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Trois ans après la sortie de "La Nuit du 12" (Six Césars dont ceux du Meilleur film et de la Meilleure réalisation), Dominik Moll présente en compétition officielle à Cannes son dernier film "Dossier 137".

Léa Drucker est une policière de l'IGPN et enquête sur une possible bavure policière : Un Gilet jaune a été lourdement blessé par un tir de LBD durant les manifestations de décembre 2018.

Léa Drucker est comme toujours formidable, mais malheureusement le film est trop didactique pour convaincre nos deux critiques.
Transcription
00:00En compétition à Cannes, on a vu un film dossier qui ne cache pas sa nature,
00:03ce qui s'appelle Dossier 137.
00:05C'est le nouveau film de Dominique Molle, le réalisateur de La Nuit du 12.
00:12C'est l'histoire de Stéphanie qui est jouée par Léa Drucker.
00:15Elle est flic à l'IGPN, c'est la police des polices.
00:18Et elle enquête sur un cas de violence policière
00:22dont on ne sait pas si c'est un accident ou une bavure.
00:25Pendant la crise des Gilets jaunes en décembre 2018 à Paris,
00:29un jeune homme est retrouvé très grièvement blessé à la tête.
00:33Il reste handicapé de manière irréversible.
00:36Et il a reçu un tir de flashball.
00:38Et donc toute la question, c'est qui sont les flics masqués et en civil
00:42qui lui ont lancé un tir de LBD à la tête.
00:45C'est vraiment un film de parole, mais aussi d'images
00:48qui mêlent à la fois l'enquête de terrain menée par Léa Drucker et son équipe
00:53et des images de provenance diverse, c'est-à-dire des images de caméras-surveillance.
00:57Il y a tout un jeu comme ça de traçage du parcours de ces flics cagoulés
01:05grâce aux caméras de surveillance, et ça ne manque pas à Paris.
01:09Et puis aussi évidemment des images amateurs qui racontent les manifs,
01:13mais aussi la venue des gens arrivés en famille de Saint-Dizier,
01:17en bagnole, en chantant du Joe Dassin.
01:19Et donc il y a cette espèce de tressage entre les images censées faire réelles
01:26et les images de l'enquête de fiction.
01:29Et puis il y a aussi évidemment toute une partie qui est censée donner de l'épaisseur au personnage,
01:33c'est-à-dire que Stéphanie, elle a un fils, un ex, un chat,
01:38et puis voilà, elle est comme tout le monde, elle est en son linge.
01:41Et il se trouve que, coïncidence, ses parents habitent à Saint-Dizier,
01:44elle est née là-bas, ce qui lui donnera peut-être, on ne sait pas,
01:48une proximité inhabituelle, on va dire, avec cette affaire.
01:53Marie vient de dire que cette histoire de Saint-Dizier,
01:55ça résume un peu le problème du film, c'est-à-dire que Dossier 137 est un peu surécrit,
02:00hyper didactique tout le temps, c'est-à-dire qu'on ne passe par les dialogues
02:03beaucoup d'informations de manière un peu artificielle.
02:07Alors c'est difficile de ne pas comparer Dossier 137 à la nuit du 12,
02:11parce que c'est à un petit peu près la même démarche,
02:12c'est-à-dire de raconter vraiment une enquête depuis le fait divers
02:17jusqu'à sa résolution ou sa non-résolution.
02:20Ça marchait super bien dans la nuit du 12, il y avait vraiment une qualité d'écriture
02:23à la fois sur l'enquête proprement dit et ses répercussions sur la vie privée des personnages,
02:29et de s'articuler de manière vraiment brillante.
02:31Et là, malheureusement, dans Dossier 137, tant qu'on est dans l'enquête pure,
02:35c'est plutôt passionnant, c'est-à-dire vraiment,
02:37il y a ce côté de précision dans toutes les étapes de la procédure,
02:43dans le vocabulaire notamment utilisé par différents personnages.
02:46Vraiment, on en croit être avec Léa Drucker dans ce bureau de l'IGPN en train d'interroger les suspects.
