rotaillot.
00:44Bruno Rotaillot, il est ministre de l'Intérieur et à ce titre, en charge de ce qu'on appelle
00:48le Bureau central des cultes, un service de son ministère qui est chargé d'assurer
00:52les relations entre l'État et les représentants religieux dans notre pays.
00:55Son job de ministre, c'est de garantir la neutralité de l'État au nom de la laïcité.
00:59Mais surtout, le ministre de l'Intérieur, il est là pour régler les problèmes, pas
01:02pour les provoquer, pas pour désigner à la vindicte populaire des femmes parce qu'il
01:06y a des femmes sous les voiles.
01:07Et avec ce, on arguera qu'il parlait du port de voile dans les compétitions sportives,
01:12mais quand bien même, les mots ont un sens et la charge verbale, elle est incroyable
01:17de violence.
01:18Jeter quelque chose à bas, selon le petit Robert, ça veut dire tout simplement abattre,
01:22détruire.
01:23Il mérite d'être une position claire, mais pourquoi il dit ça alors ?
01:25Bruno Retailleau est convaincu que la République est menacée par ce qu'il appelle le poison
01:28de l'islamisme.
01:29Il l'a répété hier soir et il est convaincu que le voile, aujourd'hui, c'est le signe
01:32le plus visible de ce poison islamiste.
01:35Ce en quoi il n'a qu'à moitié raison, car s'il est incontestable que les islamistes
01:39imposent le port du voile aux femmes, toutes les femmes qui portent le voile ne sont pas
01:42pour autant forcément des islamistes.
01:44Bruno Retailleau est aussi en campagne pour la présidence des LR face à Laurent Wauquiez
01:48qui ne cesse de dire que quand on est ministre, on n'est pas libre de sa pensée, libre de
01:52sa parole.
01:53Bruno Retailleau est enfin un prétendant putatif à la présidentielle de 2027 à laquelle
01:57il pourra décemment concourir que s'il parvient à mordre sur l'électorat d'extrême droite.
02:00Bref, Bruno Retailleau sert ses intérêts, mais pas sûr qu'avec ce genre de discours
02:04contre-productif, il rende service à la République qu'il était censé défendre dans ce meeting.
02:07Pourquoi contre-productif ?
02:08Parce que la lutte contre le fondamentalisme religieux ne se mène pas avec des slogans
02:12et des coups de menton.
02:13Elle exige de la fermeté et de la pédagogie.
02:15Mais avec ce genre de sortie, on ne convainc personne, on suscite de l'incompréhension
02:19et du rejet.
02:20Vous allez voir, à tous les discours de victimisation des islamistes qui vont dire « l'État est
02:25islamophobe », regardez ce qu'a dit le ministre de l'Intérieur, on suscite toutes
02:29les critiques, toutes les remises en cause de la laïcité, des gens qui disent « oui,
02:32vous voyez bien que la laïcité c'est une loi anti-musulman ».
02:35Bref, on antagonise, on radicalise, on enflamme le débat public plutôt que de l'apaiser
02:40à tel point qu'on peut se demander si ce n'était pas les faire chercher.

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