Le livre "Ta promesse", chez Gallimard, est élu Grand Prix RTL Lire 2025.
Regardez L'invité de 9h40 avec Amandine Bégot et Olivier Boy du 24 mars 2025.
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00:00L'invité du 9-10
00:02Et ce matin, c'est la romancière Camille Laurence qui est l'invité d'RTL Matin.
00:06Bonjour Camille Laurence.
00:07Bonjour, bienvenue.
00:08Merci d'être avec nous, bienvenue.
00:09Et donc félicitations, puisque vous venez de recevoir le Grand Prix RTL Lire Magazine 2025 pour votre nouveau roman
00:16« Ta promesse » publié chez Gallimard, avec nous également Bernard Lehu. Bonjour Bernard.
00:21Bonjour.
00:22Le monsieur l'ivraie d'RTL pendant près de 20 ans, c'est vous qui veillez maintenant à ce Grand Prix RTL Lire.
00:27Oui, on l'aime tellement ce prix.
00:28En trois ans, c'est ça ?
00:29Exactement. Camille Laurence, qu'est-ce que ça vous fait d'ailleurs d'abord de recevoir ce prix ?
00:34Est-ce que c'est toujours important de recevoir des prix ? Vous en avez eu un certain nombre dans votre carrière.
00:38Oui, oui, c'est important, ça me fait plaisir évidemment, un grand plaisir.
00:43Parce qu'en fait, quand on écrit, on est très solitaire.
00:46On espère transmettre au lecteur quelque chose de soi, de son écriture.
00:54Et quand les lecteurs nous donnent à leur tour leur choix, c'est toujours une grande émotion.
01:04Parce que ce prix, il faut le rappeler Bernard, c'est le choix des lecteurs.
01:08Bien sûr. D'ailleurs, un mot là-dessus Camille Laurence. Est-ce qu'un prix de lecteur, à vos yeux, a une valeur particulière ?
01:15Est-ce que c'est mieux qu'un prix Goncourt par exemple ? Parce que vous êtes juré Goncourt.
01:20Justement, c'est très différent par le fait que le prix Goncourt, c'est quand même un prix de lecteur.
01:25Mais ce sont toujours les mêmes lecteurs, ils ne sont que dix.
01:29Mais oui, là, ce qui est important, c'est ce que je disais, c'est que la lecture, c'est tellement une chose fondamentale pour moi.
01:40Et de savoir que des lecteurs, des lectrices m'ont choisi, ont aimé mon livre, oui, c'est très très important.
01:48Vous nous rappelez Bernard d'ailleurs qui a lu, qui a voté, qui s'est exprimé ?
01:52Alors, ils sont cent lecteurs, il faut le rappeler, répartis dans les vingt librairies partenaires du prix, par mini-juries de cinq, dans toute la France, aux quatre coins de la France.
02:00Donc voilà, ça donne vraiment un poids particulier à ce prix. Est-ce que vous voulez qu'on en entende ?
02:05Alors, ils sont trois, dans l'ordre Angèle Babel de l'librairie de Paris, mais qui est à Saint-Étienne,
02:10Mathieu Desportes et Isabelle Landreau à la librairie L'Armitière à Rouen.
02:15Un grand merci pour cet ouvrage qui traduit avec brio le processus du pervers narcissique et la difficulté à sortir de cette situation-là.
02:28On est quand même assez tôt avertis par une espèce de dispositif qui est proche du roman policier, qui a des unanimes qui sont cachées quelque part.
02:37Les descriptions concernant les doutes, les suspicions étaient extrêmement bien rendues.
02:43On a l'impression qu'elle a réellement vécu une situation comme celle-ci.
02:46On a l'impression qu'elle a réellement vécu une situation comme celle-ci.
02:49Sincèrement, je me suis posé la question aussi en lisant le livre.
02:52C'est vrai, Camille Laurence, vous avez rencontré un pervers narcissique aussi odieux que Gilles ?
02:57C'est-à-dire que c'est fait d'expériences vécues, mais diverses, et pas seulement les miennes.
03:04J'ai aussi des amis autour de moi, et puis je me suis renseignée beaucoup.
