• il y a 3 jours
L'ancien Premier ministre Dominique De Villepin est invité sur le plateau de Quotidien pour décrypter les récentes actualités internationales. Guerre en Ukraine, tensions en Europe, massacres en Syrie, changements de position de Donald Trump ou encore critiques envers Emmanuel Macron, Dominique De Villepin nous livre son analyse. L'homme politique préféré des Français se confie également sur son retour en politique et notamment sur sa potentielle candidature à aux prochaines élections présidentielles.

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Transcription
00:00– Bonsoir, Dominique de Villepin, re-bienvenue sur le plateau de Quotidien,
00:14voici une partie de l'équipe et le public,
00:16vous êtes aujourd'hui l'homme politique préféré des Français,
00:19c'est pas moi qui le dit, c'est un sondage récent de l'IFOP
00:21qui le dit, on le voit là, vous faites aussi,
00:24vous êtes devant Edouard Philippe, Michel Barnier, Jean Castex et Bruno Retaillou,
00:28vous faites aussi, ça le comble à la Sorbonne, on va le voir,
00:30dans une ambiance de concert de rock, vous effectuez un comeback fracassant
00:35et vous préparez de plus en plus ouvertement votre candidature
00:38à la prochaine présidentielle, ce que confirme le numéro de Marianne
00:41qui sort demain avec cette hymne qu'on voit là,
00:44Villepin en route vers l'Elysée, on va parler de tout ça,
00:47mais d'abord bien sûr la situation internationale,
00:49l'Ukraine qui accepte, qui a accepté hier la proposition américaine
00:53d'un cessez-le-feu de 30 jours, la Russie de Vladimir Poutine
00:56qui ne réagit pas, si ce n'est de dire ce matin
00:59ne précipitons pas les choses, on comprend quoi ?
01:02Vous comprenez quoi ?
01:03– On comprend d'abord que c'est une partie de poker,
01:08c'est un accord en blanc qui a été signé et accepté par les Ukrainiens,
01:12avaient-ils le choix ?
01:13Au lendemain de ce qui s'est passé dans le bureau Oval,
01:17Vladimir Zelensky était sommé d'accepter.
01:20– La pression américaine était trop forte.
01:21– La pression américaine extrêmement forte et puis aussi peut-être
01:25le plaisir tactique de renvoyer la balle aux Russes
01:28qui évidemment vont jouer, taquiner cette balle,
01:32mais qui sont beaucoup plus avancés dans la négociation
01:34que ne l'est Vladimir Zelensky,
01:36parce que les Russes ils ont déjà quasiment verrouillé cette négociation
01:39et Donald Trump a pour l'essentiel agréé,
01:42puisque nous savons qu'il n'est pas question
01:45que l'Ukraine puisse rentrer dans l'OTAN,
01:47nous savons d'ores et déjà qu'il n'est pas question de rouvrir,
01:50la question territoriale ou très peu,
01:52donc d'emblée la situation se présente de façon très difficile.
01:56– Mais c'est une bonne chose ou pas une bonne chose ?
01:58– Vous savez dans la boucherie qu'est aujourd'hui cette guerre,
02:01on ne peut que se réjouir qu'elle s'arrête 30 jours
02:04et qu'elle s'arrête même un peu davantage.
02:05– À tous les prix ?
02:07– Alors, c'est la vraie question et de ce point de vue-là,
02:11ce que je veux souhaiter c'est que l'Europe et la communauté internationale
02:16puissent peser de tout leur poids pour que l'accord qui soit signé
02:19ne soit pas unique et qu'il puisse tenir dans la durée,
02:24pour que l'Ukraine puisse sortir de la situation
02:26dans laquelle elle est placée depuis maintenant trop longtemps.
02:29Donc à quel prix, en tout état de cause, sur le plan du droit international,
02:34la souveraineté de l'Ukraine ne devrait pas pouvoir être remise en cause,
02:38l'intégrité territoriale ne devrait pas être remise en cause.
02:41– Elle le sera.
02:42– Et malheureusement on voit se dessiner cet accord,
02:46il faut souhaiter que dans la durée, la porte puisse rester ouverte
02:54au respect de l'Ukraine tel que nous la connaissons
02:58et que l'accord entre la Russie et les États-Unis
03:04ne conduise pas à la neutralisation de l'Ukraine.
03:08Les deux demandes de la Russie qui vont peser très lourd,
03:12c'est à la fois la neutralisation de l'Ukraine et la démilitarisation de l'Ukraine,
03:19mais en même temps la dénazification.
03:22Et c'est là où il y a sans doute dans le scénario qui se dessine un angle mort.
