• il y a 11 heures

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00:00Est-ce que vous arrivez à vous souvenir de vos héros d'enfance ?
00:02Et ils portent quelles voix ces héros ?
00:04Des voix anglaises ? Des voix japonaises ?
00:06Ou est-ce qu'ils portent la voix française ?
00:08Moi, mon héros d'enfance, par exemple, c'est Sengoku.
00:10Et quand je l'entends parler, j'entends la voix de Brigitte Lecordier.
00:13Si ça avait été à la place de la voix de Brigitte Lecordier,
00:16une IA, une intelligence artificielle,
00:18j'aurais peut-être pas eu tous les souvenirs que j'ai.
00:19Je me souviendrais peut-être pas du
00:20ta-na-na-na-na
00:21que Brigitte Lecordier fait avec Sengoku.
00:24Ta-na-na-na-na !
00:25Ha-ha-ha-ha !
00:26Mais c'est génial, Brigitte spoil déjà l'arrivée
00:29parce qu'évidemment, aujourd'hui, on parle de IA et doublage.
00:33Et aujourd'hui, on reçoit donc Brigitte Lecordier.
00:36Salut, Brigitte !
00:37Salut, salut à tous !
00:38Alors, je vais quand même te présenter,
00:40mais on ne te présente pas.
00:41Tu es une doubleuse de légende parmi les quelques rôles qu'on peut citer,
00:45mais on ne peut pas tous les citer.
00:46Il y a, comme je le disais, Sengoku, Sengohan,
00:49Oui-Oui, Pipoudou.
00:50Je ne vais pas faire toute la liste parce qu'il y en a beaucoup.
00:52Petite Mort, aujourd'hui.
00:53Oui, c'est vrai, Petite Mort avec la série de David Mourier.
00:57Et à tes côtés, on est en présence de ton fils, Louis.
01:00Salut, Louis !
01:00Salut !
01:01Salut à tous !
01:02Toi aussi, tu es doubleur, Louis.
01:04Tu as doublé notamment Bambi que je retrouve.
01:07Tu as aussi doublé Monster House.
01:09Non, c'est ça ?
01:10Monster House, je fais le petit personnage principal.
01:12Je fais aussi Plume, le petit ours polaire, peut-être, dans les dessins animés.
01:16Mais c'est il y a très longtemps que j'ai fait plein de trucs
01:20et maintenant, je reprends depuis quelques années.
01:22Et par ailleurs, toi et Brigitte,
01:23vous avez notamment co-dirigé la version française de l'anime Free Run.
01:28Absolument, oui.
01:29Et ensemble, par ailleurs, le dernier élément, c'est que vous bataillez
01:33pour que l'intelligence artificielle dans le métier de doubleur soit régulée,
01:37qu'il y ait une législation autour de ça.
01:38Et c'est pour ça qu'on vous reçoit aujourd'hui.
01:41Oui, merci.
01:42Pour ma première question, je vais littéralement me faire l'avocat du diable.
01:46Oui.
01:47Le doublage français, ça repose quand même sur une version originale,
01:51anglaise, japonaise.
01:53Finalement, qu'est-ce qu'on y perd si on le fait par IA ?
01:57La langue française, parce qu'en fait, ça sera traduit par l'IA,
02:02qui ne parle pas forcément très bien notre langue.
02:05Et puis, tu y perdras l'âme d'un humain.
02:10C'est-à-dire qu'une IA, elle ne recrachera en plus que des choses
02:14qui ont déjà été faites, c'est-à-dire des voix qui ont été aspirées
02:19par l'IA générative pour pouvoir la recracher comme elle veut.
02:24Donc, ça sera peut-être déjà ma voix ou la voix de quelqu'un d'autre
02:28que tout le monde trouve insupportable, qui sera généré par celle qu'il y a.
02:33Enfin, voilà.
02:34Non, mais pour rester sérieux, voilà.
02:38Un dessin animé, bien sûr, c'est un dessin.
02:42Bien sûr, c'est de la musique, mais c'est aussi des voix, du son et des humains.
02:48Merci beaucoup de regarder cette vidéo, j'espère qu'elle vous plaît.
02:50Si c'est le cas, abonnez-vous à la chaîne YouTube de Libération.
02:53On en publie chaque semaine.
02:54Sachez aussi que c'est une discussion qui a enregistré en direct.
02:57Donc, si vous voulez parler avec nos invités, rendez-vous sur Twitch.
03:01Et d'ici là, je vous souhaite un bon visionnage.
03:03Et puis, tu vois, pour moi, une IA, c'est vraiment des opérations statistiques.
03:08En fait, c'est une sorte de boîte noire avec des paramètres dedans.
03:11Tu rentres quelque chose, tout ce que tu es allé prendre sur le net.
03:15Et puis, ça te ressort quelque chose avec ces paramètres qui ont été un peu modifiés par l'apprentissage de la machine.
03:22Et en fait, c'est statistique, c'est moyen.
03:25Et en fait, par définition, il n'y a pas les accidents qu'il y a quand on est avec des comédiens en tournage, en doublage.
03:33Et que c'est des gens qui se sont levés le matin, qui avaient leurs problèmes perso, les choses de tous les jours.
03:40Leurs émotions, leur caractère, aussi leurs expériences artistiques derrière, leurs inspirations.
03:51Tu sais, nous, quand on a été choisi aussi pour faire des personnages, c'est parce qu'on a fait des essais et qu'on pense qu'on colle le mieux au personnage en question ou au comédien ou à la comédienne en question.
04:07Et donc, on nous a choisi parce qu'on pense qu'on va apporter quelque chose de ou semblable ou proche ou quelque chose qui va venir de nous, qui va nourrir cette image ou cette personne.
04:21C'est exactement tout ça que je voulais évoquer avec vous quand on en a parlé, parce que j'ai discuté un petit peu avec Brigitte et Louis avant de faire cette discussion.
04:28Le truc qui m'a marqué, c'est que le comédien, il apporte ce supplément d'âme, ce supplément d'humain.
04:34Est-ce que vous avez des exemples où, quand vous avez façonné les différents rôles que vous avez joués, vous avez apporté ce que vous êtes dans le rôle?