03:09Donc je suis une grande spécialiste de la question, mais pas uniquement par motifs personnels.
03:16Parce que dans le roman, Claire, le personnage principal est romancière, comme vous.
03:22C'est aussi pour ça qu'on peut se poser la question.
03:25Oui, oui.
03:26Vous ne voulez pas être impudique.
03:28Non, je joue beaucoup avec ça, mais j'avais envie que le personnage soit romancière,
03:33parce que je voulais aussi parler de la littérature, de ce que c'était qu'écrire par rapport au fait de vivre.
03:39Et sur le mécanisme d'emprise dont vous parlez dans ce livre,
03:43puisque c'est le ressort de cet homme-là, de ce pervers narcissique,
03:47on sait dès le départ que ça ne va pas bien se terminer entre les deux.
03:51C'était la mise en place qui vous intéressait au départ ?
03:54Comment est-ce qu'on rentre dans ce piège ?
03:56C'est ce qu'on lit tout au long du livre, un piège qui se referme petit à petit, par petites touches.
04:01Oui, j'ai voulu vraiment le construire avec un effet presque de suspense, comme un thriller,
04:08pour que les lecteurs accompagnent finalement la découverte que Claire va faire elle-même de l'emprise.
04:16Parce qu'au début, elle n'en a pas conscience, au contraire, au début c'est idyllique,
04:19et puis petit à petit, de manière très insidieuse, les indices se multiplient.
04:24Voilà, j'ai voulu vraiment qu'on l'accompagne.
04:27Il y a une décoration de l'appartement, il y a des choses qui paraissent insignifiantes et qui, cumulées, font...
04:30Voilà, vous avez raison, c'est le cumul, parce que chaque détail en soi n'est pas très grave.
04:38Thriller, dit Camille Laurence. Tout à l'heure, Philippe Labreau nous disait Polard.
04:42C'est exactement écrit comme ça, Bernard ?
04:44Oui, c'est ça. Moi, ce que j'ai vraiment admiré dans ce livre, c'est votre construction.
04:48Parce que dès le départ, on sait que Claire est en prison, attend son procès,
04:52et puis un peu à la fois, par votre construction, on va découvrir ce qu'elle a fait et pourquoi,
04:57et quelles en sont les raisons.
04:59Dans ce personnage, il y a quelque chose qui me tarabuste, c'est qu'elle a la cinquantaine,
05:03elle a vécu d'autres expériences amoureuses, à chaque fois malheureuses.
05:06Qu'est-ce que ça veut dire ? On n'apprend rien en amour ?
05:10C'est une bonne question et malheureusement, il est possible qu'on n'apprenne pas grand-chose
05:16et qu'on retombe souvent dans les mêmes scénarios, même si ce sont les pires.
05:23On a tendance à répéter, mais c'est aussi la beauté de l'amour,
05:27c'est qu'à chaque fois, on y croit, heureusement.
05:30C'est ce qu'un des lecteurs m'a dit d'ailleurs, que j'avais entendu au sujet de votre livre,
05:34il a dit qu'elle est peut-être là, la grandeur de l'amour, on se plante aussi.
05:38Le livre, on le rappelle, s'appelle « Ta promesse » et ça part d'une promesse
05:42où effectivement, Gilles dit à Claire, tu ne me promets que tu n'écrieras jamais sur notre histoire,
05:48sur nous, sur moi, et elle, elle dit assez banalement, je ne vais pas écrire sur un truc où tout va bien.
05:55On n'écrit pas sur un amour qui va bien ?
05:57Non, c'est assez rare, si vous cherchez dans la littérature mondiale.
06:01Je n'ai jamais fait la remarque.
06:03Cherchez, vous ne trouverez pas un roman où tout va bien,
06:07ou en tout cas, un roman qui ait du succès, parce que les gens heureux n'ont pas d'histoire.
06:14Qu'est-ce qu'on pourrait raconter ?
06:15Les gens heureux n'ont pas d'histoire.
06:17C'est triste, en fait, ça. On cherche juste le bonheur et les gens...
06:20Non, mais dans les romans, on cherche des histoires d'émotion, de passion
06:27et ça va forcément un petit peu avec le chagrin ou la peine,
06:31ou en tout cas, des moments.