03:26Et cet angle mort c'est le risque d'un changement de régime en Ukraine
03:29dans les prochaines semaines, les prochains mois.
03:31Manifestement, ni Donald Trump ni Vladimir Poutine
03:37n'ont beaucoup d'estime pour Volodymyr Zelensky
03:42et il s'accommoderait assez bien de son départ.
03:45Donc cette politique de changement de régime,
03:46qui est un peu la nouvelle politique américaine
03:49et qui est depuis longtemps la politique russe,
03:51pourrait conduire à une nouvelle donne en Ukraine.
03:54Et ça réglerait d'une façon tout.
03:57– Et quel rôle peut jouer l'Europe ?
03:59– Eh bien, nous on peut justement essayer…
04:01– Avec les moyens qu'on a.
04:02– Avec les moyens qu'on a, d'abord de se mobiliser
04:05pour essayer de fortifier un accord de cesser le feu.
04:08Faire en sorte que cet accord de cesser le feu
04:12puisse être doté de garanties de sécurité solides.
04:15Faire en sorte aussi que le droit international ne soit pas bafoué.
04:20Donc on peut essayer de cranter un certain nombre de choses
04:23et puis je pense que dans la durée, il va falloir élever le ton
04:28vis-à-vis de Donald Trump, comme d'ailleurs de Vladimir Poutine.
04:33Quand je dis élever le ton, à quoi je pense ?
04:36Vous savez, depuis 40 ans, rien n'a changé du côté russe.
04:38Il y a toujours les missiles à l'est.
04:41Il y a quelque chose qui a changé à l'ouest.
04:43C'est que désormais, nous avons les algorithmes qui nous visent à l'ouest.
04:49Et nous, nous sommes au milieu.
04:50Nous sommes le champ de bataille entre l'est et l'ouest.
04:55Et rien ne serait pire qu'une Europe vassalisée
04:58qui soit, dans le fond, sous la férule de la Russie,
05:01sous la férule des États-Unis.
05:04Alors comment on fait ?
05:05La première chose à faire, c'est de veiller à ce que les uns et les autres,
05:09dans la classe politique, dans les responsables du pays,
05:12les responsables publics,
05:14nous ne soyons les idiots utiles ni des uns ni des autres.
05:18Mais on voit bien, dans le discours qui se dessine,
05:20dans un certain nombre de partis, de mouvements,
05:23qu'il y a la tentation de s'accommoder des vérités.
05:27Je pense, par exemple, à une partie de la droite et de l'extrême-droite
05:32qui est plus qu'ouverte à un certain nombre de raisonnements
05:38ou à un certain nombre d'intérêts du côté russe
05:40ou qui, parce qu'atlantiste depuis longtemps,
05:43est sensible au raisonnement de l'administration Trump.
05:47Ça veut dire que vous trouvez qu'Emmanuel Macron gérait bien la situation ?
05:50Ça veut dire qu'Emmanuel Macron,
05:52parce qu'il veut prendre le leadership européen...
05:55Peut-être, mais il gérait bien la situation ?
05:56J'y viens.
05:57Parce qu'il veut être à la tête du combat européen,
06:01privilégie la menace russe.
06:04Il a tort ou il a raison ?
06:05Il a raison d'être actif vis-à-vis de la menace russe,
06:10mais il ne faut pas oublier que celui qui donne le ton
06:12et qui mène la danse aujourd'hui, c'est Donald Trump.
06:14On ne peut pas s'opposer à Trump ?
06:17Mais...
06:17Ça veut dire qu'il y a une menace américaine ?
06:19Il y a du côté américain une menace pour notre démocratie.
06:24Et on a vu avec Zidane à Munich
06:26le peu de cas qu'il faisait de la démocratie libérale
06:29et à quel point ils étaient désireux, en quelque sorte,
06:32de changer notre système politique.
06:34L'Amérique d'aujourd'hui, celle de Steve Bannon,
06:37celle de Gene Evans, ne souhaite qu'une chose,
06:40c'est que les populistes dans l'opposition en Europe
06:43accèdent au pouvoir.
06:45Et donc, ce qui peut arriver demain en Ukraine...
06:48C'est en bonne voie.
06:49Mais c'est pour cela que je dis,
06:50ne soyons ni dans un parti politique ni dans un autre
06:55les idiots utiles des Etats-Unis, pas plus que de Poutine.
07:00Voyons que ce qui se dessine,
07:02c'est une menace extrêmement forte pour la démocratie,
07:06pour la République en France, pour les principes républicains,
07:09parce que le trumpisme, comme le poutinisme,
07:12ne respecte aucune règle, aucune limite,
07:15et ne croit pas dans les valeurs qui sont les nôtres.
