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Cela fait presque deux mois que Donald Trump est en poste à la Maison-Blanche et il est déjà ressorti des accords de Paris. On peut se demander ce que va devenir l’Agence américaine de protection de l’environnement ? Que deviendront les contre-pouvoirs américains sur les questions écologiques ? Jason Quidoz, doctorant à l’Université Paris Cité, nous offre son éclairage.

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Transcription
00:00...
00:06L'invité de Smart Impact, c'est Jason Quidoz.
00:09Bonjour. Bienvenue.
00:10Vous êtes doctorant en sciences politiques
00:12à l'école normale sub Paris-Saclay et Paris-Cité,
00:15spécialiste des Etats-Unis.
00:17On va parler des reculs environnementaux de Trump.
00:20Il avait annoncé la couleur dans sa campagne électorale.
00:23Est-ce que c'est pire que prévu, malgré tout ?
00:26C'est... Comment dire ?
00:28C'est proche de ce qu'il avait annoncé.
00:30C'est pire dans le sens où il y a un vrai risque aujourd'hui
00:34de perte d'expertise dans le gouvernement fédéral
00:36en ce qui concerne les politiques environnementales,
00:39qui sont des politiques qui sont très spécifiques,
00:42très compliquées à mettre en oeuvre
00:44et qui requièrent aujourd'hui énormément de personnes
00:48qui sont spécialistes du sujet
00:49et qui sont capables de les mettre en oeuvre correctement.
00:52Aujourd'hui, ces spécialistes sont menés vers la sortie
00:57et vont probablement perdre confiance
00:59dans le gouvernement fédéral
01:01et sa capacité à mettre en place une telle politique.
01:04D'une certaine façon, on peut le regretter,
01:06mais il a été élu aussi pour ça.
01:09Il est bien élu.
01:10Il a été élu pour ça, évidemment, et bien élu.
01:13Alors, il a gagné une majorité des suffrages exprimés.
01:18Il n'a pas gagné la majorité absolue des suffrages
01:22exprimés, donc ça, c'est quelque chose qui est...
01:25Il était devant son adversaire en nombre de voix.
01:28Il était devant son adversaire, contrairement à 2016.
01:31Maintenant, il y a aussi
01:34une continuité à garder dans la conduite des politiques publiques.
01:39C'est important.
01:40Je parlais de confiance.
01:42Est-ce qu'aujourd'hui,
01:44on a confiance en le gouvernement fédéral américain
01:46pour mettre en place des politiques environnementales ?
01:50Effectivement. Je pose cette question.
01:52Malgré tout, c'est la démocratie. Il a été élu.
01:54C'est vrai qu'on peut imaginer...
01:56Il y a notamment sa formule pendant toute la campagne électorale,
02:00le drill, baby drill, relancer des forages sous azimut,
02:03redevenir le champion des énergies fossiles.
02:06Si le prix de l'essence reste bas aux Etats-Unis,
02:09les fans de Donald Trump seront contents.
02:11Vous voyez ?
02:13C'est une question assez compliquée, en réalité,
02:15qui est liée à la question de la polarisation
02:18du système politique américain.
02:20La question, c'est véritablement
02:22à quel point les éléments économiques
02:26vont affecter le choix des électeurs
02:29et la continuation d'une politique ultra-conservatrice
02:33telle que celle de Donald Trump.
02:34Un conseiller de Bill Clinton avait dit
02:37« It's the economy, stupid. »
02:38Il y a maintenant plus de 20 ans.
02:41Aujourd'hui, rien n'est mâchure.
02:43La polarisation aux Etats-Unis devient de plus en plus affective.
02:46C'est de plus en plus lié
02:48à des considérations purement idéologiques
02:50qui sont de plus en plus retirées de la réalité.
02:55Je pose cette question de la réaction
02:57d'une partie de la société américaine
02:59parce que là, aujourd'hui, on est tous en état de sidération,
03:02même si, effectivement, la campagne électorale
03:05est dans la droite de sa campagne électorale.
03:08Les contre-pouvoirs de la société américaine,
03:11est-ce qu'ils sont plus faibles ?
03:12Est-ce qu'ils peuvent réduire l'impact négatif
03:15ou les reculs environnementaux de la politique de Trump ?
03:19Vous savez, ça fait bientôt 5 ans
03:22que j'étudie la politique américaine.
03:24Je dois vous avouer que je suis étonné.
