Le dessinateur Jul avait été choisi pour l'opération annuelle "Un livre pour les vacances" du ministère de l'Éducation nationale, grâce à laquelle les élèves de CM2 ont accès à un classique de la littérature française revisité. Son ouvrage a néanmoins été décommandé, ce que le dessinateur dénonce.
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00:00Mais Jules, je voudrais savoir ce qu'on vous reproche.
00:02Est-ce qu'on vous reproche d'avoir dessiné un père de famille musulman qui boit et qui mange du porc
00:07ou alors d'avoir transformé un conte du XVIIIe, de l'histoire traditionnelle des contes pour enfants
00:15en un conte hyper moderne avec des visages d'aujourd'hui ?
00:19Rien de tout ça et c'est absolument comique ces images que vous me montrez
00:24d'une ministre qui se déjuge et qui dit exactement le contraire de ce qu'elle disait
00:28sur CNews avec cette espèce de ligne éditoriale complètement facho, habituelle de CNews.
00:35Ce livre, vous avez eu accès aux images, c'est absolument pas une réécriture modernisée.
00:40Il y a des éléments de vie quotidienne qui ressemblent à la vie des écoliers aujourd'hui en CM2
00:45parce que c'est ça qu'on a envie de faire, c'est de leur donner envie d'aller vers ces textes
00:50parce que le texte n'a absolument pas changé.
00:52Et alors cette histoire de musulmans qui boivent, c'est du délire absolu, c'est du délire paranoïaque à la CNews.
00:59En aucun cas, ces personnages ne sont ni arabes, ni musulmans, ni quoi que ce soit.
01:04Ils ont juste la peau un petit peu plus sombre que les contes où les filles sont blondes avec une peau très blanche.
01:10C'est juste la belle est un petit peu plus méditerranéenne, elle a une tête d'italienne,
01:15elle a une tête de grec, elle a une tête de libanaise, elle ressemble à la France d'aujourd'hui.
01:19Cette histoire d'arabes qui viennent d'Algérie ou quoi.
01:22Je viens d'entendre ce témoignage, je ne l'avais pas entendu d'Elisabeth Borne.
01:25Mais dans quelle imagination délirante elle puise ça.
01:28Vous avez tous les journalistes là aujourd'hui sur le plateau, les dessins et le texte du livre.
01:33Où est-ce que dans ce livre on trouve ce qu'elle est en train de décrire ?
01:38Donc elle est en train de reprendre, Elisabeth Borne, je vais vous décrire ce qui se passe.
01:41Les éléments de langage de son administration qui s'appelle la DGSCO,
01:45cette administration qui est fixe alors que les ministres n'ont pas arrêté de changer depuis un an et demi.
01:51Cette administration, elle est gérée par madame Caroline Pascal,
01:54qui est techniquement la numéro 2 du ministère de l'éducation nationale,
01:58qui n'a rien à faire dans la politique du ministère,
02:02qui n'est absolument pas habilitée à faire cette censure.
02:04Et pourtant c'est eux qui nous ont envoyé le courrier et qui ont décidé de censurer ce livre.
02:08Alors les vraies raisons, je ne sais pas lesquelles elles sont,
02:11mais cette histoire d'alcool, c'est le texte du XVIIIe siècle,
02:14raconte que le père qui se retrouve otage de la bête,
02:18il boit, je cite, quelques coups de vin et qu'il se trouve tout ragaillardi par ça.
02:23Bah oui, c'est ce que j'ai juste dessiné purement et simplement et de manière inoffensive, anodine et très mignonne.
02:30Donc ce délire qu'on vient d'entendre sur ces news, c'est vraiment juste une espèce de vaste blague.
02:36Jules, je voudrais qu'Ève Schefftel puisse ajouter un mot,
02:39parce qu'Ève, précisément l'objet de Marianne cette semaine, c'est ce que vous appelez le retour des réacs.
02:45Est-ce que vous estimez que ce qu'on est en train de décrire,
02:47et ce qui arrive effectivement sur le livre de Jules, correspond à ce sur quoi vous avez enquêté ?
02:51Ça ressemble en tout cas à un retour de balancier très fort après les censures,
02:56on pourrait dire woke, auxquelles on a eu affaire en France.
03:00D'un excès à un autre excès.
03:02Ça ressemble à une censure de droite, peut-être que Jules pourra me le confirmer,
03:05mais d'après le profil en tout cas de la DGESCO, la directrice générale de l'enseignement scolaire,
03:11et puis de d'autres personnes dans son entourage...
03:13Vous dites Versailles, c'est ça que vous dites Jules.
03:15En tout cas, on a l'impression que là, c'est la droite réactionnaire en tout cas,
03:22qui veut une princesse, on va dire blanche, et qui se met à faire ce que la gauche a fait.
03:35Parce que ce qui est paradoxal, c'est que pendant longtemps la censure était à droite,
03:38c'était l'ORTF, après la censure est devenue à gauche,
03:42c'était la déprogrammation de cette pièce déchire les suppliantes à la Sorbonne quand même.
03:49C'est la réécriture d'un certain nombre de titres.