04:45Je pense que tous les rôles qu'on joue, forcément, on apporte ce qu'on est, la façon de parler, le rythme, tout en respectant le rythme de l'autre.
04:58Parce qu'au doublage, justement, on est sur du rythme, sur un jeu de quelqu'un d'autre.
05:06On joue pas nous. Sur le dessin animé, c'est un peu plus particulier.
05:10Notamment, tu parlais de Dragon Ball. Un animé, il est fait d'images.
05:16Cette image, elle a un rythme fait par la main du dessinateur.
05:22Et en général, ça a été calé sur une voix, notamment le japonais.
05:27Et si tu voulais dire en français ce qui se dit en japonais, en fait, il faut beaucoup plus de mots.
05:36Donc, dans ce cas-là...
05:39Généralement, t'as à peu près 50% de mots en plus en français qu'en japonais.
05:43L'adaptation, elle est assez complexe.
05:46Et du coup, comme il y a énormément de mots en plus, il faut pouvoir les dire, les jouer.
05:53Du coup, tu vas pas jouer comme en japonais.
05:56Et si tu mettais une IA sur exactement l'image japonaise, en fait, t'aurais pas assez de temps pour dire tout ce que tu veux.
06:05Donc, tu tronquerais le texte.
06:07Tu vois, il y a ça aussi.
06:09Je vais soulever un petit commentaire que j'ai vu dans le chat.
06:12Baptiste, j'ai pu apercevoir Brigitte Lecordie au Geek Days de Rennes avec son interprétation de Luffy en mode oui-oui.
06:18Une personne passionnée, humaine, d'une extrême gentillesse.
06:21Merci d'avoir bercé mon enfance avec Bonnie et Clyde.
06:23Merci, et puis oui, c'est super.
06:26J'ai eu la chance d'aller en convention presque toutes les semaines, enfin, deux, trois fois par mois.
06:32Et je parcours la France et l'Europe grâce à ma voix.
06:37Et je rencontre, du coup, les gens qui ont grandi avec ma voix et qui grandissent encore avec ma voix et qui m'accompagnent dans ce chemin autour de la voix et du doublage.
06:47Et là, justement, ça suscite énormément d'émotions.
06:51Et les gens me disent à quel point nos voix, notre travail les ont accompagnées, les ont inspirées.
06:58Il y a des gens aujourd'hui qui sont profs de japonais ou qui travaillent au Japon ou qui sont même partis vivre au Japon grâce à nos animés.
07:09T'as des gens qui ont appris à lire grâce à oui-oui, etc.
07:15Et c'est génial.
07:17Ça montre à quel point en France, on a quand même une culture du doublage et un amour pour nos doubleurs en France.
07:23C'est marrant parce que je te suis pas mal en convention.
07:26En fait, finalement, je m'occupe un peu de l'emploi du temps aussi, un peu des réseaux de temps en temps de Brigitte.
07:31Et moi, je le vois, je vois un peu les gens de l'extérieur.
07:35Tu sais, quand je les vois aller la voir en dédicace, etc.
07:38Et vraiment, on voit les regards d'adultes qui, d'un coup, au moment où ils passent le ruban pour aller en dédicace avec Brigitte, se transforment en enfant de 4 ans et demi.
07:48Et là, ils retombent en enfance littéralement.
07:53C'est vraiment des gens qui se mettent parfois à pleurer ou à retomber dans des moments de leur enfance que leur rappel Dragon Ball.
08:00Et là, tu vois, j'étais ce week-end, j'étais à Japan Expo Marseille et j'étais avec les organisateurs de Japan Expo qui sont des grands, grands, grands fans de Dragon Ball,
08:12qui ont justement pensé à Japan Expo parce qu'ils étaient des grands fans de Dragon Ball et qu'ils avaient envie de continuer de découvrir cette culture japonaise
08:24et de nous découvrir, de découvrir le doublage, les voix françaises qui les avaient tellement transportées quand ils étaient petits.
08:31Et ça a créé des liens. Ça fait peut-être maintenant, je ne sais pas, 40 ans qu'on se connaît et c'est chouette.
08:37Mais Thomas me disait qu'il n'y aurait pas Japan Expo s'il n'y avait pas eu Dragon Ball.
08:46Thomas qui est le créateur de Japan Expo.
08:48Il n'y aurait pas Japan Expo s'il n'y avait pas eu Dragon Ball et s'il n'y avait pas eu nos voix, aussi bien celles d'Éric que Patrick, que la mienne, etc.
09:01Parce qu'il est extrêmement attaché à nous et à ce qu'on a représenté. Et puis Goku Petit, pour eux, c'est leur petite Madeleine.
09:10C'est un passionné, il connaît tout par cœur en plus.
09:12Il connaît tout par cœur, mais du coup, eux, ils connaissent le Japon par cœur. Ils connaissent la culture japonaise par cœur et ils la font connaître au monde entier.
09:20Et ils parlent japonais couramment.
09:23Et justement, si on parle de ces rôles, tes grands classiques, donc évidemment Son Goku dans Dragon Ball,
09:29pour comprendre tout ce que Lya ne peut pas faire dans le doublage, toi, si on prend cet exemple précis de Son Goku,
09:36quand on te le présente la première fois, comment est-ce que tu lui dis ce petit personnage qui parle japonais ?
09:43Je vais lui donner vie en français. Comment est-ce que tu le fais ?
09:45En fait, tu sais, c'est simple. Nous, on nous propose un rôle en nous mettant dans des essais.
09:53C'est-à-dire qu'il y a quelqu'un, il y a le directeur artistique ou le doubleur, c'est-à-dire nos patrons de doublage qui ont pensé à nous pour ce rôle.
10:02Ils ont pensé à moi en disant, tiens, un petit bonhomme comme ça, ça pourrait bien coller avec la voix de Brigitte.
10:08Et je pense qu'on était trois, quatre, cinq à faire les essais sur Son Goku.
10:13J'ai été choisie, je ne sais pas sur quels critères, mais peut-être certainement avec ma nature.
10:20Parce que lorsque j'ai rencontré mon homologue japonaise, on en parlera peut-être plus tard, quelques années plus tard au Japon,
10:27je me suis rendu compte qu'elle avait exactement la même nature que moi, la même énergie, la même rigolade en permanence.
