Avec Pierre Vermeren, Historien, auteur de "Histoire de l'Algérie contemporaine" - Nouveau Monde Editions & Ferghane Azihari, Essayiste
———————————————————————
▶️ Suivez le direct : https://www.dailymotion.com/video/x75...
🎧 Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/
———————————————————————
🔴 Nous suivre sur les réseaux sociaux 🔴
▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel .
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/ .
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
##EN_TOUTE_VERITE-2025-03-02##
———————————————————————
▶️ Suivez le direct : https://www.dailymotion.com/video/x75...
🎧 Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/
———————————————————————
🔴 Nous suivre sur les réseaux sociaux 🔴
▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel .
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/ .
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
##EN_TOUTE_VERITE-2025-03-02##
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et midi, sur Sud Radio Sécurité, économie numérique, immigration, écologie, pendant une heure, chaque semaine, nous débattons sans tabou des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:17Cette semaine, nous avons le plaisir de recevoir l'historien spécialiste du Maghreb, Pierre Vermeuren. Il est notamment auteur d'une histoire contemporaine de l'Algérie.
00:26Nous recevons également l'essayiste Fergan Asiari. Alors que l'écrivain Boalem Sansal est toujours l'otage du régime algérien et que la tension monte entre Paris et Alger sur fond de refus du pouvoir algérien de reprendre ses ressortissants sous OQTF, nous parlerons de la relation, toujours complexe, entre la France et l'Algérie.
00:46La guerre d'Algérie est-elle vraiment finie ? Comment expliquer tant de haine ? Est-ce le passé colonial qui ne passe pas ? Faut-il démanteler les accords de 1968 ? Une réconciliation est-elle possible ?
00:59Tout de suite, les réponses de Pierre Vermeuren et Fergan Asiari, en toute vérité.
01:04En toute vérité, sur Sud Radio, Alexandre De Vecchio.
01:09Pierre Vermeuren, Fergan Asiari, bonjour.
01:12Bonjour.
01:13Ravi de vous recevoir ce dimanche pour discuter pendant une heure de la relation franco-algérienne, relation profondément complexe.
01:28On a parfois le sentiment que la guerre d'Algérie n'est toujours pas terminée. On est en pleine guerre mémorielle avec l'Algérie.
01:39On va parler profondément du sujet, mais je voulais commencer avec vous, Fergan Asiari, sur quelque chose d'assez anecdotique.
01:50Mais tout de même, Jean-Michel Apathie s'est positionné sur cette question, expliquant que les Français avaient inspiré le nazisme par leur action en Algérie,
02:04disant qu'ils avaient fait de nombreux radours sur Glane. Vous lui avez répondu dans les collines du Figaro, d'ailleurs Pierre Vermeuren aussi.
02:15Vous lui expliquiez notamment que l'arrivée de la France avait été un moment d'émancipation pour les Juifs en Algérie.
02:26Oui, c'est toute la limite de cette comparaison hasardeuse entre nazisme et colonisation française.
02:30Alors évidemment, on ne va pas minorer la violence de la conquête française en elle-même, qui fut un épisode évidemment brutal,
02:37qui a été sans doute le terreau de crimes, de guerres, qui d'ailleurs étaient parfois dénoncés en métropole.
02:43Il faut se souvenir que les fameuses enfumades ont été dénoncées au Parlement français par une presse française et européenne.
02:51Toutefois, effectivement, à nazifier toutes les atrocités et tous les épisodes tragiques, on dilue la spécificité du nazisme,
02:59on dilue la spécificité de ce que fut la présence coloniale française, les idéologies en jeu, ses contradictions aussi.
03:06Et puis surtout, on ne permet pas de rendre compte de l'impact de cette colonisation française sur certains segments de la population algérienne.
03:13Et pour ce qui est par exemple des Juifs, puisque le nazisme et le judaïsme sont quand même deux choses qui sont liées assez tragiquement,
03:21il faut se souvenir que les Juifs d'Algérie accueillent plutôt la France en libératrice pour une raison très simple.
03:28C'est que les Juifs, depuis les conquêtes arabes, étaient astreints au statut de l'adhimma,
03:33qui était un statut codifié par la jurisprudence islamique qui assignait les infidèles à un statut inférieur,
03:40avec des multiples discriminations économiques, sociales, fiscales, interdiction de posséder de la terre, de monter à cheval, d'avoir des armes, etc.
03:47Et l'arrivée de la France, de ce point de vue-là, est une libération pour des israélites qui avaient subi toutes sortes d'exactions avant l'arrivée de la France.
03:56C'est pour la première fois depuis les conquêtes arabes, Juifs et musulmans sont sur un pied d'égalité
04:01avant que les premiers n'accèdent à la citoyenneté française quelques décennies plus tard avec le décret Crémieux.
04:08Et en 130 ans de présence française, la population juive va être multipliée par 8 environ.
04:14Et je ne suis pas certain donc que le Troisième Reich puisse se targuer d'un tel bilan à l'égard de la démographie juive.
04:20— De manière assez iconoclase aussi, vous vous rappelez que la France a aboli l'esclavage en Algérie ?
04:27La situation des Noirs, pour être très concret, en Algérie n'était pas très bonne.
04:33— Tout à fait. C'est-à-dire que l'esclavage est une institution qui a été universelle.
04:38Évidemment qu'aucune civilisation n'a le monopole de l'esclavage.
04:42La seule différence entre l'Orient... Enfin, l'une des rares différences entre...
04:46Des nombreuses différences entre l'Orient et l'Occident, c'est que là où l'abolition de l'esclavage en Occident a été le fruit d'un processus endogène,
04:54l'abolition de l'esclavage en terre d'islam et donc en Algérie est largement le fruit des pressions impériales européennes.
05:01Alors il y a eu effectivement l'esclavage des Blancs et des Chrétiens pendant toute la période de la Régence d'Ager.
05:07L'esclavage des Chrétiens essuie quelques coups décisifs avec le bombardement d'Ager de la flotte néerlando-britannique en 1816.
05:18Et lorsque la France arrive en Algérie, on recense tout de suite des esclaves noirs qui vont implorer la protection de la France, fuir les maîtres arabes.
05:30Alors la France va mettre quand même un peu de temps à décréter l'abolition de cette institution criminelle.
05:36Parce que tout à fait, l'esclavage étant une institution enracinée dans la population musulmane,
05:42on a peur effectivement qu'une abolition précipitée suscite une révolte chez les indigènes.
05:49Donc on va attendre 1848 pour décréter l'abolition de l'esclavage.
05:54Mais il faut comprendre que cette abolition a été un processus très difficile et pour preuve,
05:58on recense encore des propriétaires musulmans d'esclaves aux alentours d'Ager au début du XXe siècle
06:04et même dans certaines régions reculées du Sahara algérien après l'indépendance.
06:09Donc c'est vous dire à quel point effectivement le reflux de cette institution a été quelque chose de compliqué.
06:15D'autant que les idéaux abolitionnistes qui ont germé en Europe ont trouvé très peu d'écho dans le monde arabo-musulman.
