Reportage -
Décembre 1981 -
Comm FRA
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00:00Bertrand, l'an passé à peu près à la même époque, vous disiez, ce n'est pas moi qui prendrai la décision de partir de l'équipe de France,
00:07mais les sélectionneurs qui ne me retiendront pas. Alors pourquoi vous avez subitement comme ça changé d'avis ?
00:13Oui, c'est toujours un peu mon idée, mais peut-être qu'on me pousse maintenant à partir.
00:18J'ai redébuté cette saison internationale, c'était pour la jouer, pour aller jusqu'au bout, le tournoi compris.
00:24Là-dessus, on a joué les Roumains, ça s'est pas trop trop mal passé puisqu'on a gagné.
00:28Et les blagues sont venues ici, on a perdu deux fois, on a perdu le dernier à Paris.
00:33Et à partir de là, on a cherché des têtes, on a essayé de trouver les raisons, on a dit, il y a des vieux, il faut les changer, on a la marre de les voir.
00:41Là-dessus, une campagne, une presse, tous ces médias qui ont fait, qui ont sensibilisé peut-être un peu le public.
00:47Et on est allé jouer à l'extérieur avec le stade Banniery, notamment en Abourg, où je me suis fait insulter tout l'après-midi.
00:53Et huit jours plus tard, à tuer, ça a été la même chose.
00:56Alors, je l'ai très très mal ressenti, je l'ai mal supporté.
01:00Et au retour de tuer, j'avais décidé d'arrêter.
01:04Ça fait plus de dix ans que vous êtes en équipe de France.
01:07Dix ans, ça suffit.
01:09Vous pensez par exemple que des bons joueurs, Nadal notamment, n'ont jamais eu la chance de jouer au moins un seul match en équipe de France ?
01:17Oui, d'abord, je ne vois pas pourquoi on dit que dix ans, ça suffit.
01:20J'ai connu des joueurs qui ont fait plus de dix ans au niveau international.
01:25Mais il est évident que pour faire une longue carrière, ils feront sûrement beaucoup de chances.
01:30Le vrai problème, Roland Bertrand, si je comprends bien, c'est...
01:32... qui était aussi un très grand joueur de rugby, mais qui peut-être cultivait un peu le vénétariat, peut-être un peu plus que moi.
01:39Pourquoi vous n'étiez pas porté à cela ?
01:42Mais non, c'est pas de ma nature, j'aime pas être en moi, et j'ai jamais recherché cela.
01:47Pourquoi on ne vous aime pas ?
01:49Pourquoi on ne m'aime pas ?
01:51Je ne sais pas, peut-être parce que je ne me suis pas attaché à me faire aimer.
01:53Je me suis attaché à avoir la confiance de mes amis, des gars avec qui je jouais, de mes partenaires et de mes adversaires aussi.
02:00En France, et vous le savez, on est pour un rugby généreux.
02:03Toute votre vie d'international, Roland Bertrand, vous êtes plutôt passé pour un game petit.
02:08Davantage défenseur qu'attaquant.
02:12Il y a donc eu nécessairement un divorce entre le public et vous ?
02:16Oui, peut-être. Enfin, vous parlez de joueurs généreux.
02:18Je crois que je fais partie des joueurs généreux parce que lorsque je rentre sur un terrain, c'est pour me donner à fond,
02:25pour faire le meilleur et pour donner le meilleur de moi-même.
02:28Maintenant, c'est vrai, on dit que je suis gagné petit, que je défends mieux que je n'attaque.
02:34Mais je crois que la victoire pour moi et pour un joueur de rugby est aussi très très importante.
02:42Je crois que d'abord, si on ne prend pas d'essai, c'est une bonne chose.
02:45Et si en plus, on ne peut pas marquer, c'est meilleur.
02:48Alors, quelle prolongation à votre carrière de joueur vous imaginez dans le rugby ?
02:53Entraîneur, sûrement pas. Je crois que je n'en ai pas la vocation.
02:57Et sélectionneur ?
02:58Mes sélectionneurs, disons que si je tombe dans une bonne ambiance avec des gars que je connais bien,
03:04sûrement que je ne refuserai pas. On n'a pas le droit de refuser un poste de sélectionneur, je crois.
03:09En attendant, Roland Bertrand, vous vous attaquez à Paris-Dakar. Sacré gageur.
03:15Surtout pour un débutant. Le sport automobile, ce n'est pas plus facile que le rugby.
03:19C'est donc un nouveau pari, un nouveau défi. Qu'est-ce que vous voulez prouver ?
03:23Disons que je veux me prouver peut-être quelque chose à moi-même. Je veux me prouver que je suis capable de faire autre chose que du rugby.
03:30J'aime la voiture, j'aime la compétition, j'aime finir premier et gagner.
03:35Et je pars pour le Paris-Dakar, effectivement, d'abord pour voir la maire à Dakar et peut-être pour avoir le premier aussi.
03:41Mais vous remettez peut-être en cause toute une réputation, toute une carrière pour finalement un résultat très aléatoire.
03:49Vous auriez pu vous satisfaire d'une retraite en pantoufles ?
03:53Oui, mais ça aurait peut-être été la solution de facilité.
03:55Mais j'aime les défis, j'aime toujours prouver, toujours faire mieux et plus dans des domaines différents.