10:36Et on s'est hyper bien entendus. Et je pense que ces caractères-là, c'est important. C'est ça aussi l'humain, tu vois.
10:43Et quand tu dis, qu'est-ce que l'IA n'aurait pas pu apporter ?
10:47Par exemple, ce nuage magique qu'on me demande à corps et à cri tout le temps dans toutes les conventions en disant, Brigitte, fais-nous un nuage magique.
10:56Eh bien, il n'existerait pas, parce qu'il n'existe pas en japonais.
10:59Donc, la traduction japonaise n'aurait pas écrit nuage magique. D'ailleurs, au début, il était supersonique.
11:06Et aujourd'hui, il reste malheureusement Kinto-un, parce qu'on a repris le mot japonais, je ne sais pas pourquoi, sur quels critères.
11:14Comme les premiers Kamehameha, il y avait eu des vagues déferlantes.
11:17Les premiers Kamehameha, la traduction approximative de Kamehameha, effectivement, c'est une vague forte.
11:25Et ça avait été vague déferlante.
11:27Mais t'imagines, moi, quand je devais dire vague déferlante, c'est moche.
11:35Et je disais, il y a quelque chose qui ne va pas à toi.
11:37Mais on le disait, mais ça ne me plaisait pas.
11:40Alors qu'en japonais, c'était tellement fort, ce qu'elle faisait, Masako Nozawa.
11:44Et à un moment, je demande à mon directeur artistique, qui faisait aussi Tortue Géniale, Pierre Trabaud.
11:53Je demande à Pierre, je dis, mais pourquoi on ne garderait pas le cri ?
11:58Je ne pensais pas que ça voulait dire quelque chose.
12:01Le cri que la comédienne fait en japonais.
12:06Et on a gardé Kamehameha.
12:08Et quel bonheur de l'avoir fait.
12:11Parce que c'est devenu mythique.
12:13Et puis, c'est chouette, on le retrouve dans les mangas papiers.
12:16Parce que nous, quand on a commencé, il n'y avait pas le manga papier en France.
12:20Donc, on ne savait pas sur quoi on pouvait s'appuyer.
12:23Effectivement, peut-être que j'aurais dit Kinto Un à l'époque.
12:26Sauf qu'on aurait traduit malgré tout, parce que Kinto, c'est son nom.
12:31Et Un, c'est le nuage.
12:33Donc, on ne pourrait pas dire nuage Kinto.
12:35Ça serait idiot.
12:37Il est très joli, ce nuage magique.
12:39Mais si on rentre concrètement, pourquoi tu disais que le nuage magique n'existerait pas si tu n'avais pas été là ?
12:46Pourquoi concrètement ?
12:47En fait, parce que c'est un jour, j'étais avec Éric Legrand qui fait Végéta.
12:53Et on se donnait des petits challenges comme ça à faire de temps en temps.
12:58Et puis, on avait le petit...
13:05qui coupait.
13:06C'était des coupures pub.
13:08Et Éric me dit ça, par exemple...
13:10On les a encore maintenant sur les nouvelles éditions de DVD.
13:14Je crois que tout est raccordé.
13:16Et du coup, on entend la petite musique.
13:18Il y a quand même ce petit truc, cette petite pastille animée.
13:21Et Éric me dit ça, jamais tu pourrais le placer quelque part de façon intelligente.
13:25Parce qu'il fallait que ce soit intelligent.
13:27C'était comme un défi entre doubleurs.
13:29Un petit défi entre nous.
13:31Petit jeu.
13:32Et on avait 20 ans.
13:34On a le droit de s'amuser.
13:36Et puis, notre travail, c'est jouer.
13:39Alors, on joue.
13:40Et à un moment, il y a Goku qui part sur son nuage, qui l'appelle.
13:46Et je demande à Pierre.
13:48Je dis, attends, je vais le refaire.
13:50Et je fais, nuage magique !
13:52Et là, il me fait, c'est trop bien, on le garde.
13:55Et t'imagines, 40 ans après, on redemande ce petit nuage magique.
13:59Merci, Éric.
14:00Et c'est grâce à ce petit supplément de Qui tu es
14:03qu'on a ce moment iconique de doublage en France.
14:05Oui, c'est parce que je suis moi.
14:07Parce que je suis moi.
14:08Parce que j'aime bien aussi rigoler, m'amuser.
14:11Remplir les choses que je fais de tout ce que je suis.
14:16Et que les comédiens autour de moi sont pareils.
14:20Ce qui fait qu'il y a des accidents.
14:22Il y a des créations.
14:23Il y a des trucs.
14:24Il y a quelqu'un qui donne une réplique.
14:26Et tu ne dis pas ce qui est écrit.
14:27Parce qu'il y a un autre truc qui devient à l'esprit.
14:31Et c'est génial.
14:32Voilà, il faut le garder.
14:34Je vais aller chercher une question de Stéphane qui est dans le chat.
14:38Que pensez-vous d'utiliser l'IA pour reproduire la voix de l'acteur dans une autre langue
14:42et la caler sur le texte et le jeu du doubleur ?
14:46Donc le principe du deep fake.
14:48On avait notamment, je crois, l'exemple de Zendaya.
14:51Je crois qu'elle avait été doublée par IA.
14:53Absolument.
14:54Je ne sais plus quel film.
14:56Nous, ce qu'on en pense, c'est que souvent, c'est déjà un extrêmement mauvais.
15:00C'est vrai.
15:01C'est que finalement, on n'a pas la...
15:03Ça ne porte pas grand-chose.
15:04L'argument derrière ça, c'est de se dire qu'on ne trahit pas l'interprétation originale.
15:09Mais je trouve qu'en fait, ça la trahit carrément.
15:11Parce que ce qui va se passer dans la langue du deep fake, de traduction,
15:16c'est souvent très, très mauvais.
15:18Et même si ça finit par être bon,
15:20tous les petits accidents dont vous parlez là,
15:23un petit mot qui va changer,
15:25une petite façon de parler, un petit cheveu sur la langue d'un comédien,
15:31ça fait que c'est vivant.
15:33Alors que l'IA, par essence, ce n'est pas vivant.