06:21Il n'y a jamais eu dans le monde arabo-musulman l'équivalent d'un Condorcet, l'équivalent de la Société des Amis des Noirs,
06:27l'équivalent de l'Anti-Slavery Society britannique.
06:31Il n'y a jamais eu dans le monde musulman cette fameuse controverse de Valladolid,
06:35au cours de laquelle des théologiens vont protester contre l'esclavage de gens d'une confession différente.
06:40Donc oui, malheureusement, il a fallu passer par des pressions impériales pour éradiquer cette institution
06:48et pas seulement en Algérie, en réalité dans tout le monde musulman.
06:51Merci Fergan, on va donner la parole bien sûr à Pierre Vermorane,
06:55grand historien, auteur d'une histoire de l'Algérie contemporaine,
07:01mais vous connaissez bien sûr toute l'histoire de l'Algérie.
07:05Cette comparaison avait-elle un sens ?
07:08Alors on rappelle quand même que Jean-Michel Apathy parlait des enfumades
07:13qu'il comparait justement au massacre d'Oradour-sur-Glane à la fin de l'occupation des nazis en France.
07:24Est-ce que c'est comparable en termes de degré de violence, en termes de méthode ?
07:30Le problème si vous voulez d'Apathy, c'est qu'il fait semblant de comparer une guerre
07:38qui a été celle menée par les nazis, qui est avant tout un projet idéologique
07:43d'extermination des populations à l'est de l'Europe pour installer le peuple arien.
07:49Et bien sûr, ce n'est pas ce qui s'est passé en France,
07:52mais en France il y avait une occupation comme en Europe occidentale,
07:55une occupation très dure qui était relativement pacifique,
07:59sauf en cas de révolte auquel cas étaient procédés à des tortures,
08:03à des massacres, à des enlèvements, à des exécutions sommaires.
08:06Donc cette guerre idéologique, cette occupation idéologique,
08:09elle servait le projet nazi que l'on connaît bien,
08:13qui n'a à peu près strictement rien à voir avec le projet colonial français
08:19dans sa période naissante, parce qu'au départ il s'agit de guerres,
08:23bien sûr c'est une guerre, ce sont des guerres, la guerre de la conquête de l'Algérie,
08:27elle a duré suffisamment longtemps pour qu'on la connaisse très bien,
08:30et effectivement elle a donné lieu à des violences, elle a donné lieu à des massacres...
08:34– Ce qui est important pour revenir à Ouradour, c'est que les enfumades,
08:39c'est effectivement une tâche dans l'histoire de France,
08:42mais ça ne visait pas des civils il me semble.
08:45– Non, non, tout à fait, mais je disais que...
08:47– Je vous ai interrompu, pardon.
08:49– Le problème de... Non, la conquête de l'Algérie,
08:54c'est une conquête militaire qui se rapproche beaucoup de la guerre
08:59que les Français avaient menée sous Napoléon en Espagne.
09:02C'est une guerre entre une armée organisée, une armée européenne,
09:07et des partisans en quelque sorte.
09:10Alors ce ne sont pas les partisans comme en Espagne,
09:12ce sont des tribus coalisées, organisées par Abdelkader,
09:18mais qui en réalité ont peu d'armement, peu de moyens,
09:21et qui donc ne cherchent pas l'affrontement.
09:23Et donc c'est une guerre d'une population qui est immergée dans les tribus,
09:26dans les populations civiles, et effectivement elle fait beaucoup de victimes cette guerre,
09:30même si on ne sait pas le nombre,
09:32parce que les soldats et la population civile ne sont pas séparés,
09:35et c'est ce qui s'était effectivement passé lors de l'épisode des Enfumades
09:40et du Namurade aussi.
09:42Il y en a eu trois, ils sont connus, ils sont jugés.
09:44Alors il y a aussi eu des massacres, des vengeances,
09:46notamment la tribu, l'Oasis de Zaharcha,
09:49ça s'est passé après, au début du Second Empire je crois,
09:53là il y a eu des violences manifestes.
09:55Mais si vous voulez, la troupe, quand une troupe est livrée à elle-même,
09:59que les chefs sont faibles, qu'on est très loin de Paris,
10:02qu'on pense échapper aux règles de la guerre,
10:04bien sûr, toute guerre donne lieu à des horreurs, c'est incontestable.
10:07Mais ce n'est pas la même chose, si vous voulez,
10:09qu'un projet idéologique d'extermination.
10:11C'est un crime de guerre, mais pas...
10:13Et donc cette comparaison est absolument inadaptée
10:19et même très dangereuse évidemment dans le contexte
10:21où on la produit en France aujourd'hui.
10:23Je voudrais rebondir sur deux éléments concernant l'intervention précédente,
10:28parce que, oui, je suis d'accord avec ce qui a été dit,
10:32mais il faut faire très attention,
10:34parce que la colonisation française en Algérie,
10:36d'abord c'est un projet qui n'était pas défini au départ,
10:39il s'est mis peu après en place sous l'influence de l'armée
10:42entre 1830 et 1834.
10:44L'armée française n'avait pas le droit de faire la guerre en Europe
10:47depuis le traité de Vienne, elle a cherché à la faire ailleurs
10:49et elle l'a presque imposé au pouvoir royal, ça c'est une chose.
10:53Ça n'avait strictement rien à voir évidemment au départ
10:55avec un projet d'émancipation des Juifs.
10:57Ça a été une conséquence annexe,
10:59mais au contraire, le gouvernement d'Alger,
11:02si vous voulez, si vous lui servez cet argument,
11:04il va battre des mains en disant, voyez, c'était un projet anti-sémite,
11:08ou favorable aux Juifs.
11:10Un projet anti-sémite, d'une certaine manière.
11:14Le deuxième point, c'était concernant la phase finale de la guerre,
11:22c'est-à-dire notamment la question de l'esclavage,
11:24de l'esclavage qui est venu après.
11:26Là aussi, c'était bien sûr, ce n'était pas le but,
11:28n'empêche que ça a été une conséquence indirecte.
11:31Un petit bémol quand même, parce que l'esclavage a été aboli
11:34en Tunisie, dans la régence de Tunis,
11:36avant la phase coloniale, dès les années 1840,
11:39et c'est effectivement une première dans le monde musulman,
11:42absolument inédite.
11:44Partout ailleurs, ça s'est fait sous la pression coloniale ou impériale.
11:47Ça ne veut pas dire que les Anglais, déjà, n'avaient pas intrigué
11:50puisqu'ils avaient interdit la traite mondiale en 1815.
11:53Néanmoins, il faut quand même souligner ce fait,
11:55parce que la Tunisie, ce n'est pas très loin de l'Algérie.
11:58Merci Pierre Bermorand, merci Fergan Azari.
12:01On reprend la discussion après une courte pause.
12:04C'était important de faire ce détour
12:08par l'histoire de la colonisation,
12:11puisqu'on voit bien que le passé colonial,
12:14finalement, est souvent invoqué
12:17pour expliquer les tensions actuelles
12:20entre la France et l'Algérie.
