Bouleversant. Le mot n’est pas un euphémisme pour décrire Put Your Soul On Your Hand and Walk, le film documentaire de Sepideh Farsi, présenté au Festival de Cannes dans le cadre de la section parallèle Acid. La réalisatrice iranienne en exil et basée à Paris, a suivi pendant un an Fatima Hassouna, jeune photographe palestinienne, via des messages et des appels vidéos.
Une démarche pour raconter la vie quotidienne des Gazaouis, leur redonner une voix, une humanité au milieu du flot d’informations déshumanisantes dont on nous abreuve depuis octobre 2023.
Mais le film a finalement acquis une dimension tragique supplémentaire avant même sa projection, ce jeudi 15 mai: à 24 ans, Fatima Hassouna est tuée en avril dernier (https://www.nicematin.com/festival-de-cannes/photographe-palestinienne-sujet-d-un-documentaire-tuee-par-un-missile-israelien-qui-etait-la-gazaouie-fatima-hassouna-celebree-au-78e-festival-de-cannes-985893#:~:text=Photographe%20palestinienne%2C%20sujet%20d) dans une attaque ciblée de l’armée israélienne selon Forensic Architecture. Dans ce bombardement, seule sa mère a survécu.
Un film pour continuer à témoigner
Sur des images filmées la veille, on la voit pourtant avec un large sourire. Elle apprend que le film est sélectionné à Cannes. En les voyant, on ne peut s’empêcher d’avoir la gorge nouée. Quasi un mois plus tard, Fatima n’est plus là pour témoigner auprès du public cannois.
Sepideh Farsi, elle, ne lâche pas. Elle est présente, pour le public et la multitude de journalistes qui viennent à sa rencontre pour une interview. Cette femme répond avec une douceur dans sa voix et ses yeux. Même si à travers eux, on sent sa tristesse, pour ne pas dire plus. La réalisatrice est bien décidée à continuer. Continuer de transmettre la voix de Fatima. Poursuivre la dénonciation des crimes de l’armée israélienne. Continuer à réclamer la justice et enfin la reconnaissance des terres pour les Gazaouis et le peuple palestinien.
Nice-Matin a rencontré la réalisatrice iranienne. Entretien.
Une démarche pour raconter la vie quotidienne des Gazaouis, leur redonner une voix, une humanité au milieu du flot d’informations déshumanisantes dont on nous abreuve depuis octobre 2023.
Mais le film a finalement acquis une dimension tragique supplémentaire avant même sa projection, ce jeudi 15 mai: à 24 ans, Fatima Hassouna est tuée en avril dernier (https://www.nicematin.com/festival-de-cannes/photographe-palestinienne-sujet-d-un-documentaire-tuee-par-un-missile-israelien-qui-etait-la-gazaouie-fatima-hassouna-celebree-au-78e-festival-de-cannes-985893#:~:text=Photographe%20palestinienne%2C%20sujet%20d) dans une attaque ciblée de l’armée israélienne selon Forensic Architecture. Dans ce bombardement, seule sa mère a survécu.
Un film pour continuer à témoigner
Sur des images filmées la veille, on la voit pourtant avec un large sourire. Elle apprend que le film est sélectionné à Cannes. En les voyant, on ne peut s’empêcher d’avoir la gorge nouée. Quasi un mois plus tard, Fatima n’est plus là pour témoigner auprès du public cannois.
Sepideh Farsi, elle, ne lâche pas. Elle est présente, pour le public et la multitude de journalistes qui viennent à sa rencontre pour une interview. Cette femme répond avec une douceur dans sa voix et ses yeux. Même si à travers eux, on sent sa tristesse, pour ne pas dire plus. La réalisatrice est bien décidée à continuer. Continuer de transmettre la voix de Fatima. Poursuivre la dénonciation des crimes de l’armée israélienne. Continuer à réclamer la justice et enfin la reconnaissance des terres pour les Gazaouis et le peuple palestinien.
