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00:00Bonsoir, Henri Guaino. Bonsoir, Henri Guaino, nous sommes en direct. Bonsoir, merci d'être avec nous dans ce studio, on s'inconseille, Nicolas Sarkozy est auteur de cette tribune
00:08dont le JDD La France de 2025 n'est menacé que par l'escalade et la surenchère qu'elle nourrit.
00:15Deux pages qui laissent, si vous ne l'avez pas lu, un goût un peu amer. On se demande où la France et où l'Europe se dirigent.
00:28On va répondre à cette question, mais d'abord Henri Guaino, je voyais réagir quand Jules Torres répondait à ce tweet de l'Elysée.
00:34Qu'en pensez-vous ? Pourquoi l'Elysée se fonde un tweet ce soir pour dire aux lecteurs et aux éditeurs, aux téléspectateurs, pas du tout, nous n'agitons pas le chiffon rouge ?
00:46Peut-être parce que la critique a été fondée ? La politique de la peur, ce n'est pas forcément une politique délibérée.
00:57La politique de la peur, c'est une politique qui vient naturellement à la plupart de ceux qui exercent le pouvoir et qui ont envie de reculer les limites de leur pouvoir.
01:11C'est une politique presque instinctive, la politique de la peur. Il faut se réfréner pour éviter de la nourrir parce qu'elle marche toujours, la politique de la peur.
01:23On l'a vu pendant la pandémie, on l'a vu à d'autres périodes beaucoup plus sombres de notre histoire.
01:29Si vous voulez que les gens obéissent, la meilleure façon de les faire obéir, c'est de leur faire peur.
01:33C'est très dangereux parce que la peur, c'est épidémique, ça finit par devenir incontrôlable et après on ne sait pas où on va.
01:41Pendant la pandémie, on disait obéissez, sinon vous allez mourir. On le disait déjà, obéissez à vos chefs, on le disait déjà en 1940.
01:50Il y a une ivresse de cette sensation qu'on peut toujours reculer la limite du pouvoir et faire obéir les gens.
02:03Mais ce n'est pas forcément conscient, ce n'est pas forcément une politique délibérée, c'est la politique de ceux qui ne se mettent pas de limites.
02:09Pardon Henri Guaino, j'ai peut-être jeté un pavé dans la mare, mais depuis ces déclarations, depuis la prise de parole d'Emmanuel Macron,
02:15le chef de l'État qui était au plus bas dans les sondages remonte nettement dans les sondages et il le sait.
02:22Et s'il ne le sait pas, il le sont. Ça marche toujours. Jusqu'au moment où on en perd le contrôle, où ça ne marche plus parce qu'il est évident que la peur ne reposait sur rien,
02:36mais très souvent on peut aller très très loin comme ça. Et puis cette peur n'est pas totalement infondée.
02:43Elle n'est pas totalement infondée parce que bien sûr les chars russes n'arriveront pas sur les champs d'Elysée.
02:49C'est un peu trop loin, ils ne supporteraient pas le voyage.
02:52Ils n'ont pas les moyens pour l'instant.
02:54Non, ils n'ont pas les moyens, mais en plus ça n'a aucun sens. Vous savez, les russes sont venus une fois sur les champs d'Elysée,
03:00camper sur les champs d'Elysée, c'était en 1814. Ils sont repartis, ils ne sont jamais revenus, ils n'ont aucunement l'intention de s'installer en France,
03:07ils n'ont aucunement l'intention de vassaliser la France comme voulait le faire Hitler pour nourrir son empire.
03:17Mais ça ne veut pas dire que la Russie n'a pas de moyens de nous faire très mal.
03:22D'abord parce que, un, nous sommes à portée de leurs missiles, alors dans le meilleur des cas, des missiles...
03:28Oui, enfin si la Russie tire des missiles sur la France, c'est la troisième guerre mondiale.
03:31Oui, mais il n'y a pas que moi qui l'ai dit.
03:33Oui, oui, je sais.
03:34C'est toujours un risque, personne ne la veut, même pas les russes.
03:37Personne ne veut passer à la dimension nucléaire du conflit.
03:42Mais le problème de la guerre, le problème de la violence, c'est que la guerre est une montée aux extrêmes.
03:50D'abord la violence nourrit aussi, c'est comme la peur, ça a le même genre de logique psychologique, et la guerre c'est une montée aux extrêmes.