12:22On verra si c'est légitime aussi,
12:25si c'est la clé d'explication de ces tensions.
12:27On en reparle après une courte pause,
12:29en toute vérité, sur Sud Radio.
12:31En toute vérité, 11h30, sur Sud Radio,
12:33Alexandre Devecu.
12:35Nous sommes de retour sur Sud Radio,
12:37en toute vérité, avec l'écrivain,
12:40l'historien et écrivain Pierre Bermorand,
12:43auteur d'une histoire contemporaine de l'Algérie,
12:46avec Fergan Azari,
12:50qui prépare notamment un livre sur l'Islam.
12:53Fergan Azari, vous êtes également chroniqueur au point.
12:57Nous parlons justement de la situation
13:02entre la France et l'Algérie,
13:04contexte extrêmement tendu,
13:07avec notamment l'écrivain Boalem Sansal,
13:09qui est toujours retenu en otage,
13:12d'une certaine manière, par le régime algérien,
13:14avec cette question des OQTF,
13:17qui ne sont jamais...
13:20où l'Algérie n'accepte pas de reprendre ses ressortissants,
13:24et finalement, le gouvernement français,
13:27qui menace de défaire les accords de 1968.
13:33Comment on en est arrivé, Pierre Bermorand,
13:35à une telle montée des tensions ?
13:38Et pourquoi l'Algérie refuse de reprendre ses ressortissants,
13:43lorsqu'ils sont en France ?
13:45Pourquoi ne les fait pas quand c'est d'autres pays ?
13:48Pourquoi cette attitude envers la France
13:52de très grand mépris, finalement ?
13:55Alors, je crois qu'il faut revenir un petit peu en arrière,
14:00puisque c'est la thématique de votre émission,
14:04la guerre d'Algérie est-elle finie, si j'ai bien compris,
14:07ou n'est-elle pas finie ?
14:09Je crois qu'il faut bien revenir pour comprendre
14:12que la guerre d'Algérie a été gagnée par l'Algérie,
14:14sans conteste, les Français soit ont été chassés,
14:17soit sont partis.
14:18Toujours est-il que l'armée a fait ses valises en 1964,
14:22et que dans les années 60-70,
14:24l'Algérie a bénéficié d'un statut très prestigieux
14:27dans le tiers monde pour avoir remporté cette guerre
14:31contre une des principales puissances de l'OTAN.
14:35Le fait était acté par tout le monde,
14:38et personne ne le remettait en cause.
14:40Il s'est passé un événement dramatique à la fin du siècle,
14:43dans les années 90,
14:44quand l'Algérie a connu la guerre civile.
14:47Une guerre civile très meurtrière, très longue,
14:50qui a complètement coupé l'Algérie du monde,
14:52et qui a été vécue par les dirigeants algériens
14:54et par les dirigeants de l'armée,
14:55non seulement comme un danger extrême,
14:57mais comme une humiliation mondiale,
14:59et notamment aux yeux de la France.
15:01D'autant plus que la France était le seul pays
15:03à aider l'Algérie.
15:04Résultat, quand Bouteflika revient au pouvoir
15:07après l'avoir quitté pendant une quinzaine d'années,
15:11en 1999, il est élu Président de la République
15:13pour 20 ans, l'armée est allée le rechercher
15:15parce que c'était un acteur très important
15:17des années boumédiennes,
15:18et bien il va transformer le discours algérien,
15:21et il va utiliser l'adversaire français,
15:24il va remettre la guerre d'Algérie
15:26au centre de l'information,
15:28et on en est toujours là aujourd'hui,
15:29c'est ce qu'on vient de commenter,
15:31pour créer un écran de fumée
15:34entre, si vous voulez, la guerre civile algérienne,
15:38qui a été enfouie sous...
15:40D'ailleurs, on n'a même pas le droit de l'évoquer en France,
15:42et c'est pour ça que les deux écrivains
15:44sont interdits de séjour en Algérie,
15:46voire sont prisonniers en Algérie,
15:47parce que c'est le tabou de l'établissement.
15:48Bonne épouse en salle et Kamel Daoud, effectivement.
15:50Exactement.
15:51Et donc la France, elle est le punching ball,
15:53elle est le bouc émissaire,
15:55et le retour à la période coloniale,
15:57le retour à la violence,
15:59le retour à la guerre,
16:00le retour à toutes ces explications,
16:01et à cette criminalisation,
16:03même à une nazification de la France coloniale,
16:05c'est pour faire oublier aux Algériens,
16:08qui n'ont rien oublié, entre parenthèses,
16:10la guerre civile et ses conséquences.
16:12Donc c'est une suite en avant,
16:14dans laquelle, évidemment, la France s'est entraînée,
16:16et c'est pour ça que le président Macron,
16:17en dépit de tous ses efforts,
16:18n'avait aucune chance de pouvoir réconcilier
16:20la France et l'Algérie,
16:21parce que c'était passé de mode à Alger.
16:23Et puis parce que le régime n'y avait pas d'intérêt.
16:26Ce qui est intéressant en matière historique,
16:28et ce que les Français ne perçoivent pas toujours,
16:33ou on s'en souvient pas forcément,
16:35c'est qu'effectivement, si je vous écoute,
16:37entre 1964 et les années 1990,
16:41la relation entre la France et l'Algérie
16:44était totalement pacifiée,
16:46et finalement, l'épisode de la colonisation et de la guerre
16:50digéré par les deux pays.
16:53Écoutez, ça n'a jamais été totalement pacifié,
16:57parce que les violences sont impassives.
16:59Néanmoins, la relation était saine, était normale.
17:02Ça fait penser au Vietnam, si vous voulez.
17:03Le Vietnam, il y a eu encore plus de victimes
17:05que pendant la guerre d'Algérie.
17:06La société a été traumatisée,
17:08et en plus, on a laissé le Vietnam coupé en deux,
17:10ce qui a donné lieu à la guerre contre les Américains,
17:13que l'on connaît.
17:14Donc, on pourrait imaginer le même type de relation
17:17avec le Vietnam.
17:18Pas du tout.
17:19Et le Vietnam, d'ailleurs, et le FLN étaient très proches.
17:22Donc oui, c'est une création récente
17:24qui remonte maintenant à un quart de siècle, malheureusement.
17:26Et au lieu d'en sortir, on s'enfonce dedans un peu plus,
17:29parce que finalement, le régime reste arqué
17:32sur son seul fait d'armes prestigieux,
17:34qui n'est pas d'avoir vaincu les islamistes,
17:36et c'est plutôt compliqué à dire pour lui et à assumer,
17:39mais d'avoir gagné l'Algérie,
17:42la création d'un pays neuf contre la France coloniale.
17:45Et c'est pour ça que finalement,
17:46on est un adversaire irremplaçable.
17:48Mais vous savez, l'histoire va vite,
17:50et les Algériens et les jeunes générations
17:52sont complètement au-delà.
17:53Donc, c'est un discours qui est essentiellement réservé
17:55à l'extérieur et aussi aux élites algériennes,
17:58mais qui sont tout à fait au courant de tous ces enjeux.