Nice-Matin a rencontré la réalisatrice iranienne. Entretien.
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00:00Elle aurait dû être là, à l'autre côté.
00:05Hier soir, on a appris que son assassinat était non seulement horrible, ce qu'on savait, mais ciblé.
00:13C'est une attaque ciblée.
00:15Je voulais sortir de tout ça. Je me suis tellement fatiguée.
00:19Je suis cinéaste iranienne, exilée ou basée à Paris depuis un certain nombre d'années.
00:25Au moment des attaques du 7 octobre, passé le choc initial, l'indignation et l'horreur, il y a eu les représailles israéliennes.
00:34En fait, assez vite, on est rentré dans une phase qui allait vraiment au-delà de l'ampleur de l'horreur initiale que Hamas avait commise.
00:41Je vois les médias. Pour moi, il me manquait un bout de puzzle important dans le paysage médiatique, à savoir la voix des gens de Gaza.
00:50Comment ils survivaient, les pénuries, les bombes.
00:53Et ça, ça m'a beaucoup gênée, de plus en plus, jusqu'à ce que ça devienne une obsession.
00:57Et à ce moment-là, avril 2024, j'ai décidé de partir au Caire pour essayer de passer le poste frontière de Rafa.
01:05Je me suis dit que je vais y arriver. Je me croyais très maligne, mais bon, c'était déjà trop tard et c'était impossible de passer.
01:12Du coup, je commence à filmer des réfugiés palestiniens au Caire.
01:15L'un d'eux me parle d'une fille de son voisinage, une amie à lui, qui était toujours là-bas et qui était photographe et qui était pleine d'énergie.
01:25Elle me dit, vraiment, c'est la personne qui te fout. Tu vas voir, il faut que vous parliez.
01:29Il y avait une distance matérielle importante entre nous, mais bizarrement, on est devenu très proche.
01:36Moi, j'étais fascinée par sa force de vie, son énergie et son sourire, sa lumière.
01:42Elle, j'imagine que pour elle, j'étais comme une fenêtre vers le monde extérieur.
01:47Et nos divergences aussi de foi, de point de vue sur la vie, la femme, être femme, comment être femme, comment être professionnelle.
01:55Je crois que c'était un peu des retrouvailles très recherchées, très attendues, parce qu'on s'aimait beaucoup.
02:06Lorsque j'ai appris sa mort, sa disparition, son assassinat, j'ai été choquée et dans le déni.
02:17Ma première réaction, c'était, je vais montrer le film et je ne vais pas y toucher.
02:21Il restera tel qu'il était quand Fateme était encore en vie.
02:26Une fois, les premiers jours, le premier choc passé, j'ai été confrontée à un choix de garder ces dernières images pour moi seule ou de les partager encore une fois.
02:43Et je me suis dit à un moment que c'était important que les spectateurs puissent voir aussi quelle joie elle avait ressentie quand elle a appris la nouvelle qu'elle allait pouvoir peut-être venir à Cannes et qu'elle avait décidé immédiatement sur le champ.
02:57Donc je lui dis, tu viens ? Oui, bien sûr. Et après, par contre, elle dit immédiatement aussi, mais je rentre à Gaza.
03:04Et en fait, ce que je veux que les gens emportent avec eux, c'est ce sourire, c'est cette force, c'est cette résilience, la fierté d'elle.
03:11Après le festival, on continue à parler d'elle, mais comme d'une palestinienne qui est certes ébluissante, mais qui est un cas parmi des dizaines de milliers de gens.
03:19Et il faut que ça puisse changer les choses.
03:22Si le cinéma a un pouvoir, c'est de faire bouger les choses, mais il faut les autres, il faut vous et tout le monde de la culture, les politiciens, les gens à nos côtés en tant que cinéastes pour faire bouger les choses.
03:41Il faut demander à ce que ce massacre s'arrête. En ne faisant rien, nous serons complices.