04:00Voilà, vous dites que le discours de dramatisation ne peut qu'aggraver les choses, et nous en sommes là aujourd'hui.
04:06C'est-à-dire que, est-ce que Emmanuel Macron, quand il a pris la parole, qu'il a utilisé ce mot guerre devant les français, est-ce qu'il a dramatisé la situation, oui ou non ?
04:17Alors, si vous me demandez s'il a dit la vérité sur le fait que la Russie pouvait nous faire beaucoup de mal, non.
04:25Donc il a menti ? Il a dramatisé ?
04:30Non, il n'a pas dramatisé le fait que la Russie peut nous faire beaucoup de mal, ça c'est une certitude.
04:36Encore une fois, personne ne veut passer au stade suivant, c'est-à-dire que ce serait la guerre mondiale aussi si elle envoyait des missiles de croisière sur Paris.
04:46Les missiles, on est à leur portée, et les missiles balistiques avec des têtes nucléaires, on est à leur portée aussi.
04:56Personne ne le veut, mais ça peut arriver.
04:59Je dis souvent, est-ce que les menaces sont crédibles ? Non, elles ne sont pas crédibles, mais est-ce que le risque est là ?
05:05Oui, le risque est là, le risque il est à prendre au sérieux, c'est-à-dire qu'il peut y avoir un dérapage.
05:09Tout a été dit d'ailleurs par Kennedy en 1963, après la crise des fusées de Cuba, on devrait se pencher sur ce discours qui a été l'amorce de la détente,
05:19où il explique qu'il ne faut jamais mettre en tension deux puissances nucléaires parce qu'on ne sait jamais ce qui peut arriver.
05:26Pendant la crise de 1962, on a échappé de très très peu à une catastrophe.
05:31On a eu face à face deux hommes d'Etat, Khrushchev et Kennedy, qui ont résisté à chacun à leur faucon,
05:38qui eux étaient prêts à aller beaucoup plus loin pour détruire ce qui était pour eux le camp du mal.
05:43Donc il faut bien comprendre que ce risque existe depuis 2022.
05:48Donc il ne faut pas attiser les flammes, c'est ça ce que vous dites ?
05:50Non, il ne faut pas attiser les flammes.
05:53Au risque que ça s'embrase ?
05:55Ce qui se trouve angoissant, c'est l'idée que maintenant l'Europe, qui est dans cet état d'esprit depuis 2022,
06:05mais qui persiste à l'être aujourd'hui alors qu'on voit bien qu'il y a un moment où on pourrait,
06:11c'est un moment de l'histoire où on pourrait peut-être enfin arrêter ce conflit, persiste à vouloir la guerre.
06:20Mais c'est incroyable, vous dites aussi, et je vais reprendre cette phrase,
06:23vous dites que l'histoire ne se répète pas, mais nous nous nous répétons.
06:27C'est-à-dire que les humains reproduisent les mêmes erreurs et nous y allons.
06:30La nature humaine ne change pas.
06:32Alors il y a des gens qui contestent ce qu'est une nature humaine,
06:34mais justement l'histoire nous apprend au fond qu'il y en a une, elle ne change pas.
06:38C'est-à-dire que l'homme a toujours en lui à la fois cette capacité d'avoir peur ou de faire peur,
06:43il a en lui cette violence terrible qui est une violence qui vient de sa dimension animale, qui est instinctive.
06:50Et tout l'effort de la civilisation, tout l'effort des institutions, du droit, de l'éducation, de la science,
06:56est tendu vers la canalisation de cette violence et dès que tout cela s'affaiblit, bien elle ressort.
07:06Et quand elle ressort, elle dévore tout.
07:10C'est passionnant. Henri Guaino, vous dites et vous rappelez les circonstances du déclenchement de la seconde guerre mondiale.
07:15Vous expliquez que personne de la société française n'avait pas du tout envie d'envoyer ses enfants se battre sur le front.
07:22Elle tirait évidemment les conséquences de 14-18, elle ne le voulait pas.
07:26Mais les hommes sont partis.
07:28Personne ne voulait la guerre mondiale.
07:31Aujourd'hui on ne veut pas non plus.
07:33Les auditeurs d'Europe 1 se posent cette question, je me pose cette question.
