Retrouvez "Yannick Noah, entre vous et moi" sur : http://www.europe1.fr/emissions/podcast-yannick-noah
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00:00Quand je suis arrivé ici, je n'ai pas de souvenirs, j'étais môme, j'avais deux ans,
00:05donc forcément les souvenirs que j'ai sont des souvenirs qui sont des souvenirs en pointillés.
00:10Je me souviens de mes parents, je me souviens du fait que tout d'un coup on a déménagé ici en Brousse.
00:15Salut à tous, là nous sommes à Etoudi qui est le cœur du village et dans le lieu dit village Noa.
00:35Yannick Noa est né à Sedan en 1960 d'un père footballeur et d'une mère institutrice et
00:43fan de basket. En 1962, la famille s'installe au Cameroun. Bienvenue dans le podcast Yannick Noa
00:52entre vous et moi. Une saga exceptionnelle en dix épisodes. Épisode 1, mes racines africaines.
01:01Papa ne voulait pas venir en Brousse parce que quand tu es africain à l'époque et encore ici,
01:11l'objectif c'est de partir en Europe ou à l'étranger pour pouvoir faire ta vie et puis
01:17renvoyer de l'argent à la famille. Et pour papa, le retour ici avec ses blessures, ses doubles
01:24fractures à la fois jambe droite, jambe gauche et ensuite bassin, revenir à 26 ans ici, habiter
01:34en ville c'était quand même pas mal, mais revenir au village c'était un peu la louse. Mais maman
01:43adorait justement, maman trouvait que c'était merveilleux de pouvoir vivre tout d'un coup,
01:49tant qu'à faire venir en Afrique avec son chéri Camerounais, autant aller jusqu'au bout. Et
01:55maman adorait cet endroit. Et on a construit cette maison et je me souviens des discussions
02:02de papa et maman à la maison en disant oh là là mais va falloir qu'on prenne un crédit parce
02:08que la maison coûtait à l'époque un million cent, c'est à dire 1600 euros. C'était un budget
02:16improbable. Donc en fait on a construit cette maison dans le village ici et bien sûr pendant
02:23cinq, six ans on n'avait pas d'électricité. Donc on allait chercher, on allait épuiser l'eau dans
02:28la rivière, à l'époque on pouvait boire l'eau des rivières, donc on allait chercher l'eau de
02:31la rivière. On n'avait pas d'électricité, on s'éclairait à la lampe à pétrole. Et maman trouvait
02:37ça merveilleux et en fait avec le temps papa a apprécié ça et du coup papa est devenu dingue
02:45de cet endroit. Et en fait c'est marrant la vie. Il a fallu que ce soit la Française blanche qui
02:51donne le goût du pays à son Camerounais. Et voilà c'est la chance de ce métissage qui fait
02:58que du coup les uns et les autres ils se sont appréciés d'amour. Et cet amour a fait que
03:04papa a adoré cet endroit et c'est pour ça qu'aujourd'hui on se retrouve ici.
