Gilles Tillet, violé à 10 ans par le père Bernard Preynat

Le Point

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"J'ai été violé par Bernard Preynat à l'âge de 10 ans." 40 ans après les faits, Gilles Tillet a été reconnu victime par l'Église. Une reconnaissance qui a aidé le quinquagénaire à se reconstruire. Pour « Le Point » il témoigne et revient sur son enfance dans une famille catholique ou la parole de l'enfant n'était pas prise en compte, son amnésie traumatique à la suite des viols qu'il a subi mais aussi les conséquences sur sa vie.

#Pédocriminalité #Inirr #Témoignage #Justice #Église #Société #AbusSexuels

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00:00Prenat, quand il m'a violé, il a détruit en moi, il a pourri en moi jusqu'au cœur de mon être, de mes cellules en fait.

00:09Gilles Thillet a été violé lorsqu'il avait 10 ans par le père Bernard Prenat, ancien chef des Scouts de Saint-Luc.

00:15Ce dernier aurait agressé sexuellement entre 3000 et 4000 enfants.

00:1940 ans après les faits, Gilles témoigne.

00:21Quand je suis rentré au Scouts de Saint-Luc, j'avais 9 ans.

00:23Tout de suite, mes copains de Cizenne m'ont averti qu'il fallait que je resserre ma ceinture.

00:30Parce que Bernard Prenat pouvait surgir à tout moment pour, par derrière, nous prendre les bras comme ça et nous mettre les mains sous la ceinture.

00:41Idem avec l'écharpe.

00:43Il fallait toujours serrer son écharpe, ça c'était le conseil des grands.

00:46Parce que Prenat, il arrivait et puis, direct, il collait là, ces grosses paluches comme ça.

00:51Et pareil, dans le car, il s'arrangeait toujours pour faire démarrer le car à des heures complètement improbables de l'aube.

00:58Et on nous disait, il ne faut pas se mettre à côté de lui.

01:00Mais si tu étais un portard, s'il y avait une circonstance, s'il y avait une place libre à côté de toi, il n'y avait Prenat qui arrivait.

01:04Mais en même temps, il y avait tout un système de récompense, de chouchous, de grades.

01:09C'est-à-dire qu'à un moment, je pense que j'étais sa proie.

01:15Et il a dû me violer une dizaine de fois.

01:17Et moi, je me souviens, il venait me chercher.

01:21Et c'est, ah Gilles, viens me voir, il faut que tu viennes me voir.

01:26Et là, c'était dans son bureau ou dans le local des costumes.

01:32Et donc, il m'attirait sur un mode mi-autoritaire, mi-gentil.

01:38Et là, une fois qu'on était tous les deux, il avait un jeu pervers avec moi qui était d'inverser les rôles.

01:46C'était lui, le petit garçon de 10 ans.

01:48Et c'était moi, l'homme de 40 ans.

01:51Donc, c'était mon grand Gilles.

01:55Viens me protéger.

01:58C'est répignant, j'ai rien que d'y penser.

01:59J'ai dit, prends-moi dans tes bras.

02:03Il se mettait à genoux comme ça devant moi.

02:06Et il commençait à se déshabiller, à me déshabiller surtout.

02:11Et là, moi, je débranchais.

02:15Je débranchais.

02:16La première chose qu'il disait après, c'était, c'est notre secret.

02:20Tu ne dis rien.

02:22Si tu parles, ça va mal se passer.

02:25Systématiquement, lui, il renversait le rôle.

02:30C'est, tu m'as bien allumé.

02:33C'est moi qui allumais Prénat, en fait.

02:36C'est ça qu'il me disait.

02:37Ah, je t'ai vu au rassemblement, comme tu me regardais.

02:40Et après, hop, ça a été quelqu'un doté.

02:43C'était le soulagement, en fait.

02:44Mais il en avait plusieurs en même temps.

02:46Ce calvaire-là, il a dû durer, pour moi, je pense, trois mois, quatre mois.

02:50Enfermé dans un environnement familial catholique, où la parole de l'enfant n'était pas prise en compte,

02:55Gilles n'en parlera jamais.

02:56Il finira par oublier les viols dont il a été victime, jusqu'au procès de 2020.

03:00Moi, au moment du procès, je soutenais la parole libérée.

03:03J'étais heureux qu'il y ait ce procès-là.

03:07Mais je ne me sentais pas vraiment concerné.

03:10Il y avait un peu de recul.

03:11Mais au moment du verdict, où on a dit, ce monsieur est un pédocriminel de masse,

03:17il va aller en prison.

03:18Moi, je me suis mis à avoir des crises de panique pendant à peu près trois mois.

03:24J'ai revécu les scènes de viol.

03:26Et après coup, je me suis dit, tiens, pourquoi les souvenirs sont remontés à ce moment-là ?

03:31Et je me suis dit, non, c'est normal, en fait.

03:34Parce qu'à ce moment-là, je pense que j'étais en sécurité.

03:38Et je pense que ma psyché, elle s'est sentie autorisée.

03:41Maintenant, on allait me croire, en fait.

03:43Si je dis, ben, Préna m'a violé, plus personne ne me dit, mais ta gueule, Gilles, mais faire tes devoirs, ou je ne sais pas quoi.

03:50Non, on allait me croire.

03:52Violer un enfant, en fait, ce n'est pas rien.

03:53C'est-à-dire que moi, Préna, quand il m'a violé, il a détruit en moi, il a pourri en moi jusqu'au cœur de mon être, de mes cellules, en fait.

04:04Les conséquences personnelles, intimes, elles sont catastrophiques, en fait.

04:08C'est-à-dire, c'est là où, moi, ça m'a le plus brisé, en fait.

04:13Malgré la prescription des faits, Gilles a pu demander réparation auprès de l'Église, via l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et réparation.

04:21L'INIR, c'est une instance qui est chargée, de façon indépendante, d'évaluer la matérialité des faits, déjà.

04:28Et puis aussi, une enquête sur toutes les conséquences que ça a eues sur la vie des victimes.

04:33À l'issue du process d'écoute à l'INIR, il y a une lettre qui dit, voilà, monsieur Gilles Thillet, vous nous avez dit que, Préna, vous avez violé.

04:47Nous vous croyons. C'est écrit noir sur blanc, quoi. Nous vous croyons.

04:51Et ce que monsieur Thillet a dit, qui va suivre, est vrai.

04:55Donc ça, c'est la première chose. La seconde chose, c'est la réparation financière.

04:58C'est 60 000 euros maximum. Cette justice de l'Église, en fait, elle est révolutionnaire.

05:03Comment indemniser des viols qui ont été commis il y a si longtemps, par des gens qui sont décédés ?

05:09Comment faire, en fait ?

05:10On ne peut pas demander à une justice comme ça, restaurative, qui est tellement un prototype, c'est tellement nouveau,

05:16d'être parfaite et que des gens intelligents, des gens concernés, réfléchissent déjà à une logique d'indemnisation

05:25et décident que cette indemnisation, elle va être évolutive.

05:29Ce n'est pas 60 000 pour tout le monde.

05:30Je trouve ça quand même très intéressant.