Jeudi 27 février 2025, retrouvez Audrey Camus (directrice générale de la foncière, Icade) et Virginie Houzé (Directeur Etudes et Recherche France, JLL) dans SMART PATRIMOINE, une émission présentée par Nicolas Pagniez.
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00:00Quelles évolutions des usages et quelles évolutions du marché en matière de bureaux ?
00:08Voilà le sujet qui va nous animer à présent dans Enjeu Patrimoine face à un constat réalisé par un certain nombre de professionnels de l'investissement en immobilier
00:17qui regardent le bureau de manière particulière avec notamment deux marchés de l'immobilier, deux bureaux.
00:24Nous allons parler avec deux professionnels du sujet dans Smart Patrimoine aujourd'hui.
00:28Nous avons le plaisir d'accueillir tout d'abord Virginie Ouzé. Bonjour Virginie Ouzé.
00:31Bonjour.
00:32Vous êtes directeur études et recherches France chez JLL et à vos côtés, nous avons le plaisir d'accueillir également Audrey Camus. Bonjour Audrey Camus.
00:37Bonjour.
00:38Vous êtes directrice générale de la foncière d'ICAD. On va commencer avec vous Virginie Ouzé.
00:43Je le disais en introduction, on a beaucoup de professionnels de l'investissement immobilier, de gérants de fonds immobiliers qui nous disent qu'il existe aujourd'hui un marché du bureau à deux vitesses.
00:54En gros, le cœur de ville et le reste, si je caricature. Et on a surtout des chiffres qui nous montrent qu'on a un taux de vacances qu'on n'a pas connu depuis de nombreuses années en matière de bureau.
01:03A se demander s'il n'y a pas une désaffection d'une partie du bureau en France, Virginie Ouzé.
01:08Voire jamais connu.
01:09Jamais connu, oui.
01:10La vacance puisque effectivement on termine 2024 avec un taux de vacances supérieur à 10%. Je pense que c'est inédit Audrey, je pense que vous êtes d'accord avec moi.
01:19Après, comme vous le disiez, un marché extrêmement segmenté entre Paris et la périphérie.
01:25Puisqu'on a des taux de vacances dans Paris qui sont beaucoup plus faibles qu'en première couronne parisienne.
01:31On peut donner comme exemple le fameux quartier central des affaires parisien.
01:35On a un taux de vacances de l'ordre de 3,5%.
01:38Quant en première couronne parisienne, on a des taux de vacances qui dans certains cas peuvent tangenter les 30%.
01:43D'accord.
01:44Donc on a vraiment une segmentation extrêmement importante du marché effectivement fin 2024.
01:48Mais alors comment on explique ça ? Parce que ça veut dire que l'offre de coeur de ville suffit pour la demande aujourd'hui.
01:55Comment est-ce qu'on explique qu'au bout d'un moment, le volume de demande ne vienne pas forcément jusqu'à la première couronne parisienne ?
02:02Parce que ça reste très proche. On parle d'une demi-heure de métro maximum.
02:05Cinq minutes.
02:06Cinq minutes ?
02:07Ce n'est même pas une plaisanterie.
02:09Si vous êtes par exemple dans le secteur des Champs-Elysées, vous avez deux, trois stations de métro.
02:13Et vous êtes à Neuilly, vous êtes à La Défense, et vous avez déjà une offre et des valeurs qui sont radicalement différentes.
02:20Après, on a des changements assez notables post-Covid.
02:25C'est-à-dire un appétit très très fort des entreprises pour la centralité.
02:30Dans ce monde où les salariés sont mobiles, sont en télétravail pour une partie de leur temps, l'attractivité du centre-ville est très forte.
02:39D'accord.
02:40On a capté en fait beaucoup la demande depuis 2021.
02:45Ce qui fait qu'on a eu beaucoup d'activités dans Paris-Intramuros.
02:49Et on a fait baisser l'offre dans Paris-Intramuros de façon extrêmement forte.
02:54Et ça s'est fait bien évidemment au détriment de la première couronne.
02:58Maintenant, 2024 commence à marquer un petit changement.
03:02Puisqu'on voit que dans Paris, l'activité a ralenti également.
03:06Et on a certains secteurs de périphérie qui au contraire commencent à rebondir en surfant sur des valeurs attractives par exemple.
03:13Parce que du coup, il y a des opportunités financières potentiellement pour les entreprises.
03:16Et donc on retourne effectivement là où c'est un peu moins cher.
03:19Audrey Camus, vous faites le même constat.