02:51Mais dès qu'on sort de là et dès qu'on s'intéresse un peu plus à la vie privée des différents personnages,
02:55en particulier à celui de Léa Drucker, ça coince un peu parce que c'est trop lourd, trop écrit.
03:00Je suis très sévère avec le film parce que j'ai beaucoup aimé La nuit du 12.
03:04Il faut quand même reconnaître certaines qualités au film.
03:06Je l'ai dit, cette vision de l'enquête qui est vraiment passionnante en elle-même.
03:11Il y a des belles trouvailles malgré tout dans la mise en scène.
03:14Moi, j'aime beaucoup l'utilisation de la voix off pour reprendre des différents personnages
03:18qui disent un vocabulaire hyper technique, hyper juridique,
03:21notamment quand ils font les demandes de procédure.
03:23Ça, je trouve que ça authentifie, ça donne vraiment un cachet réaliste très fort au film.
03:27Et puis, il y a quand même Léa Drucker qui, vraiment, on sait que c'est une très grande actrice.
03:33Elle est vraiment formidable une fois de plus parce qu'elle arrive vraiment à dépasser les facilités du scénario,
03:41à les sublimer par sa qualité de son interprétation.
03:43Et en particulier dans toutes les scènes d'interrogatoire,
03:46là, vraiment, c'est avec pas grand-chose.
03:48Elle arrive vraiment à faire passer énormément d'émotions ou de non-émotions dans son jeu.
03:54Elle est vraiment, c'est une poker-fesse à un moment.
03:56Voilà, parce qu'elle sait qu'elle est face à des policiers qui lui mentent effrontément.
04:00Elle ne le montre pas en essayant de les amener à se dévoiler.
04:04Voilà, c'est du grand art.
04:05C'est vrai que j'aime énormément les scènes d'interrogatoire dans le film.
04:08Je trouve que c'est ce qu'il y a de plus réussi avec Léa Drucker dans cette position d'autorité,
04:12de visage impassible.
04:13Elle a une façon de dire, c'est moi qui pose les questions,
04:15qui n'appelle pas à discuter en réalité.
04:18Et elle est vraiment très, très bien.
04:19Et ce que je préfère vraiment dans le film, c'est dès qu'on a l'impression d'être dans les rouages,
04:25dans la mécanique, qui est assez fastidieuse, en fait, d'une enquête.
04:29Voilà, on va voir des gens, on regarde des vidéos, etc.
04:31Pour moi, ça va un petit peu trop vite dans le film.
04:33J'en aurais bien pris plus.
04:34Et c'est d'autant plus étrange que le reste du dialogue soit aussi inégal,
04:39qu'on se retrouve avec les flics à table,
04:41et tout de suite, on sait qu'ils ne se parleraient pas comme ça à la pause du déjeuner,
04:44parce que c'est trop didactique, c'est trop fait pour le grand public,
04:50pour qu'on sache bien de quoi ils sont en train de discuter.
04:52Ah bah oui, quand même, alors, les collègues, là, ils vivent des situations pas faciles.
04:56Ben non, en fait, il fallait peut-être, je dis ça de ma place,
05:00mais il fallait peut-être se dire,
05:02« Perdons un peu les gens, cinq minutes, c'est pas grave, on les rattrapera plus tard,
05:06mais donnons comme ça, voilà, cette vie,
05:08cette vie peut-être un peu difficile à capter pour un bleu. »
05:15Et je pense que le film manque finalement un peu de radicalité.
05:19Et on sent bien qu'il y a de la prudence, voire il y a de la précaution,
05:23pour que ce ne soit pas un film anti-flic,
05:25et qu'en même temps, on puisse quand même parler de la violence policière, etc.
05:28Et donc à un moment, tout ça, c'est un peu platounet.
05:31Le dossier 137, c'est une relative déception, il faut bien l'avouer,
05:35mais pour Léa Drucker, pour deux, trois belles idées de mise en scène, un petit bien.
05:40Le dossier 137, en compétition à Cannes, pour moi c'est bof.

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