15:38Donc, moi, c'est l'argument artistique.
15:41Il est là pour moi.
15:42C'est vraiment...
15:43Et il ne faut pas oublier que le doublage, ce n'est pas une traduction.
15:48C'est une adaptation.
15:50Donc, évidemment, il y a une langue au départ.
15:53Mais entre-temps, il y a eu une traduction, effectivement.
15:57Et puis, une adaptation, c'est-à-dire qu'il y a un écrivain,
16:00il y a un auteur qui est venu et qui a calé un texte écrit très bien en français,
16:08qui veut dire exactement la même chose que la traduction,
16:12mais qui n'est pas dit de la même façon parce qu'il y a les labiales.
16:15Donc, on va ouvrir les bouches au même moment que le personnage.
16:19On va fermer en même temps.
16:20On va respirer en même temps.
16:21Ça va nous donner le rythme,
16:23d'où le nom de cette bande qui passe sous l'image,
16:27qui s'appelle bande rythmo.
16:28Et ça, c'est aussi du respect d'une langue qui est la langue française.
16:34Et c'est aussi bien faire parler les gens.
16:39Parce que si tu prends un texte japonais, par exemple, ou anglais,
16:44et que tu fais juste une traduction et que tu le colles dessus,
16:48ou tu fais parler par une IA par-dessus,
16:51eh bien, déjà, au niveau des labiales, ça ne correspondra pas.
16:55Et au niveau du langage français, ça ne correspondra pas
16:59parce que c'est juste une traduction brute.
17:02Oui, il y a plein d'exemples comme ça de traduction.
17:06Il y a aussi le travail de la traduction qui est important
17:09et aussi l'adaptation à la culture française.
17:13Je prends un exemple très concret.
17:15Dans certains animés japonais,
17:17les voix de personnages qui ont allé 12, 13, 14 ans
17:22sont parfois doublées par des voix très vieilles, très adultes, très rouges.
17:26En France, on ne fait pas ça.
17:28On n'a pas du tout les mêmes codes.
17:30Parce que c'est des codes de jeu.
17:32C'est comme en Japon, les femmes au théâtre,
17:36elles sont jouées par des hommes.
17:38T'imagines ici, si les femmes étaient jouées par des hommes,
17:41on dirait mais pourquoi vous ne prenez pas des comédiennes ?
17:44Eh bien, c'est la même chose.
17:46On n'a pas les mêmes codes de jeu parce qu'on n'a pas les mêmes traditions.
17:51Eux, ils viennent du Kabuki.
17:53Nous, on vient du théâtre de Molière.
17:55La Comédia dell'Arte.
17:57La Comédia dell'Arte.
17:59Du coup, la Comédia dell'Arte, elle est sans les mots.
18:02Mais le théâtre de Molière, il est avec les mots et une sacrée langue.
18:06Et cette langue, notre métier de doublage,
18:11permet de la développer, de la faire connaître,
18:14de la transmettre dans le monde entier,
18:17dans tous les pays francophones ou non.
18:19Parce qu'évidemment, la version française,
18:22elle est écoutée en France et dans les pays qui parlent français,
18:26mais elle est aussi écoutée ailleurs parce qu'il y a des gens curieux,
18:29comme nous, on écoute en anglais,
18:31comme on écoute en japonais, etc.
18:34Aujourd'hui, c'est possible.
18:36C'est ça qui est génial.
18:38Quand on a préparé l'interview, je t'ai beaucoup parlé,
18:40je pense, d'un film en particulier.
18:42Pour moi, The Mask, par exemple, c'est vraiment typiquement l'exemple de ça.
18:47C'est que vraiment, l'adaptation est excellente,
18:50dans le sens où vraiment, si tu avais traduit les blagues américaines
18:54en français, tu vois, en traduction littérale,
18:58ça n'aurait parlé à personne.
19:00Personne n'aurait compris de quoi ça parle.
19:02Personne n'aurait compris le...
19:04En fait, ça n'aurait pas du tout eu le même tempo,
19:07le même sens.
19:09Et vraiment, le fait que ça soit extrêmement bien écrit,
19:11qu'il y ait des petites modifs au dernier moment aussi,
19:14des gens qui ont fait le doublage en se disant
19:15« Ah, mais là, ça serait marrant de dire ça, clac, clac ! »
19:17Et franchement, ça donne une œuvre qui est, pour moi,
19:20un des meilleurs doublages que...
19:22Enfin, je pense que c'est un de mes doublages préférés.
19:25C'est Emmanuel Curtil, qui fait...
19:27Génial comédien !
19:29Jim Carrey, dans ce film.
19:31Et c'est clair que sur The Mask, moi, je me souviens d'un exemple très concret,
19:35une scène que j'ai toujours gardée en tête,
19:37où t'as l'officier Ipkins, je crois...
19:39Oui ! Stanley Ipkins !
19:41Ah non, c'est lui, c'est lui !
19:43Mais l'officier de police qui lui dit « Freeze ! »
19:45Donc en anglais, « Arrête-toi, machin, machin... »
19:48Et The Mask se met à se joler.
19:50« Freeze », en anglais, veut dire « se joler ».
19:52En français, on ne peut pas, là, traduire ça.
19:54On ne peut pas juste faire « Freeze ».
19:55Je ne sais plus comment il avait fait.
19:56Il avait dit...
19:58« Arrête-toi ou je te refroidis ! »
19:59Oui, c'est ça !
20:00Et là, il s'arrête, il fait...
20:01« Je me refroidis ! »
20:04Voilà, ça, c'est une masterclass !
20:06Oui, tu vois, une traduction ne pourrait pas, là...
20:09Ça serait ridicule, ça serait raté.
20:13Et c'est pour ça qu'on a des adaptateurs.
20:16Et vous avez d'autres exemples comme ça
20:18dans votre travail à « Vous deux, deux doubleurs »
20:21où, effectivement, vous avez dû adapter,
20:24dans votre jeu, dans vos choix d'acteurs, de comédiens,
20:27quelque chose qui n'était pas...
20:29qui est dans une autre langue, une autre culture,
20:31pour l'adapter à notre culture française.
20:33Oui, ça nous arrive souvent, bien sûr.
