Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • hier
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 13 mai 2025 : l'architecte Rudy Ricciotti. Il publie "Insoumission, pour la survie de l'architecture", aux éditions Albin Michel.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Bonjour Udi Ricciotti.
00:02Bonjour.
00:04Vous êtes architecte lauréat du Grand Prix National de l'Architecture,
00:07Grand Prix spécial du jury de l'Equerre Argent 2016.
00:10Vous êtes l'architecte du Mussem à Marseille,
00:12du Pavillon Noir à Aix-en-Provence,
00:14de la Passerelle de la Paix à Séoul,
00:15au Palais du Cinéma à Venise,
00:17du Nouveau Département des Arts de l'Islam au Louvre
00:19ou encore de la Manufacture de la Mode de Chanel
00:22située Porte d'Auvervilliers à Paris.
00:24Vous venez d'être choisi d'ailleurs à Lumini,
00:26je le précise, pour la création d'un nouveau bâtiment
00:28de 6600 mètres carrés dédiés aux biotech,
00:31donc aux entreprises qui cultivent des organismes vivants
00:34et des nouvelles technologies pour les appliquer à plusieurs secteurs.
00:36Sa sortie de terre est prévue fin 2026.
00:39Vous venez de publier « Insoumission pour la survie de l'architecture »
00:42chez Albain Michel,
00:43ou un énorme coup de gueule sur l'architecture d'aujourd'hui,
00:46ses incompréhensions, ses stupidités, ses aberrations.
00:49Rudi Ricciotti, à 72 ans,
00:5110 ans après votre pamphlet,
00:52devenu un best-seller,
00:53« L'architecture est un sport de combat »,
00:55vous remontez sur le riz pour défendre la créativité,
00:57le bon sens, la transmission,
00:59pour privilégier les circuits courts et les territoires,
01:02donc l'environnement.
01:03C'est quoi l'insoumission, Rudi ?
01:04C'est lorsqu'on aime encore suffisamment,
01:07son si beau pays, la France,
01:09le refus du renoncement aux combats,
01:12aux ensembles des combats nécessaires
01:14pour que l'on puisse encore créer,
01:18développer, rendre service,
01:21être utile à son pays, à sa nation.
01:24Parce que l'architecte est utile aussi à la nation.
01:28Et mes obsessions, c'est de produire une technologie
01:33dont les retombées du savoir restent territorialisées,
01:37éviter l'importation,
01:39faire avec ce qui est à disposition,
01:42et surtout déblayer les décombres
01:44qu'on a sur notre territoire
01:46comme praticien d'architecture.
01:49Mais ce livre n'est pas qu'un livre d'architecture,
01:51c'est un livre politique qui a pour objet
01:53de défendre des valeurs,
01:54des valeurs républicaines,
01:56des valeurs laïques,
01:57des valeurs émotionnelles,
01:59et surtout d'être dans le combat.
02:04En fait, finalement, ce que vous contestez,
02:06ce ne sont pas les normes.
02:07Vous dites, c'est normal qu'il y ait des normes.
02:09Mais ce que vous contestez,
02:11c'est les solutions de facilité.
02:12C'est notre incapacité, finalement,
02:16à aller chercher des solutions plus difficiles à trouver,
02:20mais pour maintenir cette créativité.
02:22Mais c'est ça, à inventer,
02:25et pas à consommer.
02:26Aujourd'hui, le champ normatif n'amène que
02:28comme posture de combat,
02:32que celle de la soumission,
02:34c'est-à-dire consommer.
02:36Consommer dans les règles de la consommation.
02:38Non, notre métier à nous,
02:39architectes, ingénieurs, entrepreneurs du bâtiment,
02:41et tous les artisans qui nous accompagnent,
02:44c'est de créer,
02:46c'est de fabriquer in situ,
02:48c'est de faire in situ.
02:50Mais faut-il encore les aimer,
02:52ces partenaires de l'économie du bâtiment ?
02:54C'est quand même un paquet de millions d'emplois,
02:57l'économie du bâtiment.
02:58Et ce livre a pour objet de défendre
03:00ceux qui font fabriquer de la richesse,
03:03paie des impôts en France,
03:05paie de la TVA en France,
03:07paie des charges sociales en France,
03:08à partir de véritables métiers
03:10et d'une vraie mémoire laborieuse.
03:13Vous pensez que c'est réac ?
03:15Non, c'est sensible.
03:17C'est juste à aimer encore suffisamment son pays
03:20pour en défendre les champs d'action possibles.
03:25Vous avez beaucoup de respect d'ailleurs pour les ingénieurs.
03:27Vous citez régulièrement Eugène Frécinet.
03:30D'ailleurs, c'est un dieu absolu pour vous.
03:31Ah oui, c'est à côté de Dieu.
03:33Au même niveau que l'archange Gabriel.
03:36Vous l'appelez le dieu du béton précontraint.
03:40Vous soulignez effectivement que sans ces ingénieurs,
03:43sans les artisans qui font partie de vos chantiers,
03:46sans les ouvriers qui sont présents sur le chantier,
03:48vous n'y seriez jamais arrivé finalement.
03:51Non seulement je n'y serais jamais arrivé,
03:53mais je peux vous dire que ce sont les grandes écoles françaises
03:56qui fabriquent nos meilleurs ingénieurs.