03:15Le village, le village c'est là que quasiment naît papa. C'est là que la famille Noah a
03:23grandi du côté de mon grand-père papa Tara. Et c'était le village, c'était le village autour
03:31de la maison du notable qui était papa Tara Simon Noah. Et là on est en espèce d'oasis au milieu
03:40de la ville. Voilà c'était un peu la volonté du grand-père, du patriarche et de mon papa par
03:48la suite, papa, c'était de conserver cet endroit. Et c'était une très bonne idée. Et voilà il y a
03:58de la nature. On est au milieu presque d'un ghetto. Tant bien même on a une vue incroyable sur toutes
04:05les différentes collines de Yaoundé parce que Yaoundé c'est une ville où on est à 800 mètres
04:09d'altitude. Donc il y a des collines et là on est en haut d'une colline. Et donc de là où on parle
04:15on a la vue sur à ma droite le palais présidentiel, les différentes collines, le mont Fébé, toutes les
04:21collines. Et puis au loin la ville, toute la ville qui nous entoure et qu'on voit jusqu'à perte de
04:27vue. Mais dans un oasis de verdure, de nature, cher à papa. Parce que quasiment tous les arbres
04:35qui ont été plantés là dans l'endroit, c'est papa qui a planté tout ça. Donc ils sont tous là
04:43ils sont tous présents dans ce projet. J'ai des souvenirs bien sûr, j'ai des souvenirs. Papa avait
04:57investi dans une Alfa Romeo. Et l'Alfa Romeo ici elle a duré, elle a tenu deux semaines avec
05:06les routes, avec les trous, les pistes. Donc c'était, je me souviens de papa qui est obligé
05:12de se séparer de son Alfa Romeo. Je me souviens de maman qui allait jouer au basket après avoir
05:17donné des cours de français. Et puis maman a monté une équipe de basket. Puisqu'elles étaient une
05:25dizaine de filles, elle s'est dit on va faire une équipe. Et je me souviens que comme il n'y a
05:30forcément pas de bureau, le bureau, le clubhouse, les vestiaires c'était à la maison. Donc les
05:36filles venaient à la maison et ce sont des souvenirs que j'ai. Et je me souviens d'un voyage, c'était
05:41le premier voyage de l'équipe nationale féminine. Ils avaient joué la coupe des tropiques. Donc c'était
05:46des équipes, c'était huit équipes de l'Afrique de l'Ouest. Et le Cameroun avait gagné. Donc maman
05:51était championne de la coupe des tropiques. D'où voilà ce lien avec le basket aujourd'hui où
05:59l'équipe, même notre équipe du club, s'appelle l'équipe Marie-Claire Noix. Donc c'est voilà,
06:06c'est des souvenirs d'enfance et je dois avoir, là quand je te parle de ces souvenirs-là, j'avais
06:11cinq, six ans. Papa avait été un bon joueur de football. J'ai découvert ça très très tard.
06:27On me posait des questions en me disant, ah donc toi tu veux être joueur de tennis, mais pourquoi
06:33t'as pas joué au foot ? Parce que ton père était joueur de foot. Et là d'un coup je me suis rappelé
06:37qu'effectivement à la maison il y avait la coupe de France au salon, qu'il y avait des photos de
06:44papa à Sedan. Et là tout d'un coup ça résonnait en moi, ça a eu un sens. Là j'ai réalisé qu'en
06:50fait oui, c'est à Sedan qu'ils se sont rencontrés. C'est grâce au foot que papa a rencontré maman.
06:56Et donc à travers le foot, je suis né grâce à la carrière que papa a eue à Sedan. On allait en
07:06vacances à Aiglemont dans la banlieue de Charleville. Mais nous on était enfant, nous on rêvait,
07:14un gamin. Nous arrivait du Cameroun, il nous fait chaud tout le temps. Tout d'un coup il faisait
07:19froid, on devait mettre un blouson, c'était la fête quoi. Les fraises des bois, les groseilles
07:26à macro, faire des cabanes de fougère. C'était pour nous le paradis quoi, les Ardennes c'était
07:34le paradis. Et c'est encore le paradis parce qu'il y a des lieux comme ça en France avec le temps,
07:39je me dis des lieux méconnus. La Meuse c'est merveilleux, les Ardennes, que ce soit les
07:45Ardennes françaises forcément, belges évidemment, mais c'est merveilleux. Ma grand-mère que je n'ai