20:35Par exemple, lorsque j'ai doublé « Ranking of Kings »,
20:40je doublais un petit roi sourd-muet.
20:45Et juste, on a de la chance parce que t'es venue
20:47avec des mangas, de différents trucs que t'as doublés,
20:50et notamment « Ranking of Kings ».
20:52« Ranking of Kings », et j'ai eu la chance
20:55de pouvoir jouer le petit Bodji.
20:57Et c'est vraiment une chance.
20:59Et d'ailleurs, j'ai eu un prix à Tokyo d'interprétation.
21:04C'est un petit prince sourd-muet, en fait,
21:08qui doit devenir roi,
21:10mais personne ne lui fait trop confiance,
21:11personne ne croit en ce petit gamin qui ne parle pas
21:13et qui doit faire quand même des discours.
21:16C'est un hymne à la différence.
21:18Et puis, mon meilleur ami, c'est une ombre.
21:21Une tâche.
21:22C'est une tâche.
21:23T'imagines le mec qui a pitché ça,
21:25qui a eu les sous pour faire un manga et un animé.
21:28C'est Alexis Thomasson.
21:29Oui, c'est Alexis Thomasson.
21:31Pareil, un génial comédien que je connais
21:33depuis qu'il est tout petit.
21:35Et ce petit Bodji, justement, pour s'exprimer,
21:39il n'a que des voyelles,
21:41puisqu'il ne peut pas...
21:46Mais avec l'enfant.
21:48Mais après, avec une voix d'enfant.
21:51Donc, comment je vais dire?
21:53Il faut coller à l'image, bien sûr,
21:55mais il faut exprimer ce qu'il exprime.
21:57Parce que lui, il dit moi, je veux être roi.
22:00Moi, je suis différent,
22:01mais ce n'est pas pour ça que je vais me laisser faire.
22:04Alors au début, il se fait dépouiller.
22:06Il rentre chez lui.
22:07Tous ses vêtements sont toujours volés et tout ça.
22:10Il déprime totalement.
22:11Et cette petite flaque va lui remonter le moral
22:14et lui dire, il faut se battre.
22:16Il faut aller au bout.
22:17Tu ne vas pas te laisser faire.
22:18Et il décide de ne pas se laisser faire.
22:20Et donc, il va faire des discours.
22:22T'imagines si on avait dit à une IA,
22:25tiens, prends le truc japonais
22:27et puis tu vas mettre en français.
22:28Alors là, je serais curieux de savoir ce qu'il aurait fait.
22:30Et je pense que ça n'aurait pas du tout l'âme
22:32que tu as donnée là-dedans.
22:34Et puis, c'est un truc que j'aimerais bien essayer de faire,
22:37de demander à une IA,
22:39crée-moi une voix de sourmuet.
22:43Comment mon personnage pourrait parler?
22:46Exister.
22:47Mais voilà.
22:48Et en japonais,
22:49et bien justement, c'est une comédienne aussi
22:51qui lui a prêté sa voix
22:54et qui parlait avec des sons japonais
22:57que nous, on n'a pas forcément.
22:59Et du coup, moi, j'ai choisi de dire tout avec des voyelles.
23:04Je parle qu'avec A, E, I, O, U.
23:07Comme quoi, il y a de l'adaptation,
23:08même quand il n'y a pas de parole.
23:10Voilà.
23:11Et du coup, ça donne quelque chose de crédible
23:15et on comprend ce qu'il dit.
23:17Et je prends les finales d'Alexis de temps en temps
23:21pour comprendre que je réponds bien à sa phrase.
23:25Les sons.
23:26Et ça marche, ça fonctionne.
23:28Et dans les éléments que Lya ne pourrait pas reproduire,
23:32on avait parlé hier,
23:33avant-hier, quand on a discuté,
23:35sur Son Goku aussi.
23:37Je crois que tu m'avais dit que tu l'avais fait un peu plus naïf
23:41que l'une et l'autre version originale.
23:43Et par ailleurs, tu l'as aussi fait grandir.
23:45Absolument.
23:46Alors, bien sûr, je l'ai...
23:48Au début, on n'avait pas le manga,
23:50donc on ne savait pas si c'était un petit enfant
23:52ou un petit singe,
23:53de quoi il s'agissait, etc.
23:56Donc, j'ai entendu Masako Nozawa
23:59qui joue de façon très japonaise,
24:02donc très guerrière, très gutturale
24:05pour un tout petit bonhomme comme ça.
24:07Je trouvais que c'était mignon,
24:09mais je me disais, moi, je peux faire plus mignon.
24:12Et effectivement, ma proposition était plus tendre,
24:15plus mignonne sur Goku petit.
24:17Effectivement, je l'ai fait grandir jusqu'à l'adolescence.
24:20Et puis après, c'est Patrick Borg qui a pris le relais.
24:23Je crois, d'ailleurs, tu m'as dit,
24:25c'est toi qui a proposé que Patrick Borg reprenne.
24:28Oui, c'est ça.
24:30À un moment, c'était la fin de Dragon Ball
24:33et Goku devenait un vrai homme.
24:38Et sur Dragon Ball Z, j'ai eu raison
24:40parce que c'est vraiment un homme.
24:42Et t'imagines ma voix dessus,
24:44ça serait bizarre quand même
24:46qu'un homme parle comme ça, tu vois.
24:49Moi, je veux bien, mais quand même,
24:51je fais quand même des kamehameha,
24:53mais pas comme mon père, quoi.
24:55Et toi, ça serait bizarre.
24:58Et le fait d'avoir choisi Patrick,
25:01passé le relais à Patrick,
25:03je trouve ça très sain, d'autant plus dans notre culture.
25:06Bien sûr, alors qu'au Japon,
25:08Masako continue de faire Goku grand.
25:11Et elle le fait encore aujourd'hui.
25:14Et à 87 ans, c'est génial.
25:17C'est vrai que ça passe, mais c'est étonnant.
25:20Mais parce que c'est leur culture.
25:22Et je me pose une question typiquement sur Sangohan.
25:25Parce que Sangohan, tu l'as pris,
25:27il était tout petit,
25:29mais il devient un Sangohan ado.