18:01C'est pour ça que ce discours, d'ailleurs,
18:02n'a pas beaucoup de prise en Algérie,
18:04mais il est très spectaculaire,
18:05et il permet d'attaquer la France
18:07et d'avoir des rapports épouvantables
18:10que l'on voit aujourd'hui.
18:11Si vous...
18:12Bien sûr, on ne peut pas revenir en arrière,
18:14mais si vous connaissiez la vie des dignitaires algériens,
18:18et notamment de Bouteflika, ministre des Affaires étrangères,
18:21qui vivait dans le showbiz français dans les années 60,
18:26jusqu'à la madrague,
18:27c'est-à-dire aussi avec des actrices américaines,
18:30enfin, il y avait tout un milieu culturel
18:32dans lequel une partie des élites algériennes était immergée,
18:35on serait stupéfait aujourd'hui
18:39de voir comment ça se passait à l'époque.
18:41Et donc, on a du mal à comprendre.
18:42Il faut bien comprendre que c'est un usage politique de la mémoire,
18:45un usage idéologique,
18:46et c'est pour ça que c'est si difficile d'en sortir.
18:49Vous allez rappeler, d'ailleurs,
18:50que c'est un usage idéologique,
18:53mais que la population algérienne en Algérie n'y est pas forcément sensible,
18:58et qu'il ne faut pas confondre effectivement le régime
19:00avec la population algérienne en Algérie.
19:02On parlera aussi des franco-algériens en France,
19:05on verra quel est leur point de vue là-dessus.
19:08Peut-être d'ailleurs que la propagande algérienne
19:10fonctionne mieux sur notre territoire qu'en Algérie,
19:14c'est une question que je vous poserai,
19:15mais je vais laisser la parole à Fergan Azeri,
19:18puisque vous, dans votre réponse à Jean-Michel Apathy,
19:21vous expliquiez plus largement
19:23que l'explication du passé colonial de la France,
19:27des crimes de la France,
19:29n'est pas une explication recevable
19:31pour expliquer les tensions actuelles.
19:35– Oui, moi je ne l'achète pas,
19:36alors c'est vrai que monsieur Apathy
19:38ne se fait que le disciple de l'école de Benjamin Stora,
19:41qui effectivement nous veut…
19:43– Pour être transparent avec nos auditeurs,
19:46j'ai eu un coup de fil de Benjamin Stora
19:48qui me dit que ce n'est pas vrai,
19:50que ce n'est pas gentil de le traiter de menteur,
19:52parce que vous l'avez traité de menteur,
19:54mais je vous laisse mettre de vos paroles.
19:57– Disons que Benjamin Stora et les gens comme Jean-Michel Apathy,
20:01excusez-moi pour le lapsus,
20:03veulent absolument nous faire croire en effet
20:05que les tensions actuelles sont explicables
20:08par le passé colonial récent.
20:10Écoutez, vous savez, il y a un historien écossais
20:12qui s'appelle Édouard Guibon qui disait que
20:14l'histoire n'est que le registre des crimes
20:16et des folies de l'humanité.
20:17Toutes les nations ont subi de leurs voisins,
20:20ont infligé à leurs voisins toutes sortes d'atrocités,
20:22les Européens le savent mieux que quiconque,
20:24ils ont passé des siècles à se taper dessus,
20:26ils se sont infligés au XXème siècle
20:28des atrocités qui n'ont absolument rien à envier
20:31aux conflits et aux crimes coloniaux,
20:34et je remarque simplement que les Français,
20:36les Allemands, les Italiens, les Belges, les Néerlandais
20:38ne passent pas leur temps à se jeter à la scie.
20:40– Si la réconciliation franco-allemande a été possible,
20:42a priori la réconciliation franco-algérienne devrait l'être.
20:45– Les Européens ne passent pas leur temps à se jeter à la figure
20:48les crimes de leurs ancêtres respectifs,
20:50et mieux encore c'est précisément sous le souvenir
20:53des traumatismes passés qu'ils ont bâti
20:55l'intégration politique et économique de l'Europe.
20:57Donc on voit bien que sur la base d'un même souvenir traumatisant
21:00on peut adopter plein d'attitudes,
21:02on peut cultiver un ressentiment perpétuel
21:04et on peut aller de l'avant et en effet plaider
21:07pour une plus grande coopération.
21:09Donc la question c'est pourquoi certaines sociétés
21:11parviennent-elles à la réconciliation
21:13et pourquoi d'autres sociétés ressentent-elles
21:15le besoin de se créer une espèce d'ennemi héréditaire éternel ?
21:18Et je pense que la réponse à cette question est assez simple,
21:21c'est que les élites algériennes ne détestent pas la France
21:24pour ce qu'elle a fait, elles détestent la France
21:26pour ce qu'elle est.
21:27C'est-à-dire que si les élites algériennes détestaient vraiment
21:30la France pour les crimes incontestables qu'elle a commis,
21:33alors quitte à imputer à ma génération
21:35qui est quand même née après la chute du mur de Berlin
21:37les crimes des arrière arrière et arrière grands-parents,
21:40alors les Algériens seraient tout aussi intransigeants
21:42et impartiaux à l'égard de leur propre passé,
21:44leur propre passé imparialiste, esclavagiste
21:46et à l'égard de leur propre présent.
21:48L'incapacité de l'Algérie à bâtir une société libérale,
21:50prospère, débarrassée de la corruption, du despotisme.
21:53Et je remarque que les dirigeants algériens
21:56s'accommodent de toute cette art, ne s'excusent jamais
21:58d'avoir été une plateforme de l'esclavage méditerranéen
22:01entre les XVIème et XVIIème siècle avec la poche de la guerre de course,
22:04ne s'accommodent parfaitement de l'état dictatorial de l'Algérie.
22:08Tout ça fait dire en effet que l'Algérie déteste la France pour ce qu'elle est,
22:13elle ne supporte pas que la France soit ce pays mécréant
22:16qui a en plus l'arrogance de bénéficier d'une prospérité
22:19que l'Algérie est incapable de bâtir à ce jour.
22:22Et enfin pour terminer, je pense que l'Algérie en réalité
22:25ne conteste pas la colonisation en tant que telle.
22:27Elle en veut simplement au fait d'avoir été du mauvais côté de la canonnière.
22:31De là à penser que le monde eût été plus civilisé
22:36si la Régence d'Algérie avait initié la révolution industrielle,
22:39il y a un pas à mon avis que seuls les esservelés franchissent.
22:43Merci Fergan Azeri.
22:45On se retrouve après une courte pause sur Sud Radio.
22:48En toute vérité, on continue d'explorer cette question.
22:52Vous avez dit Fergan Azeri, il nous déteste pour ce que nous sommes.
22:56Est-ce que la question de l'islam joue un rôle dans ces rapports difficiles ?
23:02On en parle sur Sud Radio dans quelques minutes.
23:06En toute vérité, on se remédie sur Sud Radio.
23:09Alexandre Devecchio.