03:58Et ce sont aussi nos modes de faire
04:01qui fabriquent nos super artisans.
04:03Ces gens-là sont indispensables.
04:05L'artisan et l'ingénieur sont tous les deux indispensables.
04:09Ils sont le pur produit d'une France
04:11dans sa propre cohésion,
04:14dans son jus de transmission,
04:16qui aime leur territoire,
04:17qui aime leur métier,
04:18et qui ne sont pas à planer et à gesticuler
04:23dans d'autres mondes qui sont ceux de la com.
04:26Vous voyez, des trucs comme ça.
04:27Ça ne marche pas comme ça.
04:28Des savoir-faire, des savoir-faire, rien que des savoir-faire.
04:31Je suis passionné par ça.
04:32Étant moi-même, un fils d'ancien maçon
04:36qui a démarré une manœuvre,
04:38qui a fini patron d'entreprise, etc.,
04:41je connais la valeur des métiers.
04:44Je leur dois tout.
04:46Je dois tout aux maçons, aux charpentiers,
04:48aux fermes lantiers, aux couvreurs,
04:49comme je dois beaucoup aux ingénieurs.
04:51Je suis ingénieur, mais un petit ingénieur.
04:54Pas un grand ingénieur.
04:56Vous parliez de la France tout à l'heure.
04:57Vous l'aimez, ce pays d'adoption.
04:59Votre famille a fui.
05:01L'Algérie, ils sont des émigrés italiens.
05:03Oui, c'est ça.
05:04Ils vous ont transmis ça, justement,
05:05le respect de l'endroit où vous trouviez ?
05:08Écoutez, vous savez,
05:09ce que m'a transmis mon père,
05:11et ce que m'ont transmis aussi mes grands-parents,
05:13c'est de fermer ma gueule.
05:14Ça ne se voit pas aujourd'hui quand même.
05:16C'est de baisser les yeux, de travailler.
05:20D'avoir cette conscience du labeur.
05:22La conscience du labeur.
05:24Et rien que du labeur.
05:25Et être dans le silence.
05:26Alors aujourd'hui, vous allez dire,
05:27je suis une grande gueule.
05:28Je ne suis pas dans le silence, quand même.
05:30Mais je reste neuro-programmé par ça.
05:33Est-ce que chaque œuvre que vous avez réalisée,
05:36chaque site, chaque bâtiment,
05:38correspond à une histoire d'amour, finalement, Rudy ?
05:40Parce que vous racontez quand même
05:42que la plus belle histoire d'amour dans ces 40 ans
05:44reste le Mucem,
05:45parce que ça a été de la fraternité
05:46et une espèce de fusion avec l'ensemble des équipes.
05:51Est-ce que chaque œuvre que vous avez créée
05:53correspond à une histoire d'amour
05:54qui, finalement, perdure dans le temps ?
06:00Lorsque je termine une œuvre,
06:02je ne vais plus la voir, déjà.
06:04C'est rare que je retourne sur les chantiers que j'ai faits.
06:06C'est très rare.
06:07Pourquoi ?
06:09Je ne sais pas.
06:09Ça ne m'appartient plus.
06:11Je ne suis pas obsessionnel.
06:12Ça ne m'appartient plus.
06:14La vie s'en empare.
06:15L'usage est là.
06:17Les complexités, même les errements,
06:19les bêtises que peuvent faire les utilisateurs.
06:21Et Dieu sait, c'est au ministère de la Culture
06:23qui sont très forts pour massacrer
06:24les bâtiments qu'on leur livre.
06:27Là, je suis très sévère.
06:28Mais on ne peut pas,
06:33si on a un peu de...
06:35J'ai envie de dire,
06:36avec un peu de pudeur,
06:38on est obligé de romantiser les situations.
06:41Avec un peu d'anxiété,
06:43on est obligé d'avoir peur
06:45de la fabrique esthétique.
06:47Le principe de beauté est un principe imprudent.
06:51Moi, je ne suis pas un rationaliste.
06:53Je ne suis pas un marxiste.
06:55Je suis un romantique.
06:56Mais dans le sens le plus catastrophique du terme.
07:01Vous voyez ?
07:01Le plus catastrophique.
07:03C'est catastrophique d'être romantique, quand même.
07:05Pour terminer,
07:06l'architecture est donc l'invention ?
07:08Et donc l'invention ?
07:10Et donc une obligation morale ?
07:13Ah !
07:13C'est déjà une loi qui est sortie
07:15qui dit que l'architecture est d'intérêt public.
07:18L'architecture est nécessaire.
07:19Et un pays qui abandonne l'architecture
07:21est un pays foutu.
07:22Et il y a des exemples
07:24dans des pays étrangers
07:26où l'architecture n'a plus sa place.
07:28Et on voit la détérioration du tissu urbain,
07:30la détérioration de l'image des cités.
07:33Et les conséquences,
07:34la perte,
07:35l'exil de la beauté,
07:37l'exil de la beauté,
07:39appelle à un tarif très, très cher
07:41à payer.
07:42C'est pour ça que nous avons besoin
07:43des architectes
07:44et des savoir-faire
07:46de toutes les entreprises.
07:47Merci.
07:48Merci.
07:49Merci.

Recommandations