03:21C'est vraiment quand on est à la tête d'une foncière.
03:25Aujourd'hui, il faut regarder le cœur de ville et se poser la question de ce qu'on fait des alentours, c'est ça ?
03:30Oui, en effet.
03:31Comme l'a dit Virginie, il y a une recherche de centralité qui est plus forte que jamais.
03:34Mais il y a aussi des niveaux de loyers qui n'ont jamais été atteints dans Paris, qui sont extrêmement chers aujourd'hui.
03:40Et que toutes les entreprises ne peuvent pas payer.
03:43Donc il va y avoir un marché de report.
03:46Vous l'attendez à l'heure actuelle ?
03:48Oui, on l'attend.
03:50Nous, on a signé hier 33 000 m2 à Saint-Denis.
03:53Donc c'est possible.
03:55Mais en effet, il y a d'un côté une recherche de centralité et un vrai enjeu de faire revenir les collaborateurs au bureau.
04:03Avec de l'attractivité.
04:04Et de l'autre côté, une économie qui fait que tout le monde ne peut pas payer 1 200 euros de loyer.
04:09On attend quand même, sur un certain nombre de marchés, un report.
04:13Et notamment, je pense que c'est ce qui fait aujourd'hui le succès de la Défense.
04:15Vous pouvez aujourd'hui avoir la Défense avec la Desserte, qui est quand même exceptionnelle, trois fois moins chère qu'à Paris.
04:22Donc à un moment donné, il faut faire les calculs.
04:25Si je comprends bien, il y a un an, un an et demi, on nous disait que la Défense, c'est mort, il ne faut pas y aller.
04:29Ce que vous nous dites, c'est que globalement, maintenant que c'est moins cher qu'en centre-ville, il y a peut-être une opportunité pour un certain nombre d'investisseurs.
04:35Enfin, pas d'investisseurs, mais d'entreprises.
04:37De locataires. En fait, vous avez un rapport qualité-prix à la Défense qui aujourd'hui est incomparable.
04:41Je vous dis, trois fois moins cher à trois stations de métro de Paris.
04:44Bien sûr.
04:45Les mesures d'accompagnement à la Défense sont telles que c'est extrêmement attractif.
04:49Et comme le disait Audrey, c'est un marché qui est incontestable de par sa densité d'entreprise, par sa Desserte.
04:55Et qui, pour preuve, l'année dernière, en fait, a fait une très bonne année, en hausse et supérieure à sa moyenne de long terme.
05:03Et portée finalement par un tissu d'entreprise extrêmement diversifié.
05:07D'accord.
05:08Puisque la Défense, habituellement, c'est un marché de grandes transactions, donc des plots de 20 000, 30 000 mètres carrés.
05:14Et l'année dernière, on a, l'année dernière, même depuis deux ans, on voit en fait des entreprises de plus petite taille qui rentrent dans des immeubles neufs,
05:21qui ont été ouverts à la division, ce qui n'était pas le cas dans le passé.
05:24Et donc, ça fait vivre le marché avec un tissu d'entreprise beaucoup plus diversifié que par le passé.
05:29On est dans une émission qui s'adresse aux particuliers.
05:32Est-ce que ça fait sens pour des particuliers d'accompagner des projets de nouveaux immeubles, de construction, de promotion immobilière,
05:40quand on a des taux de vacances aussi grands sur les immeubles de bureaux existants, Audrey Camus ?
05:45Alors honnêtement, l'heure est plutôt à la rénovation.
05:47D'accord.
05:48À la construction de bureaux neufs.
05:49Je pense qu'on en a beaucoup construit, probablement trop.
05:52Aujourd'hui, voilà, la tertiarisation des emplois, elle est plutôt à l'arrêt.
05:57La démographie va dans le même sens.
05:59Donc honnêtement, le besoin de bureaux, il ne va pas augmenter.
06:02D'accord.
06:03Donc construire des bureaux neufs aujourd'hui, on le fait vraiment quand il y a une situation contextuelle très particulière.
06:09Mais sinon, on essaye de faire avec ce qui existe.
06:11D'accord.
06:12Et d'ailleurs, il nous arrive aussi de transformer les immeubles de bureaux en autre chose.
06:15D'accord.
06:17La polarisation du marché fait que vous avez un certain nombre d'immeubles de bureaux qui vont sortir du marché.
06:22Parce qu'ils ne sont pas bien placés, parce qu'ils sont obsolètes, parce qu'ils ne cochent pas les gaz des criteurs verts, etc.
06:27Et que là, on va plutôt chercher à les transformer en autre chose.