25:31Bon, on dit qu'il est ado,
25:32mais dans la saga Cell, il a 10 ans en fait.
25:34Il est vraiment un ado.
25:36Tu l'as fait évoluer aussi ?
25:38Oui, bien sûr.
25:39Oui, parce que je l'ai...
25:40En fait, la première fois où je l'ai découvert,
25:42c'était à Tokyo, au Japon,
25:44avec mon homologue japonaise.
25:45On a fait la première scène de Dragon Ball Z.
25:48Tu te rends compte la chance que j'ai eue ?
25:50Et on l'a joué ensemble.
25:51Elle faisait Goku et moi je faisais petit Gohan
25:53que je découvrais.
25:54Je me suis dit chouette, il y a une suite.
25:57On pensait que c'était fini.
25:59Et voilà.
26:01Et je l'ai fait effectivement jusqu'à Cell.
26:05Et après, pareil.
26:07Il est trop grand, il grandit.
26:09Il devient vraiment un homme.
26:10Et c'est Mark Lesser qui a repris le...
26:14Qui fait jouer dans Friends.
26:18Et c'est super.
26:20En plus, ce que j'aime bien avec Patrick,
26:23Mark et tout ça,
26:24c'est qu'on avait déjà travaillé ensemble,
26:26tous ensemble.
26:27Et ils avaient toujours fait mes grands frères, etc.
26:30Donc, c'était marrant cette passation à mes frangins.
26:33Il y a un commentaire, notamment,
26:36qui dit
26:37le meilleur argument contre l'intelligence artificielle,
26:39c'est tout ce que Brigitte nous offre
26:40depuis plus de 30 ans,
26:41son interprétation, sa créativité,
26:43impossible d'atteindre son niveau.
26:44Merci, merci.
26:45J'espère bien.
26:46J'espère bien que voilà.
26:48Et tu vois,
26:49tous les gens qui viennent nous voir
26:50tous les week-ends en convention
26:52nous prouvent à quel point
26:53les gens sont attachés à nos voix,
26:55à notre travail, à ce qu'on fait.
26:57Et ça serait vraiment dommage de nous priver de ça.
27:00C'est important que ce lien reste aussi.
27:02Tu vois qu'il y ait aussi quelqu'un derrière ces personnages,
27:05qu'on sache que c'est fait par de l'intelligence humaine,
27:08qu'on y met notre cœur et nos tripes aussi, parfois.
27:11Et puis, être artiste,
27:13c'est pas n'importe quoi.
27:14On n'est pas des machines.
27:15On ne peut pas nous remplacer.
27:17Parce qu'un artiste,
27:18pourquoi il est artiste ?
27:19Il est artiste parce qu'il a besoin d'exprimer des choses.
27:22Et c'est un besoin absolu.
27:24C'est un besoin.
27:25Il ne peut pas faire autre chose.
27:26Un peintre,
27:27il va être obligé de peindre toute la journée
27:29parce que sinon, il va se sentir mal.
27:31Et c'est son expression.
27:33Un musicien,
27:35il va devoir faire de la musique
27:36et créer des œuvres.
27:38Voilà.
27:39Et nous, comédiens,
27:40eh bien, on doit jouer.
27:42On joue devant un public
27:44et on joue des personnages.
27:46Et ce qui est génial au doublage,
27:48c'est qu'on joue des personnages
27:49qu'on n'aurait jamais joués au théâtre.
27:52Donc, on joue encore plus.
27:54Tu vois ?
27:55On joue et on fait croire aux gens
27:56qu'on est celui qui parle.
27:58On joue et on fait croire
28:00qu'on est le petit personnage
28:01qui ressemble à un singe.
28:03Et c'est génial.
28:04On est vraiment dans la cour d'école
28:06et on joue à fond
28:07et on y met tout notre cœur
28:09et toute notre énergie.
28:11Je ne sais pas,
28:12quand on avait discuté ensemble
28:13justement de Ranking of Kings,
28:14j'ai fait des petites apparitions,
28:16des petits voix,
28:17des méchants dans Ranking of Kings,
28:20dont une sorte de...
28:21Je te jure, je suis arrivé en studio,
28:23j'ai halluciné parce qu'elle me dit
28:24« Tiens, tu vois, tu vas faire un brigand
28:26et là, c'est lui, etc. »
28:27Et je vois une sorte de baraque,
28:29un truc, un mec qui fait 2,50 m
28:31et qui est hyper...
28:33Enfin, hyper...
28:35Costaud, avec une grosse voix.
28:36Avec une grosse voix et tout.
28:37Je me dis « C'est ça, c'est moi,
28:38c'est moi qui vais faire ça. »
28:40Et puis en fait,
28:41je me suis vachement marré
28:42et puis tu fais croire.
28:43Tu fais croire que ça marche
28:44et ça marche.
28:45Je te signale que je t'ai déglingué.
28:46Et en plus, je me bats contre elle.
28:48C'est ça le pire.
28:49C'est que je suis arrivé,
28:50j'ai tourné ça un jour après
28:52et je fais « Ah, mais attends,
28:53je me bats contre... »
28:55Contre le petit Bodji.
28:56Et j'ai gagné.
28:57Et je me fais tuer.
28:58Elle m'a tué.
28:59Elle a tué son propre fils.
29:01C'est honteux.
29:02C'est l'horreur.
29:03Ça permet aussi de soulever
29:05que l'AVF apporte même parfois
29:08des versions iconiques
29:10de différentes œuvres.
29:12Notamment, par exemple,
29:13vous avez travaillé sur Freerun.
29:15Et vous l'avez fait différemment
29:18de ce que c'est
29:19dans la version japonaise.
29:20Oui, alors je ne sais pas
29:21si vous connaissez Freerun.
29:23J'ai apporté aussi le manga
29:25qu'il faut lire absolument.
29:26Attends, je suis toujours à l'envers.
29:28Regarde comme ça.
29:29Non, mais ça y est.
29:30Regarde devant.
29:31En plus, ça fait le focus.
29:33Et Freerun, en fait,
29:35c'est un manga sur la magie
29:38et c'est très philosophique.
29:40Ça parle aussi de l'éternité,
29:42le temps.
29:43Qu'est-ce que le temps humain?