07:56jamais connue est belge, j'ai découvert ça assez récemment. Donc j'ai du sang belge aussi,
08:06mais tout ça du côté des Ardennes, donc ça crée un lien comme ça. Et c'est vrai que la Meuse,
08:10je la vois différemment. Je ne te parle pas de la bière de la Meuse bien sûr que j'adore,
08:16qui est la meilleure du monde. Je ne me suis jamais dit dans mon enfance, oh là là c'est
08:28formidable, mon papa est black, maman est blanche. Je suis né comme ça, moi je suis né dans un
08:33environnement, on était en famille avec mes sœurs, on était toujours ensemble. Tout ce qui nous
08:41arrivait était naturel. On vivait ici le temps de l'année scolaire, maman était au rythme de
08:48l'année scolaire puisque maman était prof de français, et puis on partait en France passer
08:55des vacances. Donc pour moi tout ça était naturel, parce que tant bien même il y aurait
09:00eu des situations positives ou négatives, mes parents avaient déjà préparé le terrain, c'est
09:08à dire que oui quand maman est arrivée ici, mon grand-père, la famille, oh là là tu nous
09:14ramènes une blanche, il y avait une petite tension. Mais maman était enceinte, et quand je suis né,
09:22j'étais un garçon, donc j'étais le premier Noah de ma génération, et là ça a tout bouleversé. Je
09:29dois dire aussi que ma grand-mère, elle, ma mangon, elle a accepté maman dès la première seconde,
09:36c'est à dire que maman avait un appui avec ma grand-mère, et du coup ça l'a beaucoup aidé. Mais
09:42le jour où maman a couché Dianique, un garçon, alors là tout d'un coup tout le monde était
09:47d'accord, et donc j'ai pris le deuxième nom de mon grand-père, donc Simon comme mon grand-père,
09:53et là tout d'un coup voilà, maman, tout ça a été accepté. Mais moi j'ai vécu ce métissage
10:01de manière naturelle, avec forcément pas mal d'humour. J'avais la chance d'avoir ma chambre,
10:15mes soeurs avaient une chambre à deux, et moi j'avais une chambre, c'était une maison comme
10:19ça en long, et ma chambre était au bout de la maison. Maintenant cette chambre c'est une classe
10:26dans l'école, mais ma chambre c'était, je me souviens que j'avais des photos déchirées de
10:36tennis de France, de joueurs de tennis, et que autour de mon lit, parce qu'il y avait un endroit,
10:45il n'y avait pas de fenêtre, et là je jouais au tennis, je faisais du mur, même dans ma chambre,
10:51je faisais des volets. Le seul problème, donc ça m'a coûté quelques raclées, enfin une en fait,
10:58et j'ai arrêté après, parce qu'en fait ici la terre est rouge, et quand tu as une balle avec la
11:06terre rouge sur des murs blancs, tu imagines bien qu'il y avait des traces, et ça ça a pas vraiment
11:12plu à mes parents quoi, parce qu'une fois ils ont fait la peinture, j'ai attendu un petit moment
11:16après ma première rouste, et la deuxième, parce que c'était plus fort que moi, je me disais peut-être
11:22avec une balle plus propre, et puis forcément à un moment il y avait encore des traces, donc ma
11:26chambre c'était ça, il y avait des traces de balles, des posters, jusqu'au moment où il y a eu le mon
11:32poster d'Arthur H en 1971 quand j'avais 11 ans. Vous venez d'écouter Yannick Noah, entre vous
11:43et moi. Un témoignage exceptionnel recueilli par Jacques Vendroux au Cameroun pour Europe 1.
11:49Production Europe 1 Studio, Sébastien Guyot. Réalisation et direction artistique, Xavier Jolie.
11:56Pour découvrir la suite, vous pouvez vous abonner gratuitement, et glisser un maximum d'étoiles sur
12:02votre plateforme préférée. Dans l'épisode suivant... Et là je commence à taper, je joue avec Arthur H,
12:09une balle, deux balles, il me fait 3-4 coups droits, et puis il met une balle sur le revers,
12:14puis je tape le revers, et puis à un moment il fait une balle courte, je monte au filet,
12:18il me donne la balle, et puis je fais le point, et puis là il y a une espèce d'effervescence,
12:24des cris, et Arthur il est heureux.