23:10Nous sommes de retour en toute vérité sur Sud Radio
23:14avec l'historien Pierre Vermeuren,
23:16auteur d'une histoire contemporaine de l'Algérie,
23:19avec Fergan Azeri, essayiste qui prépare notamment un livre sur l'islam.
23:24Fergan Azeri, vous êtes également chroniqueur au point.
23:27Nous sommes heureux de vous recevoir tous les deux sur Sud Radio.
23:31La conversation est passionnante.
23:34On a expliqué avant la pause que le passé colonial entre l'Algérie et la France
23:40n'était peut-être pas la clé d'explication de la détestation du régime algérien pour la France.
23:46Pierre Vermeuren, vous nous avez expliqué qu'il y avait un usage politique
23:50de la détestation de la France.
23:53Est-ce que la question de l'islam ou de l'islamisme joue un rôle ?
23:59On sait d'ailleurs que le régime algérien est un régime où il y a une sorte de pacte
24:05qui est fait entre le régime militaire et les islamistes,
24:09le pouvoir économique et politique aux uns, le pouvoir social et culturel aux autres.
24:15Est-ce que la détestation de l'islamisme pour l'Occident amplifie peut-être la haine du régime
24:24et sans doute de certains Algériens, même si vous nous avez dit
24:27que c'était loin d'être la majorité contre la France ?
24:31On ne pourra pas expliquer cette très complexe relation en quelques minutes,
24:37mais on va essayer de donner quelques éléments de réflexion.
24:41Effectivement, vous avez raison de dire que le régime aujourd'hui qui dirige l'Algérie
24:47a vaincu le premier djihad international dans le monde arabe,
24:53le premier djihad contemporain.
24:55Il faut quand même dire que les années 90, on a inventé ce qui allait se passer par la suite
25:01en Libye, en Syrie, en Irak, au Yémen, etc.
25:06Donc ça, ce n'est pas une invention dont les Algériens se prévalent.
25:10Bien sûr, on peut dire que c'est un héritage lointain ou direct de la guerre d'Afghanistan
25:16menée contre les Soviétiques et financée par les Saoudiens et les Américains,
25:20où ils ont forgé un monstre, en quelque sorte, et que ce monstre s'est essémé dans le monde arabe
25:25à travers des combattants et des guerriers professionnels,
25:28et que leur premier terrain de choix était l'Algérie.
25:31Donc ils ont vaincu très durement, au prix de centaines de milliers de morts
25:35et d'un véritable saccage de la société algérienne, ces djihadistes.
25:41Et à la suite de cela, Bouteflika a passé un pacte pour sortir de ce conflit.
25:48C'est pour ça qu'on est allé le chercher, et donc il a décrété l'amnésie et l'amnistie.
25:52Les crimes de guerre, ni des militaires, ni des policiers, ni des djihadistes n'ont été jugés.
25:59On n'a pas le droit d'en parler, c'est un sujet tabou, on n'a pas le droit de l'enseigner,
26:02on n'a pas le droit d'écrire des livres, de faire une histoire.
26:04Donc ça reste comme un trou béant au milieu de la société algérienne
26:08qui a traumatisé les Algériens jusqu'à nos jours,
26:11qui a entraîné l'exode de 600 000 Algériens en France, notamment.
26:15Ce sont d'ailleurs des laïcs francophones ou des islamistes,
26:19parce que la France généreuse, à la fin du conflit, a hébergé sur son sol des centaines de combattants islamistes
26:25pour les noyer quelque part dans la banlieue parisienne et alléger le fardeau algérien.
26:29Donc toute cette histoire, on ne veut pas revenir dessus, on l'a enfouie.
26:33D'ailleurs, l'état-major du FIS, le Front Islamique du Salut, s'était réfugié en France,
26:38puis en Allemagne pendant cette guerre civile, donc c'est une histoire ancienne.
26:42– Oui, pour ceux qui ont peu de mémoire, pardonnez-moi, je vous coupe, je vais vous laisser développer,
26:46mais pour ceux qui ont peu de mémoire, les premiers attentats islamistes en France,
26:50notamment Raled Kalkal, je crois que le métro Saint-Michel, c'était 95,
26:55c'était effectivement le Front Islamique du Salut.
26:59– Si on veut être d'une précision d'entomologiste,
27:04on dira que c'est le Hezbollah, à la fin des années 80,
27:08et la République Islamique d'Iran qui ont commis les premiers attentats.
27:11Mais en tout cas, en provenance des djihadistes arabes contemporains,
27:15oui, ça renvoie à la guerre civile algérienne.
27:20Voilà, donc si vous voulez, aujourd'hui, l'Algérie, qu'est-ce qu'elle fait ?
27:23Elle gère l'islam en Algérie, elle n'a pas de légitimité islamique,
27:28contrairement à la commanderie des croyants au Maroc,
27:31et puis quand même, elle a combattu les islamistes avant de se réconcilier avec eux.
27:36Et donc, elle est dans une position très complexe,
27:38et finalement, c'est pour ça que l'attaque contre la France, d'une part,
27:42contre le Maroc ou contre Israël, ou contre l'impérialisme au sens très large,
27:47c'est très pratique en réalité, parce que ça crée des boucs émissaires extérieurs
27:51qui empêchent de se justifier aux yeux du peuple algérien,
27:55et qui permettent aussi qu'ils font consensus,
27:57parce que les islamistes, eux aussi, sont dans la criminalisation de la France,
28:01du Maroc, d'Israël, etc.
28:05Donc, il y a là encore des usages politiques,
28:07et pour terminer, ne pas être trop long,
28:09mais je vous ai dit que c'était infaisable,
28:14la question, c'est de savoir que l'Algérie gère une grande partie de l'islam de France,
28:20l'essentiel des émigrés algériens vivent en France,
28:24entre 80 et 90%, ce qui n'est pas du tout le cas pour les autres pays,
28:27ni la Tunisie, ni le Maroc, ni le Sénégal, etc.
28:31Donc, c'est très forte présence migratoire algérienne en France,
28:34de millions d'Algériens, ou de Franco-Algériens,
28:38ou de Français d'origine algérienne.
28:41Le seul moyen pour l'Algérie de garder un lien, un contact direct,
28:44en fait il y en a deux, il y a le lien administratif,
28:47d'où la vingtaine de consulats en France,
28:49qui sont chargés de surveiller, d'y matriculer,
28:54de contrôler d'une manière plus ou moins lâche cette population,
28:58et puis il y a l'islam, le réseau de la mosquée de Paris,
29:00et ses 700 mosquées en France,
29:02dans les grandes mosquées de Lyon et d'autres grandes villes,
29:05bien sûr, de Marseille, c'est un réseau tout à fait considérable,
29:09que le président Macron a essayé de déconnecter un petit peu de l'Algérie,
29:13mais sans y parvenir, d'ailleurs parce que ce n'est pas un travail
29:15qui se fait en deux ans, c'est un travail qui peut se faire
29:17peut-être en dix ou quinze ans, et donc cette déconnexion,
29:20l'Algérie est totalement hostile, évidemment,
29:23parce que c'est le moyen pour elle d'avoir un bras d'influence
29:27tout à fait important, non seulement sur sa propre population,
29:31il n'oublie pas les gens qui dirigent l'Algérie,
29:33qu'une grande partie de la radicalisation du fils,
29:36il n'est pas né en Algérie, il est né à l'étranger,
29:38il a été importé, je vous disais que c'était d'Afghanistan,
29:40mais l'islamisation, elle a aussi eu lieu en partie en Europe,
29:45parce que les musulmans d'Europe, pendant très longtemps,
29:48et d'ailleurs encore de nos jours, sont la victime
29:51de tous les réseaux de propagandistes islamistes du monde,
29:54notamment des frères musulmans, de la république islamique, etc.