07:36Est-ce que vous pensez qu'au final on pourrait envoyer, on serait peut-être contraints d'envoyer nos hommes aux frontières de l'Europe ?
07:44Je pense que ça ne se fera pas parce qu'il y a une résistance très forte.
07:49Je ne parle pas des peuples qui sont immédiatement au contact ou qui sont très proches de la Russie
07:54et qui ont une histoire traumatisante vis-à-vis de la Russie.
07:58Je pense à la Pologne, aux Pays Baltes, etc.
08:00Mais pour les autres, pour les autres Pignats, en mon sens aujourd'hui,
08:04aucune société occidentale, dans l'état où sont les sociétés occidentales,
08:08qui veut envoyer ni ses enfants ni ses petits-enfants mourir dans les plaines d'Ukraine,
08:13ni même, alors on peut leur déplorer, mais c'est ainsi peut-être mourir pour la Pologne ou pour les Pays Baltes.
08:19Donc à mon avis on n'enverra pas nos enfants sur le théâtre de guerre,
08:24même si les dirigeants le veulent parce que la société ne le voudra pas.
08:30Mais elles ne le voulaient pas non plus ?
08:32Absolument.
08:33En 1938 ?
08:35Non mais justement, ils n'y sont pas allés.
08:37Mais ils n'y sont pas allés.
08:38Ils ne sont pas allés en Tchécoslovaquie.
08:40Alors on dépsoise aussi de toutes les notes que faisaient les chefs d'état-majors
08:44pour dire qu'on ne pouvait pas aller en Tchécoslovaquie.
08:46Mais pendant qu'Hitler attaquait la Tchécoslovaquie,
08:49même personne n'a songé à attaquer l'Allemagne.
08:53Bon, ensuite il y a eu la Pologne, là on a déclaré la guerre,
08:56personne n'a songé à rentrer, alors que l'armée allemande était en Pologne,
09:00à songer à attaquer l'Allemagne.
09:02Nous sommes restés, les Français mais aussi les Belges, les Néerlandais, les Anglais,
09:08nous sommes restés derrière les fortifications.
09:10Et nous ne nous sommes battus, le soldat français ne s'est battu que lorsqu'ils sont arrivés.
09:17Et le soldat français s'est bien battu.
09:21C'est les chefs qui ont failli, pas le soldat,
09:24pas le soldat qui avait eu des coups de roue quand j'ai payé aux 40 heures.
09:29Le soldat n'avait pas envie de se battre mais attaqué sur son territoire,
09:34il s'est battu, il s'est battu.
09:36Héroïquement, il y a eu des dizaines et des dizaines de milliers de morts en quelques semaines.
09:39Les chefs ont failli mais là on s'est battu.
09:42Jusque là on ne s'est pas battu.
09:45Personne n'aurait pu faire que les peuples aillent se battre,
09:52il ne peut faire d'ailleurs que les peuples aillent se battre quand ils ne veulent pas se battre.
09:56Parfois c'est peut-être déplorable mais il n'empêche que c'est ainsi
10:00et que les gouvernants doivent en tenir compte.
10:02Henri Guaino et évidemment Jules Thorez et Paul Mellet ont des questions à vous poser.
10:06Dans un instant vous aviez écrit une tribune en mai 2022 dans le Figaro qui était intitulé
10:10« Nous marchons vers la guerre comme des somnambules ».
10:13Mai 2022, ça fait quasiment trois ans, ça avait fait beaucoup réagir à cette époque-là.
10:20Est-ce que les choses ont évolué aujourd'hui ?
10:22Continue-t-on à avancer comme des somnambules ou a-t-on accéléré le pas, Henri Guaino ?
10:28Je crois que la crise du somnambulisme a atteint son apogée.
10:32J'ai cru un moment qu'on allait se réveiller, même si le réveil était brutal, de ce somnambulisme.
10:37Peut-être que l'arrivée de Trump au pouvoir, les négociations en cours et le vide qui s'ouvre devant l'Union Européenne
10:46allaient réveiller des somnambules pour le meilleur ou pour le pire.
10:51Parce qu'un somnambule qu'on réveille brutalement n'est pas forcément pour sa santé une excellente chose.
10:57Ce que j'ai vu cette semaine, ce que j'ai vu en écoutant la locution du Président de la République,
11:04ce que j'ai vu après sur beaucoup de plateaux de télévision, ce que j'ai entendu dans tous les commentaires qui ont été produits depuis
11:10par des responsables politiques et gouvernementaux, c'est que la crise du somnambulisme avait atteint un sommet.