03:27Je suis étonné parce qu'une des raisons
03:29qui me faisait que Trump apparaissait,
03:31certainement une menace pour les institutions américaines,
03:35mais une menace relativement faible,
03:38est que le système américain est fondé sur ce système
03:41qu'on appelle en anglais « checks and balances »,
03:43un système de contre-pouvoirs très puissant,
03:46cette révérence de la Constitution qu'ont les Américains.
03:50Aujourd'hui, moi, je suis personnellement sidéré
03:53de voir la manière avec laquelle l'administration Trump
03:56est capable de trancher, comme dans du beurre,
03:59dans les contre-pouvoirs qui existent.
04:02C'est quelque chose qui est assez étonnant.
04:05A quel point l'administration Trump voudra-t-elle aller...
04:08Jusqu'à quel point voudra-t-elle aller, en réalité,
04:12dans cette destruction des contre-pouvoirs ?
04:15Est-ce qu'ils se permettront, un jour,
04:18de ne pas passer au-delà d'une décision de la Cour suprême,
04:23comme Andrew Jackson avait pu le faire il y a un siècle et demi ?
04:27Rien n'est moins sûr, mais ça commence à rentrer
04:30dans l'ordre des possibilités.
04:31Ce qui semblait totalement impossible
04:34dans un pays, comme vous le dites,
04:36qui fait de sa Constitution une pierre angulaire,
04:38avec un Donald Trump et même ceux qui l'entourent,
04:41la question se pose.
04:42Si on prend, par exemple,
04:44il y a quand même des décisions qui ont été prises,
04:47l'Easel Dean, nommé à la tête
04:49de l'Agence américaine de protection de l'environnement.
04:52En fait, qui est-il et qui défend-il, ce Easel Dean ?
04:57C'est quelqu'un qui défend des intérêts pétroliers,
05:00mais c'est dans la droite ligne
05:02de ce qu'avait fait Donald Trump lors de son 1er mandat.
05:05Il avait nommé Scott Pruitt, un lobbyiste
05:07pour des intérêts pétroliers à l'époque.
05:11Donald Trump, c'est quelqu'un
05:13qui veut absolument désinstitutionnaliser l'IPA.
05:18L'IPA, c'est quoi ?
05:20L'Agence de protection de l'environnement.
05:23J'avais pas l'acronyme en version anglaise.
05:26C'est quelqu'un qui veut absolument changer
05:29cette institution, soit la faire disparaître,
05:33soit la changer pour favoriser son propre agenda politique.
05:38C'est absurde de garder le nom
05:40pour mettre quelqu'un qui défend le lobby du pétrole.
05:43Pas tant que ça,
05:44car c'est quelqu'un qui a la main sur les politiques environnementales.
05:48Ce que ça montre, c'est un vrai problème d'acceptation
05:52des politiques environnementales aux Etats-Unis.
05:54Ce n'est pas limité aux Etats-Unis, si vous me permettez...
05:58Les dernières élections européennes
06:00ont montré que les listes écologistes avaient souffert
06:03et que les listes de droite populiste ou droite extrême
06:06avaient le vent en poupe.
06:08Il ne faut pas se voiler la face sur le fait
06:10que l'élection de Trump marque un profond malaise
06:14par rapport à un système, ou à ce système néolibéral
06:18qui a été institué à partir des années 70.
06:21C'est aussi quelque chose
06:23que l'on voit dans les politiques environnementales.
06:26Ces politiques environnementales, la plupart du temps,
06:29étaient fondées sur l'idée
06:31qu'on allait garder un système productiviste
06:33tel qu'on le connaît aujourd'hui
06:35et qu'on allait mettre une sorte d'autocollant
06:39un peu vert par-dessus.
06:41Ca, c'est quelque chose qui est très mal interprété
06:44par les électeurs américains,
06:46qui est très mal interprété par les électeurs européens
06:50aujourd'hui. C'est perçu comme une taxe.
06:52Il faut travailler sur l'acceptation
06:54de ces politiques et sur les politiques publiques
06:57pour faire en sorte que les politiques climatiques
07:00puissent fonctionner.
07:02elles n'ont pas seulement des conséquences
07:05sur la société américaine et le territoire américain.
07:08Par exemple, quand il sort de nouveau des accords de Paris.
07:11Je voudrais qu'on soit assez précis.
07:13Qu'est-ce qui s'était passé il y a huit ans ?
07:16Ca avait mis du temps avant que les Etats-Unis
07:18sortent de fait des accords de Paris.