29:58et donc grâce à ce bras islamique en France,
30:01ils peuvent surveiller cela, et puis ils peuvent aussi
30:03mener une politique d'ingérence et d'influence en France,
30:06et donc il faut maintenir la diaspora dans un lien direct,
30:10et l'islam est le moyen le plus simple, le plus direct
30:12de maintenir ce lien.
30:13C'est intéressant, on va laisser parler Fergan,
30:17qui n'a pas beaucoup parlé dans cette partie de l'émission,
30:20mais je voulais vous faire rebondir,
30:21parce qu'on est en pleine polémique sur les imams
30:25qu'on fait venir d'Algérie pendant le ramadan,
30:29est-ce que c'est une polémique stérile,
30:31un peu comme l'a dit le ministre de l'Intérieur,
30:33ou est-ce que c'est justement un des éléments
30:36de ce que vous écrivez, d'une forme d'ingérence étrangère en France,
30:42et en plus, est-ce que c'est cet islam qui vient d'Algérie,
30:47qui est contrôlé par l'Algérie,
30:48est-ce que c'est un islam totalement modéré
30:50et compatible avec la République française,
30:52ou c'est un islam islamiste, comme il est majoritaire,
30:56ou en tout cas, comme il a beaucoup de poids en Algérie ?
30:59La mosquée de Paris, ça a été la première mosquée de France,
31:03construite en 1926 à Paris, à l'époque coloniale,
31:07pour honorer les combattants musulmans marocains
31:09morts dans la Grande Guerre.
31:11À l'indépendance, enfin à partir du moment
31:14où le Maroc est indépendant,
31:15cette mosquée est confiée à des Algériens pro-français.
31:19Et il faut attendre l'arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981,
31:22pour que François Mitterrand donne la responsabilité
31:25de cette affaire à Gaston de Fer,
31:27et que Gaston de Fer, finalement, la confie à l'Algérie.
31:30Et depuis 1982, je crois, la mosquée de Paris
31:34est directement financée, dépend directement,
31:36d'ailleurs, elle est considérée comme un territoire extraterritorial.
31:43Elle bénéficie du privilège d'extraterritorialité
31:45parce que c'est comme une ambassade ou un consulat d'Algérie en France.
31:48Ça, il faut quand même le souligner.
31:50Et elle est financée directement par Alger.
31:54Alors, il se trouve que le président Macron,
31:56et c'est dans ce cadre-là, donc,
31:58la venue d'imams permanents, qui sont des fonctionnaires algériens,
32:03des imams fonctionnarisés en Algérie,
32:06qui s'installent en France pour une période de 4 ans,
32:09et puis, pendant le ramadan, un adjuvant d'imams temporaires.
32:12Ce système est ancien, il remonte à une trentaine d'années,
32:15et il a été remis en cause par le président Macron.
32:18Après le vote de la loi sur la déradicalisation,
32:21la France a voulu couper les liens
32:23entre ce qu'on appelle les islams consulaires
32:26et la République française.
32:28Sauf que la République française,
32:30elle n'a rien à proposer en termes de formation d'islam,
32:32en termes de financement de mosquées, etc.
32:34Et donc, finalement, elle a interdit la venue des imams
32:37depuis un an et demi,
32:39des imams algériens et aussi marocains et turcs,
32:42pour une durée longue.
32:44Et on essaye de réfléchir, au niveau de l'État,
32:47à savoir comment les remplacer.
32:49La question des imams consulaires,
32:51je pensais, moi, qu'elle était associée à cela.
32:53Manifestement, ce n'est pas le cas.
32:55Mais si vous voulez, au-delà des polémiques
32:57qui parsèment la vie politique,
32:59bien sûr, dans le contexte qui est celui-là,
33:01la question est entière de savoir
33:03comment la communauté musulmane de France,
33:06qui est très importante,
33:08qui est soumise à des influences nationales
33:10des pays d'origine,
33:12qui est directement co-gérée,
33:14soit par le Maroc, soit par la Turquie, soit par l'Algérie,
33:16peut fonctionner d'une manière autonome.
33:18Et c'est là qu'il y a des grandes réflexions
33:20au sein de l'État, que tout le monde se gratte la tête,
33:22que personne ne sait comment faire.
33:24Et ça donne lieu, donc, pour l'instant,
33:26on est dans du bricolage,
33:28où des solutions anciennes perdurent,
33:30où des solutions anciennes sont à moitié abandonnées
33:32sans vraiment l'être.
33:34On a parlé récemment de la question du financement
33:36Pourquoi est-ce qu'il y a ce financement ?
33:38Parce que la France a interdit à l'Algérie
33:40de financer directement la mosquée de Paris,
33:42qui, du coup, a trouvé un moyen de substitution.
33:44L'Algérie a demandé que la mosquée de Paris
33:46bénisse, en quelque sorte, ou valide
33:48la halalisation des produits exportés en Algérie,
33:50et ça devient la ressource de la mosquée de Paris.
33:52Tout ça est du bricolage,
33:54tout ça est provisoire,
33:56mais on est dans un moment, évidemment,
33:58avec la crise diplomatique franco-algérienne,
34:00c'est le pire moment pour régler ces problèmes
34:02et pour en parler avec sérénité, ça ne fait aucun doute.
34:04Merci Pierre Vermeuren,
34:06on se retrouve pour la dernière partie de l'émission,
34:08je laisserai davantage la parole
34:10à Fergan Aziri,
34:12c'était passionnant en tout cas.
34:14Je voudrais que dans la dernière partie de l'émission,
34:16on parle également de Boilem Sansal,
34:18on a une pensée pour lui,
34:20évidemment, on en parle
34:22après une courte pause sur Sud Radio.
34:24En toute vérité, 11h30,
34:26sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
34:28Nous sommes de retour, en toute vérité,
34:30sur Sud Radio,
34:32avec Pierre Vermeuren, historien,
34:34auteur d'une histoire de l'Algérie
34:36contemporaine,
34:38et avec Fergan Aziri,
34:40chroniqueur au point,
34:42auteur de nombreux essais.
34:44Vous préparez, Fergan Aziri, un essai
34:46autour de l'islam.
34:48Avant la pause,
34:50on parlait
34:52avec Pierre Vermeuren
34:54du lien, finalement,
34:56entre l'islamisme
34:58et la position du régime
35:00par rapport à la France,
35:02de l'influence, également, islamiste
35:04via l'Algérie en France.