11:17C'est-à-dire que le somnambule, c'est quelqu'un qui agit sans savoir ce qu'il fait, qui met en danger les autres et lui-même sans le savoir.
11:24Je ne veux pas faire un procès d'intention. Le somnambule peut mettre en danger sans intention de mettre en danger.
11:33Je ne pense pas que le Président de la République ait envie que les Français meurent par dizaines de milliers pour être un chef de guerre adulé et respecté.
11:41Je ne pense pas ça du tout, mais je pense que le comportement qui est adopté, l'état d'esprit, l'état psychologique du Président français,
11:49mais pas seulement, de la plupart des dirigeants européens, peut nous conduire à ça. Encore une fois, pas que les chars viennent ici,
11:56pas forcément que nos enfants viennent là-bas, mais qu'un jour nous prenions des missiles sur la tête.
12:02Mais il n'y a pas que les missiles. Il y a tout ce qui peut nous faire mal, voire très très mal.
12:07On a fait des sanctions, par exemple. Ces sanctions, elles ont conduit à sanctionner la société française et la société européenne
12:13et à les mettre dans un état qui est un état extrêmement préoccupant et très dangereux.
12:17Ça s'est retourné contre nous. Henri Guaino va continuer d'en parler.
12:19Il y en a d'autres, oui, parce qu'il y a une autre dimension qu'on oublie.
12:22On va en parler dans un tout petit instant sur Europe 1, il est 19h28.
12:25Nous sommes toujours avec Henri Guaino. Merci d'être avec nous. Nous allons continuer d'évoquer effectivement cette tribune que vous avez publiée dans le JDD.
12:33Vous nous parlez de la situation, situation de la France, situation de l'Europe, par rapport à une possible guerre,
12:39un embrasement de la situation par rapport à la position d'Emmanuel Macron. On voit que les Américains nous lâchent.
12:46Est-ce que vous pensez qu'il ne faudrait pas directement parler avec Vladimir Poutine sans passer par les Américains ?
12:51Une première chose à faire ?
12:53Pour parler avec Vladimir Poutine, il faudrait le vouloir. Or, l'Europe ne le veut pas.
12:59Ce qu'elle ne supporte pas dans l'attitude de Donald Trump, c'est qu'il a fini par dire,
13:05alors je rappelle quand même que ses prédécesseurs ont été très prudents sur cette affaire.
13:09Ils ont eu des mots très durs, mais ils ont été très prudents dans l'envoi des armes.
13:14Ils ont fait ça très pas à pas. Ils ont cherché à ne pas aller trop loin.
13:19Ils ont même d'emblée dit qu'ils n'en verraient jamais de soldats en Ukraine.
13:24Aussi parce que la société américaine ne le voulait pas.
13:27Et la grande transgression de Donald Trump, c'est qu'il dit, moi je n'ai pas de problème à aller discuter avec Vladimir Poutine,
13:33alors que l'Europe, toujours drapée dans une espèce de morale, qui pour moi n'est pas de la morale.
13:37La morale qui conduit à faire la guerre par procuration, à faire tuer les autres,
13:41ou à faire s'entretuer des gens, n'est pas une morale.
13:46C'est un autre problème, c'est l'espèce de méconnaissance de la dimension tragique de la condition humaine et de l'histoire.
13:54Mais laissons ça de côté.
13:57L'Europe a décidé qu'on ne pouvait pas discuter avec Vladimir Poutine.
14:02Mais au nom de quoi, Aurélien Nau ?
14:05Mais parce que, tout simplement, vous allez sur un plateau, vous discutez avec des gens,
14:09et ils vous disent, mais ça même c'est l'agresseur.
14:11Vous êtes bien d'accord, oui c'est l'agresseur, et alors ?
14:13Il y a une guerre médiatique, on pourra en parler tout à l'heure,
14:16certains journaux qui en taxent d'autres, d'autres groupes,
14:19dont le groupe Bolloré, justement, des soutiens de Vladimir Poutine,
14:23on agite le chiffon rouge en disant Vladimir Poutine.
14:25Non mais moi je ne soutiens pas Vladimir Poutine, simplement.
14:27Personne ne soutient Vladimir Poutine ?