07:17Vous voyez, le plus grand changement
07:19qui est intervenu sur la scène internationale,
07:21c'est que le cœur de la politique américaine,
07:24c'était la défense des libertés et de la démocratie.
07:27C'est au nom de cette défense des libertés et de la démocratie
07:29qu'ils sont intervenus à plusieurs reprises en Europe pour nous aider.
07:33Aujourd'hui, ce n'est plus le sujet.
07:35Vous voulez quitter l'OTAN ?
07:37Alors, ça n'a pas beaucoup de sens aujourd'hui,
07:38puisque ce sont les Américains qui se retirent eux-mêmes
07:43plus tôt de l'OTAN.
07:44Donc, la priorité, constituons une unité européenne,
07:49une défense européenne dans le cadre du pilier européen de l'OTAN.
07:52Mais veillons à trois choses.
07:54Veillons à être indépendants.
07:55À quoi ça sert de gonfler nos arsenaux ?
07:58De dépenser des milliards, comme nous allons devoir le faire.
08:02Si c'est pour aller acheter des armes américaines
08:04qui seront entièrement dans la main des Américains,
08:07qui garderont le verrou technologique et qui décideront
08:10« Ben non, le F-35 acheté par l'Allemagne, il ne pourra pas décoller.
08:14Non, le canon machin acheté par les Hollandais,
08:17on ne pourra pas l'utiliser. »
08:19Donc, il faut être responsable, exigeant nos indépendances.
08:23Deuxièmement, la clé, on entend parler d'économie de guerre,
08:26de risque de guerre, la clé pour l'Europe,
08:28c'est d'enfin de constater ce qu'on aurait dû faire depuis des années.
08:31C'est qu'on doit devenir une puissance, une économie de puissance.
08:36Et devenir une puissance, ça veut dire quoi ?
08:38Ça veut dire de la souveraineté, de la souveraineté économique,
08:41de la souveraineté technologique.
08:42Il y a une prise de conscience depuis quelques semaines.
08:44Bien sûr, mais il y a encore beaucoup d'hésitations sur la manière de faire.
08:48Beaucoup d'Européens n'ont pas encore véritablement regardé en face la situation
08:53et continuent à penser que l'Amérique peut changer,
08:57que l'Amérique va retrouver le bon sens,
09:00comme s'il s'agissait d'un simple coup de folie.
09:02Mais le trumpisme, ce n'est pas simplement Donald Trump.
09:05C'est un changement profond de l'Amérique qui se dessine depuis Barack Obama.
09:10Et ce changement profond de l'Amérique l'amène à s'intéresser à d'autres sujets,
09:15et en particulier la Chine.
09:16Est-ce que c'est un changement de civilisation ?
09:18Oui, je pense que nous sommes aujourd'hui,
09:21et c'est bien tout le drame pour nous, devant une sorte…
09:24On passe de quoi à quoi ?
09:25Alors justement, d'une alliance civilisationnelle qui a été celle du monde libre,
09:31qui a été celle de la démocratie, d'un universalisme, d'un humanisme,
09:34ce à quoi nous croyons,
09:36et nous ne voulons surtout pas, nous, changer de ce point de vue-là,
09:40vers une civilisation qui se dessine,
09:42et c'est pour cela que l'Amérique d'aujourd'hui s'entend si bien avec la Russie,
09:47s'entend si bien avec des régimes autoritaires.
09:49C'est une civilisation qui est fondée sur la force, sur la puissance,
09:53sur la transaction, c'est-à-dire sur l'intérêt,
09:57et sur l'idéologie ultra-conservatrice,
09:59où tout le logiciel auquel nous croyons,
10:04respect de la diversité, de la pluralité,
10:06d'une certaine forme de diversité culturelle,
10:09et bien l'Amérique de Trump et celle de Poutine,
10:13s'entendent, eux, pour considérer que c'est une menace
10:17pour leur pays et pour leur société.
10:20– Mais face à deux géants, face à deux mastodontes,
10:22nous, on représente quoi ?
10:24– Eh bien nous, on représente des gens qui sont fiers de ce que nous sommes,
10:29qui voulons défendre notre identité,
10:31et c'est pour cela que je pense que plus que la préparation à la guerre,
10:37c'est tout simplement la préparation à défendre ce que nous sommes,
10:40c'est la défense de notre identité d'Européens,
10:42de notre histoire d'Européens, d'autant qu'on le sait.