35:06Est-ce que ça explique
35:08bien plus que le passé colonial,
35:10finalement,
35:12cette détestation du régime
35:14pour la France ?
35:16J'en suis convaincu. Quand on parle de fractures coloniales,
35:18on a quand même un point de vue
35:20qui est très algéro-centré.
35:22L'immigration algérienne n'est pas la seule
35:24immigration coloniale que nous connaissions.
35:26Il y a aussi l'immigration qui est issue de l'ancienne Indochine,
35:28comme on l'a évoqué tout à l'heure,
35:30et on remarque que cette immigration-là
35:32affiche beaucoup plus de signes d'adhésion
35:34aux valeurs françaises
35:36que l'immigration issue du monde arabo-musulman.
35:38Par ailleurs,
35:40à ressasser sans cesse le passé colonial,
35:42on a aussi une vision très franco-centrée
35:44du problème qui occulte le fait
35:46que tous les pays européens qui accueillent
35:48d'importantes communautés musulmanes,
35:50y compris celles qui n'ont pas de passé colonial dans le monde musulman,
35:52je pense aux pays scandinaves,
35:54sont confrontés exactement au même problème,
35:56au même problème d'intégration,
35:58au même problème d'adhésion
36:00aux valeurs locales,
36:02aux valeurs dites libérales, républicaines,
36:04et donc ce n'est pas un problème
36:06qui est franco-français.
36:08Je pense qu'on gagnerait à défranciser le débat
36:10et à ne pas être dans une approche franco-centrique
36:12qui, je pense,
36:14obscurcit notre perception du problème.
36:16C'est un problème au sein de toutes les sociétés occidentales.
36:18Ce qui est intéressant et inquiétant
36:20dans cette relation extrêmement tendue,
36:22on voit bien que la France
36:24a eu du mal
36:26à réagir,
36:28que jusqu'au bout,
36:30le président de la République
36:32essaie de calmer le jeu.
36:34Il n'y aura pas de démantèlement
36:36des accords avant
36:38quelques semaines, si ça a lieu,
36:40puisqu'on explique
36:42qu'on fait un audit, etc.
36:44Donc on essaie de pacifier les choses.
36:46Est-ce que c'est justement
36:48parce qu'il y a une crainte par rapport
36:50à la diaspora,
36:52les problèmes d'intégration,
36:54de violence qu'on pouvait avoir ?
36:56On a l'impression que ce discours anti-français
36:58de l'Algérie
37:00a un écho très fort en France.
37:02On a pu le voir, ne serait-ce qu'à l'occasion
37:04de certains matchs de football
37:06ou certaines manifestations de joie
37:08par rapport aux victoires de l'Algérie
37:10se transformaient parfois en manifestations
37:12de haine
37:14à l'égard de la France.
37:16Ce qui est certain, c'est comme l'a rappelé en effet Pierre Wemmeren,
37:18l'Algérie, mais aussi les Etats du Maghreb
37:20de manière générale,
37:22n'ont jamais fait mystère de leur volonté
37:24de saboter l'intégration
37:26de leurs ressortissants
37:28sur le sol français et européen.
37:30Cette canalisation, ce contrôle
37:32passé par toutes sortes
37:34d'institutions consulaires, d'associations
37:36comme l'AMITAL des Algériens
37:38d'Europe, qui a longtemps été
37:40un moyen privilégié
37:42pour contrôler les Algériens,
37:44punir aussi les Algériens
37:46récalcitrants,
37:48exercer une pression sur
37:50les diasporas qui seraient attirés par le mode
37:52de vie occidental et mettre au banc
37:54cette range
37:56minoritaire de la population
37:58algérienne. Là où je voudrais peut-être
38:00introduire un tout petit bémol
38:02sur ce qui a été dit, je ne pense pas qu'il faille
38:04infantiliser la diaspora algérienne.
38:06On a dit tout à l'heure que la diaspora
38:08subissait les influences
38:10de l'islam et de l'islam radical,
38:12qu'elle subissait tous ses courants.
38:14Je pense aussi qu'il faut responsabiliser
38:16cette diaspora et dire qu'elle a une part
38:18de responsabilité dans les problèmes
38:20que nous connaissons. C'est-à-dire que
38:22moi je suis frappé de voir par exemple qu'on a
38:24une population algérienne qui est en France depuis maintenant
38:26un siècle quasiment, on recense de l'immigration
38:28algérienne depuis au moins 1920
38:30et je remarque
38:32que cette diaspora n'est le terreau
38:34d'aucune initiative politique
38:36et associative d'ampleur pour dénoncer
38:38la corruption et pour oeuvrer à la
38:40démocratisation du régime algérien.
38:42De ce point de vue-là, j'aimerais
38:44bien faire un parallèle, alors on va peut-être
38:46me le reprocher, avec l'histoire
38:48des juifs d'Europe.
38:50Les juifs d'Europe au XIXe siècle ont fondé par exemple
38:52l'Alliance Israélite Universelle. Alors il n'y a peut-être pas d'association
38:54mais justement ça permet d'en parler.
38:56Il y a quand même des figures
38:58Boalem Sansal en était une.
39:00Alors il le paye
39:02très cher. Kamel Daoud,
39:04même s'ils ont pris la nationalité française
39:06depuis peu.
39:08Donc c'était simplement pour apporter un peu de nuance.
39:10Mais vous avez raison, mais ce sont des figures
39:12qui sont isolées. Kamel Daoud a dû
39:14s'exiler, a dû partir
39:16de l'Algérie. Donc c'est bien la preuve en effet qu'il n'était pas en sécurité
39:18dans son pays natal.
39:20Et ce sont eux les véritables patriotes en réalité.
39:22C'est-à-dire qu'on insulte ces gens-là, ces figures,
39:24ces militants d'être des traîtres
39:26à leur pays, alors qu'en réalité ce sont
39:28eux les véritables patriotes
39:30qui ne s'accommodent pas de l'État
39:32lamentable dans lequel
39:34est plongé leur pays natal, qui ne s'accommodent
39:36pas des institutions dictatoriales,
39:38qui ne s'accommodent pas de l'obscurantisme
39:40qui gangrène de manière générale
39:42le monde arabo-musulman. Il est quand même
39:44assez désolant de voir à quel point ces figures
39:46sont isolées et peinent
39:48à, comment dire,
39:50à mobiliser derrière eux une
39:52diaspora qui les soutiendrait.
39:54On a l'impression parfois que Kamel Daoud
39:56et en effet Bolem Sansal s'adressent
39:58et ont une audience essentiellement
40:00auprès d'un public français.
40:02Et moi je suis le premier à me désoler de cela
40:04parce que je peux aussi faire le parallèle avec
40:06d'autres types d'immigration. Il se trouve que mes parents
40:08sont originaires des Comores. On a le même problème.
40:10C'est-à-dire que les Comores c'est un pays autoritaire.
40:12On a une importante diaspora comorienne en France
40:14et on ne recense aucune initiative
40:16politique d'ampleur pour tenter
40:18de ré-exporter dans
40:20le pays de nos parents les recettes
40:22occidentales qui ont permis aux pays
40:24européens de connaître le succès
40:26qu'ils ont eu. – On n'a pas beaucoup de temps.