06:30On ne réinjecte des travaux pour garder du bureau que dans des très bonnes localisations.
06:36D'accord.
06:37C'est la localisation qui va faire en sorte qu'on recycle ou en tout cas qu'on rénove le bureau parce que c'est un investissement.
06:43Et derrière, il faut être sûr de pouvoir le rentabiliser avec des entreprises qui pourront venir louer les bureaux, si je comprends bien.
06:48Oui.
06:49Et je pense que ce qui se passe en ce moment montre bien que le fondamental de l'allocation, il reste très très vrai.
06:54On a, je pense, un peu oublié ça ces dernières années dans un marché qui était très très porteur.
06:59Et là, on revient à ça.
07:00Et en effet, la localisation, ça reste le critère numéro un.
07:04Virginie Ouzé, les immeubles obsolètes.
07:07Vous avez écrit un article sur le sujet.
07:09Ça veut dire qu'aujourd'hui, une bonne stratégie immobilière en matière de bureau, c'est une stratégie de rénovation, d'investissement dans un parc existant.
07:18Si tant est qu'on soit dans la bonne localisation, comme nous l'a rappelé Audrey Camus.
07:22Et la construction immobilière, ce n'est pas forcément le sujet de 2025, si je comprends bien.
07:26En matière de bureau.
07:27Alors, je ne peux qu'aller dans le sens d'Audrey, sur tout ce qu'elle vient de dire.
07:31Je partage totalement son point de vue.
07:332025, ça va être une année où on va encore avoir un gros volume de livraison assez élevé en bureau dans l'île de France.
07:40Par contre, ce qui est intéressant, effectivement, c'est que la propension à construire plutôt du neuf que de rénover a tendance à baisser.
07:49Et on voit qu'on a de plus en plus en proportion d'opérations de restructuration d'immeubles existants.
07:54D'accord.
07:55Donc ça, c'est plutôt un signal intéressant.
07:57Avec des normes quand même plus conséquentes qu'il y a quelques années, notamment sur l'énergie verte ou autre.
08:02Oui, mais c'est un élément qui est extrêmement, je pense, structurant.
08:06Et notamment quand on parle aussi des nouvelles normes type la RE-2020.
08:10Parce qu'on va parler de sujets comme le carbone incorporé, donc le cycle de vie complet d'un immeuble.
08:16Et aujourd'hui, quand on est dans cette démarche-là, avoir un immeuble restructuré donne un bilan carbone global qui est beaucoup plus attractif.
08:25Mais donc, effectivement, la tendance est celle-ci.
08:28Et quand on regarde les dynamiques de marché, effectivement, la localisation, c'est le sujet clé.
08:35Bien sûr.
08:36Et c'est quelque chose qui va être probablement le point de déclenchement, du lancement ou pas, d'une opération de rénovation d'un immeuble obsolète.
08:45Puisque ça va conditionner les valeurs, ça va conditionner la demande.
08:48Et il y a des secteurs qui aujourd'hui, malheureusement, ne sont plus des secteurs attractifs.
08:54Et ça fait partie de l'obsolescence des bâtiments.
08:56Justement, on a parlé de Paris.
08:58On a surtout parlé de Paris et de la région parisienne.
09:01On a parlé du centre-ville.
09:03On a parlé de la défense.
09:04Vous nous avez parlé de Saint-Denis.
09:05Quand on parle de localisation, les localisations à peu près sûres en matière de bureaux aujourd'hui,
09:11que ce soit à l'heure actuelle ou que ce soit anticipé avec les reports du fait de la différence de loyers,
09:17c'est uniquement ces secteurs-là ou il y a un tout petit peu plus de souffle à trouver ailleurs ?
09:23Moi, je dirais qu'il y a aussi du souffle à trouver dans les grandes métropoles régionales.
09:27On n'en a pas parlé.
09:28Donc là, c'est Lyon, Bordeaux, Marseille ?
09:30C'est exactement Toulouse.
09:31Toulouse, oui.
09:32Où en effet, les marchés de région, sur des volumes plus petits et sur des immeubles plus petits,
09:37mais il y a un tissu économique d'entreprise dans ces métropoles-là.
09:40Et du coup, le marché de bureau a été plutôt moins atteint, honnêtement, qu'en Ile-de-France, globalement.
09:46Et le mécanisme est le même ?
09:47On est d'abord sur du cœur de ville avant potentiellement d'aller sur la première couronne ?
09:49La recherche de centralité, exactement la même.
09:51Partout, quelles que soient les villes en France ?