07:21Comment ça s'était passé ?
07:22Alors, le temps...
07:23Il est important déjà de voir que les accords de Paris
07:26ne sont pas des traités qui sont applicables.
07:29Ce sont des déclarations de volonté.
07:31C'est pas forcément contraignant.
07:33C'est pas forcément contraignant.
07:35Après, ce sont des moyens par lesquels les Etats
07:38se lient eux-mêmes pour atteindre certains objectifs.
07:41Maintenant, l'accord de Paris, il faut qu'il soit mis en oeuvre,
07:45il faut qu'il soit appliqué au sein des pays
07:49qui sont signataires.
07:51Joe Biden avait commencé à le faire avec deux lois,
07:54une loi sur les infrastructures et une loi de réduction de l'inflation.
07:58A l'époque où Donald Trump avait quitté l'accord de Paris,
08:01il venait d'être signé.
08:02En réalité, il n'y avait pas encore eu d'application.
08:05Il n'y a pas eu d'effet très important à l'époque.
08:08Après, il y a le symbole politique,
08:10l'effet d'entraînement que ça peut représenter
08:13pour d'autres pays.
08:14Le symbole politique est très important.
08:18Maintenant, je pense que le reste du monde
08:20commence à être un petit peu habitué
08:22à la méthode américaine, si je puis dire.
08:25Il faut rappeler que les Etats-Unis étaient sortis
08:28du protocole de Kyoto après l'avoir soutenu
08:31sous Clinton.
08:32Clinton, notamment son vice-président Al Gore,
08:35avait soutenu le protocole de Kyoto.
08:37George W. Bush, conservateur, qui avait été élu ensuite,
08:41avait fait en sorte qu'il ne soit pas ratifié.
08:43Donc...
08:44Le yo-yo américain, on l'a vu.
08:46Ca fait 20 ans que les Américains font du yo-yo
08:49en matière environnementale.
08:51Ce qui change, c'est qu'ils commencent à le faire
08:54sur d'autres politiques.
08:55Vous l'avez évoqué, l'aspect scientifique,
08:58qui est aussi très important.
09:00Il y a des coups de frange
09:01dans les budgets liés à la défense de l'environnement
09:04ou dans des budgets scientifiques en général,
09:07pas n'importe lesquels, mais bon...
09:09Là aussi, est-ce qu'il y a une opportunité
09:12pour l'Europe, finalement, à attirer des chercheurs
09:15qui, parfois, sont d'origine européenne,
09:17sont partis aux Etats-Unis parce qu'ils étaient mieux payés là-bas,
09:21et qui se disent qu'ils devraient rentrer ?
09:24Oui, il y a une opportunité.
09:26L'université d'ex-Marseille...
09:28Est-ce qu'on a les moyens ? Je ne sais pas.
09:30C'était bien payé là-bas,
09:32donc il va falloir bien les payer ici.
09:34Le statut des chercheurs, ce n'est pas ma spécialité,
09:39mais ce qui est important, c'est que ce n'est pas limité
09:42à une rémunération.
09:44C'est aussi des possibilités de recherche
09:46qui ne sont pas nées en France.
09:48En France, quand on est chercheur,
09:50on a énormément de charges administratives.
09:53Quand on est chercheur aux Etats-Unis,
09:55on peut plus facilement prendre des années sabbatiques
09:58pour poursuivre des recherches.
10:00On peut avoir plus facilement des fonds.
10:02Il y a des fonds dédiés à chaque chercheur
10:04dans les grandes universités américaines.
10:07Il y a des projets de recherche interdisciplinaires,
10:10ce qui manque encore à l'appel en France,
10:12même si c'est en train de se développer.
10:14Je salue toutes les personnes qui souhaitent développer
10:17ces initiatives.
10:19Est-ce que, face à une administration
10:21qui tape sur les scientifiques, pour le dire un peu directement,
10:24il y a une possibilité pour que des gens viennent en Europe ?
10:28Oui, totalement.
10:29Maintenant, est-ce que ça continuera sur le long terme ?
10:35Je ne suis pas certain.
10:36Face à une administration
10:38qui sera plus consignante envers les chercheurs,
10:40je pense que, pour beaucoup de raisons,
10:43beaucoup de personnes préfèreront être aux Etats-Unis.
10:46Merci beaucoup, Jasdon Quidoz, et à bientôt sur Bsmart4Change.
10:50On passe à notre débat, les trophées de la philanthropie.

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