40:28Je voulais vous interroger, Pierre Vermorennes,
40:30sur effectivement
40:32les accords de 1968.
40:34On voit que le gouvernement français agite
40:36la menace de démanteler ces accords.
40:38Est-ce que ça vous paraît
40:40être
40:42une stratégie politique de rapports de force
40:44intéressantes, susceptibles
40:46de faire bouger l'Algérie
40:48ou pas du tout ?
40:50Et pourquoi ces accords sont aussi importants
40:52pour l'Algérie ?
40:54– Écoutez, l'Algérie, en dépit
40:56de tout ce qui a été dit
40:58et en dépit des imprécations
41:00anti-françaises,
41:02le personnel politique
41:04algérien, en tout cas qui dirige l'Algérie,
41:06s'honore d'avoir
41:08une relation unique et exclusive
41:10et particulière avec la France.
41:12Et ces accords de 1968,
41:14ils sont l'héritage
41:16des accords déviants.
41:18Et ils sortent, les Algériens,
41:20du lot commun de l'immigration.
41:22Même si à l'arrivée ça n'est pas
41:24fondamental.
41:26Mais ça permet quand même à l'Algérie
41:28de représenter le premier contingent
41:30migratoire en France et peut-être de
41:32représenter un tiers de l'immigration algérienne
41:34en France au total. Donc c'est un avantage
41:36pour le régime algérien,
41:38c'est un avantage pour la population algérienne
41:40à qui on peut faire miroiter
41:42le droit d'émigrer en France.
41:44Donc revenir sur cet accord,
41:46c'est contrecarrer
41:48effectivement une partie
41:50du récit idéologique algérien.
41:52C'est évidemment
41:54la création d'un rapport de force, absolument
41:56inédit par rapport à tout ce qui a été fait auparavant.
41:58Ce n'est pas non plus
42:00une révolution exceptionnelle.
42:02On a vu que le ministre des Affaires
42:04étrangères algérien, évidemment
42:08refuse absolument ce
42:10diktat.
42:12Mais c'est le principe d'un rapport de force.
42:14Il faut juger d'une politique à ses fruits.
42:16Il faut juger d'une politique dans le long terme.
42:18Pour l'instant, on en est à des discours.
42:20On en est à des mesures réversibles.
42:22On se rappelle de la mesure de suspension
42:24de la moitié des visas
42:26organisées il y a trois ans par la République française.
42:28Ça n'a pas tenu plus d'un ou deux mois.
42:30Donc dire que ça n'a pas fonctionné,
42:32c'est stupide, parce qu'on ne peut pas savoir
42:34comment fonctionnent les choses
42:36si on ne les maintient pas en place.
42:38C'est un bras de fer très compliqué.
42:40Je pense qu'on ne connaît qu'une partie du débat.
42:42Il y a des choses qui se passent
42:44en dehors des micros.
42:46Il y a tout le non-dit des relations diplomatiques.
42:48De la diplomatie, oui.
42:50Ce qui est tout à fait normal.
42:52C'est difficile de juger avec
42:54une seule partie des éléments.
42:56Mais clairement, c'est un tournant
42:58qui est manifeste, qui est important
43:00et qui, oui, est susceptible
43:02de faire bouger Alger à long terme.
43:04Il faut rappeler que la véritable raison,
43:06c'est la question des OQTF,
43:08qu'Alger refuse de les reprendre.
43:10Il y a 60 à 70 000
43:12OQTF algériens
43:14en attente en France.
43:16C'est donc une affaire capitale pour la sécurité
43:18et pour l'État, pour la République française,
43:20en réalité.
43:22Alger fait comme si de rien n'en était.
43:24Chaque État doit faire entendre
43:26ses besoins, ses exigences.
43:28Il n'y a pas de raison de se soumettre.
43:30On ne fait pas la diplomatie
43:32et la politique d'un État en fonction
43:34de souvenirs. C'est souvent les réalités
43:36géopolitiques du moment,
43:38la sécurité nationale.
43:40Après tout, si Boalem Selsal est en prison,
43:42c'est parce qu'il aurait menacé la sécurité nationale
43:44en Algérie.
43:46Et donc, si effectivement ces accords
43:48de 68 devaient être suspendus, c'est aussi
43:50pour préserver la sécurité,
43:52l'intégrité ou l'insécurité
43:54de la France.
43:56Après, il y a beaucoup
43:58de mots, beaucoup de paroles.
44:00On verra aux actes et on verra
44:02si les Algériens, effectivement,
44:04qui n'ont pas grand-chose à offrir à la France
44:06dans ce deal,
44:08comme dirait l'autre,
44:10qui n'ont pas grand-chose à offrir,
44:12mais la France a beaucoup à donner.
44:14Elle peut négocier.
44:16Elle est en position de force.
44:18Je reviens juste d'un mot sur la diaspora
44:20dont vous parliez, parce que c'est quand même
44:22le sujet très important.
44:24Alger ne veut pas perdre le contrôle
44:26d'une partie de cette diaspora
44:28et les Algériens qui veulent quitter,
44:30qui ont quitté leur pays, qui ont claqué
44:32la porte de leur pays pour plein de raisons,
44:34ils disparaissent dans la société française
44:36et ils ne sont plus à demander des comptes
44:38à Alger, ils ne s'intéressent plus à la société algérienne.
44:40Je pense que la majorité des Algériens en France
44:42sont dans ce positionnement,
44:44sont dans une très vieille histoire.
44:46Ils ont tourné la page de leur pays
44:48et bien sûr, c'est quelque chose qu'Alger
44:50ne veut pas entendre, mais c'est aussi pour ça
44:52qu'ils s'enfuient et puis ils savent que si on
44:54s'intéresse de trop près aux affaires algériennes,
44:56surtout quand on est Algérien ou Franco-Algérien,
44:58on prend des risques considérables
45:00et qu'il y a eu des violences,
45:02il y a eu une mort d'homme dans les dernières décennies
45:04et donc finalement, certains se disent
45:06« Après moi le déluge, ce n'est plus
45:08mon pays, c'est le pays de mes ancêtres,
45:10je tourne la page ». Évidemment, ça n'aide pas
45:12à régler les problèmes, mais on comprend très bien
45:14c'est comme tous les gens
45:16qui ont fui en Amérique au XIXe siècle,
45:18ils ont claqué la porte derrière eux.
45:20C'était pas passionnant,
45:22on pourrait encore parler longtemps,
45:24c'est vrai que beaucoup ont claqué la porte derrière eux,
45:26mais beaucoup aussi se revendiquent,
45:28une partie en tout cas de la jeunesse,
45:30de l'identité algérienne, ça pourrait
45:32faire le thème d'une émission
45:34en soi. En tout cas, merci
45:36à Pierre Vermeuren et merci à Fergan
45:38Asiari, je vous laisse
45:40avec les informations et on se dit
45:42à la semaine prochaine pour une nouvelle émission
45:44« Dans Toute Vérité ». À bientôt !