Défense européenne : quels sont les besoins de nos entreprises d'armement ? Écoutez l'interview de Alain Dulac, vice-président du Gifas (Industries Aéronautiques et Spatiales), et PDG de Factem (produits audio pour l'armée).
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 21 mars 2025.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 21 mars 2025.
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00:00RTL Matins, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h17, l'interview d'Amandine Bégaud au cœur de l'actualité.
00:07On le sait désormais, il faut financer l'effort de défense.
00:10Et pour les entreprises d'armement, c'est la mobilisation générale pour fournir.
00:14Ça concerne aussi des PME, des sous-traitants comme le PDG de Factem que vous avez choisi de recevoir ce matin.
00:20Il s'appelle Alain Dulac, bonjour et bienvenue à vous.
00:22Bonjour Alain Dulac, et merci d'être là ce matin.
00:25Factem, c'est 80 salariés, société installée à Bayeux dans le Calvados
00:29et qui fabrique donc des produits de communication pour l'aéronautique et la défense.
00:32Pour être très concret, c'est vous notamment qui fabriquez le micro qui est dans le casque des pilotes de rafale.
00:38Sans vous, nos rafales ne décollent pas, on est d'accord ?
00:41Oui, alors c'est un des maillons de la chaîne.
00:45On est beaucoup de PME à fournir des pièces du rafale.
00:51Et dès l'instant où il en manque une, le puzzle n'est pas complet et l'avion ne décolle pas.
00:56C'est vrai également pour le micro qui est dans le masque du pilote,
01:00également les casques d'appontage qu'on voit sur le Charles de Gaulle,
01:03les casques vert, jaune, bleu, rouge qui sortent de chez Factem.
01:07Un des maillons donc, maillon essentiel de notre industrie de la défense.
01:10Et vous étiez présent hier à cette grande réunion qui a été organisée par les ministres
01:14et de l'économie et de la défense entre industriels de la défense et investisseurs privés.
01:19Pourquoi est-ce que cette réunion était si importante ?
01:22Alors, la réunion est importante parce qu'on nous appelle aujourd'hui à monter en puissance.
01:27La montée en puissance, on y est prêt.
01:32Néanmoins, pour pouvoir monter en puissance, les entreprises ont besoin de plusieurs choses.
01:37La première, c'est d'avoir un outil de production qui soit capable, opérationnel.
01:41Et si on monte en cadence, il va falloir augmenter cet outil de production.
01:45Qui dit augmenter l'outil de production, dit certainement investir dans des CAPEX
01:49pour pouvoir, encore une fois, acheter des machines et éventuellement se former.
01:56Donc, pour ça, on va se tourner vers les financeurs, que ce soit les banques, les fonds d'investissement.
02:01Et là, en règle générale, ce qu'on nous demande, c'est
02:05« Ok, qu'est-ce que vous avez comme visibilité sur votre carnet de commandes ? »
02:08Donc, la première chose qu'on demande, nous, aujourd'hui, c'est d'avoir de la visibilité.
02:14La visibilité, c'est des commandes.
02:15Alors, certes, on a de la visibilité aujourd'hui.
02:18On en a beaucoup plus, d'ailleurs, depuis le Covid.
02:20Puisque, je dirais, les différents maillons entre le ministère des Armées et puis les PME
02:25ont compris que plus on avait de visibilité, mieux c'était.
02:28La visibilité, c'est bien, ça ne suffit pas.
02:31En fait, la visibilité, c'est des commandes prévisionnelles.
02:33Nous, ce qu'on a besoin, c'est d'avoir des commandes fermes.
02:36Donc, ce qu'on a besoin, pour être très factuel, c'est un bon de commande.
02:40Aujourd'hui, jusqu'à il y a quelques mois, en tout cas, une PME comme la vôtre ou comme d'autres,
02:44parce que vous représentez les PME du JIFAS,
02:46c'est le Groupement des Industriels Français de l'Aéronautique et du Spatial.
02:49Quand vous alliez, on va faire simple et simplifier sans doute les choses,
02:52mais voir votre banquier, il faisait un peu la moue ?
02:57Alors, il faisait la moue pour plusieurs raisons.
02:59Il faisait la moue parce qu'effectivement, on n'avait pas toujours beaucoup de visibilité.