14:29Il n'y en a personne en France qui soutient Vladimir Poutine, c'est comme ça qu'il faut dire.
14:32Il y en a.
14:33Qui ont opinion sur eux dans les médias, il n'y en a aucun.
14:35Oui, exactement.
14:36Dans les médias il n'y en a aucun, mais en France il y en a, mais pourquoi tout ?
14:40Mais cette idée, c'est toujours pareil, c'est le camp du bien contre le camp du mal,
14:44en nous disant d'ailleurs qu'en face, on pense que le camp du bien c'est soi-même,
14:48et le bien il peut tout se permettre, voilà.
14:50Et donc à partir du moment où on se place sur ce terrain,
14:53dans l'absolutisme du bien, en disant je ne peux pas discuter avec quelqu'un qui a attaqué son voisin,
14:57je ne peux pas discuter avec quelqu'un qui est un dictateur,
15:00je ne peux pas, enfin, il ne reste plus que la guerre, il ne reste plus que la guerre.
15:04Est-ce que la guerre c'est moral ?
15:06Est-ce que cette guerre, où on sait qu'on ne peut pas vaincre l'adversaire,
15:10on ne peut pas vaincre la Russie, et que d'ailleurs si on y arrivait ce serait encore pire,
15:14parce que si elle s'effondrait, si elle se disloquait,
15:16il y a des milliers de têtes nucléaires qui se promèneraient partout,
15:19ce serait le chaos dans l'Eurasie, dans ce grand continent qui va de l'Europe jusqu'à la Chine.
15:25Voilà, donc il ne peut pas y avoir d'issue militaire à ce conflit,
15:31sauf à ce que l'Ukraine s'effondre complètement,
15:33mais à partir du moment où on ne veut pas la laisser s'effondrer,
15:36eh bien, il n'y a pas d'issue.
15:38Donc il faut discuter, et vous ne pouvez discuter et négocier qu'avec votre adversaire ou votre ennemi.
15:43Mais vous savez, il y avait un principe gaullien,
15:49auquel le général tenait beaucoup,
15:52c'est-à-dire que la France reconnaît les États et pas les régimes.
15:55Donc le premier voyage qu'a fait De Gaulle en 1944, il est pour Saline.
16:01Churchill, qui était le plus anticommuniste de tous les hommes d'État du XXe siècle sans doute,
16:08le jour où ça a été nécessaire, il est allé voir Saline.
16:11Il a dit, s'il le fallait, j'irais discuter avec le diable, même avec une longue cuillère.
16:16Il arrive un moment donné où la France de De Gaulle a reconnu la Chine de Mao,
16:23l'Amérique de Nixon a reconnu la Chine de Mao.
16:29Il arrive un moment où vous êtes obligé, quand vous ne pouvez pas résoudre le problème autrement,
16:33vous ne pouvez pas écraser l'adversaire ou celui qui ne vous plaît pas,
16:36et bien il faut discuter, sinon c'est la guerre sans fin,
16:38et cette guerre sans fin va nous coûter encore une fois très cher.
16:41Elle va coûter très cher à la société française,
16:43qui en mon sens est arrivée au bord de l'explosion sociale,
16:48on ne le voit pas mais c'est très important,
16:50et à la dimension sociale.
16:52Si, si, je crois qu'on le voit bien.
16:53Mais non, la plupart des gens, c'est l'éléphant dans la pièce dont on parle jamais, la question sociale.
16:58L'inflation a fait des ravages dans le tissu social français par exemple,
17:03alors maintenant elle se ralentit, mais elle se ralentit, ça n'efface pas la perte de pouvoir d'achat qui a été faite.
17:08Non, parce que ça n'a pas baissé, ça se ralentit, la hausse se ralentit, mais ça ne baisse pas.
17:12Et dernière remarque, il y a la dimension migratoire.
17:16Ah ben non, mais bien sûr.
17:18Non, mais c'est là très intéressant parce qu'elle est aussi liée.
17:22Prenez l'Algérie, l'Algérie son premier allié, c'est la Russie.
17:26C'est peut-être pour ça qu'on a quelques difficultés avec l'Algérie en ce moment,
17:29enfin ce n'est même pas des difficultés, c'est un mur qu'on a en face de nous.