09:53Partout.
09:54C'est vraiment augmentation de l'attractivité, recherche de centralité, ça c'est vrai partout.
09:57Et après, sur les localisations en Ile-de-France, en effet, c'est Paris.
10:00Et c'est au-delà, en fait, c'est la dessert-transport en commun, c'est la qualité de l'environnement, en fait.
10:05Aujourd'hui, le lieu de travail, c'est aussi un enjeu de recrutement pour les entreprises et de fidélisation des collaborateurs.
10:10Et donc, il faut qu'ils aient envie de venir là.
10:12Donc, l'environnement de commerce, l'offre de services, la capacité d'aller au cinéma, prendre un verre, etc.
10:18Autour de l'immeuble, ça fait aussi partie des choses que regardent les utilisateurs.
10:21Donc, le bureau devient un lieu de vie quand on n'est pas en télétravail chez soi, si je comprends bien Virginie ?
10:25Encore plus.
10:26Encore plus ?
10:27Encore plus, oui, puisque revenir au bureau, en fait, il faut vendre le bureau aux collaborateurs maintenant.
10:32D'accord.
10:33Il suffit plus de les embaucher, il faut leur vendre le lieu de travail.
10:36Voilà, c'est un vrai argument de recrutement, en fait.
10:38D'accord.
10:39Et donc, les collaborateurs, et notamment les jeunes collaborateurs, sont sensibles à ça et à cet environnement urbain
10:46qui fait que vous sortez du travail, vous pouvez aller boire un verre avec vos collègues, vous pouvez aller au théâtre, au cinéma.
10:51Et donc, ça plaide vraiment pour cette centralité qui a été vraiment le cœur du marché depuis la sortie de la crise du Covid, en fait.
10:58Ce n'est pas forcément le sujet de cette émission, mais on voit un certain nombre d'entreprises prendre la parole ouvertement sur le retour au bureau.
11:05Est-ce que ça peut avoir un effet sur les tendances que vous constatez à l'heure actuelle
11:10ou ça ne fera que renforcer justement l'idée de vendre encore plus le bureau aux collaborateurs ?
11:16D'accord. Alors, le retour au bureau.
11:19Alors, il faut faire attention à la pollution aussi un petit peu ambiante autour du retour au bureau,
11:23puisqu'en fait, on a eu des prises de parole extrêmement fortes par des grandes entreprises de la tech aux Etats-Unis.
11:28Bien sûr.
11:29Avec des entreprises qui étaient en 100% télétravail.
11:32Qui étaient les premières à y être allées il y a quelques années et qui sont les premières à y revenir, donc ça pose question.
11:36Exactement, et avec en fait un droit du travail qui n'est pas du tout le même là-bas qu'en France.
11:39Nous, en France, en fait, on a été très très long à se mettre au télétravail.
11:42Ça a vraiment été un enfant de la crise du Covid et on a mis en place des accords de télétravail et de négociation avec les IRP.
11:49Donc, on ne revient pas dessus comme ça et surtout, on n'était pas sur cet extrême du 100% télétravail.
11:55Bien sûr.
11:56Donc, en fait, nous, ça va être plus marginal comme effet, puisqu'on s'arrête peut-être de dire, on passe de 2 jours à 1 jour ou de 3 à 2.
12:03Mais il y a quand même un vrai appétit et quelque chose qui s'est ancré, je pense, dans l'organisation des entreprises aujourd'hui.
12:09André Camus ?
12:10Non, non, moi, je pense qu'on ne reviendra jamais complètement en arrière.
12:13En effet, ça va tourner sur une tendance de fond probablement entre 1 et 2 jours par semaine.
12:17Ceux qui reviennent, c'est en effet ceux qui avaient mis le curseur vraiment à l'extrême inverse.
12:21Aujourd'hui, l'enjeu, c'est en effet de retrouver de la créativité, de la productivité et de faire en sorte que les gens puissent se rencontrer.
12:29Donc, voilà, aujourd'hui, plus que jamais, le bureau, c'est le lieu de rencontre et de réunion.
12:33Donc, pas d'impact à court terme sur effectivement la tendance que vous constatez déjà sur l'immobilier de bureau ?
12:39Je ne pense pas.
12:40Eh bien, merci à toutes les deux. Merci Audrey Camus, directrice générale de la foncière d'ICAD.
12:44Merci Virginie Auzet, directeur études et recherches France chez JLL. Merci beaucoup.
12:48Merci.
12:49Quant à nous, on se retrouve tout de suite dans l'œil de l'expert.