10:45Ce vers quoi tendent aujourd'hui le Trumpist comme le poutinisme,
10:49ou comme d'autres grands pays autoritaires,
10:51on le sait, c'est vraisemblablement une confrontation de puissances
10:57qui se fera soit entre les États-Unis et la Chine,
11:00ou dans d'autres scénarios,
11:01mais donc c'est vers un véritable risque de catastrophe
11:05que tout cela se dirige,
11:06et la seule puissance qui puisse empêcher ça,
11:10la seule puissance d'équilibre dans le monde d'aujourd'hui,
11:12c'est l'Europe, et c'est pour cela que nous avons un devoir,
11:16pour nous, ne pas nous renier, ne pas renoncer,
11:19mais nous avons aussi un devoir vis-à-vis du monde,
11:22vis-à-vis du sud global, vis-à-vis de tous ceux
11:24qui ont cru le message qui est celui des Européens,
11:27c'est-à-dire un message de liberté, un message de démocratie,
11:31un message qui met en avant le respect des autres et la pluralité,
11:36le respect de l'altérité, tout ça va être balayé au nom de quoi ?
11:41Au nom de cette logique de puissance,
11:43regarder comment Donald Trump traite ses invités,
11:47regarder comment M. Elon Musk bafoue la démocratie
11:50quand il va au Royaume-Uni ou quand il va en Allemagne,
11:53regardons la façon dont les techno-entrepreneurs regardent l'Europe
11:58avec une sorte d'avidité comme pour manger le marché européen
12:02et pour faire de chacun d'entre nous ici quelques poussières de données
12:07qui vont aller nourrir le grand Moloch américain.
12:10Et vous savez, je pense que j'ai trois enfants,
12:13et je pense à eux quand je me dis
12:16qu'aujourd'hui, ils sont dans un monde où ils doivent supporter une triple peine.
12:22La première peine, c'est de voir une planète qui continue à brûler
12:25tous les jours un peu plus.
12:27La deuxième peine, c'est d'être dans un monde où la dette
12:29qu'ils vont devoir rembourser augmente tous les jours un peu plus.
12:33La troisième peine, c'est d'être dans un monde où, d'ores et déjà,
12:37ils savent que le temps de travail et leur retraite,
12:42vraisemblablement, sera retardée et de très nombreuses années.
12:46Dans ce monde-là, encore faut-il que l'on puisse leur montrer le chemin
12:52et leur dire ce que les générations qui nous ont précédés nous ont dit à nous,
12:58c'est que la liberté, ça mérite un combat.
13:01La liberté, ça mérite une bataille.
13:03La démocratie, ce n'est pas quelque chose qui est gagné,
13:06c'est quelque chose qu'il faut défendre.
13:08Alors, quand je vois beaucoup de gens dans la société française et en Europe
13:13continuer à considérer que M. Musk, M. Trump, les techno-entrepreneurs
13:18ne sont pas une menace et un risque pour nous,
13:20je leur dis ouvrez les yeux parce que dans quelques années,
13:23vous aurez des comptes à rendre.
13:24L'histoire vous regarde et de ce point de vue-là,
13:27tous nous devons être conscients que nous sommes face à l'histoire.
13:31Ce qui se passe aujourd'hui, malheureusement, nous reconnaissons l'issue
13:35parce que ça s'est déjà produit, ce genre de collusion des puissants,
13:39ce genre de tentation de l'hyperpuissance.
13:43– Le pire, vous parlez du pire ?
13:45– Le pire, c'est la guerre.
13:47Et le pire, c'est la destruction de ce à quoi nous tenons.
13:52C'est-à-dire la planète a commencé parce que le mépris de Donald Trump
13:56et son extractivisme drill, baby drill,
13:59c'est véritablement la volonté d'aller bouffer le ventre de la Terre.
14:04Et dans un mépris absolu, mais le même mépris pour le ventre de la Terre,
14:08il l'a pour les hommes et les femmes de cette planète.
14:11Il joue avec les Palestiniens, il joue avec les gens du Proche-Orient,
14:17il joue avec les Ukrainiens.
14:19Mais est-ce que c'est digne ? Est-ce que c'est acceptable ?
14:22Et là, je me pose la question,
14:24mais quand est-ce que les Américains vont se réveiller ?
14:27Nous, tous, nous avons été aussi nourris par la culture américaine,
14:32nous avons été émus par Robert De Niro, Marlon Brando,
14:35Scott Fitzgerald et la musique Hollywood.
14:40Mais est-ce que cette culture-là qui est en train de nous donner cela,
14:46est-ce que nous n'avons pas aujourd'hui à revenir à nos fondamentaux,
14:50à nos valeurs, à nos lumières,
14:52pour constater que ce n'est pas la voie que nous devons emprunter ?
14:56Et c'est pour cela que je pense qu'Emmanuel Macron
14:58doit prendre en compte tout cela.
15:01Vous êtes prêts ?

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