17:32C'est de la fois peut-être pour ça qu'on a des difficultés,
17:34pour ça aussi qu'on s'est privé peut-être du seul moyen,
17:38le seul moyen de faire un peu pression sur l'Algérie,
17:41qui est de se réconcilier avec la Russie.
17:44Voilà, je ne dis pas qu'il faut le faire à n'importe quel prix,
17:47mais si vous ne rentrez pas dans cette logique, si vous rassez dans la logique,
17:50le méchant c'est le méchant, je ne discuterai pas avec lui,
17:52et cette loi de l'accord pénal international, alors c'est sans issue.
17:56Justement, l'Elysée, qui demande à avoir dit faire peur,
18:00dit, ça par contre il ne le demande pas,
18:02que Vladimir Poutine ne fonctionne qu'au rapport de force, qu'au bras de fer.
18:05Et bien finalement, Emmanuel Macron a décidé de faire le bras de fer avec Vladimir Poutine,
18:09et il dit de l'autre côté, bien non, Abdelmajid Tebboune,
18:11il ne faut pas le traiter comme ça, est-ce qu'il n'y a pas une contradiction flagrante ?
18:16Et ce n'est pas les mêmes conflits, entendons-nous.
18:19C'est un peu le même conflit en réalité.
18:21C'est quand on va chercher derrière le rideau.
18:25Mais là, c'est toujours difficile de tracer une ligne claire dans la pensée d'Emmanuel Macron.
18:31Je ne vais pas chercher à l'interpréter,
18:34je dis simplement que cette situation vis-à-vis de la Russie,
18:37cette posture, elle est intenable,
18:39et elle devient d'autant plus intenable que les Américains l'ont abandonnée.
18:44Je vois bien tous les Atlantistes pris à revers et affolés aujourd'hui,
18:49qui vous expliquent et qui reviennent sur ce discours.
18:52Il y a un agresseur, il y a un agressé,
18:54il n'est pas question de discuter avec lui, on veut la paix,
18:56mais en fait, on ne la veut pas.
18:57On ne veut pas discuter, on ne veut pas négocier.
19:00Ils en sont réduits donc à discuter avec Vladimir Poutine à travers Donald Trump,
19:05qu'ils considèrent maintenant comme un traître.
19:07Il y a un élément qu'on n'a pas encore évoqué,
19:10qui pour moi était quand même au cœur de l'allocution d'Emmanuel Macron mercredi,
19:13c'était l'idée de réarmement.
19:14Et moi, je me suis tout de suite, je me rappelle,
19:16j'étais chez Pascal Praud ce soir-là, après quand on en a reparlé,
19:18j'ai fait partie de ceux qui ont plutôt soutenu l'allocution du Président de la République,
19:21disant, ça fait des années qu'on réclame les souverainistes, les conservateurs,
19:26qu'on réclame le réarmement de la France en disant,
19:29on a un formidable outil, on a nos industries,
19:31on a Desjardins, on a Safran, on a Dassault, on a Thalès,
19:33on a besoin d'eux et il faut une préférence européenne d'achat d'armes, etc.
19:37Là enfin, Emmanuel Macron parle,
19:39derrière la vieille locution latine,
19:41civis pacem para bellum,
19:42et voilà qu'on devrait, je ne dis pas pour vous,
19:45j'ai entendu un peu aussi par anti-macronisme classique,
19:48tout de suite critiquer, disant, ça fait de lui un va-t'en-guerre.
19:51Moi je pense que précisément, plus l'Europe sera forte,
19:54plus après elle pourra, et là je vous rejoignais,
19:56aller discuter et faire la paix avec Poutine.
19:58Mais je pense que si Poutine respecte,
20:00en tout cas, je ne sais pas le rapport de force,
20:02je pense que Poutine respecte les Etats forts et les ensembles forts,
20:04et que si l'Europe se montre faible avec Poutine,
20:06Poutine continuera,
20:08et c'est Monsieur Tusk en Pologne qui verra arriver les soldats russes,
20:12voire les Estoniens, voire les Lituaniens, etc.
20:14Donc, moi je pense qu'il y a aussi cette idée de rapport de force qui est quand même importante.
20:17Alors, d'abord, tout le monde respecte les forts.
20:20On est en train de découvrir que les relations entre les peuples
20:24sont d'abord dictées par les rapports de force.
20:26Dire mais oui, il y avait le droit jusque-là,
20:28c'est une blague, il faut regarder ce qu'est la scène du monde depuis 1945.