03:02Il faisait aussi la moue parce que travailler dans l'aéronautique et travailler dans la défense,
03:07ce n'était pas tellement dans l'air du temps, il y a encore quelques mois.
03:09C'est sale, c'est sale, je ne sais pas, mais c'était...
03:13Je reprends ce mot parce que c'est le ministre qui l'a dit hier, Sébastien Lecornu,
03:18l'industrie de la défense n'est pas sale,
03:21mais ça fait partie des secteurs dans lesquels les investisseurs
03:25rechignaient à investir il y a encore quelques mois, vraiment ?
03:28Alors, je pense que vous avez... Voilà, c'est bien ça, c'est rechignaient.
03:31Moi, j'ai eu, à titre personnel, on a fait un tour de recapitalisation
03:35et en octobre-novembre, ce n'était pas aussi facile que ça l'est aujourd'hui.
03:40Aujourd'hui, les grands financiers, que ce soit des banques, que ce soit des fonds d'investissement,
03:45ont pris le virage et aujourd'hui,
03:48ça redevient un peu plus correct d'être dans le domaine de la défense et de l'aéronautique.
03:53Donc, vous êtes rassuré ce matin ?
03:54Sur ce point-là, oui, le message a été clair, le message qui est donné par les ministres.
03:59En fait, si vous voulez, la réunion d'hier, le ministre de la défense a donné l'objectif,
04:03le ministre de l'économie a demandé aux différents organismes financiers,
04:09que ce soit des banques, des fonds d'investissement, de s'aligner et de soutenir la cause.
04:14À partir de là, oui, on est rassuré.
04:16On est confiant, on est prudent, on n'est pas naïf.
04:20Il faudra que ça descende de Paris jusque dans la région, dans les régions,
04:24mais oui, on est plutôt confiant.
04:26Alain Dulac, on dit souvent que l'argent, c'est le nerf de la guerre, c'est vraiment ça ?
04:30Alors, c'est le nerf de la guerre, je vous le disais pour pouvoir investir dans l'outil de production,
04:34c'est le nerf de la guerre à plusieurs endroits.
04:36Aujourd'hui, si on doit monter en capacité, ça veut dire qu'il va falloir qu'on approvisionne plus de matières.
04:43Les matières aujourd'hui, depuis le Covid, ça a reconvergé un petit peu,
04:47mais on n'est pas encore revenu comme avant le Covid.
04:50Aujourd'hui, il reste encore des tensions sur les matières, sur les matériaux, sur les composants,
04:56le cuivre, les composants électroniques, etc.
04:59Et donc, si on veut être sûr de pouvoir livrer nos clients,
05:03c'est-à-dire les maîtres d'œuvre, les grands donneurs d'ordre,
05:06et puis à la fin, le ministère des Armées dans les temps,
05:09nous, en fait, ce qu'on est obligé aujourd'hui, c'est d'anticiper et de passer des commandes en avance.
05:15On passe des commandes, on engage de l'argent, on paye nos fournisseurs,
05:18la question, c'est quand est-ce qu'on va livrer, quand est-ce qu'on va facturer, quand est-ce qu'on va être payé ?
05:22Et donc, ça crée en fait un besoin, là, qui est le besoin en fonds de roulement, important.
05:27Il faut aussi continuer de faire de la recherche, de l'innovation, etc.
05:31Tout ça coûte, il va falloir recruter,
05:34puisque si on monte en capacité, il va falloir recruter.
05:36Recruter, c'est des salaires, c'est des salaires qu'il faut payer aujourd'hui
05:39pour produire des produits, des fabrications qu'on fera demain et qu'on vendra après-demain.
05:45Donc, tout ça crée en fait un besoin de trésorerie.
05:48Et ces besoins de trésorerie, aujourd'hui, alors, on a vu hier,
05:52il y a plusieurs acteurs qui se sont identifiés pour financer ce besoin de trésorerie.
05:57Alors, il va y avoir notamment ce nouveau placement qui sera proposé aux Français qu'ils souhaitent,
06:00500 euros minimum pour financer la montée en puissance de l'industrie de la défense.