29:44Qu'est-ce que l'éternité?
29:46Est-ce que ça vaut le coup?
29:47Est-ce qu'il faut attendre les trucs?
29:48Est-ce qu'il faut faire les choses maintenant?
29:50Pourquoi on se lève le matin?
29:51Voilà.
29:52Ou est-ce qu'on peut attendre
29:53tout simplement?
29:54Est-ce qu'on a du temps?
29:55Voilà.
29:56C'est génial.
29:57C'est philosophique.
29:58C'est magnifique.
29:59Le dessin est magnifique.
30:01La musique,
30:02elle est extraordinaire.
30:05C'est vraiment un truc qu'on faisait
30:07quand on faisait le doublage de Freerun.
30:09On s'arrêtait.
30:10Tu sais, en général,
30:11on passe un peu d'une scène à l'autre
30:13pour aller.
30:14T'as un nouveau comédien qui arrive
30:16et tu dis bon, on va sur sa boucle,
30:17on va faire le truc, etc.
30:18Mais nous, en fait, là,
30:19on s'arrêtait.
30:20On écoutait toute une boucle
30:21parce qu'il y avait de la musique
30:22et le sound design
30:23et les dessins étaient tellement magnifiques.
30:25Franchement, c'était tellement fier d'avoir participé.
30:27C'est vraiment du luxe.
30:29Je me sens très chanceuse
30:30d'avoir pu diriger Freerun.
30:33Et en plus,
30:34on m'a donné le temps qu'il fallait,
30:36le choix des comédiens, etc.
30:38Là, il n'y a pas eu d'essai.
30:40J'ai dénoncé mes camarades directement.
30:42On a dit on veut eux,
30:43ils sont trop bien.
30:44Et je suis contente du résultat.
30:46Et justement, en japonais,
30:48quand on parle de la magie
30:50et quand on joue de la magie,
30:51en japonais, c'est très neutre.
30:54C'est très recto tono
30:56et c'est très linéaire.
30:58On joue tout un petit peu pareil.
31:00Mais c'est une convention chez eux.
31:02Sauf que nous, on ne peut pas jouer comme ça.
31:04Et si j'avais dirigé Freerun
31:06exactement comme sur la même tonalité
31:09que le japonais,
31:10on m'aurait dit,
31:11mais qu'est-ce que tu as fabriqué
31:12avec cet animé ?
31:15On s'endort tous,
31:16on a tous envie de mourir
31:17à la fin de l'épisode.
31:18Et du coup, concrètement,
31:20vous leur avez demandé
31:21de faire quoi à vos comédiens ?
31:22Eh bien, en fait, Freerun,
31:24je lui ai demandé
31:26d'avoir un tout petit peu plus d'énergie
31:28qu'en original,
31:29mais un tout petit peu.
31:31Et surtout, de n'avoir aucune empathie
31:33avec ce qui se passait autour d'elle
31:35et avec les gens autour d'elle.
31:37D'avoir une attitude autistique,
31:41tu vois,
31:42et de ne pas être touchée
31:45par ce qui se passait,
31:46de ne pas rire aux blagues,
31:47de ne pas être émue,
31:50enfin, de sembler ne pas être émue.
31:52C'est vrai qu'au début, c'était difficile.
31:53Absolument.
31:54Parce qu'en fait,
31:55on a eu ça sur un peu tous les persos,
31:57même ceux qui sont un peu plus hauts en couleur,
31:58en fait, étaient quand même...
32:00Très neutres.
32:01Globalement neutres.
32:02Par exemple, Hater,
32:03qui est fait par Bruno Meyer.
32:05Je me rappelle que la première session,
32:07il a dit, ah là là,
32:08j'ai galéré à trouver le personnage, etc.
32:10Mais en fait, non, on ne galère pas.
32:12C'est juste qu'on a travaillé ensemble
32:13pour que ça s'ajuste.
32:14Il a fallu du temps.
32:15Chacun, on a pris du temps.
32:17Mais je trouvais que les résultats
32:19étaient incroyables
32:20parce qu'on a trouvé un curseur
32:21qui fait que ça ne sort pas de l'image.
32:23On a vraiment l'impression
32:24que c'est le personnage qui parle.
32:26Et en même temps,
32:27c'est plus vivant
32:28et correspond mieux
32:29à notre culture occidentale.
32:33Et tu vois, par exemple, Hater,
32:35qui est un curé, en fait,
32:37mais c'est un curé qui aime la vie,
32:40qui aime boire,
32:42qui aime faire la fête, etc.
32:44Donc, ce n'est pas l'image du curé
32:46qu'on a habituellement, etc.
32:48Et en japonais, il est très neutre.
32:51Et moi, j'ai demandé à Bruno
32:55de s'en amuser,
32:57de le faire vivre un peu plus.
33:00Et même la version,
33:03l'adaptation, nous a permis ça
33:05parce qu'elle a mis dans ses paroles,
33:08dans ses mots,
33:10des choses qui nous permettent
33:11d'être un peu plus épicurien.
33:13Un peu de couleur.
33:14Un peu de couleur.
33:15Et c'était vraiment un grand bonheur
33:18que de diriger cette série.
33:20Quand je pense à des œuvres
33:22qui ont été adaptées en français,
33:24qu'on proposait une autre version,
33:26moi, j'ai un exemple qui me vient direct.
33:28Enfin, j'en ai même deux.
33:30Nicky Larson et Ken le survivant,
33:32qui, dans les versions originales,
33:34sont hyper sérieuses.
33:35C'est, je crois,
33:36ce qu'on appelle du seinen en japonais.
33:38Donc, c'est des œuvres
33:40pour un public beaucoup plus âgé,
33:41beaucoup plus sérieux, etc.
33:43Quand c'est arrivé en France,
33:44les doubleurs ont fait un travail
33:46beaucoup plus amusant,
33:47beaucoup plus marrant.
33:48Ils se sont marrés avec ça.
33:49Et donc, en fait,
33:50ça fait quasiment comme
33:51s'il y avait deux versions
33:52du même œuvre.
33:53Absolument.
33:54Pour moi, Frérenne,
33:55il y a deux versions de la même œuvre.