03:52Voilà, exactement, on a eu la semaine dernière la déprogrammation par les PUF quand même
03:58d'un livre qui s'appelait Face à l'obscurantisme woke,
04:01après une mise à l'index de Patrick Boucheron, grand historien de la déconstruction.
04:08Donc on avait une censure woke.
04:11On l'a encore si je vous écoute bien.
04:13C'est la semaine dernière quand même cette affaire, les PUF, pas n'importe quelle maison d'édition.
04:17En fait, ce qui me choque, c'est toutes les censures.
04:21C'est toutes les censures qu'elles viennent d'un côté et d'un autre.
04:24Et on ne va pas passer d'une censure woke qui a ses excès et qui a porté ses excès.
04:29Ce qui est coca, c'est que dans la Belle et la Bête de Walt Disney,
04:33justement, la Belle est brune et c'était une des rares héroïnes brunes de Walt Disney.
04:41C'est tout à fait juste.
04:43Jules, du côté effectivement de la directrice de l'enseignement dont vous parliez à l'instant,
04:48elle dit que l'ouvrage finalisé ne permet pas une lecture en autonomie, à domicile, en famille.
04:52Enfin bref, exactement les éléments qu'a donnés à l'instant la ministre de l'Éducation nationale.
04:59Qu'est-ce qui va se passer désormais, Jules ?
05:03Le livre a été trappé réellement.
05:06Techniquement, si on s'en tient à l'aspect numérique, 800 à 900 000 exemplaires d'un livre censuré,
05:14c'est la plus grosse censure de l'histoire de l'édition en France.
05:17C'est ça qui est absolument délirant.
05:19Il devait rentrer dans tous les foyers de France et là, ce bouquin passe à la trappe.
05:24Je ne connaissais pas Caroline Pascal.
05:27D'ailleurs, elle écrit qu'elle a suivi le livre.
05:30On ne l'a jamais vu dans aucune réunion.
05:32Je pense qu'elle a découvert tardivement le texte.
05:35Je pense que ça a dû lui déplaire à ce moment-là.
05:37C'est ce que je présume, je n'en sais rien.
05:39Je ne connaissais pas Caroline Pascal.
05:40J'ai juste regardé sur Internet, j'ai cherché.
05:42J'ai constaté qu'effectivement, quand je dis versaillaise,
05:45oui, elle habite Versailles, elle a fait sa carrière à Versailles.
05:47Elle a fait une carrière académique très brillante jusqu'à arriver à la Degesto.
05:50Mais ça, Jules, vous n'allez pas vous-même passer dans la caricature ?
05:54Si je peux me permettre...
05:57Elle est mariée à Camille Pascal, qui est journaliste à Valeurs Actuelles.
06:02Mais c'est quoi le problème, ça, Jules ?
06:04Autant sur la censure, j'ai toujours un problème,
06:06autant si vous commencez à dire qu'une femme pense forcément comme son mari,
06:09moi, ça va me poser question.
06:11En termes de liberté, tout simplement.
06:14Je ne sais pas si vous connaissez Vanessa Schneider et Ariane Chemin,
06:16qui sont des journalistes qui ont fait un livre il y a quelques années
06:18sur Patrick Buisson, le mauvais génie, qui n'est plus publié chez Fayard.
06:22Il y a un chapitre entier qui a été consacré à Caroline Pascal
06:24que je ne connaissais pas jusqu'à il y a une semaine,
06:26et qui a débarqué, et qui décrit un petit peu l'univers culturel de cette personne.
06:32Et c'est absolument sa propre liberté,
06:34mais le rôle de la Degesto n'est en aucun cas politique.
06:37Quand vous parlez d'elle et de son chemin,
06:40là, pour le coup, je comprends parfaitement.
06:43C'est vrai que sous-entendre qu'effectivement parce que son mari...
06:47Là, c'est vrai que j'estime que votre défense est plus faible sur ce point.
06:51Non, mais je vous amène tout simplement à regarder le livre
06:55et le comparer avec les arguments qui lui sont opposés.
06:58Par ailleurs, les arguments qui ont été donnés
07:02dans la lettre de la Degesto justifiant la censure,
07:06et qui sont en partie la reprise par Elisabeth Borne.
07:08Les termes même de ces arguments sont en miroir exactement,
07:13et c'est un hasard, les mêmes éléments de langage
07:16qui ont été employés par le ministère de l'Éducation de Donald Trump
07:19il y a deux semaines pour interdire l'édition illustrée du journal d'Anne Franck,
07:23le Maus de Spiegelman et 1984 d'Orwell dans les écoles.
07:27Ce sont les mêmes mots. Je vous invite à les comparer.
07:30Et donc, je pense que ça envoie un signal
07:33et ça raconte quelque chose d'absolument préoccupant et consternant
07:36sur ce qui est en train de se passer au niveau de l'éducation nationale aujourd'hui.
07:38Extrêmement préoccupant. La phrase, d'ailleurs,
07:41que vous-même vous donnez dans votre communiqué,
07:45vous dit au fond à quoi bon, et je vous cite,
07:47à quoi bon contempler Donald Trump avec effroi
07:50quand nous prenons pas à pas le même chemin.