06:05Qu'est-ce que vous dites ce matin aux auditeurs qui nous écoutent
06:07et qui seraient tentés de placer une partie de leur épargne de cette façon-là,
06:12ou à ceux qui hésitent ?
06:13Alors, nous aujourd'hui, en tant que chef d'entreprise,
06:17et moi en tant que représentant des chefs d'entreprise,
06:19aujourd'hui, j'ai un besoin de financement.
06:21Quand j'ai un besoin de financement, je me tourne vers les organismes financiers,
06:25je vous disais, les banques, les fonds d'investissement.
06:27Après, eux, la façon dont ils constituent ces réserves,
06:31je dirais, moi, à ma position, quelque part...
06:35Vous vous moquez d'où vient l'argent, si j'ose dire ?
06:37Quelque part. Alors, à titre personnel, oui, bien sûr,
06:40je pense qu'il faut soutenir cet effort parce que c'est la ligne de conduite,
06:44et puis, quelque part, c'est l'avenir de nos entreprises,
06:46donc il s'agit bien de constituer ces réserves dans les banques et dans les fonds d'investissement.
06:52Mais après, en tant que représentant des PME,
06:56je dirais, ce qui est important, c'est qu'il y a de l'argent à disposition.
07:01Il sera bien utilisé cet argent, c'est sûr ?
07:03C'est tout à fait. La seule chose que je peux dire,
07:05c'est qu'aujourd'hui, on sait exactement un euro dans une PME,
07:09on sait exactement où est-ce qu'on le met, on sait à quoi il sert,
07:12et on est capable de mesurer son retour sur investissement,
07:15que ce soit sur la formation des collaborateurs,
07:17que ce soit sur la constitution de stocks, de façon à livrer à l'heure,
07:21de façon à être payé à l'heure pour pouvoir payer nos salaires et nos fournisseurs.
07:25Donc on sait qu'un euro d'un contribuable qui viendra sur un livret,
07:31quel que soit le support, quel que soit le véhicule financier,
07:34il sera bien utilisé dans les PME de la BITD.
07:37Dans le même temps, il y a eu ce sommet européen à l'Indulac,
07:40est-ce que l'Europe doit imposer aux pays européens d'acheter européen en matière d'armement ?
07:46Alors, imposer, je ne sais pas s'il faut imposer.
07:49Aujourd'hui, dans les PME, on lutte un petit peu contre un excès de réglementation.
07:57Il y a de la réglementation, il y en a partout,
07:59et il y a un moment donné où il y a tellement de réglementation
08:02qu'on passe notre journée à savoir comment on va appliquer la réglementation
08:06plutôt qu'à faire notre métier.
08:07Notre métier, c'est concevoir des produits, les fabriquer et les vendre.
08:11Mais est-ce que les industries européennes sont capables,
08:13les industries françaises notamment, de remplacer les américains ?
08:16Je vais vous prendre un exemple au titre de factem.
08:20Aujourd'hui, on a le marché des casques de pilotes et de copilotes
08:23pour l'ensemble de la gamme Airbus.
08:25Les avions qui volent, il y avait aujourd'hui plus d'une cinquantaine de compagnies aériennes
08:28dont Air France, qui volent avec nos casques.
08:30On a gagné ce marché, petites PME, abayeux, à l'époque moins, on était un peu plus de 50.
08:38On a gagné ce marché face à les grands donneurs d'ordre,
08:41nos concurrents, Bose, David Clark, etc.
08:43C'est la preuve de plusieurs choses.
08:45C'est la preuve qu'en France, on a les compétences pour concevoir,
08:48développer, industrialiser des produits.
08:50On a les compétences et le savoir-faire,
08:53et économiquement, on est viable pour les fabriquer en France.
08:57Je dirais aujourd'hui, on a l'outil industriel, on a les ressources.
09:02Après, la question que vous me posez, elle concerne plus les ressources matérielles.
09:06Est-ce qu'on a tous les matériaux, tous les composants en Europe ?
09:09En France, non, c'est clair.
09:11Donc, on n'est pas autonome en France.
09:14En revanche, je pense que si on ne l'est pas encore aujourd'hui en Europe,
09:18on peut le devenir très rapidement.
09:20Merci beaucoup Alain Dulac d'être venu nous voir ce matin.
09:22Merci à vous.