20:32Ce sont les rapports de force qui d'abord déterminent
20:37la nature des relations entre les peuples.
20:40Simplement, M. Trump l'a fait avec une indécence terrible
20:46dans le bureau Oval avec M. Zelensky,
20:50mais ça n'a pas très différent de ce que le président Roosevelt
20:54avait fait subir au général de Gaulle à Casablanca.
20:57Il ne le traitait pas publiquement, mais tout le monde le savait, de dictateur.
21:01Il n'en voulait pas, il a tout fait jusqu'au dernier instant
21:05pour l'empêcher d'être chef du gouvernement provisoire.
21:08Et de devenir le chef de la France libérée.
21:15Mais tout simplement, il le faisait à sa façon anglo-saxon,
21:20protestant, blanc, rigide, glacial.
21:24Et de Gaulle a reçu cet affront de façon impavide.
21:29Il a tout fait, il a essayé de le remplacer par le général Giraud.
21:35Ça n'a rien de nouveau, le style change, mais ça n'a rien de nouveau.
21:38Là, le rideau s'est déchiré, parce que Trump n'est aucun sur moi.
21:42On voit très bien que la force prime tout.
21:46Mais la force prime tout, de Gaulle l'avait déjà dit dans le fil de l'épée.
21:50Il faut qu'on retrouve de la force, il faut qu'on le retrouve,
21:53on ne nous fait plus peur.
21:55Je milite depuis des décennies, sans être entendu jusqu'à présent,
22:00même par mes meilleurs amis,
22:02pour que la France se ré-arme,
22:04pour qu'on arrête avec l'absurdité des dividendes de la paix.
22:10Mais, si vous voulez, ça se heurte à un mur.
22:14Et ce que je reproche au président de la République,
22:16c'est de ne nous avoir pas dit comment il allait sauter ce mur.
22:20Le mur, c'est celui des finances publiques.
22:23Alors on vous dit, mais on n'a pas les moyens.
22:25On est allé très loin.
22:26M. Macron avait même, semble-t-il, proposé dans la commission Attali
22:29de supprimer l'arme nucléaire, parce que ça ne servait à rien,
22:31c'était une économie de plusieurs milliards.
22:33Donc, si on ne rajoute pas comment on veut valoriser les dépenses de défense
22:41au profit de l'économie,
22:43alors la seule solution, c'est de prendre sur tout le reste.
22:47Et si vous prenez sur tout le reste, moi je vous le dis,
22:49vous faites sauter la société française.
22:51Voilà, c'est pour ça que j'ai fini par Bernanos et les retraités,
22:56dire, c'est pas grave, tous ces retraités qui sont en vacances,
23:01on va leur prendre de quoi financer notre réarmement.
23:05Enfin quand même, l'esprit patriotique, ça devrait vous inciter à accepter ce sacrifice.
23:10La société française ne peut plus supporter de sacrifices importants.
23:13Elle ne veut plus et elle ne peut plus.
23:15Et ce n'est pas la seule en Europe.
23:17Et si on lui impose, vous n'aurez pas le réarmement,
23:20parce que le réarmement suppose aussi le réarmement moral.
23:23Vous n'aurez pas le réarmement,
23:25vous aurez la crise de la démocratie la plus grave depuis les années 30.
23:30Voilà mon sentiment profond.
23:31C'est ça que je reproche moi à l'allocution du président de la République.
23:34Au pays divisé, le pire risque d'être à venir,
23:37c'est comme ça que vous concluez votre...
23:40Oui, parce qu'il y a la société derrière.
23:42Il faut regarder dans quel état est la société française,
23:45est les sociétés européennes, est la légitimité.
23:47La différence, ce que je dis dans ma tribu,
23:49la différence entre Trump, c'est que lui parle au nom de ses électeurs,
23:53qui sont une majorité et qui ont dit ce qu'ils pensaient du sujet,
23:56tandis que les nôtres, ils parlent au nom d'eux-mêmes,
23:59parce qu'ils sont dans tous les pays européens.
24:01Le fossé, il est énorme entre la classe politique, la classe dirigeante et la société.
24:05Merci beaucoup Henri Guaino, c'était passionnant.
24:07Merci infiniment d'être venu dans le studio d'Europe 1 ce soir, il est 19h44.