06:33Évidemment qu'il y a des moments heureux aussi dans les romans.
06:35Alors, votre roman résonne aussi avec l'époque, il s'inscrit dans cette période post-Me Too.
06:40Est-ce que vous diriez que c'est un roman féministe, Camille Laurence ?
06:45Oui, je le revendique assez volontiers.
06:48Oui, parce que c'est pour moi une façon de montrer comment,
06:53en l'occurrence, une femme dans ce roman,
06:57et les femmes en général, parce qu'elles sont plus souvent des femmes,
07:00sont victimes d'emprise.
07:03Et pour moi, c'est quand même le dernier avatar du patriarcat,
07:09d'une forme de domination qui ne peut plus être explicite comme c'était le cas avant.
07:14Et qui devient cachée, invisible, dans la vie intime, privée,
07:19d'une violence psychologique qui est tout aussi toxique.
07:23Là, c'est le portrait long d'un pervers narcissique.
07:26Justement, on parle d'hommes.
07:28Est-ce que ça existe, ces pervers narcissiques ?
07:31Bien sûr, bien sûr.
07:32Est-ce que c'est vraiment très masculin ?
07:33Vous décriez quand même les hommes, dans votre livre,
07:36qui ont souvent besoin d'être admirés.
07:38Il y a quand même un portrait robot de l'homme
07:40qui a plutôt tendance à partir là-dedans.
07:44Oui, oui.
07:45C'est genré.
07:46Non, ce n'est pas genré.
07:48Il y a effectivement des femmes perverses narcissiques, bien sûr.
07:51Elles sont moins nombreuses.
07:53Ça prend d'autres formes.
07:55Mais la question peut-être de l'égo masculin
07:59et de la volonté de dominer,
08:01et en particulier des femmes qui sont puissantes,
08:05socialement ou professionnellement,
08:07c'est encore très répandu.
08:09C'est peut-être une question de génération.
08:11C'est peut-être, et j'espère, en train de s'améliorer.
08:14Mais...
08:15Oui, parce que c'est un piège.
08:17En tant que lectrice, on se dit
08:19tout le monde peut y tomber.
08:20Oui, oui.
08:21Séduire, réduire, détruire.
08:23C'est trois phases.
08:25La formule admirable par laquelle vous met le phénomène.
08:28Oui, oui, c'est ça.
08:29C'est le schéma type, si je puis dire.
08:32Alors, ce livre est sorti depuis début janvier.
08:35J'imagine que sur un tel sujet,
08:37vous avez cité énormément de réactions de vos lecteurs, lectrices.
08:40Qu'est-ce qu'ils vous disent ?
08:41Qu'est-ce qui en ressort ?
08:42Ah ben, c'est très...
08:44Je suis moi-même surprise, parce que
08:46vraiment, les lectrices, surtout,
08:49soit s'identifient,
08:52soit connaissent quelqu'un,
08:54une amie,
08:56qui est dans ce phénomène d'emprise.
09:00Et donc, il y a une très forte
09:04connivence avec le personnage de Claire.
09:08Oui.
09:09Une dernière question.
09:10C'est un roman, effectivement, très moderne.
09:12Vous utilisez le terme « red flag »
09:14qu'on entend beaucoup, drapeau rouge,
09:16le signal absolument alarmant
09:18pour repérer un pervers narcissique.
09:20Si vous aviez un conseil
09:22pour repérer ce type de caractère ?
09:24Un ou deux, hein ?
09:26Le red flag par excellence, quoi.
09:28Je crois qu'il faut vraiment
09:32écouter ce qu'il dit
09:34et faire attention
09:36quand il y a trop de clichés,
09:38trop de compliments,
09:40où c'est tout de suite merveilleux.
09:44Elle est merveilleuse,
09:46c'est extraordinaire,
09:47tout ce qu'elle fait est formidable.
09:49Il faut se méfier.
09:50Quand c'est trop beau,
09:51c'est qu'il y a un loup dans l'histoire.
09:53C'est la phase de séduction, justement.
09:54On a fini, Bernard.