33:57J'adore la version japonaise,
33:59réellement, qui est magnifique
34:00et qui est très réussie.
34:02Et je suis très fière
34:03de cette version française.
34:04Je pense qu'elle est
34:05extrêmement réussie aussi
34:06avec cette bande d'artistes géniaux.
34:09Et pour Ken le survivant
34:12et sur Nicky Larson,
34:15c'est un petit peu différent.
34:17C'est le contexte qui a fait
34:19que ça a été adapté différemment.
34:22Pourquoi ?
34:23Déjà, il n'y avait pas
34:24de manga à l'époque.
34:25Déjà, il n'y avait pas
34:26de manga à l'époque.
34:27On ne savait pas.
34:28On n'avait pas cette référence-là.
34:29Et deuxièmement,
34:30ça s'adressait au Club Dorothée.
34:34Et au Club Dorothée,
34:36les enfants avaient entre
34:37huit et dix ans.
34:38Et ça, on le savait.
34:39On les voyait le matin
34:40aller au Club d'eau
34:41parce qu'on enregistrait
34:42juste au-dessus d'eux.
34:43Et donc, nous, comédiens,
34:44on avait quand même
34:45une responsabilité
34:46par rapport à ça.
34:47Tu ne peux pas balancer
34:48n'importe quoi
34:49à des enfants
34:50de huit et dix ans.
34:52Et eux, ils se retrouvent
34:53devant ce produit
34:54qui n'est en fait pas fait
34:55pour les enfants au Japon,
34:56qui est fait pour les adultes.
34:58Je pense que l'adaptatrice
35:00avait adapté,
35:02mais en respectant le produit,
35:05donc en mettant exactement
35:06ce qui se passait à l'image.
35:09C'était très dur.
35:10Ken, le survivant,
35:12c'était vraiment hardcore.
35:13Même pour les adultes,
35:14à l'époque, ça choquait fort.
35:15Et c'est vrai qu'en Europe,
35:18on avait vraiment l'habitude
35:19du dessin animé pour enfants.
35:21En fait, dessin animé,
35:22c'était synonyme d'enfant.
35:24C'est juste qu'on ne distribuait
35:25jamais ça pour les adultes.
35:27Je crois qu'il y a eu peut-être
35:29Le Roi et l'Oiseau
35:30qui a été un petit peu plus
35:32orienté adulte.
35:33Un peu plus grand,
35:34mais malgré tout,
35:35c'était quand même pour les enfants.
35:36En Europe, moi, je ne vois pas
35:37beaucoup de dessins animés
35:38qui ont été aussi orientés
35:40adultes que Nicky Larson.
35:42Et du coup, les comédiens
35:44ont commencé à s'amuser
35:46et dans leur jeu,
35:47un petit peu à l'histoire
35:49de Mon Nuage Magique avec Eric,
35:50ils sont allés beaucoup plus loin
35:52parce que je pense
35:54que ça le méritait.
35:55Et du coup,
35:57ils ont fait une version
35:59qui n'est pas du tout
36:01en relation avec la version originale
36:03ou presque pas,
36:05mais qui est une version
36:08acceptable pour des enfants
36:10de 8 à 10 ans.
36:11Et ce qui est assez historique
36:13pour Nicky Larson,
36:14c'est qu'il y a un film français
36:16qui a été fait sur Nicky Larson
36:17et qui n'est pas un film français
36:19sur Nicky Larson
36:20de la version japonaise,
36:21mais qui est un film français
36:22de la version française
36:23de Nicky Larson.
36:24Ça, c'est dingue.
36:25C'est quand même dingue.
36:26C'est drôle.
36:27Je ne sais plus comment il s'appelle.
36:28Philippe Lachaud.
36:29Philippe Lachaud, oui.
36:30Il a grandi avec ça.
36:31Oui, je le comprends.
36:33Et du coup,
36:34ça a fait mourir de rire
36:36les ados.
36:38Parce qu'il faut se dire aussi
36:40qu'avant le Club Dorothée,
36:42tous les dessins animés,
36:43effectivement,
36:44c'était pour ce qu'on appelait
36:45les petits, les mioches.
36:47Et d'un seul coup,
36:48avec Dragon Ball,
36:49avec Nicky Larson,
36:50avec tous ces dessins animés.
36:53Moi, j'ai fait Théo,
36:54la Batte de la Victoire,
36:56les Miyazakis
36:57qui commençaient
36:58Conan, le Fils du Futur, etc.
37:00Ça parlait différemment.
37:02Puis Rémi Sans Famille,
37:03Princesse Sarah, etc.
37:04Tu te rappelles,
37:05c'était des trucs
37:06qui étaient vachement,
37:07qui racontaient des trucs
37:08horribles, en fait.
37:09Vraiment sociétaux,
37:10durs à comprendre
37:11même quand tu étais petit.
37:12Et puis, on avait ça
37:13à midi, les Zouzou, quoi.
37:15C'est ça.
37:16Et puis, moi,
37:17j'avais fait Dans les Alpes
37:18avec Annette
37:19où je faisais un petit garçon
37:20à qui il était arrivé.
37:21Mais tous les malheurs du monde,
37:23je me souviens.
37:24Mais voilà.
37:25Et du coup, les enfants,
37:27ils ont compris
37:28qu'on leur parlait normalement,
37:29en fait, qu'on leur cachait pas
37:30qu'il y avait des gens
37:31qui mourraient,
37:32qu'ils savaient
37:33que quand on mettait
37:34sa main dans le feu,
37:35on allait se brûler,
37:36qu'il y avait des choses
37:39un peu sexuées aussi.
37:40Jamais il n'y avait
37:41des choses comme ça
37:42pour les enfants.
37:44Avant, on ne parlait
37:45jamais de sexe.
37:46Ni de sexualité, quoi.
37:48Et tout ça, c'est...
37:50Et je pense que ça a été reconnu
37:52par cette génération
37:54en disant
37:55on ne se moque pas de nous.
37:57On nous prend pour des gens.
38:00On ne nous parle pas
38:01comme à des débiles.
38:02On nous prend pour des humains.
38:04C'est pour ça qu'il ne faut pas
38:05que l'IA remplace des humains.
38:16Sous-titrage Société Radio-Canada

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